[13 Sept 1597 - Terminé] Une rencontre maître-esclave [RP sensible]

Trigger Warning:

Ulysse avait passé une excellente nuit.

Il se leva ce matin-là d'une bonne humeur, songeant à l'atout qui reposait dans sa bibliothèque et l'aiderait à perfectionner son éducation. Enfin, il saurait lire. Enfin ! En premier lieu, il tartina sa peau hâlée de crème. Les aristocrates n'étaient aucun cas de vulgaires paysans et lui éprouvait grande fierté à leur ressembler. Il posa ensuite une perruque sur son crâne rasé puis quitte la chambre.

Lorsque le duc se présenta dans la salle à manger, deux esclaves solides attendaient contre le mur. Des tapisseries garnissaient la table. il s'apprêtait à manger lorsque le souvenir de la jeune fille bonde achetée hier au marché lui revint. Avec cette affaire incroyable avec Jérémie, son l'esprit l'avait oublié. Il se rappelait pourtant de ses yeux remplis d'espoir. De sa candeur. Comme il allait être intéressant de la briser !

Tournant la tête, il repéra l'intendant qui le fixait de son impassibilité habituelle.

Va me chercher la nouvelle esclave ! Tout de suite !

William eut du mal à masquer son trouble, terrifié par cette demande. Aud... Qu'allait-il lui arriver ? Il mentit, désireux de la protéger.

Elle est un peu souffrante, maître. Une forte fièvre.

Ulysse grogna. il ne supportait pas la contrariété, tel un enfant mal éduqué. Il se leva, excédé, et frappa un des esclaves adossé au mur. Celui-là essuierait sa frustration. Il le cogna de sa canne de toute sa rage.

Spoiler:

Même dans une nouvelle maison, on retrouvait toujours vite ses habitudes de serviteur. Les codes étaient toujours les mêmes : les esclaves dormaient dans un bâtiment bien précis, et avaient une routine plus ou moins commune chez les maîtres de Monbrina. Certes, la nuit n’était pas le moment le plus agréable de la journée – ce n’était pas comme s’il y avait de bons lits douillets à disposition – mais ici, c’était bien pire que tout ce qu’Aud avait déjà connu ! La puanteur des lieux, à cause du manque d’entretien, des autres esclaves, l’odeur des plaies encore ouvertes, ça prenait vraiment à la gorge ! C’était une odeur de souffrance…

Entre ça, et le fait qu’elle ait presque dû jeuner la veille – presque parce qu’il lui restait encore un dernier bout du pain de la petite esclave du marché, qu’elle finit tout en essayant de se reposer – sa nuit fut plutôt courte, et aucunement réparatrice. Enfin, peu importait : deux heures avant le lever du jour, c’était là où elle commençait sa journée. Nettoyer les cendres des cheminées, mettre de nouvelles buches, repasser un coup de plumeau sur les meubles, en profitant du fait que personne ne se baladait ici si tôt. C’était une habitude de servante domestique de commencer par ce petit rituel : ainsi, elle n’aura pas à faire le ménage pendant qu’un maître se trouve dans la même pièce, c’était affreusement mal vu.

Au final, elle ne vit même pas le temps passer. Nettoyer était si physique que son esprit s’en allait souvent ailleurs, dans des réflexions connues d’elle seule. Son ménage l’emmena alors vers le bâtiment principal, où se trouvaient les quartiers du maître. Oh elle se rappelait que William lui avait déconseillé de se rapprocher des pièces potentiellement peuplées, mais il ne restait plus que ça.

Elle arriva devant une large porte, qu’elle devina être celle de la salle à manger. La proximité du service de table dans le couloir en disait long, il y avait des indices qui ne trompaient pas… Et il y avait des voix.

« Va me chercher la nouvelle esclave ! Tout de suite ! »
« Elle est un peu souffrante, maître. Une forte fièvre. »

Elle devina la voix de William, et sans nul doute, c’était évidemment d’elle dont ils parlaient. Mais il y avait soudainement ces bruits de coups. Des gémissements et des cris étouffés. Ce n’était pas… le maître qui… ? Si… ? Son cœur commença à paniquer dans sa poitrine, tandis qu’elle resta un temps figée derrière la porte. Lâche ! se cria-t-elle mentalement. Un homme se fait frapper parce qu’on parle de toi ! Et tu ne fais rien !

S’armant du courage qu’elle voyait plutôt comme de l’inconscience, elle finit par toquer à la porte pour annoncer sa venue, et finalement l’ouvrir avant de s’avancer, et de s’incliner très humblement.

William observait avec désespoir, la mine impassible, le malheureux esclave subir les coups de canne de ce fou dont il savait depuis hier soir n'être pas Ulysse. Il n'était qu'un meurtrier avide de pouvoir et de sang. Il tressaillit en apercevant Aud entrer dans la salle à manger et jura intérieurement. Que Diable faisait-elle là ? Il avait pourtant dit...

Dans le même temps, Ulysse se délectait de la terreur lue dans les yeux de l'esclave qui subissait le châtiment et essayait de se protéger.  Des pas qui entraient dans la pièce suspendirent soudain son geste. Il se retourna et découvrit avec surprise l'adolescente. son sinistre rictus s'étira.

Tiens ! Tu es à nouveau sur tes deux jambes ? Je te croyais consumée par la fièvre.

Il souhaitait jouer avec cette fille. Elle semblait ne pas comprendre la violence et la cruauté. Elle s'était avancée en entendant son nom et surprenant le châtiment de l'autre esclave. Il allait être amusant de s'amuser à abuser de la gentillesse. Ulysse marcha vers la table et tira une chaise.

Assieds-toi, mon enfant !

Il s'écarta et prit sur la table une des innombrables pâtisseries. Sa main ouverte l'offrit à Aud.

Prends.

Ulysse avait hâte de lire son regard, surtout quand il retirerait sa main lorsque celle-ci essayerait de la prendre.

Alors qu’elle avançait à l’intérieur de la pièce, Aud posa son regard sur cet esclave sur le sol, ensanglanté… Un frisson d’effroi la prit. Ça devait faire horriblement mal, et c’était si injuste ! Elle savait qu’il n’avait rien fait… Et puis ses yeux se posèrent sur William, qui semblait éprouver la même chose qu’elle en cet instant.

« Je… Je vais mieux. » répondit-elle, en comprenant le mensonge de l’intendant. Il avait voulu la protéger…

Ses yeux revinrent alors sur son maître. Il souriait, comme si tout cela l’amusait. Qu’y avait-il d’amusant ? Il n’y avait rien de divertissant dans la souffrance. Surtout qu’elle savait qui il était : il connaissait la souffrance. Comment pouvait-il se réjouir d’une telle violence ? Ça dépassait complètement sa compréhension. Docile, elle s’avança quand le maître vint lui proposer une chaise. C’était… anormalement gentil. Mais il le lui demandait, et il l’invitait, elle n’avait pas d’autre choix que de s’approcher prudemment, et de s’assoir. Devant elle se trouvait tous les plats du maître, ce qui évidemment ne tardait pas à réveiller l’estomac vide de la jeune fille. Ulysse prit un petit gâteau à la crème d’une main, et la tendit vers elle.

« Prends. » lui disait-il.

Elle le regarda. Bien sûr, son ventre rêvait de pouvoir manger pareille pâtisserie ! Le bruit qui en résultait en témoignait parfaitement ! Mais ce n’était pas sa place, elle était une esclave, pas une invitée. On n’invitait pas une esclave à sa table, on ne lui servait pas à manger, et surtout pas quelque chose qui semblait aussi bon. D’ailleurs, cette main tendue était forcément un piège.

« Je suis navrée, je… je ne peux pas accepter… »

La jeune fille obtempérait sans le moindre désir de révolte. Ulysse s'ennuyait, déjà las. Elle ne serait pas amusante. Trop servile, sans volonté. Il faudrait bientôt s'en débarrasser. Les jouets inutiles devaient être jetés. Cela ne servait à rien de s'encombrer.

Elle était assise à la chaise. Son ventre grondait. Ses yeux dévorait la pâtisserie. Elle allait avidement se jeter dessus, prête à lui arracher la main.

A son propre étonnement, elle refusa tout en s'excusant poliment.

Ulysse était choqué. Si choqué qu'il en lâcha le gâteau qui tomba au sol.

es yeux observèrent un instant la pâtisserie puis fixèrent l'esclave. Finalement, le jouet n'était pas encore cassé. Son rictus sinistre lui revint. Il serra sa canne, la leva et frappa ses doigts.

Depuis quand un esclave se permet-il de refuser un ordre ? Debout ! Ramasse ce gâteau !

En retrait, William contemplait la scène, les poings serrés dans le dos, horrifié de ne pouvoir rien faire.

Il n’y avait aucune bonne réponse dans ce jeu malsain. Et à choisir, elle avait préféré celle qui lui ferait garder sa dignité, celle que son maître n’avait pas attendu. Une expression terrible traversa son visage, choqué et outré, et elle vit le gâteau s’écraser contre le sol. Mais ce n’était pas une victoire. Ce coup de canne sur ses doigts lui fit lâcher un cri bref de douleur, alors qu’elle les ramena vers elle par réflexe.

Il lui demanda de se lever. Et de ramasser le gâteau en même temps. Un paradoxe sur lequel il ne réfléchit même pas ! Aucune bonne réponse. Elle se leva pourtant de la chaise, ses mains recroquevillées entre elles pour faire passer la douleur. Et puis elle se baissa, se mit sur ses genoux et déplia ses doigts pour ramasser cette pauvre pâtisserie du mieux qu’elle pouvait. Le froid de la crème lui faisait du bien, détail qu’elle cachait du mieux qu’elle pouvait derrière une expression neutre.

« Avec votre permission, puis-je chercher une serpillère pour nettoyer… ? » se risqua-t-elle à demander, espérant jouer le rôle d’un meuble servile, pour ne pas alimenter le feu mauvais à l’intérieur de l’usurpateur.

Ulysse se délectait de cette soumission à laquelle l'esclave était sommée de se plier. Il aimait aussi cette froideur qu'elle manifestait à son égard. Briser les êtres forts, voilà qui s'avérait bien plus jouissif que de battre un individu apeuré ! Au fil des épreuves, elle connaitrait peu à peu le désespoir, la désillusion et l'abandon. Elle finirait par céder. Comme tous les autres jouets passés avant elle entre ses mains.

La voix de neutre de l'esclave osa parler.

Il la dévisagea, sévère, et la fixait. Elle demandait à se retirer sous prétexte de chercher une serpillière. Quelle idiote ! Il avait appris bien avant elle ces excuses pour disparaitre habilement de la vue d'un maître. Son rictus s'accentua.

Une serpillière ? Pourquoi donc ?

Sa canne pressa le dos de l'esclave et le contraignit à rester courbé.

N'as-tu pas une langue ? Ramasse ces dégâts avec !

Ulysse ne sut résister et laissa échapper un ricanement mauvais, fier de son emprise.

En retrait, William étouffait.

Aud resta figée un instant, quand elle comprit les intentions de son maître. La canne contre son dos continuait d’appuyer, pour l’empêcher de se relever, tandis que le regard de la jeune fille se reposa sur le gâteau écrasé sur le sol. Il voulait… qu’elle nettoie cela avec sa langue ? Certes, c’était humiliant, mais ce n’était pas là qu’était le réel problème. Elle n’avait jamais rien nettoyé avec sa langue, mais elle devinait assez vite que c’était l’une des pires méthodes : ça ne serait jamais vraiment propre, et ça prendrait un temps incroyablement long. Comment pouvait-il souhaiter ça ? Pour… le plaisir malsain de la regarder faire ? Quelle satisfaction en tirerait-il ?

« Je vous en prie, maître, je me dois d’insister… » Elle se pinça les lèvres, tâchant de reprendre au mieux son courage. « Je peux nettoyer mon erreur bien plus vite avec une serpillère qu’avec ma langue. Je sais votre temps précieux, je ferai au mieux pour ne plus vous en faire perdre davantage. »

Même si lui seul était fautif, elle savait par expérience que cela ne comptait pas dans une relation maître-esclave. Le responsable, ce serait forcément l’esclave. Elle. Alors autant qu’elle fasse au mieux avec ce qu’elle a, sans comprendre cette fascination qu’éprouvait Ulysse en torturant ainsi ses serviteurs. Comment pouvait-elle réaliser que ce n’était pas la langue ou la serpillère qui importait ? Mais sa propre soumission ?

Comment pouvait-elle comprendre qu’on voulait tout bonnement la briser ?

Aud croisa alors le regard de William. Il semblait… si tendu, si inquiet, comme si quelque chose lui faisait mal à l’intérieur et qu’il luttait. Était-ce donc un spectacle si insoutenable de la voir dans cette situation ? Cette position ? Non, il ne fallait pas qu’il s’en fasse ! Il n’avait pas à se soucier autant de ce qu’elle vivait. Car sinon… le voir ainsi… c’était elle qui allait finir par avoir mal à l’intérieur.

Ulysse aimait cette sensation d'impuissance qui se lisait dans les yeux confus de l'esclave. Elle ne comprenait pas les règles du jeu. Elle voudrait se battre, résister, mais savait aussi que seul lui pouvait l'emporter.

Elle était sa chose. A lui. Sa petite vie fragile, comme la lueur d'une chandelle, reposait dans le creux de ses mains. S'il le voulait réellement, son sang se répandrait dans quelques instants sur le sol. Son pouvoir terrifiant n'avait aucune limite. Il était tout et ses esclaves rien.

Ses yeux étaient fixés sur l'esclave, fasciné par ce regard perdu. Elle parlait mais il entendait à peine son babillage. Seule sa soumission était belle, pas le discours.

Profitant que le maître semblait occupé, l'esclave violemment puni de tout à l'heure s'avança prudemment et ramassa discrètement le gâteau pour le glisser dans un pan de la robe de la jeune fille. Il glissa sous sa main un chiffon. Il murmure très bas :

Fais semblant de lécher le sol. Puis nettoie avec le tissu.

Redoutant que leur cruel maître ne les surprenne, l'esclave se retira vite. Il eut cependant une légère caresse sur la peau de sa camarade, destiné à lui rappeler leur solidarité dans cette antichambre du purgatoire.

Lancer de dé :  Ulysse voit-il l'esclave aidant Aud ?
Réussite :  non  Échec :  oui

Le membre 'Ulysse de Rottenberg' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

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'Audace' :

Spoiler:

Ulysse continuait de fixer l'esclave, un sourire carnassier aux lèvres, et s'amusait toujours de sa soumission et de sa crainte. Il siffla, sinistre :

Je me demande ce que je vais faire de toi...

On ne l’avait jamais humiliée de la sorte… et pourtant, Aud ne connaissait pas grand-chose de l’honneur. En tant qu’esclave, on savait déjà qu’on n’en avait plus, qu’on n’avait pas le droit de se sentir souillé. C’était quelque chose que la jeune fille avait appris très tôt dans sa vie. Mais là… Là, c’était différent. Ce n’était pas bien. Ce n’était pas juste.

Et puis elle remarqua son compatriote s’approcher d’elle, discrètement. Dans le dos du maître. Seigneur, il était en sang… Chaque geste semblait lui être douloureux ! Mais il prenait quand même la peine de lui glisser quelques mots, en lui offrant ce gâteau et ce chiffon. Elle en restait muette… Et heureusement, car il ne faudrait pas que leur maître apprenne.

Ulysse était encore dans son propre monde, se réjouissant du mal qu’il faisait en jubilant.

Aud préféra alors ne rien répondre. Si elle parlait, alors d’une façon ou d’une autre, elle lui donnerait une mauvaise idée ! Mieux valait qu’il fasse comme tous les autres maîtres qu’elle avait eu : la prendre en tant que servante, la laisser faire son travail, l’ignorer… et il n’aura plus jamais à se plaindre de la moindre poussière. Mais… Ulysse ne le fera pas. Ce n’était pas pour ça qu’il l’avait achetée. C’était… pour le simple plaisir de faire du mal.

Le chiffon glissé au creux de sa main, elle baissa son visage vers le sol quand elle sentit le regard de son maître sur elle, se forçant à sortir la langue. Faire semblant de nettoyer… Juste semblant… et endurer. Elle l’avait promis à William, après tout ! Elle qui avait réussi à lui redonner espoir, elle refusait de se laisser écraser et briser maintenant.

Alors elle fera preuve de courage.

Ulysse sortit de sa jubilation pour contempler à nouveau l'esclave en proie à la confusion. il eut un regard surpris en apercevant un chiffon à sa main. Où l'avait-elle eu ? Il pesta. Voilà qui le privait de son plaisir ! Il vit ensuite un autre esclave se retirer difficilement et reconnut celui corrigé un peu plus tôt. Un éclair de compréhension lui vont presque aussitôt. Il observa successivement les deux créatures infamantes.

Misérables !

La canne levée, il frappa le bras de Aud et l'obligea à se retourner pour fixer celui qui venait de lui apporter son aide.

Observe, Vermine! Observe ce qui se passe quand on désobéit !

Dans de grandes enjambées, il rejoignit l'esclave et le battit à nouveau, continuant à faire couler plus de son sang sur le carrelage. Après la correction, l'usurpateur se retourna vers Aud, un rictus cruel défigurait son visage.

Ceci est ta faute, petite. Ta faute.

Il porta une emphase accentuée sur le mot de petite. Elle était sensible. Il l'avait perçu. Elle allait être dévastée.

"Comment te nommes-tu, au fait, petite ?"

Ulysse marcha vers l'adolescente et pointa le bout de sa canne sur sa gorge.

La voix d’Ulysse lui glaça le sang. Il l’avait vue. Et il la frappa aussitôt, lui faisant échapper un cri de stupeur et de douleur. Son cœur battait de manière catastrophée dans sa poitrine, alors qu’elle fut forcée de se retourner, et de voir l’autre esclave qui l’avait aidée. Non… Il leva sa canne, et l’abattit encore une fois sur ce pauvre homme. Non ! Il le battait, encore et encore, le sang recouvrait la canne et le sol et l’homme s’écroula. Inconscient ou… mort ? Pitié, pitié !!

C’était… de sa faute.

C’était entièrement de sa faute ! Et si l’esclave était mort ? Oh pitié… ce serait à cause d’elle. Et l’entendre, avec ces mots si froids, si cruels, comme des poignards dans sa poitrine, lui coupait le souffle.

« Ceci est ta faute, petite. Ta faute. »

Sa faute.

Ses yeux eurent du mal à quitter le sang pour finalement se relever vers son maître. On aurait dit une créature de cauchemar, et non un homme. Aud eut un mouvement de recul maladroit, toujours contre le sol, alors qu’elle se tenait le bras qui avait été frappé.

Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit.

La canne chaude du sang de l’esclave se pointa vers elle.

« … Au… Aud… »

Ulysse fixait l'adolescente de son air appuyé, la canne toujours appuyée contre sa gorge.

Ses yeux respiraient la peur et l'incompréhension. Elle était amusante. Terriblement amusante. Briser un jouet sur sa sensibilité était une de ses activités favorites. Le voir fondre peu à peu dans le désespoir. Étudier ses réactions. Certains sanglotaient ou suppliaient. D'autres se révoltaient. Cette proie-là promettait d'être fascinante.

Dans son regard apeuré, Ulysse percevait avant tout de la peur pour l'autre esclave et non pour sa vie. Elle avait si peu de cas pour elle-même  Il ne comprenait véritablement pas cela. Pourquoi se préoccuper pour une autre personne que soi-même. Cela le dépassait.

Elle répondait à sa question, tremblante. Il sourit de manière toujours inquiétante.

Aud ? Aud... J'ai envie de te composer une ode pour Aud !

Il laissa échapper un ricanement sinistre puis se tourna vers deux contremaîtres en désignant l'homme ensanglanté.

Cet esclave-là, emmenez-le à l'endroit... spécial. Moi, je vais prendre soin de la petite.

Ses yeux sadiques se redirigèrent vers la petite Aud.

Suis-moi.Tout de suite.

Sans attendre sa réaction, il quitta la salle à manger.

Leurs yeux se croisèrent un instant, et ce qu’y lut la jeune fille… la pétrifiait. Cet homme, éprouvait un tel plaisir à la voir ainsi. Elle voyait la joie, la satisfaction dans son regard, comme un plat dont on ne se lassait pas. Et il lui en faudrait plus. Était-ce… humain ? Pouvait-on se délecter de la souffrance à ce point ? Maintenant, elle savait qu’il n’y avait pas le vrai Ulysse sous cette carapace. Jérémie lui avait appris la vérité, et tout espoir de revoir le gentil duc que lui avait décrit William s’était envolé.

Alors quand elle l’entendait prononcer son nom… un frisson glacial la prenait. Elle n’aimait pas cette voix, ce ton. Et cet esclave… qu’allait-il devenir ? Quel était cet endroit spécial ? Son regard se posa sur lui, mille fois désolée. C’était à cause d’elle… Et s’ils le mettaient dans cette arène qu’avait parlée William ? Oh, elle ne se pardonnera jamais.

« Suis-moi. Tout de suite. »

L’ordre claqua à ses oreilles, et Aud eut du mal à se relever. Ses jambes s’étaient figées, mais elle ne pouvait pas rester là. Il fallait qu’elle le suive, qu’elle obéisse. Que faire d’autre ? Se tenant toujours le bras, elle finit par se mettre debout, suivant toujours des yeux cet esclave qui était trainé hors de la pièce.

Un dernier regard sur William, avant qu’elle ne quitte la pièce à son tour.

Dos au mur, William était figé. Il contemplait la scène sans pouvoir intervenir. Le pauvre esclave - Camille - gisait au sol ruisselant de sang. Aud était tapie sur le carrelage, tremblante. Lui était tétanisé. Cette horreur inimaginable le dépassait une fois de plus. Il ne s'habituait pas à cette violence meurtrière.


D'un pas rapide, sans jeter un regard en arrière, Ulysse quitta le bâtiment principal et arbora un sourire de satisfaction à la vision de l'arène. Quatre hommes solidement charpentée étaient enchaînes au mur d'un baraquement. De nombreuses traces de sang salissaient le sable à jamais marqué. Au centre, deux contremaîtres avaient amené l'esclave corrigé à l'instant dans la salle à manger. Le dénommé Camille était apeuré, sanguinolent, les mains liées dans son dos. Il pleurait. de désespoir. de terreur. Ulysse admirait cette souffrance à l"approche de la fin inexorable et s'en repaissait.

Il sembla se souvenir soudan de Aud et se retourna.

Petite, assied-toi donc là.

Il pointa un muret de petite taille qui faisait office de gradin. Sa voix était étonnamment douce et tranchait radicalement avec celle qu'il avait eue dans la salle à manger. Il reporta son attention vers les quatre captifs au mur. Son doigt s’abattit au hasard sur le brun aux traits doux. Un contremaître le libéra tout de suite et le poussa vers Ulysse.

La hache.

A l'intonation glaciale du maître, l'esclave détaché baissa la tête. Il fixa le pauvre garçon agenouillé dans le sable, terrifié, puis l'instrument que le second contremaître venait lui tendre. Son regard était désespéré. Deux de ses camarades avaient accompli, à contrecœur, cet acte inique et barbare. Il pensait y échapper. Ses épaules tremblèrent. Il ne voulait pas le faire.

Maître... Pitié !

Le sourire sadique d'Ulysse s'étira.

Si tu refuses, esclave, un autre le fera à ta place. Tes camarades ici présents, n'hésiteront pas, eux. Ils ont déjà tué, eux, et je suis persuadé qu'ils ont aimé cela. Que ne ferait-on pas pour vivre ? Alors, décide-toi. Y aurait-il un ou deux décapités finalement ? Choisis. Choisis sûrement. Tu connais le prix de l'erreur n'est-ce pas ?

Il jubilait de ce conflit intérieur qui se lisait dans les yeux du malheureux. Dans son dos, Aud devait avoir un si beau visage. Il lui tardait de se retourner et de l'admirer.

Docile mais effrayée, Aud rassembla tout ce qu’elle pouvait pour se relever, et suivre son maître. Mais elle appréhendait tant ce qu’elle aurait à voir ! Les traces noircies du sol, le sang qui y avait été étalé sans parvenir à l’effacer, lui donnait déjà des nausées, et elle n’osait pas marcher dessus. Ulysse marchait vers l’extérieur, mais où allait-il ? Ils se rapprochaient de l’endroit qu’avait désigné William la veille. La fameuse arène.

Rien que sa vue était horrifiante. Alors maintenant qu’elle vit son confrère au milieu, c’était…

Elle eut un haut-le-cœur. Et elle eut envie de crier. Mais rien ne sortait, elle était tout simplement immobile, jusqu’à ce qu’Ulysse lui dise trop gentiment de s’assoir. Elle obéit.

Tout ça semblait si irréel. Comme tiré d’une histoire destinée à effrayer les autres. Certains maîtres étaient violents et cruels, mais ça n’allait jamais aussi loin. Il y avait des gens, des esclaves, attachés, cadavériques, laissés au soleil et à la faim. D’autres plus en chair, qui semblaient avoir été attachés seulement récemment. Le maître désigna un de ces jeunes hommes, un esclave qu’Aud devinait très gentil, qu’on apporta sans douceur. Et les mots retentirent. La hache. Son esprit sembla comprendre d’un coup, alors que son âme se refusait à le voir. Une mise à mort ! C’était une… mise à mort ! Barbare et monstrueuse ! Cet esclave aux traits si doux allait devoir… décapiter celui qui avait eu la gentillesse de l’aider dans la salle à manger ?!

Aud ne pouvait pas être plus blême, plus horrifiée.

« Non… ! » laissa-t-elle échapper entre ses lèvres paralysées. « Pourquoi faites-vous ça ? Pourquoi est-ce que… vous… Ils n’ont rien fait de mal ! »

Alors qu'il s'asseyait sur le muret, proche de la jeune esclave, Ulysse souriait. Sa révolte l'amusait. Elle se débattait, essayait de comprendre... Il se retourna et la fixa d'un air doucereux.

Ils n'ont effectivement rien fait. Tu as raison. Mais je suis le maître. J'ai tous les droits sur un esclave que j'achète. Tu peux imaginer, petite, ce pouvoir que tu ressens quand tu soumets une autre personne. Il n'existe meilleure jouissance.

Sur le sable de l'arène, le malheureux captif fixait l'homme agenouillé au sol, les mains dans le dos, avec la lourde hache dans ses mains. Sa détresse était palpable. Le futur cadavre était résigné. Il lui accorda un sourire puis murmura des paroles que les oreilles d'Ulysse ne pouvaient percevoir à cette distance. L'esclave pleura alors que son bras droit leva haut la hache et sectionna le cou du malheureux. La tête tomba à terre et roula. Son bourreau s'effondra, semblable un enfant, et sanglota.

Ulysse tourna la tête vers Aud :

Ta première exécution, je suppose, non .? c'est sublime, non ? Voir la vie et la mort se superposer dans un même temps. C'est là qu'on apprécie soi-même d'être vivant.

Sur ces paroles, il se releva et alla ramasser la tête de l'esclave qui avait déjà roulé loin. Ulysse la ramena d'un air toujours doucereux pour la poser avec une délicatesse dérangeante sur les jambes d'Aud.

Vous aviez tissé quelques liens, il me semble. alors, petite, je te permets de conserver ton ami avec toi.

Ulysse réprima un ricanement. Il se tourna vers ses contremaîtres et pointa de sa canne deux esclaves. Ils s'équipèrent en tenue de gladiateurs, se préparant à regrets à s'affronter. Durant ce temps, leur malheureux comparse restait à geindre sur le sable, hanté par ce qu'il venait de réaliser.

Elle avait cessé de respirer à l’instant même où son confrère cessa de vivre. C’était la première fois qu’elle voyait quelqu’un mourir, alors ces circonstances… cette mise à mort injuste, des mains d’un homme qui était aussi blême et tremblant qu’elle, ce sang, cette tête qui roulait, ce corps sans vie, cette hache brillante…

Ses yeux étaient rouges, humides, mais aucune larme de coulait. Ses lèvres étaient ouvertes, mais aucun son n’en sortait.

Et Ulysse posa si délicatement cette tête sur ses cuisses, tandis qu’elle n’osait pas bouger le moindre muscle. Elle ne connaissait même pas le nom de cet esclave, mais son sang tâchait maintenant toute sa robe de rouge.

Comment son maître pouvait-il y voir de la beauté ? De la satisfaction d’être vivant ? C’était un acte contre-nature et criminel, quel dieu encourageait cela ? Aucun. Elle n’en connaissait pas vraiment, à part le dieu des catholiques qu’elle se forçait à prier quand c’était nécessaire, mais aucune culture d’aucun pays devrait dicter ce genre de conduite.

Prenant son courage à deux mains, tandis que les premières larmes se versèrent le long de ses joues, elle avança lentement ses doigts. Essayant… au moins… de lui fermer les yeux. Sa peau était encore chaude.

« Pardon… » lui murmura-t-elle, alors qu’Ulysse s’était tourné vers contremaîtres. « Pardon… Pardon… »

Il avait l’air en paix maintenant. L’était-il vraiment ? Il n’avait pas mérité pareil sort. Personne ne méritait cela ! Abattu comme un animal. Un maître avait le droit de se prêter à ce genre de jeux ? Ce n’était pas comme si on expliquait aux esclaves leurs droits quand on les condamnait à servir.

Incapable du moindre mouvement, surtout avec la tête sur ses jambes, elle eut un hoquet de surpris en voyant ces hommes vêtir ces atours… et prendre ces armes… Devinant ce qu’Ulysse avait en tête, et se maudissant pour avoir déjà ces visions en tête, Aud détourna le regard, fermant les yeux aussi fort qu’elle le pouvait. Elle ne supporterait pas pareil spectacle.

Ulysse admira un moment la silhouette quasiment figée de l'adolescente esclave. Elle ne parvenait à masquer le dégoût et l'effroi que ces scènes lui faisaient éprouver. Elle était en train de se détruire. Peu à peu. Les images lui reviendraient à l'esprit et la poursuivraient. Son évolution allait intéressante à suivre dans les prochains jours. Tremblerait-elle dès qu'elle le verrait ? Ou essayerait-elle encore d'être courageuse ? Il lui tardait de le découvrir.

Délaissant finalement son observation, il se tourna à nouveau vers l'arène et revenant s'asseoir sur le muret. Les deux gladiateurs étaient là. Le premier tremblait, le second se montrait inflexible, prêt à trancher la gorge ou le flanc de l'adversaire. Ulysse fronça les sourcils. Cet homme gagnait depuis trop longtemps. il avait apparemment pris goût au sang et s'animait par le désir brut de survivre. Cela pourrait être dangereux. Il faudrait y remédier après le combat. ou sinon, un jour, ce esclave aurait peut-être l'idée de retourner son arme contre lui.

Le combat commença.

Par désir de se débarrasser de l'esclave le plus fort, Ulysse imposa de le voir combattre en rétiaire, soit uniquement armé d'un filet alors que son adversaire se voyait remettre un long gladius. Ils se tournèrent autour un long moment, évaluant la force de l'autre. Le plus fort n'était qu'un animal, attentif aux signes de faiblesse. Son adversaire se montrait hésitant et cherchait le plus souvent à fuir.

Ulysse dit à Aud d'un sourire amusé :

Une belle partie que voilà, n'est-ce pas ? L'engagement n'est pas encore là.  Mais je parie que ce sera le rétiaire qui l'emportera. Cet homme-là est incroyablement fort. Il a déjà vaincu et tué une quinzaine d'adversaires.

Brusquement, le plus timoré jaillit vers le rétiaire et porta directement un coup dans les jambes. Déstabilisé, l'homme s'écroula au sol. Son adversaire s'empara du filet et saucissonna son rival. Il eut un sourire de fierté même s'il paraissait encore avoir du mal à croire en sa victoire. sa respiration était sifflante. il reprenait difficilement son souffle.

Face à ce retournement de situation, Ulysse contempla la scène un instant surpris puis sourit. Il aimait voir des hommes aussi forts vaincu par la ruse. Il tourna la tête vers Aud. Une nouvelle idée lui vint.

Normalement, le perdant doit mourir, tué de la main de celui qui l'a vaincu. Mais la foule peut parfois décider de lui accorder une grâce. Qu'en dis-tu, petite ? Et si...

Sa phrase resta en suspens. Il fixa la tête fraîchement coupée entre les cuisses de l'adolescente. Un sourire sadique s'étira.

Si tu acceptes de te débarrasser de ça, si tu le lances en mettant tes doigts dans les narines, ces deux hommes vivront.

De sa vie, elle n’avait jamais vu de combat… jusqu’à aujourd’hui. C’était un sujet dont les hommes parlaient souvent autour d’elle, pensant qu’elle n’écoutait pas vraiment. Il était toujours question d’honneur, de courage, de force, de victoire. C’était loin d’être ce qu’elle avait à présent sous les yeux. Ce duel n’avait aucune raison d’être, mais ces deux hommes étaient forcés de se battre. De se blesser. De faire couler le sang…

Oh, le sang… comme celui qui s’écoulait sur ses jambes, de la tête posée sur sa robe, qui l’empêchait tout bonnement de bouger. Comme si c’était le clou qui la fixait au muret. Les yeux de l’esclave étaient fermés, mais Aud sentait encore son regard sur elle. Et celui de son maître également.

Cela semblait l’amuser, d’ailleurs. Il se tourna vers elle avec un sourire joyeux, comme s’il regardait une pièce de théâtre innocente. Ce sourire… ce sourire terrifiant… elle se sentit trembler en le voyant.

Encore plus en l’écoutant.

Que venait-il de dire ? Elle tourna sa tête vers lui, horrifiée. Non ! Pourquoi lui proposait-il de… Non ! Comment pouvait-il oser lui laisser ce choix ?

« Je vous en prie… C’est assez… » Sa voix brisée ne trompa personne, d’autant que ses tremblements ne cessèrent pas. « Un homme est déjà mort, c’est plus qu’assez… J-Je… Je nettoierais tous les gâteaux que vous désirez avec la langue, je ferais tout ce que vous voudrez, mais par pitié… il n’y a nul besoin d’aller aussi loin… »

Elle ne pourrait jamais manquer ainsi de respect à un homme, mort anonymement et injustement pour l’aider. Et elle ne pourrait pas non plus accepter qu’un autre esclave, vivant, se fasse tuer pour cela. Cette tête la paralysait, la mort la paralysait, et le sang… le sang, c’était le pire. Ça la tétanisait encore plus que le reste.

Le sang qui s'écoulait de la tête et se répandait sur les jupons de la jeune esclave enivrait Ulysse. Il aimait la pureté souiller par le mal. Cette fleur essayait d'éclore et d'être belle. Il arracherait une à une ses pétales. Elle cherchait à négocier, à ne pas accomplir l'acte réclamé.

Paraissant un instant ne pas entendre, Ulysse saisit par les cheveux la tête et la lança négligemment au loin. Il se tourna vers ses contremaîtres :

Rattachez ces deux esclaves. On les départagera un autre jour.

Il se tourna à nouveau vers Aud et effleura une de ses mèches pour mieux la tirer.

Quant à toi... Toi, tu as osé désobéir à un ordre de ton maître. Tu sais que je pourrais te tuer là tout de suite ? Un esclave n'a aucune voix. Ce n'est qu'un objet. Un meuble. Mais je vais être magnanime.

Son inquiétant sourire se posait sur elle. il la poussa en même temps et la fit tomber au sol.

Mettez-la au cachot. Avec des chaînes. Elle y restera aussi longtemps que je le jugerai nécessaire. cette rebelle a besoin d'être dressée.

Les deux contremaîtres ne répondirent pas. Ils s'approchèrent en silence d'un pas rapide de l'esclave, prêts à la saisir.