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[Flashback — 16 et 17 novembre 1597] Les Larmes du vieux saule

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Message par Invité Ven 20 Aoû - 22:14

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Marie Duchamp/Dupuis, 30 ans

Comme d’habitude, un dimanche sur deux, Marie et son jeune garçon sont partis à l’aube avec un panier rempli de vivres à partager avec les Duchamp. Bien que cela fasse désormais cinq ans qu’elle s’est mariée avec Jean Dupuis, du village voisin, elle tient à cette promesse qu’elle a faite à sa mère, le jour de ses fiançailles, de revenir la voir deux fois par mois, et rien jusqu’à présent n’a réussi à lui faire trahir sa parole. D’ailleurs, ce petit rituel est sa façon de remercier ses vieux parents d’avoir pris soin d’elle, toutes ces années durant, et de lui avoir transmis l’amour de l’osier. Et si son enfance n’a pas été parfaite, loin de là, Marie a appris avec son propre fils quel genre de difficultés rencontraient les parents. En bonne croyante, elle leur a pardonné leurs erreurs, d’autant plus que ces dernières lui ont appris la voie de la patience et de la résilience. Deux qualités qui lui servent au quotidien pour l’éducation du petit Pierre et, si tout se passe bien, de son frère ou de sa sœur à naître. Et elle ne remerciera jamais assez sa famille pour ça.

Si Marie tient autant à ces visites, c’est parce qu’elle aime entretenir et raviver ses vieux souvenirs au coin du feu : les balades d’antan en plein air, dans la forêt ou bien l’oseraie, ses premiers pas en tant que vannière, ou bien les anecdotes croustillantes à propos de ses frères — autrefois turbulents, aujourd’hui un peu plus calmes, mais toujours aussi têtus. Au fond, rien ne peut remplacer la chaleur d’un foyer, et celui de ses parents garde un attrait tout particulier à ses yeux. Depuis qu’elle l’a quitté pour fonder sa propre famille, pas une seule fois ne s’est-elle lassée de la maison de son enfance.

Mais voilà, aujourd’hui, rien ne semble se passer comme prévu, et l’harmonie qu’elle a toujours ressenti en ces lieux, malgré quelques tensions qui ne disparaitront jamais, semble enfuie six pieds sous terre. À table, aucun de ses frères ne s’est présenté. De ce que Marie a compris, entre deux grommelements plus que maussade de la part de son père, Martin auprès de sa fiancée et de sa famille, ce qui embête un peu Marie mais qu’elle comprend. Lui qui a eu tant de mal à trouver une femme qui voudrait bien de lui… Il mérite de profiter un peu de sa présence et d’apprendre à connaître ses proches. Par contre, Marc… Et bien, personne ne sait où il est passé et, pire encore, elle semble la seule à s’en préoccuper.

« Oublie donc ce cochon ingrat », lâche amèrement sa mère en lui tendant son assiette de soupe. « Il confond les noisetiers avec les êtres humains. »

La jeune épouse aimerait lui faire remarquer qu’elle parle tout de même de son propre enfant, mais elle n’ose pas s’opposer à elle au point de se disputer, alors elle tend les mains pour attraper sa portion et réfléchit en silence à la réponse à donner. En attendant, son regard se perd dans la jolie couleur orangée de son maigre festin du jour.

« De nous trois, c’est lui qui travaille le plus dur, finit-elle par répondre après une première cuillerée.
— Encore heureux ! fustige son père. Avec tout ce qu’il nous a coûté, celui-là ! »

Marie baisse la tête, peut-être plus blessée par les propos de ses parents que Marc lui-même. En son for intérieur, elle est convaincue  qu’il n’a rien fait pour mériter pareil traitement. Oui, Marc est… étrange, c’est d’ailleurs le moins qu’on puisse dire, mais si Dieu avait voulu qu’il soit autrement, il ne l’aurait pas fait ainsi. Et les voies du Seigneur sont impénétrables, non ? Alors qui sont-ils pour juger leur propre enfant ? Elle se mordit les lèvres, n’osant pas donner le fond de sa pensée. Ce serait peine perdue, de toute façon : ses parents connaissent son avis sur la question, elle n’a pas la répartie légendaire de Marc pour le défendre en son absence, et elle n’a pas envie de les entendre descendre encore plus le benjamin. Heureusement pour elle, Pierre paraît choisir ce moment pour se mettre à pleurer, comme s’il sentait la peine de sa mère, et tout le monde semble soudain excessivement concerné par le devenir de son petit ange.

« Papa, maman, vous devriez vous occuper un peu de lui, déclare Marie. Après tout, vous n’avez pas souvent l’occasion de le voir. »

La jeune épouse réfléchit pour compléter sa demande, histoire d’être certaine que ses parents lâcheront l’affaire avec Marc pour se concentrer sur leur petit-fils, mais les mots ne lui viennent pas. Elle se demande un instant ce qu’en dirait son frère cadet, qui l’a toujours épatée par son sens de la répartie hors du commun, mais son absence se reflète dans son esprit également. Rien. Le néant complet. Enfin, si son père ne bronche pas, le regard toujours aussi sévère, sa mère, elle, craque devant le visage en larmes de Pierre et sort de table pour le consoler. Pour peu, Marie s’en voudrait presque de profiter de la situation à son avantage. Presque. Elle aurait d’ailleurs aimé que Marc soit là, au final, parce qu’il aurait souri de sa petite manigance. Et puis, ne fait-elle pas une bonne action, en ce moment même, en empêchant de mauvaises pensées de se répandre dans leur foyer ?

Au final, Marie se retrouve seule à manger avec son vieux père, désormais muré dans le silence, comme à son habitude chaque fois qu’il est contrarié. La jeune épouse sait qu’au contraire de sa mère, lui n’oublie jamais une discussion laissée à l’abandon. Fort embêtée de cette situation, elle réfléchit à nouveau à un moyen de le tirer de là et de détendre l’atmosphère, ce qui leur ferait à tous le plus grand bien.

« Tu n’aimes pas la soupe, papa ? »

Bon… Ce n’est pas le pire sujet de conversation, mais elle aurait espéré trouver quelque chose de plus convaincant. D’autant plus que, sans ses frères pour se chamailler en permanence à table, Marie n’a plus vraiment le cœur à manger, elle non plus. Pitié, que Marc débarque, et vite !


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Message par Invité Lun 13 Sep - 18:11

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Marc Duchamp, 28 ans

Depuis l’autre pièce, à l’abri des regards du fait de sa petite taille, Marc se sert à boire en silence tandis qu’il écoute la pénible conversation qui semble se dérouler entre Marie et ses parents. Des insultes volent, d’un côté seulement, comme si le vieux couple n’avait que ça à faire, de l’attaquer même durant ses absences.

Cochon ingrat… Il est vrai qu’il a pris un peu de poids, récemment, mais personne ne voudra jamais de sa chair, alors le cagot ne craint pas vraiment de s’épaissir un peu plus.

Il confond les noisetiers avec les êtres humains. Oh, pas mal du tout, mais les noisetiers, eux au moins, ne donnent des coups de branches que lorsqu’ils les perdent. Des accidents, tout au plus, aucun mauvais esprit là-dedans. Et puis, Marc s’est toujours senti dans son élément dans les champs de l’oseraie et au cœur de la forêt. N’était-ce donc pas la volonté de ses parents que de lui transmettre leur savoir afin qu’il apporte un peu d’argent au foyer ? Pour une fois qu’ils réussissent quelque chose, ils parviennent encore à s’en plaindre.

Lorsque Marie ouvre la bouche pour prendre sa défense, Marc sourit et hésite à se montrer, mais il change bien vite d’avis : il préfère écouter un peu plus longtemps les piètres attaques qui fusent d’un côté, et la défense véridique, quoiqu’un peu bancale, de sa sœur. Il vide donc son verre, qu’il pose en silence, et attrape quelques bouts de fromage qui traîne sur le meuble. Il lui faut se hisser sur la pointe des pieds et tendre les bras pour les en déloger, mais l’habitude et l’adresse du vannier ont raison de ce léger contretemps et, bientôt, il profite d’un encas salé ponctué de la fureur de son père.

Marc hausse un sourcil et fait la moue : il a bien fait de ne pas se montrer. Cependant, il commence à avoir froid, lui qui a passé toute la soirée dehors, au pied d’un arbre — un chêne, pour changer. Cette nuit à la belle étoile lui a coûté plus qu’il ne l’aurait cru, avec la pluie qui s’est invitée au dernier moment. Ses vêtements, trempés comme s’il avait plongé dans un lac ; et ses cheveux ruissellent, abandonnant sur le plancher quelques gouttes par-ci par-là. Avec un soupir, le cagot se rend compte que sa venue ne passera pas inaperçue. Mieux vaut donc ne pas traîner, il attrape une pomme et commence à s’éloigner en profitant de l’excellente diversion que représente son neveu. Bien joué, Pierre. Il sourit aux paroles de Marie, donc l’éclair de génie lui rappelle tous les prétextes qu’il a bien pu lui donner, à elle, quand il cherchait à s’en débarrasser — c’est que Marie adore mettre son nez dans les affaires des autres.

Marc rejoint sa chambre, une toute petite pièce où seuls les enfants pourraient trouver leur bonheur, et se change en silence. Le froid ne le quitte pas, mais au moins se sent-il au sec désormais. Puis, il retourne dehors, sous le ciel couvert, pour étendre son linge dans l’espoir qu’il sèche un peu. Tant pis pour son estomac qui grogne, mécontent du peu que le cagot a avalé ; le jeu n’en vaut pas la chandelle. Mais il trouvera bien un moyen de s’arranger avec Marie plus tard. En attendant, il se dirige d’un pas discret, mais déterminé, vers l’atelier : Martin a laissé quelques ouvrages pas terminés à son intention, et Marc est bien décidé à honorer la commande qu’ils doivent bientôt livrer, fatigue et froid ou non.


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