Le Code servile
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Le Code servile
En plein chamboulement de toutes les mentalités (cf. Réforme, Révolution copernicienne et autres vifs débats), la question de l'esclavage est l'un des points d'achoppement entre les doctes. Il est cependant imprudent de s'afficher ouvertement comme réfractaire à cette pratique, les controverses se tiennent plus ou moins dans l'ombre, tandis qu'au grand jour, tout à Monbrina encourage et justifie l'esclavage.
Il y a, prétend-on, incompatibilité entre l'exercice des tâches les plus viles et l'exercice libre des fonctions politiques ou militaires. Les unes encombrent les autres et les maisons nobles ont besoin d'esclaves. Aristote n'a-t-il pas écrit, au livre IV de sa Politique, "L'esclave est un instrument vivant. [...] Quand les navettes courront d'elles-mêmes sur les métiers à tisser, alors le maître n'aura plus besoin d'esclaves." ?
A Monbrina, l'esclavage est à la croisée des Traites modernes et des lois serviles antiques. Les esclaves sont des prises de guerre, ramenées au moment de la victoire, puis des ressources ponctionnées régulièrement, au même titre que d'autres richesses, dans les cinq colonies successivement conquises : Lôdmé, Mornoy, Hô-Yo, Zakros et Iswyliz. Cependant, des Monbriniens équitablement jugés et considérés comme infâmes, peuvent devenir esclaves s'ils sont en impossibilité de rembourser une lourde dette, ou encore s'ils sont arrêtés pour vagabondage, vols, parasitisme ou autres crimes graves.
Ci-après, quelques-unes des idées et lois que le gouvernement prend soin d'enseigner aux esclaves, ainsi que de placarder régulièrement dans les rues pour informer chaque sujet libre du juste comportement à avoir ~
Certains peuples sont destinés par les plans divins à être supérieurs : les forts, ceux qui remportent les guerres, comme Monbrina. Il peut donc disposer des plus faibles. Au lieu de tuer ses prisonniers, Monbrina leur laisse la vie sauve en échange de leur soumission. Sans oublier que nous prenons soin de n'asservir, dans les peuples vaincus, que des membres de la populace : ceux qui n'ont pas été placés par l'ordre divin dans la classe des dirigeants, instruits et capables de délibérer. Il est donc doublement dans l'intérêt des prisonniers d'être soumis : ils ne meurent pas, et puisqu'ils sont incultes, incapables de délibérer ni de se diriger, leurs maîtres le font pour eux.
La Bible enseigne que l'esclavage est prescrit par la loi du Très Haut. Voyez la punition de Canaan par Noé, dans le neuvième chapitre de la Genèse, au verset 25 : « Maudit soit Canaan ! Qu'il soit pour ses frères le dernier des esclaves ! » Le livre du Lévitique énonce aussi, au sujet des prisonniers de guerre : « Les serviteurs et servantes que tu auras viendront des nations qui vous entourent ; c'est d'elles que vous pourrez acquérir serviteurs et servantes. »
Aux quelques idéalistes prétendant que la Chrétienté doit abolir toute forme de hiérarchie, rappelons que l'égalité ne se fait que devant Dieu, qu'un certain ordre doit rester en vigueur pour empêcher le chaos, que la société et son fonctionnement est à l'image de ce qu'a voulu Dieu... et méditons sur les recommandations de Saint Pierre : « Serviteurs, soyez soumis avec une profonde crainte à vos maîtres, non seulement aux bons et aux doux, mais aussi aux acariâtres. » Saint Paul, enfin, n'a t-il pas écrit aux Corinthiens : « Que chacun demeure dans la condition où il se trouvait quand il a été appelé. Étais-tu esclave quand tu as été appelé ? Ne t'en soucies guère ; au contraire, alors même que tu pourrais te libérer, mets plutôt à profit ta condition d'esclave. » et aux Ephésiens : « Esclaves, obéissez à vos maîtres d'ici bas avec crainte et tremblement, et simplicité de cœur comme au Christ ; non d'une obéissance toute extérieure qui cherche à plaire aux hommes, mais comme des esclaves du Christ qui font la volonté de Dieu »
Lois Monbriniennes
> Sera marqué au fer rouge d'un M à l'épaule droite tout esclave du Royaume, dès son arrivée sur le marché.
> Lesdits esclaves sont la propriété pleine et entière de leur maître, qui a le droit de les offrir, les échanger, les revendre s'il le souhaite. Le maître n'a alors qu'à donner au prochain propriétaire de l'esclave la "feuille de route" de ce dernier, signée de sa main et où il reconnaît le don / échange / la revente. En effet, lors de l'achat d'un esclave, son acte de propriété est remis à son maître. Il est possible de transmettre ses esclaves à ses héritiers, au même titre que terres, fief, biens/meubles, animaux.
> Un maître punit son esclave comme il l'entend : fouet, enfermement, privation de nourriture, exposition, etc. Il n'a en revanche pas le droit de le tuer directement. Le maître doit passer pour cela par le Tribunal, qui jugera recevable ou non le motif de sa demande. Si les magistrats l'acceptent, les agents de la prévôté procéderont eux-mêmes à l'exécution publique.
> Un esclave qui lève la main sur son maître, ou sur toute autre personne de condition libre, est puni de mort. Sauf si la justice lui reconnaît des circonstances atténuantes, ce qui entraînera un allègement de la peine.
> Toute tentative de fuite est rigoureusement sanctionnée par le Tribunal, châtiment donné en public : 60 coups de fouet pour la première évasion, un jarret ou le nez tranché à la deuxième, la mort à la troisième.
> Comme toute autre denrée, l'esclave s'achète en rilchs, la monnaie de Monbrina. Le prix moyen d'un esclave de qualité basique se situe entre 8 000 rilchs et 10 000 rilchs.
> Un esclave peut exceptionnellement être affranchi par le roi, ou par un de ses plus grands seigneurs. Notamment si l'esclave est l'auteur d'un acte particulièrement héroïque ou salutaire pour le Royaume. La proposition d'affranchissement doit venir du maître de l'esclave en personne. Lors de son affranchissement, l'esclave reçoit un document l'attestant.
> L'exécution capitale d'un esclave se fait par écorchement ou flagellation jusqu'à dépeçage, puis exposition du corps bras en croix jusqu'à ce que mort s'en suive sur le "mur des condamnés" - un pan de la face Nord des remparts de Braktenn.
Quelques usages relatifs aux esclaves
> L'usage est de tutoyer les esclaves. En revanche, le vouvoiement et la révérence sont de mise de la part de l'esclave en présence de toute personne au-dessus de lui. Pour s'adresser à un individu libre (roturier, membre du clergé ou noble), l'esclave utilise "Monsieur (''Seigneur'' pour un noble) / Madame / Mademoiselle". Pour s'adresser à son propriétaire et aux membres de sa famille : "Maître / Maîtresse" ("jeune maître / jeune maîtresse" pour les enfants).
> L'esclave peut être assigné à toutes sortes de tâches selon le bon vouloir de son maître : des plus ingrates (champs, mines...) aux moins désagréables (divertissement, secrétariat...) en passant par la prostitution, ou encore les corvées domestiques et ménagères. Certains peuvent être délégués à des travaux pour la fonction publique (réparation d'un bâtiment, chantiers, routes, assainissement de la ville...). Il demeure néanmoins très rare que les esclaves soient utilisés pour autre choses que les corvées ingrates, d'autant que très peu d'entre eux sont instruits.
> Un maître peut finir par accorder une grande confiance à certains de ses esclaves et leur donner des attributions particulièrement proches de lui : garde du corps, gestion administratives pour les rarissimes esclaves sachant lire et écrire... Les esclaves dans lesquels leur maître ont confiance ont droit de sortie et de déambulation en ville. Ils savent de toute manière qu'une évasion est très difficile et qu'ils seront aisément retrouvés grâce aux portraits de la police et au M marqué à leur épaule.
> Les esclaves "invendus", ne trouvant pas preneur sur le marché, sont expédiés aux galères.
> Un esclave n'a pas droit à être entendu en justice. S'il y a nécessité absolue de son témoignage, celui-ci est réclamé par son maître ou par les magistrats, et ne se recueille que sous la torture.
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Un dernier mot... Il se chuchote, dans les rues et parmi les contestataires, que Gérald Der Ragascorn a commis une lourde erreur en ne prévoyant quasiment rien concernant l'affranchissement – hormis par lui-même ou ses plus grands seigneurs. La libération fonctionne comme une carotte en récompense d'une bonne obéissance, mais aussi comme un maigre espoir laissé au passage. Sans espoir, la colère gronde ~
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