|27 décembre 1597][RP solo] Un golem aux fils brisés
|27 décembre 1597][RP solo] Un golem aux fils brisés
Toute la journée, Matthieu s’était terré comme un rat derrière une maison, guettant le moment.
Ou plutôt, tentant de trouver son courage.
Il ne pouvait pas entrer là-dedans sans être décidé et assuré… Sinon, tout cela n’aura servi à rien. Il se sentit sourire en songeant que Jean aurait ri à gorge déployée en le voyant aussi poltron. Peut-être riait-il de là-haut… Du moins l’espérait-il.
Quand il vit sortir Cassandre, il se dit que c’était enfin le bon moment. Il attendit encore un peu, histoire de s’assurer qu’elle était partie puis se décida enfin à entrer.
Il souffla une fois à l’intérieur. Tout était silencieux. Irène devait être à l’étage. Et si elle dormait ? Zut, il n’avait pas pensé à ça… Mais quel frère il faisait ! Incapable de savoir comment aborder sa propre sœur. Pour un peu, il se serait giflé.
Il se reprit. Non… Il ne jouerait plus le jeu de Clarence. Les punitions corporelles, à lui comme aux autres, c’était terminé. Cependant, désapprendre tout ce qu’il avait appris, même s’il savait que c’était désormais mauvais, ne lui apparaissait pas si aisé.
- Oncle Matthieu ?
La petite voix de sa nièce le tira de sa réflexion et l’horrifia. Il se retrouva face à Grâce complètement démuni, les mains tremblantes.
- Je… euh… ah…
Grâce fronça les sourcils.
- Qu’est-ce que tu viens faire là ? Je suis pas sûre que maman veuille te voir.
Matthieu ne put s’empêcher de la trouver adorable. Elle était tout le portrait de sa mère à son âge. Il baissa les yeux avant de présenter ce qu’il avait amené avec lui et ce qu’il espérait être son sésame.
- Même avec un gâteau ?
Grâce arrondit les yeux en observant le gâteau bien arrondi et qui sentait très bon, avec des parts déjà découpées. Elle hésita mais, voyant que son oncle l’engageait à prendre une part, elle prit un bon morceau. Grâce se pinça les lèvres avant de hocher la tête.
- Bon d’accord mais sois gentil, d’accord ? Elle est encore fatiguée et les jumeaux viennent de s’endormir, alors il ne faut pas les réveiller !
Il acquiesça très sérieusement.
- Bien sûr, tu peux compter sur moi !
Elle sourit et mordit dans sa part. Elle observa alors le gâteau, impressionnée.
- Mmh, ch’est bon !
Matthieu ne put s’empêcher de sourire et tapoté un peu sa tête. Il déglutit alors qu’il arrivait à l’escalier. Il prit une grande inspiration avant de se décider à gravir la première marche. Pas à pas, il avança doucement, jusqu’à parvenir en haut.
Il eut un petit pincement au cœur en la voyant à moitié endormie, sur son lit, avec le berceau un peu petit des jumeaux non loin. Il respira un bon coup avant d’aller s’asseoir doucement près d’elle. Irène s’éveilla dès qu’il s’assit. Elle le regarda et fronça presque aussitôt les sourcils.
-Matthieu ? Bon sang, mais qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’en as pas eu…
Il posa un doigt sur ses lèvres en craignant la suite.
- Non, s’il te plait, je… Je ne veux pas… Je ne suis pas là pour me battre.
Il lut une singulière incompréhension dans les yeux de sa sœur. Il se mordit la langue.
- Je… Je…
Il dévoila le gâteau, sans pour autant réussir à s’en tirer aussi bien qu’avec Grâce. Malgré le regard ahuri d’Irène, il la sentait encore méfiante. Par où devait-il commencer ? Bonjour, je me suis réveillé après des dizaines d’années d’absence, c’est moi, ton frère ? Non, ridicule…
Pourtant, alors qu’il cherchait, une main vint trouver sa joue. Matthieu cligna des yeux avant de trouver le regard de sa sœur. Cette fois, il ne se déroba pas. Il la fixa et, à mesure qu’il tenait, il sentit le regard de sa sœur changer.
- … Matthieu ?
Il hocha doucement la tête, la gorge soudain serrée. Des larmes vinrent aux yeux de sa sœur alors qu’elle portait une nouvelle main à sa joue, l’encadrant doucement.
- C’est toi ?
Matthieu baissa un peu la tête. Oui, c’est vrai qu’il n’avait pas tout à fait été lui auparavant. Il soupira.
- Je… je ne sais pas… Je me sens… différent mais j’ignore si je suis moi… Le petit garçon que tu as connu.
Irène s’approcha un peu plus et l’enlaça. Matthieu sentit toute la pression soudain se relâcher. Sa sœur semblait sangloter. En tous cas, sa voix vacillait.
- Grand frère… Tu es revenu… Tu es là, c’est vraiment toi !
Matthieu lui aussi n’y tint plus et versa quelques larmes en retrouvant la mémoire. Les gestes, les mots tendres… Tout cela lui revenait. Il serra doucement Irène, pleurant avec elle en songeant à tout ce temps perdu. Mais maintenant, il avait une chance de se rattraper, d’être là. Il inspira doucement en lui tapotant le dos.
- Oui… Je suis désolée, Irène… Pour tout, pour…
Elle le serra davantage en secouant la tête.
- Non, tais-toi. Tu te souviens quand je t’ai traité de golem quand on était petit ? C’est parce que c’était ce que Clarence avait fait de toi… Il t’a brisé, il a pris tout ce qu’il y avait de bon en toi…
Elle se détacha de lui. Son visage ruisselait de larmes mais elle semblait heureuse. Elle lui caressa la joue.
- Mais il a échoué… Tu es revenu. Tu nous es revenu. C’est tout ce qui compte.
Il hocha doucement la tête, la gorge toujours serrée et parvint malgré tout à sourire. Il osa s’avancer pour déposer un délicat baiser sur son front.
- Oui, et promis, c’est terminé les idioties. Je suis d’ailleurs venu te prévenir : Joseph a un plan et il compte libérer Hyriel.
Irène écarquilla les yeux.
- Quoi, tu en es sûr ?
- Disons que je lui ai posé les bonnes questions…
- Mais…
- Non, ne t’inquiète pas, je l’ai aidé à tout préparer, tout ira bien cette fois.
Il soupira.
- Si… Si ça ne te dérange pas, j’aimerai que ce soit toi qui le lui annonces…
Irène lui prit la main.
- Matthieu…
- Elle ne voudra plus me voir et elle a raison… Mais je… je voudrais juste qu’elle ne s’en fasse plus.
Irène lui sourit doucement. Pas de doute, c’était bien son frère. Elle lui embrassa la joue.
- Ce sera fait, promis. Mais tu devrais lui parler, je suis sûre qu’elle te pardonnera !
- Peut-être… mais je ne m’en sens pas digne pour le moment.
Irène lui frotta l’épaule, désolée de le voir si résigné. Elle était pourtant persuadée qu’ils pourraient très bien s’entendre, surtout maintenant. Elle lui sourit doucement.
- Et maintenant, qu’est-ce que tu vas faire alors ?
Il lui fit un petit clin d’œil.
- j’ai quelques idées… Mais pour le moment, je voulais surtout t’offrir ce petit morceau de souvenir.
Irène s’illumina.
- Ton gâteau à la pomme ?
- Evidemment ! Bon, Cecilia, m’a un peu aidé parce que j’avais perdu la main mais… je crois que c’est bon quand même.
Irène en prit un morceau avec des yeux pleins de nostalgie. Combien de fois s’étaient-ils faufilé en cuisine, malgré les remontrances de leur père qui leur répétait que ce n’était pas convenable mais qui était le premier à dévorer une bonne partie du gâteau. Elle mordit dedans tout en observant Matthieu qui faisait de même, radieux. Ce morceau de gâteau avait un doux goût d’enfance retrouvée.