[19 décembre 1597, au soir] Trois nouvelles souris pour le grenier

Florentin, 28 ans, Eugène, 23 ans, et Guillaume, 16 ans

Une fois le repas terminé, les trois comparses s’étaient levés et avaient repris leurs manteaux, au moins pour les deux aînés. Guillaume, lui, avait laissé le sien à Bélyl, plus sec, et avait passé la cape de son amie. Il ne voulait pas qu’elle soit malade, déjà qu’elle le semblait un peu…

À son éternuement, il s’effraya et posa par réflexe une main dans son dos. Il n’osait pas vérifier si elle avait de la fièvre en public mais il le ferait quand ils auraient un peu de temps. Et il lui ferait une infusion. Qu’importe son oncle, Guillaume ne laisserait pas souffrir sa bonne amie par peur pour lui. Il la soignerait. Il ne la laisserait pas aux médecins officiels.
Il veilla à demeurer proche d’elle durant le trajet, les deux autres demeurant légèrement derrière eux, à l’affût. Il aurait bien aimé lui tenir la main mais il ne voulait pas la mettre en difficulté s’ils croisaient quelqu’un, d’autant plus qu’il croyait voir comme de la gêne sur son visage, ou un questionnement. Il osa à un moment se pencher vers elle, inquiet.

« Tout va bien ? »

Guillaume reconnut la rue de la boutique et commença à se mordre la lèvre, ses angoisses revenant le torturer. Et si Dame Irène refusait de les recevoir ? Ou juste lui, en tant qu’apprenti sorcier ? Un mouvement attira alors l’attention des deux grands. Une petite fille, rien d’inquiétant. Guillaume écarquilla les yeux en la reconnaissant et en la voyant s’approcher. Il sourit prudemment.

« Bonsoir Grâce… »

Il se mordit également la lèvre à l’avalanche de questions tandis que les deux autres échangeaient un regard indéchiffrable, tant pour l’un que pour l’autre, même si aucun n’avoua ne pas avoir compris. Toutefois, ils déduisirent tous les deux être en présence de la fille de leur potentielle future hôtesse.
Guillaume approuva Bélyl et passa une main nerveuse dans ses cheveux.

« Oui, nous devons voir ta mère… Et sinon, je te présente Florentin, mon grand frère, et Eugène, notre grand ami. »

Florentin sourit et leva une de ses grandes mains en signe de salut.

« Bonsoir à toi ! »

Eugène, lui, inclina la tête avec une expression cordiale.

Florentin, 28 ans, Eugène, 23 ans, et Guillaume, 16 ans

Tandis qu’ils avançaient, Guillaume s’inquiétait pour Bélyl, qu’il voyait lui-même soucieuse. Ce ne fut pas sa réponse qui le rassura, quand bien même il hocha la tête.

« Tu accepteras quand même de prendre une infusion ? »

Il ne voulait pas qu’elle tombe gravement malade…

Pour Grâce, toutefois, le jeune homme accepta de mettre son air morose de côté et sourit, même s’il se retrouva désarçonné par sa réponse.

« Oh euh… oui… On… On ne peut rien te cacher… »

Qu’aurait-il pu répondre d’autre ? Mais ce n’était pas la question. Il haussa un sourcil en la voyant se mordre la lèvre, craignant le retour des fiançailles, mais elle n’en fit heureusement rien. Bélyl éternua de nouveau et, de nouveau, Guillaume porta sa main à son dos, inquiet. Il espérait qu’au moins, sa tante ait du thym, de la verveine ou de la sauge…
Les trois suivirent leur adorable guide et pénétrèrent dans la boutique. Ils eurent le temps de voir l’air morose de leur hôtesse avant de sourire à Grâce, surtout Florentin, afin de la rassurer pour son oubli. Ce n’était pas bien grave… Tous trois inclinèrent la tête en soufflant des saluts timides. Guillaume se rassura en voyant n’être pas le seul à s’inquiéter pour Bélyl. Alors qu’ils rentraient davantage dans la boutique, Guillaume prit les choses en main, quand bien même Florentin faisait mine de parler.

« Nous sommes absolument navrés de vous déranger… Mais avant toute chose, serait-il possible de faire chauffer de l’eau pour une infusion de thym, sauge ou verveine ?  »
Il regarda Bélyl, comme pour vérifier comment elle allait, avant de désigner les deux autres.
« Je vous présente donc mon frère, Florentin, et notre compagnon, Eugène. Nous avons de gros soucis et Bélyl nous a cherchés en ville pour nous dire que vous pourriez peut-être nous aider… »

Il se mordit la lèvre, ne sachant comment aborder la suite, et ce fut Florentin qui s’en chargea.

« Par “gros soucis”, mon frère veux dire que notre ami Hyriel a été arrêté et que donc Prosper de Monthoux nous a remerciés… »

D’un rapide coup d’œil à Grâce, il laissa entendre qu’il ne s’étendrait pas plus devant ses jeunes oreilles, par prudence et pour ne pas lui faire peur.

Florentin, 28 ans, Eugène, 23 ans, et Guillaume, 16 ans

L’acquiescement de Bélyl rassura Guillaume qui hocha vigoureusement la tête. Il l’aiderait. Ses connaissances lui serviraient pour aider son amie.

Le petit soupir de soulagement attendrit les deux compères. Bien sûr, là où Florentin souriait très largement, Eugène ne fit qu’esquisser un sourire calme mais c’était déjà beaucoup. Guillaume, pour sa part, était tout entier à la réponse de leur hôtesse et hocha la tête, reconnaissant.

« Thym et sauge seront parfaits, merci infiniment ! »

Il sourit à Bélyl et posa une main encourageante sur son épaule avant de filer pour lui préparer son infusion. Les deux autres échangèrent un regard et acquiescèrent.

« Nous de même, Madame. »

Ils se mordirent la lèvre en voyant son inquiétude et serrèrent les dents, craignant qu’elle ne les rejette par crainte. Florentin retint son souffle et ne le relâcha que quand elle annonça que c’était oui. Eugène, lui, demeura neutre et inclina la tête.

« C’est extrêmement gentil à vous et un grenier sera amplement parfait. Nous n’allons pas faire les difficiles. »
Florentin s’empressa d’approuver.
« Bien sûr ! Et nous payerons notre nourriture et tout ce que vous demanderez ! Et puis si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous serons là pour vous aider ! »

Il n’osait pas parler pour son frère mais celui-ci sortit la tête de la cuisine, une fois l’eau mise à chauffer.

« En revanche, Madame, il se peut que votre frère nous recherche… Ça ne vous dérangera pas ? Nous ne voudrions pas vous mettre toutes les trois dans une situation difficile… »

Il déglutit difficilement, préférant lui aussi ne rien dire devant Grâce, ni même devant Bélyl.

Florentin, 28 ans, Eugène, 23 ans, et Guillaume, 16 ans

Florentin se fit un devoir de rendre son sourire à Grâce, enchanté. Et puis il s’amusait de la voir se retenir de sourire ou de dire quelque chose en rapport avec les deux amoureux, ce qui était tout à fait adorable ! Eugène et lui se fendirent d’un soupir de soulagement quand leur hôtesse confirma bien vouloir les accueillir. Ils furent étonnés qu’elle leur fasse une si belle fleur, de les inviter et s’empressèrent d’acquiescer.

« C’est extrêmement gentil à vous, Madame, et bien sûr, nous vous aideront ! Dites-nous et nous le ferons ! Eugène pourra vous aider si vous avez besoin d’administrer quelque chose, Guillaume pour la cuisine et moi, pour porter des choses ou… déplacer des meubles. Comme vous le souhaitez ! »

Ils la virent s’attrister mais eurent la politesse de ne rien relever, surtout que des questions importantes venaient sur le tapis. Les trois furent rassurés par sa réponse quant à son frère et inclinèrent la tête avec reconnaissance, tout en se jurant de ne pas la contredire. Ils s’attendrirent de nouveau à la question de la petite Grâce et approuvèrent sa mère, tous ensemble. Ils espéraient qu’Hyriel s’en sorte aussi… Guillaume, lui, sourit à Bélyl pour la rassurer, tout en surveillant du coin de l’œil l’eau qui chauffait. Ça ne devrait pas prendre beaucoup de temps…

Florentin, 28 ans, Eugène, 23 ans, et Guillaume, 16 ans

Florentin continua de rendre son sourire à la petite Grâce, parfaitement adorable. Il aimait déjà cette petite ! Eugène et lui hochèrent la tête à la conclusion d’Irène, ravis.

« Nous sommes à vos ordres. Dites-nous si vous souhaitez de l’aide pour la préparation ! »

Ils s’inquiétèrent ensuite à la question de Grâce et à la réponse de sa mère. C’est vrai que Cassandre vivait chez elles… Où pouvait-elle bien être, surtout dans ce froid ? Ils échangèrent un regard inquiet mais n’insistèrent pas, sentant comme une plaie encore fraîche. Et puis il y avait plus inquiétant dans l’immédiat : la potentielle future belle-sœur de Florentin semblait de plus en plus mal. Ils suivirent le mouvement pour l’entourer de sa chaleur. Guillaume, lui, se mordit les lèvres et voulut aider mais le frémissement de l’eau le rappela à l’ordre. Il laissa un instant son amie aux bons soins de sa tante à elle et de son frère à lui et alla prendre l’eau. Il la sortit du feu et y mit à infuser les herbes qu’il avait récupérées. Pendant ce temps, Eugène et Florentin approuvèrent Irène.

« En effet, c’est plus sage. Peut-être pouvons-nous leur écrire un mot que l’un de nous deux irait porter…
— Dans la nuit, pour aller à un lieu que nous ne connaissons pas, c’est risqué. »
— Certes… »

Guillaume revint alors avec la tisane et approuva Irène.

« Oui, bien sûr. »
Même si l’idée lui vint qu’il préférerait rester avec elle.
« Tiens, il y a des herbes qui vont aider ton corps à se soigner dans cette infusion. Mais attention, elle est très chaude. »
Il la lui tendit, prêt à garder le verre pour le cas où elle n’aurait pas la force de le tenir, et passa un bras autour de ses épaules pour la rassurer et la réchauffer, inquiet. Mais il ferait tout pour l’aider.

Florentin, 28 ans ; Eugène, 23 ans ; Guillaume, 16 ans

Les deux aînés hochèrent la tête en souriant.

« Quand vous voudrez, dites-nous. »

Ils sourirent à Grâce qui s’inquiétait et à Bélyl pour les rassurer, attendris par le mouvement de Grâce. Ils approuvèrent Bélyl d’un hochement de tête. En effet, avec un peu de repos et l’aide de Guillaume, elle ne craignait rien.

Guillaume sourit en voyant arriver Grâce et hocha la tête à sa question, se rappelant de la réaction du père de Bélyl.

« En effet, oui ! Mais chut, c’est un secret ! »

Eugène approuva Irène et Florentin se résolut à attendre, tout de même rassuré de savoir que le général ne s’inquiéterait pas trop. Il ne manquerait plus qu’il envoie ses hommes chercher sa fille et qu’ils se fassent tous les trois pincer au passage… Tant Eugène que Florentin sourirent en voyant revenir Guillaume, adorablement attentionné. Quand ils virent Irène s’éloigner, ils échangèrent un regard et conclurent que ce serait une bonne idée d’aller l’aider en la suivant. Même juste pour… réchauffer la pièce par leur présence.

Guillaume ne prêta pas attention à leur départ et demeura avec Bélyl, auprès de qui il s’assit, gardant un bras autour d’elle pour la réchauffer comme il le pouvait. Il lui rendit son sourire en caressant doucement son épaule.

« Avec plaisir. »

Il attendit avec elle, charmé par son visage, et son sourire s’étira en même temps que le sien.

« Je suis content que ça te plaise. Et tu vas voir, les plantes que j’y ai mises vont t’aider à aller mieux. »

Il dut se mordre la lèvre, hésitant. Est-ce qu’il pouvait déposer un baiser sur sa tempe, même un tout petit ? Après tout, ils étaient seuls… Puis ils n'étaient plus à ça près... Et… Et ça lui ferait sans doute plaisir… Après un regard alentours, il s’y décida et embrassa tout doucement la tempe de sa bien aimée.

Florentin, 28 ans ; Eugène, 23 ans ; Guillaume, 16 ans

Le petit geste de Grâce fit sourire Guillaume. Il lui faisait confiance, elle garderait le secret. Et puis il n’avait pas le cœur de douter d’elle en voyant sa petite bouille.
Florentin la suivit du regard quand elle revint vers les amoureux et souffla de rire au geste d’Irène. Pauvre petite, si elle savait… Tandis que leur hôtesse s’occupait du bouillon, Eugène et lui acquiescèrent au commentaire de leur benjamine.

« Nous n’en doutons pas ! Mais dis-nous, ta maman, qu’est-ce qu’elle y a mis dans la soupe ? »

Là, et comme ça, Florentin espérait détourner son attention assez longtemps. Et puis au pire, il improviserait.

De l’autre côté de la porte, Guillaume s’inquiétait pour Bélyl, qu’il sentait bien malade. Heureusement toutefois, sa présence la rassurait et cela le réjouissait.
Quand il l’embrassa, il sentit sa surprise sous ses doigts et crut un instant avoir fait une erreur… mais elle semblait plus incertaine qu’autre chose. Il déglutit à ses paroles et rosit en hochant la tête, comprenant sans problème à quoi elle faisait référence.

« Oui, j’ai dit… j’ai dit que je t’aimais et je le pense sincèrement. Je crois même que je suis sous ton charme depuis l’instant où nous nous sommes vus. »
Il s’était lancé, il ne pouvait plus reculer. Toutefois, il ne souhaitait pas la mettre mal à l’aide. Puisqu’ils en étaient à se parler à cœur ouvert, peut-être était-ce le moment de le lui demander ?
« Mais tu as semblé… gênée… Tu voudrais que je sois plus… dans les règles ou je ne sais quoi ? »
Et si ce n’était que ça, il le ferait, il en serait capable.

Florentin, 28 ans ; Eugène, 23 ans ; Guillaume, 16 ans

Florentin fut ravi de voir que son idée fonctionnait et écouta avec joie la liste de Grâce, impressionné. Il rendit son sourire à Irène, comprenant qu’elle avait compris.

« C’est gentil à vous ! » (À Grâce, en hochant la tête avec de nouveau l’air impressionné.) « Eh bien ! Ça semble en effet très bon ! Surtout avec de la carotte : c’est mon légume préféré ! En plus, une carotte, c'est de la même couleur que mes cheveux et ma barbe ! »
Il tapota celle-ci en riant, et même Eugène émit un souffle amusé. Florentin s’agenouilla alors pour être au niveau de sa jeune interlocutrice.
« Et toi, c’est quoi, ton légume préféré ? »

Quelques pas plus loin, Guillaume était incertain de lui. Bélyl semblait perdue et il s’en voulait de la mettre mal à l’aise. Il se mordit la lèvre quand elle rougit mais se rassura quand elle nia. Il parvint à retrouver le sourire et la laissa continuer, préférant ne pas l’interrompre. Son sourire s’étira quand elle dit trouver ça même mieux et il l’encouragea du regard à continuer. Sans qu’il ne s’en rende compte, ses lèvres s’entr’ouvrirent d’impatience et son cœur s’accéléra, encore plus quand il entendit ses derniers mots. C’était quelque chose d’enlacer une amie que l’on aimait, c’était tout autre chose de l’entendre retourner l’amour qu’on lui portait. Pendant un instant, Guillaume ne put que sourire, le cœur battant, avant de glisser ses bras autour de sa chère Bélyl pour l’entourer de son amour et de sa chaleur, tout en prenant garde à la tasse, naturellement. Il embrassa en douceur son front, chaud, en espérant au fond de lui que son baiser la revigore.

« Je t’aime, tu m’aimes, nous nous aimons… C’est merveilleux… »

À cet instant, il avait tout oublié du reste, seul comptaient pour le moment sa Bélyl, lui, et l’amour qui les unissait.

Florentin, 28 ans ; Eugène, 23 ans ; Guillaume, 16 ans

La joie de Grâce fit fondre le cœur de Florentin et il rit avec elle. Il soutint son regard bleu de ses yeux verts et s’éclaira à la réponse qu’elle lui fournit.

« En effet ! J’ai déjà goûté le panais mais pas comme ça ! Mais maintenant que tu le dis, j’essayerai d’en goûter un jour parce que ça a l’air vraiment bon ! Et tu sais cuisiner le panais ou c’est ta maman qui le fait ? »

Quand il la prit au creux de ses bras, Guillaume sentit Bélyl s’apaiser, oublier ses doutes et son mal. Il la laissa poser la tasse avant de resserrer en douceur son étreinte et sentit sa respiration se ralentir, comme si elle s’endormait. C’était sans doute mieux pour elle. Il glissa ses doigts dans sa nuque pour la masser avec tendresse et l’aider à s’endormir, tout en lui embrassant les cheveux et en chuchotant :

« Bonne nuit, ma douce Bélyl. Fais de beaux rêves… »

Florentin, 28 ans ; Eugène, 23 ans

L’entrain de la petite Grâce faisait vraiment plaisir à voir et Florentin acquiesça joyeusement.

« Ta tante a raison ! Et si en plus cette soupe est bonne pour la santé, alors j’ai encore plus de raisons d’y goûter ! »

Il s’attendit à sa réponse ensuite et approuva sa mère en gratifiant sa nouvelle amie d’une caresse du doigt sur la joue, pour la dérider un peu.

« En effet, je suis sûre que dans peu de temps, tu pourras préparer de très bons petits plats pour toute ta famille ! Dont beaucoup de soupes au panais et à la noisette ! »

Il sourit pour appuyer son propos, radieux. Eugène, lui, qui crut comprendre à l’absence de son que les deux amoureux s’étaient tus, sans doute pour que Bélyl se repose. Elle en avait bien besoin, la pauvre petite.