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Sorts, torture, philtres : le Siècle d'Or... Âge d'Or de la sorcellerie

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Sorts, torture, philtres : le Siècle d'Or... Âge d'Or de la sorcellerie Empty Sorts, torture, philtres : le Siècle d'Or... Âge d'Or de la sorcellerie

Message par Fatum Sam 5 Oct - 16:03


Des sorciers et procès


Traduction du poème de Marjorie Agosin, « La bruja me dicen »:

Aux XVe, XVIe et XVIIe siècles – âge d'or de la chasse aux hérétiques – un certain Lemnius, mais aussi le Malleus Maleficarum, ou encore le Tractatus delle stregiis (deux manuels d'Inquisition) s'attachent à définir les sorciers et sorcières. À partir de la fin XIVe siècle, les sorciers et les sorcières se sont mis à représenter des coupables tous désignés pour expliquer les maux de la période particulièrement compliquée dans laquelle on entre (pauvreté, peste, guerres à grande échelle, contestations religieuses...).


Qui peut être cible de cette accusation ?



Avant toute chose, prudents sujets de Monbrina, gardons à l'esprit qu'en ces périodes troubles, n'importe qui peut être accusé de sorcellerie par un voisin jaloux, des rumeurs de paroisse, des croyants ou superstitieux trop zélés. Pour peu que l'on ait fait l'association de pensée entre votre présence et un mauvais événement qui n'a eu que la malchance de venir en même temps que vous... Ces accusations de voisinage et de ragots peuvent concerner hommes aussi bien que femmes. Les savants, les personnes aux idées novatrices ne sont pas épargnées non plus – au même titre que les ''phénomènes'' : les êtres tout simplement ''fous'', ou infirmes ou hors-normes (un topic est consacré à la considération et au traitement des personnes porteuses de handicap).


Les femmes : les accusées de prédilection et leurs attributs de sorcière ~



* Cependant, l'on ne va pas se mentir, l'écrasante majorité des victimes de cette chasse sont des femmes. D'un côté, celles qui pratiquent ses arts solitaires (plantes, poisons...) et de l'autre côté, celles qui participent à des rituels collectifs (sabbats...) – les deux types pouvant parfois s'amalgamer. L'image de la sorcière est étroitement liée à quatre grands pouvoirs : influer sur la santé, jouer sur les amours et aimer particulièrement le sexe, rechercher une forme de liberté, lire et manipuler l'avenir.

* La sorcière s'inscrirait du reste dans une contre-culture, par le détournement des symboles religieux. D'après les manuels, les sorcières prendraient des rituels connus et les renverseraient à la mode démoniaque : baptême inversé, serrer la main du diable, faire la procédure de l'adoubement des chevaliers mais en version satanique...

* On n'avait dit pas les enfants ! Mais si... La sorcière est souvent associée à l'infanticide. D'après une racine prétendument celtique, la « Bruja » (sorcière espagnole) viendrait de « bruyère », plante soi-disant abortive et qui véhicule des stéréotypes... « Bruja » porte aussi une hypothèse d'étymologie arabe qu'on peut traduire par : « avec » + « marque sur la plante des pieds ». En italien, la sorcière se dit « Strega » = d'après le « strix » : un oiseau au cri strident et qui suce le sang des enfants. Ovide, dans le livre 6 des Fastes, consacre cette image et donne déjà les trois stéréotypes de la sorcière : vieille femme, praticienne d'infanticides, auteures de magie noire. Pour certains inquisiteurs, le « strige » viendrait aussi du « Styx », le fleuve des Enfers. Le tout dans un large flou étymologique, religieux et conceptuel, mais tout est bon à prendre... Pétrone, dans Le Festin de Trimalchion, donne de la sorcière l'image d'une « femme et mère en inversé » : elles sont incapables d'allaiter les enfants comme doit le faire une mère (la mère nourrit l'enfant, alors que la strige / sorcière se nourrit de l'enfant et est du côté de la mort). La dévoration d'enfants serait par ailleurs un des stéréotypes des rituels pratiqués au Sabbat.

* Cette prétendue étymologie véhicule l'idée de la marque corporelle de la sorcière, idée qui va persister des siècles durant lors des procès. Cette marque est comme les stigmates des mystiques, qui les met en communion avec Jésus, mais stigmate inversé puisque dans le cas de la sorcière, c'est la signature du Diable sur elles. Cette croyance apparaît surtout au début du XVIe siècle et chez les protestants. Lors du procès, la marque fait un indice / une preuve. En piquant la sorcière à l'endroit de cette marque, l'Inquisiteur estime mener un contre-rituel : quand l'accusateur pique l'accusée, il annule la piqûre du diable. Camarades esclaves, attention ! Il est parfois arrivé que, durant un procès, l'on fasse l'amalgame entre la marque du diable... et la marque des esclaves pratiquée au fer rouge ! Il est donc bien facile de faire accuser un esclave gênant...

* Le cas particulier de la vieille sorcière... On considère que la ménopause l'empêche d'expurger le sang, et donc lui fait garder ce qu'il y a de mauvais au-dedans d'elle. Par ailleurs, on reproche facilement à la vieille femme d'être une « maligne » si elle continue d'essayer de séduire, avec du maquillage et de quoi cacher son flétrissement. La fabrication d'onguents, qu'on se transmet de mère en fille et que l'on porte encore quand on est âgée, fait donc partie de la panoplie de la sorcière.

* Le « Canon Episcopi », loi ecclésiastique du Xe siècle, a quant à lui mis à la mode la croyance en la capacité de vol nocturne des femmes – quelquefois en compagnie d'animaux.

* Parlons aiguillette enfin ! Le terme latin « Fascinum » (d'où dérive notre fascination) désigne à la fois le « sort » et le « membre viril ». Peut-être y lisons-nous l'une des origines de la croyance selon laquelle la sorcière peut causer l'impuissance sexuelle, la rupture d'un couple, le détournement des hommes de leurs épouses. L'action de la sorcière porte sur la raison, qui dans la mentalité d'alors s'oppose aux appétits naturels ~


Quelques-unes des plus célèbres « plantes de sorcières » pour vos recettes...



> Aconit-tue-loup (herbe-au-loup ; ACONITUM VULPARIA REICHENB). Sert dans les onguents contre les poux et la gale, mais ne doit pas être avalée car c'est un grand poison.
> Aconit-napel (ACONITUM NAPELLUS ; Casque de Jupiter) Très ancien poison pour les flèches et les appâts.
> Alchemille (ALCHEMILLA VULGARIS). La plante des alchimiste pour préparer la pierre philosophale...
> Belladone (ATROPA BELLADONA). Ce serait le principal ingrédient des philtres des sorcières. Avec quelques gouttes de la sève de cette plante dans les yeux, on donne un air rêveur, on rend plus prompt au caractère dionysiaque et à se jeter dans les bras des hommes... En poussant la dose, l'on a les pupilles dilatées et l'on croit alors pouvoir transformer des femmes en furies, à l'image des bacchantes. Elle entre dans la fabrication des onguents des sorcières. Saint Hildegarde (XIIe siècle) préconise la Belladone contre les névralgies et les tumeurs... mais avec un usage toujours externe, sans jamais l'avaler !
> Cigüe (CONUIM MALCULATUM) Toxicité élevée. Utilisée dès l'Antiquité pour les condamnés politiques. Au Moyen Âge, on la confond avec la Cigüe Vireuse, cette dernière n'ayant pourtant pas le même pouvoir toxique. Sainte Hildegarde met en garde contre la toxicité de ces plantes, mais les considère aussi comme des remèdes si elles sont bien utilisées, notamment comme analgésique externe. À des fins magiques, la plante devait être récoltée la nuit.
> Datura (DATURA STRAMONIUM ; Pomme épineuse) Une plante introduite par les Tziganes et aux effets très mystérieux, mais qu'on associe immédiatement à la sorcellerie.
> Doronic Romain (DORONICUM PARDALIACHES) On a longtemps cru qu'il s'agissait d'un venin mortel pour les « bêtes à quatre-pieds », mais contre-poison pour les hommes. Elle fortifierait le cœur contre les palpitations, contre les vertiges, chasse la transpiration.
> Jusquiame (HYOSCYAMUS NIGER ; fève de cochon). Prétendue porteuse de la folie et permettrait de prophétiser, d'avoir des visions. Sous cette drogue, l'on aurait l'impression d'être suspendu en l'air. Les sorciers l'emploient pour provoquer ivresses et hallucinations. Elle peut engendrer une perte de mémoire chez qui l'avale. Dans les recettes du Moyen Âge, on préconise son utilisation en vapeur contre le mal de dents, et en décoction contre les tremblements et maux d'oreilles. Au XVe siècle, on l'utilise comme chloroforme pour ses propriétés analgésiques lors d'opérations chirurgicales.
> Mandragore (MANDRAGORA OFFICINARUM). À cause de sa racine fourchue, on la relie à la sorcellerie et à des pouvoirs maléfiques sur le corps humain. On dit qu'elle brille la nuit et qu'elle pousse à partir du sperme qui tombe des condamnés à la potence... Et en même temps, la Bible en fait un don de Dieu, aux effets aphrodisiaques qui auraient permis la naissance du cinquième fils de Jacob. Sainte Hildegarde avertit des précautions à prendre pour sa récolte, pour en chasser tous les effets maléfiques et ne garder que le divin. Il faut purifier la plante après l'avoir cueillie, et la mettre à l'abri de tous les mauvais esprits potentiels. Sur le plan thérapeutique, la mandragore a des vertus narcotiques, stupéfiantes, mais aussi rafraîchissantes.
> Pavot (PAPAVER SOMNIFERUM) Usages multiples. Pouvoir analgésique et soporifique, mais peut être toxique à trop haute dose. Les effets de suc de la plante (opium) sont connus. Les nourrices en mêlent parfois à la bouillie des enfants pour les endormir. La partie « coque » de cette plante sait aussi calmer les douleurs et les hémorragies.
> Verveine (VERBENA OFFICINALIS). Considérée comme vulnéraire, détersive et consolidante. On la qualifie par ailleurs d'herbe sacrée, récoltée la nuit pour des rites purificateurs, voire dans des attouchements. La verveine est indiquée du reste en cas de jaunisse, de maux de gorge, d'ulcère, de maladie des reins ou de la vessie, ou encore contre la fièvre.


Derniers détails (Diable, procès, torture...) ~



* Au Moyen Âge et lors des siècles suivants, on distingue magie et sorcellerie. Dans le sens où contrairement à la magie, avec la sorcellerie c'est le diable qui intervient directement. On dit que c'est le diable lui-même qui suce les enfants, et pas directement les femmes comme on le croit dans l'antiquité. Ce sont des incubes et des succubes qui, pour ce méfait, interviennent auprès des femmes qui ont pactisé avec eux et avec le diable.


* Dans les procès en sorcellerie, l’Église mène l'enquête (l'inquisitio)... mais ce n'est jamais elle qui prononce la condamnation. Elle remet l'accusé au bras séculier, qui décide de son sort.


* Sur la torture : elle est exercée, mais de manière extrêmement réglementée. On prescrit un nombre précis de coups avec tel ou tel instrument, ou un temps limité, au delà desquels l'épreuve arrive à son terme... le bourreau ne se livre pas n'importe comment à toutes ses fantaisies. Un médecin assiste aux soumissions à la question, afin que l'accusé ne soit pas tué pendant la séance : la douleur doit être insoutenable, mais sans jamais menacer ses jours. Enfin dans l'esprit de l'époque, l'on torture avant tout et surtout pour que l'accusé formule l'aveu qui sauvera son âme : la question vient donc plutôt ''confirmer'' les doutes si les juges sont quasiment sûrs de la culpabilité de l'accusé et de leurs preuves... mais elle ne constitue pas une preuve pleine et entière en soi.


* Heureusement, déjà à l'époque, tout le monde ne croyait pas aveuglément tout ce que vous venez de lire ! Au XVIe siècle par exemple, Montaigne a de sérieux doutes sur ce qu'il faut croire ou non dans les affaires de sorcellerie. D'autres doctes prétendent même que le meilleur moyen de faire baisser la sorcellerie... c'est simplement de ne plus en parler autant, de ne plus attiser les langues et les esprits avec ces histoires à dormir debout.


Alors suivons ce dernier conseil... et taisons-nous ~



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