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[Flashback - Un an passé le régicide] Cartographie des nuages

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Message par Eymar Sartyre Mer 20 Jan - 11:35

Sa Majesté désirait se faire tirer les cartes. Petite curiosité intellectuelle, ou vérification du bien-fondé des dires de deux partis adverses ? Ceux qui prétendaient qu'Eymar n'y croyait pas, et ceux qui prétendaient qu'il y croyait. Fort bien. Etre appelé auprès du monarque était toujours une grâce, n'est-ce pas. Il était peut-être temps de cesser de porter le deuil, alors ? Pourtant, Eymar s'y obstinait catégoriquement. Il se présenta au royal logement le nez levé, muré dans son obstination la plus insolente, et vêtu du violet profond, sobre et à peine rehaussé de broderies pourpres, qui indiquait cette triste humeur dans la famille royale. Il pouvait parfaitement jouer avec son jeu de tarot, et cependant distiller à petites doses son venin le plus courtois.

"Votre Majesté. A votre service."

Il s'inclina avec une grâce de favorite empruntée (sans doute à sa dernière conquête, avec son éventail) et déposa dans les mains du serviteur qui lui avait ouvert la porte quelques attributs de sa condition. On ne s'assoit pas à la table du roi avec son stylet à la ceinture. Quoique ce soit un fort beau stylet, mais il le reprendrait en partant. Les fins de règne turbulentes appelaient des précautions bien naturelles parmi les heureux prédécesseurs. Il n'y avait aucune honte à vouloir rester en vie.

Enfin ! Comme si Eymar risquait de tuer qui que ce soit. Dans cette pièce, en tout cas. Et même en duel, il prenait bien davantage de plaisir à blesser. C'était plus drôle, et puis, cela pouvait amener à de jolies amitiés par la suite, ce qui n'était pas toujours le cas lorsqu'on tuait quelqu'un. Eymar ne croyait pas aux séances, et trouvait les veuves trop pleurnichardes pour son lit. Non pas qu'elles se plaignissent d'avoir retrouvé leur liberté ; mais à défaut de subir leur époux, elles l'évoquaient par toutes sortes de plaintes a posteriori. C'était à se damner.

Attendant qu'on lui indique où et si s'asseoir, le courtisan maintint une posture quelque peu compassée, à mi chemin entre la pose destinée à se faire apprécier et celle qui témoignait qu'il perdait patience. Il aurait été insolent de la montrer tout à fait, celle-là. Il aurait tant voulu une bonne certitude... Une bonne raison de haïr le souverain. Et tout ce qu'il avait, c'était sa méfiance. Pas de quoi se faire fouetter en place publique.

Entre ses mains couvertes de bagues, reflétées par le collier de perles noires à son cou, les cartes qui lisaient le destin s'articulaient déjà, formant des motifs encore invisibles. Quel destin pour lui-même ? Il ne leur aurait certainement pas confié cette question. Qu'était-il pour un souverain qu'il ne reconnaissait pas entièrement, quel imposteur cela faisait-il de lui, qui vivait ici en tant qu'invité de la couronne ? Allons, l'heure n'était pas à la philosophie, cet art qui se pratique entre amis, et avec l'aide d'une bonne bouteille.

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Message par Le Cent-Visages Jeu 28 Jan - 15:59

[Flashback - Un an passé le régicide] Cartographie des nuages Gzoral11

Gérald Der Ragascorn, roi de Monbrina (34 ans)

Une table de jeu est une fosse aux serpents. En ce jour si rare où le jeune monarque se permettait un zeste de plaisir au milieu de son labeur, il y descendit cueillir le mordant des bluffeurs et des langes vipérines. De quoi se divertir assez pour n'être pas homme plein de misères. Un an déjà. Un an qu'il s'agissait de ne pas trop se laisser hanter par le souvenir du meurtre en série qui avait fauché la dynastie précédente. Et dans son sillage choqué le royaume - à plus forte raison au palais. Ce crime, Gérald Der Ragascorn l'avait fait suivre d'une scrupuleuse enquête, soldée par dix conspirateurs écartelés ou dépecés : le crime de masse contre le défunt Clément II et ses proches n'en exigeait pas moins. Un accord tacite semblait passé au château : le droit de s'octroyer des temps de jeu pour souffler, au milieu de l'atmosphère de plomb. Le palais revêtait encore ses voiles de deuils, les courtisanes leurs robes de duègnes, les Messieurs leurs noirs pourpoints. Les plus attachés au feu souverain ne se défaisaient pas de leurs mines cireuses, tirées vers le bas comme chandelles en fonte.

Gérald congédia les sieurs avec lesquels il venait de disputer quelques manches aux cartes, pour s'adonner maintenant à un autre usage de celles-ci. En se renseignant avec soin sur chacun des courtisans présents au moment de son brutal appel au trône, Der Ragascorn n'avait pas été long à prendre connaissance des étrangers qu'il côtoierait - otages, gages des bons traités commerciaux avec le voisinage. Clément II en disposait de quelques-uns et il était hors de question de ne pas les traiter moins bien que son prédécesseur. Au contraire, ils garantissaient des liens avec l'extérieur et - plus précieux encore à ses yeux - coloraient le palais de ces touches d'exotisme qu'aimait Sa Majesté. Il se délectait de tout ce qui venait d'ailleurs avec autant de plaisir que de ses meilleurs vins : plantes dont ses jardins étaient pleins, squelettes d'animaux prodigieux, cornes, gigantesques dents, grigris sauvages... Et à l'amour de l'étranger, Géréld ajoutait le goût de l'étrange : les plus privilégiés de sa suite avaient l'honneur de l'accompagner dans son titanesque cabinet de curiosités. S'y admiraient des difformes de toutes trempes, à l'état d'ossements ou de fœtus en bocaux, de simples peintures ou de sculptures pour les plus chanceux. Les vivants - ou plutôt les vivantes : c'était comme maîtresses que Sire les savourait.
Toujours prompt à se divertir - mais autant à s'instruire - auprès des plus singuliers personnages de sa Cour, l'idée était venue au monarque de rencontrer enfin Eymar Satyre, pupille du feu Clément II. On vantait l'élégance de son corps-fuseau, la délicatesse de ses manières et la hardiesse juste assez piquante de ses danses. Mais aussi les raffinement de son esprit et de son verbe, habile à funambuler tels ses longues jambes ou ses doigts-aiguilles entre les lames de Tarot. Cela lui plaisait déjà. Quant aux cartes, le monarque s'appliquait à n'y accorder qu'un intérêt aux airs condescendant - de ceux que l'on accorde à un jeu quand on s'y prête mais en gardant en tête son caractère factice. Il faisait de même quand il s'amusait avec ses infirmes de collection. Bien qu'au fond de lui, ces créatures et activités éveillaient des choses plus profondes.

Gérald ne fut pas déçu à l'entrée d'Eymar. Beau mélange à la frontière des genres. Grâce de femme ou de gazelle. Teint d'ébène et yeux perles, aussi doux que le tissu de l'éventail avec lequel il fit son entrée. Le velours violet de son habit seyait au caractère du souverain, encore à son deuil de Clément II et ses proches... sans être pour autant le noir protocolaire. Violet, couleur de mort - couleur tout de même. Pont entre vie et tombe. Il s'agissait de toujours aimer continuer de vivre.
Eymar attendit que Gérald adressât quelques derniers mots aux ultimes courtisans sur le départ. Cascade de joyaux à ses doigts et à sa gorge. Leurs cliquetis froissaient le silence de la pièce alors que l'homme tenait une posture chaloupée de danseur, au bord de l'impertinence sans jamais la franchir. Le roi le nota. Un ourlet doucereux se forma à sa lèvre. Du défi ? Bien. Le dirigeant appréciait : sans cela, son rôle serait le plus ennuyeux de l'univers. Privé de ses bouffons, de ses drôles à l'esprit assez affûté pour lui darder l'attention, il trouverait mortellement fade de n'avoir alentour qu'obéissance.

Le souverain hocha la tête au salut d'Eymar. Les chandeliers lui dessinaient son profil fort, son long nez à la tranchante arrête, son menton imposant tenu en ciseaux par une barbe aux pointes taillées droites. Les flammèches des bougies lui vibraient dans ses larges yeux d'un intense bleu foncé. Détail dérangeant : ils clignaient très rarement, parvenant à rester longtemps d'une fixité de lame toute occupée à vous équarrir. Il désigna à Eymar un fauteuil damassé, en face de lui, autour d'une table ronde qui les séparait de tout l'éclat d'une mosaïque de bois verni. C'était là que danseraient les cartes.
Les cartes, Gérald en avait toujours fait une passion. Quelles qu'elles fussent. Celles du jeu. Mais surtout celles qu'il irait retrouver aussitôt la séance de Tarot terminée : la géographie de Monbrina et les flancs de ses voisins couchés sur papier. Le monarque y traçait de grands projets pour son royaume. Un royaume... à l'étroit dans le contour de ses frontières, comme un homme engoncé dans un mauvais habit taillé trop court pour lui. Alors que tant serait à sublimer !

-- Nous comptons sur vous pour nous traduire la langue de vos cartes, engagea-t-il.

D'un coup d'yeux tiré vers le plateau lustré de la table, et d'un geste de ses paumes ouvertes, il laissa comprendre sans même avoir à le verbaliser qu'il se tenait prêt à suivre les instructions. A tirer les arcanes comme ceci ou cela, de telle ou telle main, jusqu'à tel nombre, à les placer ainsi qu'il le faudrait. Gérald Der Ragascorn conserva un penchant d'épaules nonchalant, une longue jambe en biais sortant presque par le côté de la table : de quoi signer de son corps que ce n'était qu'un jeu. Dessiner, de ses courbes, cette parenthèse qu'il s'octroyait au milieu du sérieux de ses heures. Du haut de ses trente-quatre ans, l'homme était presque aussi grand qu'Eymar mais bien plus charpenté - jambes fines, contrastant avec un torse large et des épaules comme statue de guerre.
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Message par Eymar Sartyre Jeu 18 Fév - 14:19

Eymar avait pris place avec la rigueur d’un confesseur, et ses doigts chargés de bagues jouaient avec les coins du papier, les symboles et les promesses de dialogues inconvenants à mots couverts.

« Avant de traduire, encore faut-il écrire, Votre Majesté. »

Traduire était le métier du pupille et otage, il fallait bien en avoir un, ne fût-il que de façade. Il se faisait ombre au coin d’une salle d’audience et notait les tournures de langage des voyageurs, celles que leurs interprètes mielleux se gardaient bien de transmettre avec toute leur saveur, voire leur verdeur dans certains cas. C’était amusant, mais son autre métier d’ornement de salon l’occupait davantage, et aujourd’hui, il allait donc exercer un peu des deux.

Il avait un bel homme devant lui et, en d’autres circonstances, il aurait fait savoir sans ambages que c’était une compagnie appréciée. Non pas qu’il en aurait attendu quelque chose, complimenter n’était point collectionner. Il s’enorgueillissait d’une langue suffisamment subtile pour louer les atours et les atouts d’une silhouette, sans pour autant avoir l’air de vouloir se l’approprier tel le premier lourdaud venu. D’ailleurs, même ceux et celles qui terminaient leur course dans son lit, il ne considérait pas se les approprier. Ils reprenaient le fil de leur trajectoire par la suite, où que le destin et leurs rêves veuillent les conduire.

Les cartes commençaient à s’aligner sur la table, déposées avec une componction toute religieuse, ou des manières de mijaurée, ce qui était la même chose. Eymar aurait presque pu trouver la situation amusante : irrévérencieuse, mais en toute élégance, exactement son style.

A propos de destin, il n’y croyait pas ; il n’y voyait qu’une excuse. Et ce soir, c’était une excuse pour étudier le monarque qui, décidément, resterait juché sur ce trône. Le garçon à la voix langoureuse et aux intonations ambiguës ne s’était pas privé de chercher, par tous moyens – non, par l’esprit uniquement, mais son esprit n’en manquait pas – si quelque chose accusait le roi présent d’avoir supplanté le roi passé par le crime.

Rien ne l’indiquait. Rien n’avait surnagé. Pas même une minuscule expression du visage au coin d’un couloir peu surveillé, dans un moment de relâchement. Et il fallait se rendre à l’évidence : la main de Dieu ne s’abattrait pas en châtiment. Il allait falloir le supporter, lui et son regard perçant, ses vues étranges sur la vie, et son brio à se composer une façade respectable. Il était solide comme une colonne de marbre et c’était sans doute mieux pour le royaume.

La vérité, c’est qu’il n’avait aucune envie de s’y attacher. Il l’avait fait avec son prédécesseur et il en avait diablement souffert. Son esprit encore jeune reniait toute image de mentor, par chagrin d’avoir perdu le premier, et se raidissait dans une posture indépendante affichée, qui serait sans doute plus clémente pour ses sentiments navrés. Il était plus facile de haïr. Il aligna enfin les cartes qui les représenteraient, lui-même et sa Majesté, dans le domaine des astres ; un portrait que traçait le sort, pour l’ici et maintenant. Et comme à son habitude en pareil cas, il préféra ne pas donner d’indications sur leur interprétation tout d’abord.

« Vous aimez vos cartes ? Le sort les donne et ne les reprend pas. Il faut s’en accommoder telles qu’elles sont. Mais une rébellion peut aussi avoir son intérêt… C’est parfois plus révélateur qu’une acceptation aveugle. »

De même pour une insulte perçue, un manque de respect, une taquinerie... les cartes n'avaient pas d'âme, ni d'humour, pas plus que la mort. Leurs constellations et leurs alignements n'étaient qu'un kaléidoscope toujours recommencé. Mais peu de ses camarades de séance savaient le regarder la tête froide. Il était curieux de voir réagir le monarque, autant et plus sans doute que ce dernier n'était curieux de voir parler le jeu.
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Message par Le Cent-Visages Ven 26 Fév - 15:42

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Gérald Der Ragascorn, roi de Monbrina (34 ans)

Sans mentir, Gérald préférait ce genre de confesseur aux officiels, tout engoncés dans leur noire soutane et leurs ceintures de discipline. Les exigences de la charge le poussaient à devoir donner toutes les apparences de la piété, alors que dans le secret de ses cabinets le jeune monarque tenait des rendez-vous qui n'auraient pas nécessairement été du goût des religieux. Ces derniers lui demeuraient utiles et il ne jouait leur jeu que pour la carotte que leurs prêches tendaient aux sujets de Monbrina.

-- Écrivons, Eymar, approuva-t-il.

Le dessin des cartes sr forma sous son regard, au gré des longues mains agiles du pupille. Il maniait savamment ses arcanes, avec la respectueuse concentration mise dans son art. Les yeux très noirs et très profonds du Mornoïte suivaient ses gestes rituels, avec de ces manières qu'on avait d'ordinaire à manier l'encensoir... ou l'éventail parfumé lors des cours de fin' amor. Oh dans les deux cas, dupe et séduction étaient de la partie. Aussi Der Ragascorn accorda-t-il ses expressions quelque part entre assez de gravité pour le cérémonial, assez de légèreté pour demeurer dans son rôle d'homme au-dessus de ses jeux, quoique prenait le bon plaisir de s'y adonner.

Tension et relâchement se répondaient au gré de la subtile partition menée par Eymar. Enfin parurent les cartes tirées par l'un et l'autre dans leur face à face - ou duo ? La Grande Prêtresse d'abord : une femme garante d'un savoir supérieur. Voilà qui ne déplut pas au roi. Puis le Magicien. Tiens donc. Là encore, les serviteurs du dieu aigris et grands joueurs avec les ressentiments de la plèbe grimaceraient à cette figue. Mais que signifierait-elle ? L'Amoureux suivit. Gérald pouvait-il l'être encore ? Oh il prenait du plaisir, s'octroyait quelque contentement auprès de sa collection de monstres désirables, quand le reste du temps il devait se plier en tout à la rigueur dont il fallait faire comédie. Y avait-il une place pour l'amour au milieu de tout cela... Eymar quant à lui découvrit l'Impératrice - tirage décidément fort féminin - suivie de la Fortune et de l'étoile. Ces dernières évoquèrent immédiatement au souverain la roue de Fortune qu'il s'agissait de faire tourner à son avantage. Et le regard nocturne de quelque présence féminine et mystique au-dessus de ses actions. Les étoiles comme autant de percées dans le tissu du ciel pour lui lancer du défi.

-- Que j'aime ou que n'aime pas, répondit-il en passant à la première personne dans la proximité qui s'installait - l'homme était là davantage que le roi, je reçois ce que le destin donne et jouerai avec.

La rébellion lui semblait plus intéressante quand elle partait de la donne de Fortune. Comme un pacte - ou un défi là encore ? - avec elle. Il lui sembla vain de rejeter de bit en blanc ce que le sort avait fait émerger. Plutôt le recevoir et le connaître dans un premier temps. Serait-ce de l'acceptation aveugle ou plutôt une marque de patience. Recevoir, analyser, jusqu'à ce que vienne l'heure de l'action. La remarque d'Eymar lui étira toutefois un début de sourire - complice ou suspicieux, difficile à dire.
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Message par Eymar Sartyre Lun 29 Mar - 12:59

Saviez-vous que les éventails sont parfois des armes ? Substituez aux lames de bois des lames d’acier tranchant, apprenez quelques mouvements qui font mouche, et vous pouvez parer en ayant l’air d’être venu les mains nues… ou trancher une gorge.

Eymar collectionnait ces articles saugrenus, issus de cultures exotiques. Celle dont il était originaire pratiquait le travail de l’acier avec un art quasi religieux, et il en était fasciné. Cette matière qui formait des volutes noires à la surface du métal, comme pour y dessiner d’anciennes rivières devenues feuillet tranchant, réunissant en une alchimie inattendue mille facettes de la réalité, était aussi juge de la vie et de la mort ; et elle pouvait même justifier une négociation diplomatique, par la peur saine qu’elle inspirait à sa seule vue. Autant dire que c’était une magie polyvalente en toutes circonstances. Enfin, on pouvait s’en vanter comme d’un bijou.

Il était cet éventail d’acier en ce moment, à la fois délicat et courtois, esthétique et doucereusement menaçant. Non pas qu’il s’apprêtait à égorger le monarque ; il estimait avoir autre chose à faire de sa vie, qu’il espérait longue. Mais sa lance était acérée. Il souriait aux cartes que ce dernier retournait, et il ne comptait pas l’épargner. Pour autant, il n’inventerait rien, et chercherait une réelle cohérence entre les concepts alignés.

La Grande Prêtresse, un livre retourné à la main, se plongeait dans sa lecture, entre deux colonnes qui l’isolait des fantaisies du monde. Excellente entrée en matière. Que ce soit pour leur séance, d’ailleurs, ou pour le règne de messire en général.

« Le savoir est à la portée de tous, il suffit de le saisir, d’aller au fond des choses, et elles dévoileront leur vérité. Pour cela, il faut ignorer les distractions mondaines et s’adonner à une activité mentale harmonieuse, sereine. Il s’agit du savoir des choses passées, concrètes, non d’une élévation spirituelle et divinatoire. Je dirais que c’est une carte assez encourageante, mais en même temps, qui invite à l’apaisement. »

Le magicien était un jeune homme debout derrière un simple tréteau, où s’alignaient le matériel nécessaire à un tour de passe-passe. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, les cartes employaient des symboles tout à fait concrets et terre à terre ; c'était leur symbolique qui s'élevait vers des sphères plus fantastiques.

« C’est d’un magicien de foire qu’il s’agit, à nouveau ça n’a rien de mystique. Vous savez, celui qui fait circuler des gobelets sous lesquels se cache une bille… C’est une carte symbole d’enthousiasme, l’enthousiasme des débuts. On pourrait la résumer par une phrase. « Le nouvel initié se doit de progresser. » Il a des outils devant lui et il lui appartient de se transformer soi-même afin d’en faire bon usage. On l’appelle le magicien, mais c’est un apprenti sorcier. »

Le tireur de cartes releva les yeux pour sourire gracieusement à son vis à vis. Le royal visage semblait prêter une attention fort flatteuse à ces propos sans conséquence. Et il n’avait visiblement pas encore décidé que les provocations étaient allées trop loin. Eymar précisa, en remisant de côté la carte du magicien :

« Cette carte sert parfois d’exercice pour ceux qui apprennent à méditer sur ces cartes, c’est la première que l’on présente. On peut suggérer qu’elle symbolise une entrée en matière, de façon générale, et une curiosité juvénile à l’égard de ce que l’on commence à découvrir. Mais elle représente aussi l’unification d’un infini que l’on commence à appréhender. La vue d’ensemble, en quelque sorte, une fois que l’on a gravi la montagne. »

Enfin, l’amoureux était un homme bien vêtu, semblable à celui qui sur une autre carte symbolisait l’accès une nouvelle dignité ; il était placé entre deux femmes séduisantes qui lui tenaient les mains, l’une voilée, l’autre dévoilée, chacune offrant visiblement des charmes bien différents. Elles étaient les deux vies qui lui tendaient les bras, à cette croisée des chemins. Eymar la poussa en avant avec un petit sourire. Bien souvent, les gens la prenaient au pied de la lettre : allaient-ils rencontrer l’amour avec deux femmes à la fois ? Tromper leur épouse légitime avec quelque délicieuse catin ? Non, il ne s’agissait pas de chair ici, mais d’un avertissement.

« Accéder à une dignité suprême n’est pas une fin en soi, cela place en face de choix draconiens et d’évolutions inattendues, au cours desquelles la prudence est de mise. A chaque moment, les valeurs affichées pour mériter cette dignité seront testées et mises à l’épreuve par diverses tentations. »

Il était temps de tirer un bilan des trois cartes, un portrait de qui les avait retournées, et ce ne serait pas trop difficiles. Un sourire de renard aux lèvres, le jeune courtisan chercha les mots les plus fleuris pour dépeindre ce qu’il avait sous les yeux, mais il aurait pu laisser le monarque le faire lui-même ; rien n’était plus clair, ni plus clairement ciblé. On aurait dit que le jeu était truqué.

« En somme – les cartes vous le disent, pas moi – vous êtes un apprenti sorcier confronté à des tentations qui pourraient s’avérer dangereuses, à des choix que vous pourriez être amené à regretter ; et vous devez vous octroyer des moments de réflexion, à l’écart de toutes ces tentations, pour accéder posément à la sagesse que vous apportera cette place qui est la vôtre. J’imagine qu’elles vous conseillent un règne avisé et à l’écart des mauvais conseillers. »

Il fallait maintenant passer à ses propres cartes. Et le sourire d’Eymar s’évanouit aussitôt. Apparemment, ces petites futées avaient décidé de piquer amicalement tous leurs manipulateurs, aujourd’hui.

L’impératrice siégeait dans toute sa gloire dorée. C’était l’assurance d’une jeune personne sûre de sa maîtrise, aux arts qu’elle s’était choisis. Elle avait la capacité de créer et en tirait un légitime orgueil. Il se reconnaissait bien là-dedans.
La fortune avait une résonance un peu plus ironique, dans leur situation présente.
Un cycle était à l’œuvre, une étape avait été franchie, et quelque chose avait été compris : une sagesse répétitive, un mouvement équivalent à celui des saisons. Un changement avait été acté. Ce qui était accompli s’inscrivait maintenant dans le rythme éternel du temps, et une nouvelle page pouvait s’écrire.
Enfin, il y avait l’étoile. La pire peut-être.
L’espoir. La capacité d’évoluer, d’être pareil à l’eau vive. Cette carte s’articulait à celles que l’on tirait avec elles. C’était donc un espoir lié à la Fortune, une illustration de l’éclairage qui pouvait s’y associer : le changement qui avait été acté n’était pas une chute, mais une voie à suivre avec le sourire.

Il résuma en quelques phrases, touchant les cartes tour à tour : « Je suis sûr de moi et de ma réflexion, mais une page s’est tournée et il faut que j’y focalise mes forces pour progresser. Ma foi, je ne vois guère sur quel autre changement cela pourrait porter que sur le changement de visage sous cette couronne que j’ai servie. »

Ses lèvres se pincèrent, tout son buste se détourna et il croisa les bras, dans une allure générale de bouderie pensive. Il aurait pu mentir, mais cela ne lui aurait rien apporté.

« Je vous en prie, tirez maintenant deux cartes : l’une représentera ce qui s’oppose à vous, et l’autre, votre meilleur allié. Voyons si nous arrivons à reconnaître quelques grands seigneurs ou quelques nobles dames de votre entourage. »

Le roi pouvait également se prêter à la taquinerie, et tirer deux cartes semblables pour Eymar, mais en ce qui le concernait, il ne tenait pas réellement à en savoir davantage : il était agacé, et il le montrait sans fard. Dommage de ne pas pouvoir faire de caprices, en cette royale compagnie les caprices étaient résolument réservés à celui qui partageait la séance, si bon lui semblait tôt ou tard de jeter le jeu à terre, ou autres gamineries.
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Message par Le Cent-Visages Lun 12 Avr - 22:20

[Flashback - Un an passé le régicide] Cartographie des nuages Gzoral11

Gérald Der Ragascorn, roi de Monbrina (34 ans)

Si les cartes étaient le Texte et Père Eymar Sartyre le curé, venait l'heure du prône. Interprétation de ce qui est écrit. Dans son habit violet digne de grands moments de la liturgie, le courtisan engagea sa danse des doigts entre les lames - celles du Tarot après celles de son éventail. Puis celles de ses mots. Cela tenait de l'art, de l'habileté des mouvements de frappe ou d'esquive. Du jeu, aussi - comme la religion en réalité, et il appartiendrait au monarque de s'en rendre maître. Droit divin. Il entendait l'exploiter. Pour l'heure, qu'un autre jeu ait son intérêt.
La Grande Prêtresse. Il apprécia qu'Eymar lui parle de savoir - plus encore de savoir concret. Gérald Der Ragascorn n'était certes pas exempt d'intérêt curieux pour l'occulte et l'avenir, cependant les choses bel et bien arrivées et le savoir bel et bien acquis devaient être ses appuis. Le surnaturel, il le garderait pour donner aux sujets la carotte et le bâton - ce qu'il fallait d'espoir, de jugement divin et de faste de l'Eglise, afin de les avoir dans la bonne direction. Le jeune roi sourit : pas question de cesser de s'intéresser à toutes ces sciences qui l'interpelaient depuis toujours. Géographie, histoire, mécanismes, arts de la guerre, tératologie, un peu de philosophie, de langues anciennes... Quant aux distractions mondaines, elles froissèrent son front sous la réflexion qu'il se faisait : il ne les voyait pas comme telles, mais faisant partie intégrante de son travail. Nécessité de paraître, d'apprendre à connaître sa Cour sous les allures du jeu et du miel.
Les paroles du pupille quant au Magicien le firent sourire en coin. D'aucuns auraient jugé insolent ce double langage. Une susceptibilité toujours à l'affût du moindre mot contre soi n'aurait pas manqué d'y voir une pointe affûtée contre la tête couronnée, si jeune à ses fonctions, jouant au dirigeant comme un bateleur avec ses tours de passe-passe et ses billes. Oh, peut-être serait-ce là aussi ce qu'Eymar cherchait à lui dire, il en avait conscience. Il le reçut cependant de bonne grâce, trouvant du vrai en sa lecture : oui, il était jeune. Il apprenait encore les tours. Et sa Cour avait quelque chose d'une foire même si son office était d'y jouer avec sérieux - mais cela n'était pas pour lui déplaire. Pourtant, une autre partie de lui-même voulait croire très gravement en sa mission en tant que nouveau souverain : se vouer entièrement à offrir à Monbrina une grandeur inégalée. Qui à faire pour cela l'acteur. Le bateleur.

-- Magicien. C'est comment on le nomme qui lui confère donc tout son pouvoir, sourit-il : le mot créait grandement la chose, au commencement était le Verbe. Il devrait maîtriser le langage largement autant que ses courtisans sur le fil. Et pendant que le mot performe pour lui - il aimait ce double sens de la parole performative, créatrice et comme en performance à l'image de ce bateleur - lui est encore un apprenti, mais il sera un jour sorcier. Heureusement, ceci n'est qu'un jeu : qu'il le soit sans risquer de rôtir.

Il s'imaginait parfois sorcier. Ceux-là que la morale honnissait mais qui fascinaient. Et il devrait se mettre le clergé en poche. Comme ses infirmes, les sorciers relèveraient eux aussi de ses intérêts davantage dissimulés. Et puis, par moments ce qu'il aurait d'affaires entre les mains, à l'instar de ces cartes ce ne serait aussi qu'un jeu.

-- Tout cela commence, en effet. Comme notre siècle qui découvre enfin par les mers et par l'espace l'infinité de l'univers, se prit-il à rêver après le commentaire du pupille quant au message initiatique du Magicien. L'infinité de l'univers, cela l'appelait comme une ivresse. A tout découvrir, à tout jouer, à maîtriser le plus possible.

Un roulement d'yeux d'Eymar. Comme aux aguets de n'avoir pas franchi la ligne - moqueur peut-être ? Mais le roi ne se serait pas privé de la suite. Puis dans la mesure où nul danger ni agacement n'était venu, l'homélie reprit. L'Amoureux le surprit davantage. Lui qui avait naturellement pensé à ses inclinations amoureuses - au repos précieux en compagnie de ses monstres désirables, entrant en tension avec son obligation de mariage de raison - entendit Eymar l'entretenir d'un tout autre sujet.

-- Je suis donc bien apprenti, concéda-t-il en bon joueur en rebondissant sur ce qui s'était dit un peu plus tôt : je songeais aux amours. Encore qu'il puisse s'en trouver dans tous les domaines où l'on a à choisir.

...Puisqu'il était question de choix et de tentations. Décidément, l'on en revenait à la religion. Les tentations, Gérald dans sa voracité de savoir et de possessions devait reconnaître y être confronté. Ce n'était pas faute à ses précepteurs de lui avoir rabâché les trois "libido" de Saint Augustin dont il devait se garder : celle du savoir, celle du plaisir, celle de la domination. Il acquiesça aux interprétations d'Eymar : en effet, il s'était toujours dit que sa fonction et ses valeurs morales ne vaudraient que comme outil pour ce qu'elles serviraient. Que la fin appelle et justifie les moyens, pourvu que cette fin soit grande, belle, supérieure. Quant à choisir, cela allait devenir son quotidien. Or étonnement il se retrouva davantage dans la femme voilée que dans l'amoureux : garder le fond de ses pensées pour lui, toujours pour lui, derrière le voile des valeurs qu'il afficherait. Un roi devait se séparer en deux.

Il sourit ouvertement, ne se montrant pas dupe de son joueur "ce sont les cartes et pas moi", aux conclusions du jeune sieur Sartyre. Ses yeux très bleus et qui clignaient toujours aussi peu parcoururent une dernière fois le tableau global.

-- Je souhaite que vous ayez raison et d'être toujours bon conseilleur. Quant au danger, car je sais que régner ne va pas sans lui toujours à mes côtés, il me semble apte apporter lui aussi une forme de sagesse autant que des moments de calme réflexion.

Sa promesse. Aller au dangereux. A l'inexpliqué. Au bizarre. Au menaçant. A l'extérieur du pays aussi bien que dans sa Cour qui ne manquerait pas de périls sous des airs flatteurs : les débusquer et les maîtriser constituait un exercice tout aussi formateur à sa sagesse de roi, estima-t-il, que de se retirer au repos pour quêter la mesure. Il fallait la folie.

Quand il en fut fini de la partie le concernant, Gérald croisa les jambes et écarta les mains avant de frapper d'un coup net de ses pommes l'une dans l'autre, en un geste flou quelque part entre un applaudissement - puisque les mots performaient - et un "ma messe est dite". Son intérêt toutefois fut loin de décroître et il se pencha volontiers, sourire aux lèvres, au-dessus des lames tirées par Eymar pour lui-même. Le pupille parut se tendre quelque peu. Et s'il y croyait un peu tout de même et redoutait un tantinet ce qui allait arriver ?
L'Impératrice. Ainsi donc pour tous deux, les cartes auront ouvert le bal sur des figures de femmes au grand pouvoir. Une seconde, le jeune monarque s'amusa à s'imaginer presque bouté de son trône. Quoi que : qui avait le dernier mot de la Grande Prêtresse et de l'Impératrice ? Qui légitimait l'autre ? Puis la roue de Fortune, qui un jour pouvait vous faire tout et le lendemain plus rien. Gérald avait bien conscience d'incarner un de ces tours de roue pour Eymar, lui d'abord si chéri de feu-Clément II. Oh, mais pour l'heure il n'y avait nulle raison que la roue tourne mal pour le pupille en cette nouvelle configuration. Qu'y aurait-il du reste de cyclique - ennuyeusement ou dangereusement cyclique - dans cette image de roue ? L'étoile enfin. Pleine de promesses pour Eymar. En quoi brillerait-il ? Et en quoi tenterait-il peut-être de darder ? Gérald avait eu déjà plus d'une fois, et aujourd'hui encore, la démonstration de son esprit affûté. Cela lui plaisait. A lui de tourner en sa faveur. Au moins pouvait-il se réjouir : il n'y avait nul plaisir à être bretteur contre des sots. Ni à être entouré d'idiots. Des gens aussi talentueux que potentiellement dangereux autour de lui - autant d'étoiles, et le Soleil - s'avérait bien plus stimulant et formateur de sa future sagesse.

Il ne put qu'acquiescer à ce que disaient les cartes, ou ce qu'Eymar leur faisait dire : oh oui, il était sûr de lui - ou en donnait toutes les apparences du moins - et talentueux à jouer avec les cordes fines de son corps et de ses mots. Il se redressa gravement devant ses lèvres plissées et son mime de bouderie pour introduire théâtralement le souvenir de Feu-Clément II : Eymar l'évoquait sans détour - voilà qui était audacieux - avec une apparence de jeu. Néanmoins, Gérald pouvait deviner une peine plus sincère que cela déguisait, quand il savait l'harmonie qui avait fini par résonner entre le défunt roi et le pupille. Il resta silencieux et grave l'espace de deux secondes, pause de deuil au milieu de la performance. Respect de la mémoire du prédécesseur disparu, que la Cour et lui-même n'avaient pas manqué d'observer une année durant vêtus de noir.

-- La Fortune fut tragique. souffla-t-il, doigts croisés. Et selon la définition consacrée, tout dans la tragédie devait être. Et cela restait pourtant jeu et théâtre. Appréciable paradoxe sur lequel Gérald aimait parfois méditer. Mais un roi est mort, vive le roi. Mon visage n'est rien : seule la couronne demeure.

Il retrouva une mine plus amusée à l'invitation d'Eymar à tirer deux nouvelles cartes. Amis et ennemis. Intéressant. La main royale s'exécuta. Apparurent l'ermite et le pendu. A croire que l'on demeurait finalement dans le funèbre... Oh, une mort rieuse néanmoins, avec ce pendu qui lui tirait la langue. L'ermite... un homme a première vue hors du monde, taiseux, enroulé sur sa petite lumière le long de chemins noirs ? Sa femme si enfermée et secrète ? Le pendu à la langue bien pendue : et si l'ennemi était un mort qui lui riait au nez ? Il laissa là ses premières réflexions à chaud et verrait bien.

-- Pour faire bonne mesure, ajouta-t-il soudain en tirant deux autres cartes : Pour vous, déclara-t-il en les présentant à Eymar, avec le soin laissé de les découvrir.
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Message par Eymar Sartyre Ven 7 Mai - 11:39


« Je suis orphelin comme le peuple, mais… blâmez mon sang barbare et par trop émotif : je suis moins rapide à changer le visage sur mes monnaies. »

Ce qui aurait pu être traité comme une offense n’était qu’une figure de style, une façon de s’épancher avec la discrétion élégante des deuils royaux ; après tout, n’était-il pas lui aussi un rejeton de ligné divine, semblable à ces petites princesses que l’on envoie par-delà l’horizon pour les marier à quelque couronne inconnue, dans l’espoir de tisser des alliances ? Et n’étaient-ils pas égaux sur le plan de certaines responsabilités sacrées, même si Eymar les fuyait de plus en plus, ravi de n’avoir rien à commander ni personne à faire tuer sous ses ordres ?

Il y viendrait, l’armée l’appellerait tôt ou tard. Il profitait de son insouciance d’ici là. Et il cherchait qui il pourrait bien être, comme on pioche parmi un paquet de cartes. Cette réconciliation autour de laquelle il tournait avec la prudence d’un renard autour d’un feu, toujours fuyant et toujours attiré, c’était le rétablissement d’une protection autour de laquelle il avait commencé à construire sa jeune âme. Une complémentarité sans laquelle il n’était peut-être rien ; mais il était trop enfant encore pour que ce vide lui donne le tournis. Il pouvait toujours espérer s’y envoler.

« Il y a une chose à savoir, concernant l’Ermite : on l’appelle aussi le Temps. »

Désignant la première carte, il en détailla du bout de l’ongle la silhouette caractéristique. Mais il regardait le visage qui lui faisait face. Derrière les prunelles de Sa Majesté, il devinait l’étincelle de la réflexion, qui suivait son cours en secret. Avait-il déjà des visages à l’esprit ? En se basant sur l’apparence de la carte, on aurait pu imaginer quelque vieux moine vivant hors des villes, quelque confesseur l’ayant reçu pour une retraite religieuse, par exemple. Mais en décortiquant la symbolique de la carte… Alors, mille autres visages mystérieux se dessinaient.

« Il faut voir sous sa cape pour être éclairé par sa lanterne : autrement dit, il faut distinguer ce qui est caché pour que le Temps offre un enseignement. Il dit la vérité, mais elle peut être cachée. Cette carte conseille la patience et l’introspection. C’est aussi un ermite, un solitaire, donc on peut conclure qu’une compagnie humaine trop tapageuse gêne cette quête spirituelle, et que l’âge apprend à démêler ce qui semble au premier abord embrouillé, à éclairer le monde et ses énigmes. J’aime bien cette carte, car elle me rappelle à quel point il est agréable de décrypter une information qui était cachée. »

Ce n’était pas à Eymar de pointer celui que la carte suggérait. C’était à son royal client. Celui ou celle, d’ailleurs ; la barbe grise ici ne symbolisait que la sagesse – et puis, il y avait des dames à barbe grise. Mais pas à la Cour, certes. On en inviterait peut-être, un de ces jours, quelque chose lui disait que cela intéresserait ce roi curieux.

« Votre allié est sans doute quelqu’un qui vous invite à une réflexion solitaire et paisible, sur le long terme, voire à cacher vos secrets habilement pour que seuls ceux qui en sont dignes les perçoivent. Et votre ennemi, c’est l’inverse : quelqu’un qui vous propose des expériences ...plus amusantes, plus immédiates ; un autre type d’enseignement, dirons-nous. Je vous laisse seul juge de les reconnaître. »

Il approcha la carte du Pendu, avec un petit sourire en coin qui laissait deviner à quel point celle-ci lui était plus sympathique. La réflexion méditative, c’était très bien cinq minutes, mais dans cette carte du pendu, il y avait les plantes que l’on fume pour voir des couleurs inédites, les alcools qui font rêver les artistes, et toutes sortes d’autres expérimentations, de celles qui font rougir les marquises. Et c’était clairement sa voie. Il espérait ne pas être le futur ennemi de Sa Majesté, ce serait très ennuyeux ; néanmoins, il s’appliqua à peindre un portrait clair de la personnalité en question.

« La pendaison symbolise une séparation entre le corps et l’esprit. En laissant le corps derrière soi, dans l’ivresse par exemple, les limites matérielles cessent d’entraver l’esprit, ou l’âme, comme le diraient d’autres personnes… Ce qui lui permet de s’initier à d’autres perceptions, de se réaliser sous une nouvelle forme. Personnellement, j’aurais dessiné un papillon. Mais il faut dire que c’est un motif qui me tient à cœur. »

« Quant à moi… Eh bien, si la Force correspond à mon meilleur allié… Est-ce que je connais quelqu’un qui tire une puissance infinie d’une passivité souriante, en contrôlant ses impulsions animales ? Quelqu’un qui domine par la douceur et la sérénité ? Qui sait si ce n’est pas un portrait de l’épouse de Votre Majesté, c’est en tout cas un portrait royal. Par un caprice de mon cœur, je pense naturellement à ma mère, mais ne nous illusionnons pas sur ce sujet : elle m’a vendu, cette certitude surpasse tous les faux souvenirs que je pourrais me composer. »

L’espace d’un instant, l’éclat d’une colère sourde avait brillé sur le visage ordinairement gracieux du jeune courtisan. Il avait l’air, en cet instant, de quelque fée d’abord fragile qui aurait pu ouvrir par force la gueule d’un lion, dans un accès de rage magique. Mais il se calma aussitôt en se jetant sur la carte finale, avec un petit sourire amusé ; il n’était pas étonné par celle là, ou s’il l’était, ce n’était que par son exactitude.

« Et pour ennemi, il faudrait trouver quelqu’un de moralisateur, je crois. Cette carte met en garde contre les passions et les excès, en menaçant de malheur quiconque va trop loin, y compris dans la réussite. C’est quelqu’un de négatif : il rappelle que même la victoire peut devenir une malédiction si ses acquis matériels échappent à la maîtrise de soi. C’est drôle… ce prêcheur pourrait être votre Ermite, mais considéré d’un mauvais œil par le petit diable que je suis. »

Remisant sur le côté les cartes déjà consultées, qui commençaient à former deux portraits assez détaillés, Eymar revint à la pioche centrale. Il ne restait plus que quatorze cartes. Il divisa le paquet en deux piles de sept, et les posa côte à côte, sans déterminer lui-même laquelle lui était destinée, et laquelle à son illustre souverain. C’était l’avant-dernier moment de vérité.

« Je vais prier Votre Majesté de tirer deux cartes pour son passé, et deux pour son avenir. Et puisque je suis invité à me dévoiler moi aussi, qu’il en soit ainsi. Je n’ai rien à cacher, » sourit le jeune courtisan en levant la carte de l’Ermite, avant de la replacer dans le paquet des cartes déjà invoquées.

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Message par Le Cent-Visages Dim 13 Juin - 21:58

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Gérald Der Ragascorn, roi de Monbrina (34 ans)

L'ermite et le pendu. Et ce fut de nouveau à Eymar de parler. Par énigmes - les siennes ou celles des cartes, ou mélange des deux. Les traits d'orphelin que se donna le courtisan n'étonna guère Gérald : il l'était, de famille et de pays, depuis sa venue auprès de Clément II. Ce visage qu'il peinerait à effacer si vite des pièces de sa mémoire - soit. Après tout, ne portaient-ils pas encore à la Cour le deuil de feu-le roi ? Autant se montrer acceptant ce même deuil dans les esprits quoique dans les faits, tôt ou tard le nouveau visage s'incrusterait de toutes parts.
Il suivit le doigt d'Eymar le long de la silhouette voûtée de l'Ermite, de sa lanterne, de sa vieille cape, et écouta. L'allié serait donc cette figure pointant à la fois sa lumière et les choses cachées, alors même qu'il avançait en solitaire. Le temps fera son œuvre, voulut croire le jeune souverain, pour lui permettre de discerner celui qui, de ses proches, ne serait peut-être pas son courtisan le plus flamboyant mais un allié éclairant et discret. Il ne fallait du reste pas seulement l'attendre : il faudrait participer à le créer. Construire une relation de confiance - ou du moins en donner tous les airs - avec quelqu'un qu'il jugerait disposer de qualités assez intéressantes pour en tirer bien des conseils avisés, bien des renseignements. Mais aussi quelqu'un pour qui désirerait l'estime royale. Créer ce besoin.

Resté silencieux - et presque en posture dévote - devant l'ermite, Gérald esquissa lui aussi un petit sourire devant la carte plus amusante du pendu. C'était moins le supplice que l'air joueur du personnage qui appelait son regard. Il lui apparaissait un peu comme un enfant, lorsqu'ils jouent à se balancer aux arbres, détachés de toute réalité. Il questionna du reste la lecture qu'Eymar donnait de ce personnage - séparation du corps et de l'âme, esprit au choix. Quoique âme et esprit ne lui paraissaient pas s'exclure nécessairement mais pouvaient s'associer. Un siège de la raison, de la logique d'une part - et de l'autre cette entité mystérieuse dont certains scientifiques s'essayaient à trouver le siège, mais dont la réalité laissait le monarque sceptique. Quant au dualisme, un autre concept que Gérald ne rejoignait pas pleinement : comment séparer ce qui s'influence tant l'un l'autre et compose - dans leur association souvent houleuse mais non moins essentielle - ce qu'un individu est pleinement ? Devait-il comprendre l'ennemi comme un être à ce point détaché des réalités matérielles - et de la matière de son corps - participant pourtant à faire un être autant que son esprit, et prétendue âme ?
Le papillon toutefois, cela lui plut par certains aspects symboliques de la discrète créature. Il détacha son regard des cartes pour le relever vers Eymar comme pour chercher à lire.

-- Un si petit animal dont, dit-on, un battement d'aile peut causer des tourbillons bien loin de chez lui. Mais aussi fragile et éphémère qu'il peut être jeteur de tempêtes. Intéressant. Et très beau du reste : j'en ai quelques-uns dans ma collection.

Séchés pour y vivre éternellement, vivre dans la mort. A la pointe d'une épingle pour être contemplés et étudiés à la fois. Mais déjà arrivèrent les paroles brodées autour des cartes concernant cette fois-ci Eymar lui-même. Il haussa un sourcil à la mention de sa jeune épouse. Elle, l'alliée de la royale pupille ? Comment devait-il interpréter cette insinuation ? Il opta pour une énième parole un peu funambule sans réalité inquiétante derrière. Le contrôle des pulsions, cela dit, il le lui accordait volontiers. Des siennes propres peut-être mais aussi, il devait l'admettre, de celles de son royal époux que souvent elle apaisait, raisonnait, harmonisait. La passivité en revanche, cela ne lui ressemblait pas - ou seulement dans les apparences : il appréciait souvent de l'entendre donner son opinion quand, très secrète qu'elle était, elle osait le faire. Gérald l'y invitait avec plus ou moins de succès. En revanche, il y avait un domaine, surtout, dans lequel pour le coup elle n'avait guère d'autre choix que cette passivité souriante soulignée par le pupille : l'acceptation du vivant cabinet de curiosités auprès duquel Gérald prenait son plaisir. Assez toutefois : la carte ne désignait sans doute pas sa reine. D'autant que le ton plus coupant d'Eymar le tira de ses pensées et lui fit entendre ses blessures : sa mère. Vendu. Et le visage du courtisan fêlé de colère - et si celle-ci était précisément la forte où il puisait ? Ce qui appellerait à une vigilance certaine.
Un sourire en coin lui vint quand le pupille se qualifia de petit diable - diable qui aurait pour ennemi le moralisateur que lui, roi, aurait pour allié en la figure d'un ermite. L'ensemble du tableau ne manquait pas de saveur pour lui qui ne faisait que peu de cas de la religion et de sa morale. Il serait toutefois bon d'en tirer le jus et les apparences utiles à gouverner. La figure du diable cependant ne lui était pas sans attrait, loin s'en fallait. Le plus bel ange, le révolté, venant diviser un ordre préexistant. Mais sous ses apparences d'adversaire à Dieu, ne lui était-il pas de la plus grande utilité ?

Cette fois-ci, Gérald fut beaucoup plus silencieux que lors des précédents dévoilements. Il acquiesça quand Eymar l'invita à tirer les dernières cartes puis s'exécuta. Quatorze lames. Comment leurs messages et attributs seraient-ils distribués à l'un et l'autre ? Pour sa tête couronnée vinrent l'Impératrice et le Pape - carte qu'il se retint d'accueillir d'un rictus quand bien même il se doutait qu'elle signifiait bien davantage, voire autre chose, que la simple fonction des héritiers de Saint Pierre. Puis la justice. Et enfin, comme un couperet, la mort. D'aucuns auraient de quoi s'en inquiéter. Gérald préféra voir la mort de quelque encombrement en lui, pour permettre la naissance d'autre chose. Eymar lui en dirait davantage. Pour ce dernier justement parurent la maison-dieu - fracassante avec cette tour et ses éclairs, suivie de la tempérance, du chariot et ses deux coursiers, le lune enfin. Les jeux étaient faits. Qu'en tirer à présent ? Son regard interrogateur remonta du motif vers le visage du pupille au regard si nocturne - comme de ces cieux où la Lune prend tout son pouvoir.
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Message par Eymar Sartyre Lun 26 Juil - 12:08

Le passé de sa majesté rassemblait un couple de pouvoir. Une origine prestigieuse s'il en est, même s'il s'agissait de parents métaphoriques. Pour Eymar qui n'était pas flatteur, il ratait une bonne occasion de cirer ses royaux souliers. Quelle impératrice, alliée plus ou moins intimement avec un Pape sans vergogne, n'aurait pas rêvé de dominer le monde ? Mais cette gracieuse jeune personne était un symbole des plus ambigus, et un avertissement amusant. Eymar la regarda presque tendrement, avant de l'agiter à côté de son visage.

"Votre passé a constitué en une évolution de l'impératrice au pape, d'une jeune personne sûre de ses talents et de son bon droit, à un sage décidé à faire le bonheur des autres – mais qui doit veiller à ne pas le faire malgré eux, ni en se négligeant. La moralité de ces deux cartes réunies est : ce que vous recherchiez est déjà arrivé."

L'avenir, voilà qui était plus pétillant. La justice et la mort. Une bien belle conclusion à toute vie, si elle pouvait y prétendre. Mais cela sonnait aussi comme un glas, une sorte de condamnation. Cela dit, tout avenir l'était, à court ou à long terme.

"Ce bon droit en lequel croyait votre impériale jeunesse est toujours présent dans l'équation, et le restera. Voilà qui est rassurant."

Ses yeux se perdirent au coin de la pièce, comme en quête d'un quelconque ange gardien qui pourrait lui confirmer ces lignes dorées de la royale destinée. Il aurait été si agréable de pouvoir confier ainsi sa loyauté, sans avoir à craindre un revirement de morale. Il reporta des yeux quelque peu mélancoliques sur les deux cartes, et montra la Justice, baissant la voix comme s'il évoquait la parente embarrassante de la famille. Il était partisan de la justice, mais il ne le disait pas aisément à voix haute, sans ironie tout du moins. Cela faisait rougir son âme indépendante : la justice était trop souvent associée à l'ordre et à la conformité.

"Ce sera votre point de départ. Ce bon droit, cet accomplissement, ou le rééquilibrage d'une situation de crise, mais par la force s'il le faut. Qu'il se fasse de votre main ou à vos dépens, voilà qui reste à voir. Et votre aboutissement sera la métamorphose. La mort, c'est le nouveau départ. C'est une dépossession, mais vécue comme l'amorce d'un nouveau cycle. Vous tendez à cette renaissance et c'est une perspective d'avenir très positive... selon moi, en tout cas."

Il était clair qu'une personne plus attachée aux traditions et aux patrimoines, une personne imaginant que chaque être était la continuation matérielle de ses ancêtres, proches ou lointains, un simple réceptacle de peau où coulait toujours le même sang, aurait détesté cette perspective. Mais Eymar avait en face de lui un héritier imprévu, qui avait repris la couronne en la ramassant dans une mare du dit sang. Il estimait donc pouvoir s'exprimer en toute franchise. Puis il attaqua la conclusion de leur séance, en terminant de brosser son propre portrait.

"Mon passé a démarré où votre avenir s'achève. Un écroulement, générateur d'une humilité salvatrice. Voilà comment je résumerais la Maison-Dieu, et j'imagine qu'ici, nous pouvons déterminer qu'elle a trait à mon exil. Je vois le monde différemment de tout un chacun, et je ne peux que m'en réjouir, si tristes aient été les conditions de cet apprentissage. Et quant à la tempérance... de cet apprentissage initial, il faut croire que j'ai progressé jusqu'à tenir en laisse mes instincts et mes tentations. Me voilà Ermite, pour vous servir."

Un sourire apparut sur ses lèvres, mais il était à mi chemin entre deux émotions, l'une révélée, l'autre cachée. La première aurait pu se résumer à s'esclaffer : voilà une bonne blague. La seconde, plutôt du goût de : comment ces cartes savent-elles ce que mon confesseur même n'est pas fichu de voir ? Et en effet, il se maîtrisait d'une main de fer. Son goût pour la danse et les passions était une discipline. Et l'instinct profond qu'il tenait en laisse, c'était celui de cette mélancolie sourde qui avait cherché à se faire apercevoir pendant quelques secondes, un peu plus tôt.

"Et quant à ce qui m'attend... un chariot pour aller sur la Lune, moi qui ai toujours rêvé de rejoindre dans une prochaine vie les personnages de l'Arioste ou des mythes anciens... C'est un peu difficile à interpréter. Je vais partir d'un point de départ sympathique, la réalisation de mes appétits amoureux, matériels et/ou philosophiques, à une nouvelle ambition qui me complètera, ou me dévorera. De deux choses l'une : étant donné le reste de mon jeu, soit j'aurai une intuition éclairée dont je tirerai un savoir suprême ; soit je me livrerai à une avidité insatiable et chaotique, qui ne pourra me mener qu'à la folie."

Un petit rire léger lui échappa, qu'il dissimula derrière sa main. Il était bien certain qu'il allait finir dans un complot qui tournerait mal et serait dévoilé. Rien d'autre n'était envisageable. Il n'était pas un alchimiste, et il ne découvrirait pas le Grand Oeuvre. Au mieux, il aurait laissé quelques épîtres et couplets joliment tournés. Telle serait sa contribution au savoir de ce monde. Puis il commença à reformer le paquet de cartes, laissant les dernières reposer abandonnées sur la table. Sa Majesté en ferait ce que bon lui semblerait. C'étaient ses appartements, après tout, et son pays, tout ici lui appartenait.

"Mieux vaut ne pas tirer les dernières cartes, je le crains. Gardons le mystère. Je vous donnerai cette ultime clé le jour où Votre Majesté aura besoin d'une distraction pour chasser quelques soucis. Cela vous convient-il ?"

Sa manière de s'exprimer s'était faite bien plus familière, dans ses tournures de phrases, quoique le timbre en restait feutré et méticuleux comme celui d'un humble artisan ; mais cet artisan construisait en compagnie de son royal client, non sous sa houlette. Ils avaient pu partager une sorte de camaraderie intellectuelle pendant ces quelques minutes, au-delà de leurs différences d'origines, de statut, d'âge... Et comme elle allait prendre fin, il en savourait les derniers instants.
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Message par Le Cent-Visages Dim 3 Oct - 16:11

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Gérald Der Ragascorn, roi de Monbrina (34 ans)

Le temps venait donc de conclure pour chacun d'eux, dans une sibylline et sage - les deux ne lui semblaient pas antinomiques - récapitulation. Eymar avait le secret peut-être davantage des mots que des cartes, habileté langagière qui ne pouvait que plaire au jeune souverain. Pour le peuple, pour la Cour, et pour la stimulation du roi lui-même, le monde était comme les discours le rendait.
Au sujet du bonheur d'autrui, même si le monarque et le jeune Mornoïte ne l'entendaient peut-être pas de la même façon, Der Ragascorn acquiesça avec sincérité. Oui, tout ce qu'il faisait, il était convaincu de le faire pour le prestige de son peuple.

-- Déjà arrivé ? La nouvelle bonne. La tâche immense reste à continuer de le confirmer chaque jour qui vient. confia-t-il comme une consigne qu'il se donnait à lui-même : ce n'était pas tout de faire advenir les choses. Le plus dur venait : les perpétuer. Une leçon des cartes qu'il reçut donc avec une certaine sincérité d'autant qu'elle faisait écho avec ses propres exigences parfois sûres d'elles, parfois angoissées dans le secret d'une chambre : y arriverait-il toujours ?

Positive perspective, effectivement, que ce cycle qui s'ouvrait pour venir, si tout allait pour le mieux, confirmer ce qui était déjà en place. Voilà qui rentra en résonnance avec ce qu'Eymar dit de lui-même ensuite : pour lui aussi, fin d'un cycle, ouverture d'un autre. Se tracerait-il dans la même direction que celui du souverain, ou en opposition ? L'avenir le dirait, en effet.

-- L'avantage à rater la Lune est que l'on peut au moins retomber dans les étoiles, sourit-il, appréciant les références Antiques qui lui venaient immanquablement : Gérald Der Ragascorn pensa inévitablement, outre à l'Ariste plus récent, à Lucien de Samosate et son "Homme dans la Lune". Sa curiosité scientifique l'emporta quelques instants ailleurs, à se demander quels genres de machines pourraient, qui savait, permettre un beau jour aux hommes d'accomplir ce voyait lunaire dont tant de grands esprits avaient rêvé. Et c'est toujours infiniment plus doux et poétique que de vouloir atteindre le soleil et d'y brûler.

Il resta en suspend à l'ultime question d'Eymar. Tenter le diable et voir toutes les cartes ? Ou rester loin d'une forme d'hybris, en plus de se dire que le mystère conservé aurait quelque chose de savoureux ? Il opta pour ce second choix, semblait-il en accord avec le courtisan : ne pas voir la fin écrite. Ne pas la lire. Pas tout de suite.

-- C'est sagement pensé. Oui, gardons ces dernières cartes muettes.

Méditatif, il rajusta son long manteau et se prépara à déjà devoir repartir : nul temps mort pour un roi quand quelque chose se terminait. Une horloge d'ailleurs ne manqua pas de lui rappeler l'approche d'une audience, puis d'une autre qui suivrait, puis d'une réunion de conseil.

-- Merci, adressa-t-il avec un léger hochement de tête. Cela signait avec politesse la fin de cette agréable pause dans leurs rôles respectifs. Temps d'introspections partagées et d'énigmes posées à l'un, à l'autre. Oh sans doute aurait-ce l'occasion de se reproduire.

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