[2 janvier 1598] Une commande en appelle une autre

Décidément, les grandes fêtes en famille pour passer la nouvelle année, ça ne me réussissait pas. Surtout quand un jour plus tard, je devais ouvrir la boutique de tissu. J'avais eu beau avoir passée une merveilleuse nuit de sommeil pour rattraper quelques heures, ce matin, assise sur un tabouret, le coude posée contre le rebord d'une fenêtre, je sentais encore les effets de ce cap annuel. Il faut dire que même si on décidait de ne rien faire et d'aller se coucher, il serait difficile de fermer l'oeil, car bon nombre de manifestation emplissait la ville cette nuit-là. Alors autant se détendre et rire avec la famille.

J'avalai une nouvelle gorgée de ma tisane, en contemplant la neige doucement tombée, sur la ville qui s'éveillait. Il devait être neuf heures environ, cela faisait deux heures que j'avais ouvert, et les clients se faisait rare ce matin. Sans doute qu'ils avaient autre chose à penser que venir s'enquérir d'habilles ou de tissus en tout genre. Mais père tenait absolument à ouvrir aujourd'hui, au cas où quelques artisans profitaient de cette affluence bien modeste pour passer commande. Comme je ne suis pas du genre à le contester, je me suis résolue à venir travailler. ça ne me dérangeais pas plus que ça au fond, j'espérais juste être assez en forme pour faire mon travail correctement.

Tout à coup, j'entendis la petite clochette à l'entrée avertissant qu'un client entre. Je posai délicatement ma tasse et vint accueillir la personne. Posant mon habituel sourire sur mon visage, j'entamai la conversation.

Bonjour Madame Rabier, comment allez-vous ce matin ?

Bonjour Césarine, je suis contente de te voir ce matin, mais je t'en pris, appelle-moi Jeanne, je te l'ai déjà dit. finit-elle avec un petit rire amical.

Oui c'est vrai Jeanne, vous me l'avez déjà dit, pardon. répliquai-je gentiment, avant de demander. Mais je suppose que vous venez pour votre robe ?

Exactement ma petite, as-tu eu le temps de la racomoder ?

Bien sûr, un instant, je vais vous la chercher.

Je m'absentai un instant dans la réserve du magasin avant de revenir avec une malle que je posai sur le comptoir, pour l'ouvrir et en prendre le contenu. Je dépliai la robe et montrai à Jeanne la partie concernée.

Voilà ce que ça donne, est-ce que ça vous satisfait ?

La client examina un instant l'ouvrage, puis me sourit.

Oh la la, tu fais des miracles Césarine, c'est parfait.

Je rougis un peu.

Oh vous savez c'est pas grand chose.

L'habit fut replié et remit dans sa malle. Jeanne me régla la note et s'en alla toute satisfaite. Ses compliments me faisaient du bien. C'était vraiment une femme adorable.

Après avoir servi Jeanne, je voulus rejoindre ma tisane, mais une nouvelle personne entra en même que l'autre sortait. Je restai donc au comptoir pour accueillir celle qui se présentait dans mon modeste établissement. Elle commença par me saluer, puis me félicita pour la dernière commande passée ici.

Bonjour Madame, heureuse que ça vous ait plu, mais...

Avec le nombre de commande que ma famille traîtait quotidiennement, je dû faire un effort pour me remémorer de laquelle il s'agissait dans le cas présent. Mais quand je réalisai qu'elle parlait de toge romaine, alors le délic se fit. Jehan avait pris la commande, et j'avais cru qu'il se fichait de moi quand il me l'avait annoncé. Mais non, c'était bien le cas.

Ah oui, pour le Lupanar c'est cela ? Je m'en souviens maintenant. J'ai adoré faire cette commande, je n'en ai pas beaucoup de ce genre. déclarai-je avec un sourire sincère.

Vint alors la question de mon identité. Elle était presque juste, et j'eus une seconde d'hésitation. Fallait-il la corriger, ou prendrait-elle ça comme un affront ? Il ne fallait pas que père apprenne qu'une client était partie vexée parce-que je l'avais reprise sur un petit détail sans importance. Mais vu qu'elle me posait la question, cela voulait dire qu'elle était ouverte aux corrections non ? Aaah quelle casse-tête. Je pris mon souffle puis trouvai une astuce.

Je m'appelle Césarine Florange en effet. Puis-je vous demander d'où vous connaissez mon nom ? Ah moins que vous ne désiriez pas le divulguer bien entendu.  

La charmante dame que j'avais devant moi précisa qu'au delà de la tenancière, ce furent toute sa clientèle qui en tirait un bilan positif. Cela me ravit d'autant plus d'avoir pu participer à une fête réussie.

Je vous le souhaite aussi

Elle réagit également à ma joie d'avoir pu confectionner de si originales tenues. Elle semblait sur la même longueur d'onde que moi, et me rappela tous les cours que j'avais pu avoir sur le sujet. La créativité prenait souvent une place conséquentes. C'était un métier qui demandait de l'imagination, là où d'autres demandaient de la rigueur ou de la force physique. Chaque catégorie avait ses particularités, et je devais avouer que celle de la couture me plaisaient bien.

Effectivement, faire preuve d'innovation m'a beaucoup été répétée jusqu'à présent. J'espère pouvoir en user encore longtemps.

La prochaine révélation accentua le rouge sur tes joues. Vanter mes mérites ? Méritais-je vraiment autant de louanges ? Je dus fuir un instant le regard de ma cliente. Il était vrai que père me félicitait très souvent quand nous étions petit, j'apprenais vite, et comprenais sans trop de peine les rouages de la discipline. Il avait un beau fond, et même s'il me demandait beaucoup ses derniers temps, il savait me récompenser par quelques compliments déployés par-ci par-là. Il était vraiment adorable. Je ne sus vraiment quoi répondre, alors je me contentai d'un basique.

Je vous remercie.

Quand j'eus repris mes esprits, je me permis d'entrer un peu plus dans le vif du sujet.

Mais dites-moi chère Madame, que puis-je faire pour vous à présent. Prévoyez-vous une nouvelle soirée au Lupanar ?

Isabelle cessa de sourire en constatant à quel point son compliment plaisait à sa jeune interlocutrice. Elle opina positivement à ses paroles.

"Tut à fait. Tout à fait. Vous avez été parfaitement formée. Gardez cela à l'esprit et votre commerce se portera bien, j'en suis assurée."

Elle rougissait à présent, parfaitement empourprée des compliments répétées que son père faisait régulièrement à son sujet. Comme cela était adorable ! Isabelle se rappela du sien de père, dans des souvenirs qui remontaient à une ancienne vie, celle avant où l'épisode de variole emporte sa famille, sauf ses deux jeunes frères. Elle chassa cette nostalgie qui revenait. Cela ne servirait rien. Son existence aujourd'hui était certes différente mais appréciable. Césarine se reprit et l'interrogea sur les raisons de sa présence.

"Dieu merci, non, il nous faut un peu de repos ! Ma commande va être plus simple. Il s'agirait de remplacer nos nappes. Pensez-vous pouvoir fabriquer une dizaines ? Il nous faudrait une nouvelle robe pour chaque fille. Quinze au total. J'ai leurs mensurations, bien sûr."

Je reçus encore quelques compliments qui continuèrent de me faire du bien, mais si extérieurement, je ne montrais qu'une timidité à peine dissimulée. Cela me mettait un peu la pression aussi, car si cette dame a été satisfaite une fois, il allait falloir faire au minimum aussi bien pour la prochaine fois. Une performance même excellente, peut décevoir le destinataire si elle est un petit peu en deça de ce à quoi on l'avait habituée. Mais je m'efforçai de garder la tête froide pour accueillir la nouvelle commande.

Celle-ci se révéla en deux parties. Premièrement des nappes pour remplacer les usées, puis des robes pour ses employées. Voilà qui promettaient de longues journées de travail, mais ça ne me faisait pas vraiment peur. J'aimais ça, au point peut-être de confondre loisir et travail. J'eus un instant de réflexion pour savoir comment emmancher la demande, puis, je commençai.

C'est tout à fait possible oui. Nous allons définir ensemble l'aspect que vous souhaiteriez. Commençons si vous le voulez bien par les nappes. Veuillez me suivre.

Je sortis du comptoir pour m'avancer vers un premier présentoir. Il y figurait un model en lin à la couleur rouge unie.

Pour ce genre de demande, nous avons du lin et du coton. La différence réside sur plusieurs aspects. Notamment le lin a un aspect beaucoup plus lisse que le coton, donc pour la nappe se serait un peu plus présentable. Le coton se prête plus à une utilisation à but confortable ou moelleuse. Cependant, il faut savoir que le lin est un peu plus cher, et un peu plus fin, pour une nappe, il y a plus de risque de déchirure, ou d'absorber l'humidité. De plus, le coton est beaucoup plus facile à l'entretien et laisse moins de plis une fois repasser.

Je tendis la main vers les rayons.

Si vous souhaitez toucher les deux matières pour vous en faire une idée plus précise, je vous en pris. Le lin est ici, et le coton est juste là-bas. finis-je en montrant une armoire rempli de tissu dans le coin de la pièce.

La jeune dame exprima assez vite son scepticisme quant à choisir le lin, évoquant l'état de certains clients. J'eus un léger rictus à cet argument, et me permis de placer.

Ah, j'imagine aisément le sport que ça doit être de tenir le Lupanar certains soirs. Et dans ce cas, en effet, le lin ne fera pas long feu.  

Après avoir senti les deux étoffes, la cliente du jour confirma sa préférence nette pour le coton. J'inclinai professionnellement la tête.

Très bien. Alors dans cette matière j'ai bon nombre de models à vous présenter.

Je l'emmenai vers un étalage ou des carrés de coton brodés de différents motifs ou juste unis étaient exposés. Je commençai alors les explications.

On s'adapte à vos goûts en terme de couleur et de motifs, ici ce ne sont qu'une version pour mieux se représenter. Si vous voulez quelques choses de personnalisé, on peut toujours dessiner et voir ce qui est possible de faire. Autrement, nous pouvons vous proposer des nappes unies, ou avec des motifs simples comme ceux-ci.

Je tendis ma main vers un échantillon bleu orné d'une simple ligne droite jaune, et vers un autre blanc avec une double ligne noire. D'autres étaient exposés, dont entre autre une ligne en zig zag en forme de demi-carré, en spiral, en ondulation et bien d'autres. Au fil du temps, notre panel s'était bien agrandi à tel point que parfois, je me demandais comment les clients faisaient pour s'arrêter sur un seul choix. Après les décorations simples, je montrai les motifs plus complexes.

Si vous désirez quelque chose de plus élaboré, nous avons ceux-ci.

Motifs à fleurs, à branches s'entortillant les uns dans les autres, nappes en échiquier, en rosace ou carrément avec des dessins de fruits ou d'animaux, le choix ne manquait vraiment pas.

Vous avez déjà une petite idée du genre de nappe qui vous ferait plaisir ?

Le souhait de la cliente se précisait de plus en plus. Et mon cerveau commençait déjà de faire travailler son imagination. Quelques idées fusèrent quand la dame évoqua le genre de motifs qu'elle désirait. Il y avait effectivement beaucoup de possibilités, et certaines étaient difficiles à expliquer oralement, qui plus est à se représenter pour le demandeur, surtout quand celui-ci n'était pas du métier. Il me fallait du matériel pour être clair.

Mmmh c'est possible oui. Il faut que je vérifie ce qu'il me reste comme tissu de cette couleur, mais au cas où il m'en manque, ne vous faites aucun souci, j'en tisserai. Veuillez m'excuser, je reviens.

Je repartis en direction du comptoir et me dirigeai dans l'arrière-boutique, pour chercher un reste de rouleau de coton vert émeraude. En passant, mon oeil fut une seconde attirée par la tisane qui ne fumait plus depuis longtemps. Et bien tant pis, ça n'allait pas être la première tisane froide que je buvais. Je me disais toujours dans ces cas-là que j'appréciais d'autant plus les chaudes quand j'avais l'occasion d'en boire une entre deux clients. Je chassai bien vite cette préoccupation pour me concentrer sur mon travail immédiat.

Après quelques rapides recherches, je tombai sur une chute qui correspondait. Je revins dans la pièce, non sans me munir pendant le voyage de quelques feuilles et de quoi écrire. Je posai tout sur la table qui ornait le milieu du magasin et déroulait quelques peu le tissu. Puis, manipulant la feuille pour l'orienter, je prononçai, pour me concentrer.

Alors, voyons voir. Comment pourrait-on faire... essayons ceci...

Armée de mon fusain, je me mis à griffonner quelques chose sur une première feuille. Puis je redressai pour la montrer à la gérante.

Nous pourrions envisager quelque chose dans ce style, avec quelques fleurs comme ornements ça et là, et qui parcourait tout le bas de la nappe. Ou alors le même motif de chaque côté de la nappe, relié par une tige plate ou légèrement ondulée.

Illustration

Je la laissai tranquillement contempler le premier ouvrage car une nouvelle idée me vint en tête. Alors avant qu'elle ne s'échappe, je pris une autre feuille et dessinai un croquis de ce que j'avais en tête. Quelques minutes plus tard, je lui tendis une deuxième suggestion.

Si vous trouvez qu'il y a trop de spirale, on peut imaginer quelque chose de plus épuré comme ceci, qui descendrait sur chaque côté de la table.

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Je me forçai d'arrêter là pour ne pas la submerger d'idées. Ma passion pour ce genre de chose était grande, et des fois, je devais me contenir pour pas saturer la clientèle. Avec les années, j'avais appris à nuancer ma fougue.

Je laissai tranquillement la jeune femme étudier mes deux propositions alors que mes yeux balayaient calmement ce magasin que j'avais déjà parcouru en long et en large de nombreuses fois. Il avait bien grandi ces dernières années, pour le plus grand plaisir de père, mais aussi le mien. J'étais heureuse de faire parti des artisans et de pouvoir mettre mon talent au service du plus grand nombre. C'était vraiment une qualification enrichissante.

La gérante s'arrêta sur le premier model. Je n'avais pas vraiment de préférence, et j'eus juste un sourire satisfait de voir que l'un des deux l'ait convaincu.

Super, alors je vais affiner le model et vous préparer cela. Si je me souviens bien, vous en souhaitez une dizaine, c'est bien cela ? Si je ne dois pas trop tisser du fil vert émeraude, je devrais être prête dans trois semaines. Autrement, il faudra probablement compter un mois et demi. J'espère que ce ne sera pas trop long pour vous ?

Je la laissai me répondre, espérant sincèrement qu'elle ne sera pas embarrassée par les délais. Mais j'avais beau avoir un certain niveau dans le domaine, j'avais encore pas mal de commande à honorer, et je ne pouvais décemment pas la faire passer devant les autres. Vu qu'elle m'avait déjà commandé quelque chose et que tout s'était bien passé, elle devait pouvoir comprendre.

La première partie de la commande était conclu. À mon soulagement, la cliente accepta sans problème mon délai. Le tout allait être de le tenir à présent. Mais j'étais assez confiante. À moins de gros imprévu, j'allais pouvoir tenir les délai, même si je devais tisser quelques nappes. J'avais appris à être efficace avec le temps. Surtout que dans deux jours, j'allais rencontrer la nouvelle employée qui allait m'accompagner un bon bout de temps. Une jeune fille qui commençait son apprentissage de couturière. J'avais hâte de faire sa connaissance.

Cependant, quand la client annonça la suite de sa commande, je me sentis un petit instant mal à l'aise. Faire des robes pour "ses employées", signifiait leur confectionner quelque chose d'attirant pour... ce genre de client. Je connaissais un peu la réputation du Lupanar, et j'avais beaucoup de mal avec eux. Quand il s'agissait de nappe, ça allait, ça restait commun, mais là, on rentrait presque dans le vif du sujet.

Je dûs prendre un peu sur moi pour ne pas lui dire "désolée, ça sort de mon domaine de compétence" et m'enlever cette épine du pied. Je finis par proposer.

Mmmh très bien, j'ai un assortiment assez complet de couleur, je dois pouvoir vous offrir un tel panel. Au niveau de la forme, il y a quelques models simples qui pourrait vous convenir.

Sur ces mots, je me dirigeai vers une armoire que j'ouvris. Là était disposés un certain nombres de models crées précédemment, que je présentais aux clients suivants. Cela avait l'avantage de gagner de temps à la conception, car j'avais déjà le design et la technique à utiliser bien en tête. Je sortis un premier habit.

Nous avons ceci

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Je laissai le temps à la jeune dame de l'observer, puis enchaînai avec un deuxième

ou alors ce model

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ou alors dans un style un peu plus... libre, nous avons ceci

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Par libre je pensais plus proche de ce que doit porter une prostituée. Dans mon esprit, c'est plutôt le terme de débauchée qui a surgi, mais je ne pouvais pas user de telle parole dans le cadre professionnel. Libre me paraissait une bonne parade.

J'eus un petit sourire sincère pour le premier compliment de la jeune cliente. Cela faisait du bien d'avoir un retour de ce genre pour notre travail et notre dévouement. Je la laissai tranquillement admirer les deux autres créations tranquillement, savourant intérieurement ce petit sentiment de satisfaction que je ressentais.

Comme je le pressentais, le choix se porta sur le troisième model. C'était logique au fond pour ce genre de place de travail. Heureusement que je ne devais que les confectionner et non les porter. La simple pensée de cette éventualité me répugnait assez. Mais je n'en fis rien paraître, car il était possible que certaines de ces jeunes filles n'avaient pas le choix que de se livrer à ce genre d'activité pour gagner son pain quotidien. Je ne leur portai donc aucun jugement négatif, juste une sorte de dégoût pour l'activité en elle-même.

La gérante du Lupanar précisa encore quelques souhaits. Dès ces premiers mots, je m'empressai d'utiliser un côté de feuille encore vierge pour y griffonner les notes nécessaires. Donc elle le rose, et les deux plus jeunes du blanc. Pour le reste qu'importe tant que c'était assez différent. Je posai le crayon sur ma lèvre inférieure pour réfléchir aux coloris que j'avais.

Mmh voyons. Si on enlève donc le rose, le blanc et le beige, cela nous laisse 9 coloris à ajouter...

Puis j'écrivis en même temps que je réfléchissais à voix haute.

J'ai du bleu ciel, du bordeau, du vert comme l'herbe, du jaune soleil, du noir... mmh quoi d'autre... du violet... n'hésitez pas à m'interrompre si une couleur ne vous convient pas bien sûr... lui adressai-je

Puis je tentai de me remémorer toutes les couleurs à ma disposition, pour après quelques secondes, enchaîner.

Nous avons aussi du gris, mais je ne sais pas si c'est... euh... comment dire... attirant...

Il fallait évidemment que les... clients consomment... même si je n'aimais pas ça, je me forçai à imaginer ce qui pouvait convenir.

Pourquoi pas de l'orange aussi, ou du bleu marine... ou si vraiment j'ai du brun aussi...

On touchait au but. Les nappes étaient choisis, et à présent, la couleur des robes l'étaient également. Encore quelques détails et nous étions parties mon apprenti et moi pour des heures de couture. Elle allait être vite dans le bain la pauvre. J'espérais en moi-même ne pas trop la surmener dès le début. Mais je faisais confiance à mon empathie. Pour ma part, je pourrais passer la journée derrière mon établi, alors ça la déchargera probablement un peu.

Je vous remercie. Il nous reste à déterminer quelle robe ira à qui. J'ai cru comprendre tout à l'heure que vous aviez écris leur mensuration. Vous permettez que j'y jette un oeil ? demandai-je gentiment

Une fois le papier en main, je l'étudiai scrupuleusement, puis je reposai mes yeux sur la cliente.

Si mes souvenirs sont bons, vous avez déjà des souhaits précis pour certaines d'entre vous, par exemple, vous vouliez le rose. Vous pouvez m'indiquer quelle mensuration sont les vôtres que je puisse y inscrire la couleur ? Et pareil pour celle que vous connaissez déjà s'il-vous plaît ?

En observant le papier de plus près, je m'aperçus bien vite qu'un nom était tracé. Mes yeux s'immobilisèrent dessus quelques secondes. Evidemment, mon esprit me posa la question du pourquoi. Quelques scénario passèrent dans ma tête, mais je n'eus pas le courage de poser la question à celle qui annonça s'appeler Isabelle. Ce pouvait être pris pour de l'intrusion dans la vie privée bien malvenue. Et puis en soi, cela ne me concernait pas, c'était juste mon esprit qui était très curieux.

Cependant, ces jeunes avaient pour la plupart de très beau prénom. Cela m'arracha un petit sourire. Elles ne faisaient pas un métier facile, j'en étais convaincue, alors je me promis à moi-même de donner mon maximum pour qu'au moins, elles se sentent belles dans ce que j'allais leur confectionner, pour leur donner un peu de bonheur intérieur. Oui, je leur devais bien ça à ces pauvres employées, bien que je ne doute bien de la bienveillance de leur cheffe ici présente.

Je pris note à la dictée des couleurs désirées pour les personnes que ma cliente du jour évoquait. Cela remplit déjà quatre lignes sur douze. Ne quittant pas le papier des yeux, commençant déjà presque à réfléchir au huit autres, je répondis, concentrée.

Très bien, j'étudierai leur morphologie plus en détail dans mon atelier, et tenterai de trouver la couleur adéquate. (un temps, je reposai le regard sur Isabelle) Non, tout me semble clair, je vous remercie de tous ces renseignements. finis-je en souriant

Arriva le sujet du prix. Habituée aux tarifs de ce magasin, je pris une nouvelle feuille et fit rapidement un calcul, tout en parlant.

Les conditions sont identiques à celle de votre dernière commande, à savoir environ le 10% du prix total à la commande, et le reste à la livraison. Bien sûr, si vous n'avez pas présentement les liquidités, je peux vous envoyer une facture

Je laissai un silence pour parfaire mon estimation, puis présentai le papier à Isabelle.

Toute la commande comprise, nous arrivons environ à 8000 rilchs. Dons 800 à la commande.