[Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
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[Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
À Fromart. Lavinia était à Fromart. Éléonore s'était efforcée de ne pas s'y rendre. Même en ayant envie de voir Alduis, elle s'était abstenue. Elle ne pouvait pas y aller. Soit elle croiserait Coldris, soit il aurait l'impression qu'elle faisait exprès de passer chez lui pour le provoquer. C'était inconcevable. Il la croirait incapable d'accepter que c'était fini, or, même si cela lui pesait terriblement sur le cœur, elle s'était juré de le laisser en paix quand il en aurait assez d'elle.
Ce n'était qu'un jeu, et c'était terminé. Voilà tout. Elle pouvait bien avoir recommencé à pleurer par nuits entières ; recommencer à jouer avec sa lame bien trop près de sa peau sans même oser l'entailler, trop près de sa gorge sans oser appuyer – ; réévalué les distances entre au sol de toutes les fenêtres de son hôtel particulier en se demandant encore si l'une d'entre elle pouvait lui assurer de ne pas en réchapper – rien ne valait sa chambre à Tianidre, à flanc de falaise. Tout cela, elle pouvait faire. Elle avait même essayé de se convaincre qu'elle s'était bien assez reconstruite, et qu'Ariste aurait trouvé ça suffisant. Que maintenant, elle pouvait abandonner. Sauf qu'elle n'arrivait pas à s'en convaincre. Elle n'arrivait pas à en finir. Même pour ça, elle était trop lâche. Et elle se trouvait des excuses, en plus ! Elle se disait que cela risquerait de faire culpabiliser Alduis, par exemple. Tout ça pour nier l'évidence : elle n'était pas assez forte
Et voilà qu'on lui apprenait que, selon les rumeurs, Lavinia s'était perdu dans les bois en pleine tempête de neige. Voilà qu'en se rendant chez elle pour prendre des nouvelles en personne – cela, après tout ce qui s'était déjà passé... elle devait au moins faire mine de se montrer pour ne pas laisser entendre à son amie qu'elle lui en voulait pas, comme celle-ci le craignait – on la renvoyait vers Fromart où celle-ci était apparemment hébergée. Quelle guigne ! Mais elle ne pouvait pas renoncer.
Elle avait craint qu'on ne lui ait interdit l'accès au domaine. Ce n'était visiblement pas le cas. D'ailleurs… outre ce qu'il imaginerait... Ce n'était peut-être pas prudent de traîner dans ses pieds... Quoiqu'elle s'en fichait. Que risquait-elle vraiment ? Qu'il se décide à la faire assassiner ? Bon débarras. Elle ne lui en voudrait pas, ça ne faisait pas de lui quelqu'un de mauvais, il l'aurait fait pour se protéger… et lui aurait rendu un fier service, par dessus le marché. Mais elle ne pensait pas qu'il le ferait… Enfin... Elle n'en savait rien, en fait. Elle ne savait plus rien à rien.
Soit. On l'avait laissée entrer, et elle attendait d'être reçue par son amie. Elle ne devait pas montrer sa faiblesse. Pas devant Lavinia qui n'avait certainement pas besoin de plus de tourments qu'elle n'en portait déjà.
Ce n'était qu'un jeu, et c'était terminé. Voilà tout. Elle pouvait bien avoir recommencé à pleurer par nuits entières ; recommencer à jouer avec sa lame bien trop près de sa peau sans même oser l'entailler, trop près de sa gorge sans oser appuyer – ; réévalué les distances entre au sol de toutes les fenêtres de son hôtel particulier en se demandant encore si l'une d'entre elle pouvait lui assurer de ne pas en réchapper – rien ne valait sa chambre à Tianidre, à flanc de falaise. Tout cela, elle pouvait faire. Elle avait même essayé de se convaincre qu'elle s'était bien assez reconstruite, et qu'Ariste aurait trouvé ça suffisant. Que maintenant, elle pouvait abandonner. Sauf qu'elle n'arrivait pas à s'en convaincre. Elle n'arrivait pas à en finir. Même pour ça, elle était trop lâche. Et elle se trouvait des excuses, en plus ! Elle se disait que cela risquerait de faire culpabiliser Alduis, par exemple. Tout ça pour nier l'évidence : elle n'était pas assez forte
Et voilà qu'on lui apprenait que, selon les rumeurs, Lavinia s'était perdu dans les bois en pleine tempête de neige. Voilà qu'en se rendant chez elle pour prendre des nouvelles en personne – cela, après tout ce qui s'était déjà passé... elle devait au moins faire mine de se montrer pour ne pas laisser entendre à son amie qu'elle lui en voulait pas, comme celle-ci le craignait – on la renvoyait vers Fromart où celle-ci était apparemment hébergée. Quelle guigne ! Mais elle ne pouvait pas renoncer.
Elle avait craint qu'on ne lui ait interdit l'accès au domaine. Ce n'était visiblement pas le cas. D'ailleurs… outre ce qu'il imaginerait... Ce n'était peut-être pas prudent de traîner dans ses pieds... Quoiqu'elle s'en fichait. Que risquait-elle vraiment ? Qu'il se décide à la faire assassiner ? Bon débarras. Elle ne lui en voudrait pas, ça ne faisait pas de lui quelqu'un de mauvais, il l'aurait fait pour se protéger… et lui aurait rendu un fier service, par dessus le marché. Mais elle ne pensait pas qu'il le ferait… Enfin... Elle n'en savait rien, en fait. Elle ne savait plus rien à rien.
Soit. On l'avait laissée entrer, et elle attendait d'être reçue par son amie. Elle ne devait pas montrer sa faiblesse. Pas devant Lavinia qui n'avait certainement pas besoin de plus de tourments qu'elle n'en portait déjà.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Lavinia venait tout juste de s’installer à Fromart. Tout le monde semblait s’accorder sur le fait qu’en étant ici, elle retrouverait rapidement sa joie de vivre. Il était vrai que la présence de Bérénice, Alduis et surtout le petit Adéis lui apportait du réconfort et surtout de l’animation, mais au fond d’elle, la noirceur n’avait pas disparu.
Elle repensait en boucle à sa conversation la veille avec Alduis et ce qui s’en était dit. Elle devait trouver le courage d’avouer la vérité à Eldred. Il était convenu que le jeune zakrotien vienne la rejoindre le lendemain, mais depuis que sa décision avait été prise, elle était en proie aux pires tourments.
Elle lui avait promis de vivre et pour le moment c’est ce qu’elle s'efforçait de faire...pour lui. Mais si il la rejeter ? Si quand il saurait, il déciderait qu’elle ne valait plus le coup de se mettre autant en danger ? Il ne lui resterait qu’à trouver un moyen ferme et définitif de ne plus souffrir de la sorte. Un accident domestique était si vite arrivé, une chute dans les escaliers...mais il y avait son père qui entrait en compte et venait mettre à mal ses réflexions. Elle était perdue et apeurée, elle ne savait plus quoi penser, quoi faire de son coeur. Fallait-il le laisser s’exprimer et se voir consumer à petit feu à chaque rencontre avec Eldred ? Ou , au contraire, le serrer au point de l’étouffer et le réduire en cendre ?
Elle était arrivée à cette réflexion, au moment où un domestique lui fit part de la visite d’Éléonore. La pauvre, elle ne lui avait donné aucune nouvelle depuis des jours et ne s’était pas inquiétée d’en prendre. Lavinia s’en voulait terriblement, surtout que sa mésaventure devait avoir fait le tour des rumeurs mondaines. Il était fort probable que son escapade lui soit arrivée aux oreilles.
Lavinia décida de revêtir son manteau et d’enfiler ses gants. Il était impossible de converser sur des sujets qu’elle savait tendu à l’intérieur. Les oreilles indiscrètes trouvaient toujours de quoi se mettre sous la dent et malgré toutes les précautions prises. Lorsqu’elle arriva dans l’entrée, elle se para d’un sourire joyeux, même si le cœur n’y était pas, mais la politesse oblige à se montrer cordiale surtout en présence d’une amie.
— Éléonore ! Je suis heureuse de vous voir ! Venez discuter dans les jardins, la neige leur donne un aspect des plus sublime.
Lavinia s’empara du bras de son amie et la conduisit à l’arrière du domaine. Pas rassurée, elle ne savait pas comment entamer la conversation. Elle avait trop peur d’aborder le sujet de la tempête.
Elle repensait en boucle à sa conversation la veille avec Alduis et ce qui s’en était dit. Elle devait trouver le courage d’avouer la vérité à Eldred. Il était convenu que le jeune zakrotien vienne la rejoindre le lendemain, mais depuis que sa décision avait été prise, elle était en proie aux pires tourments.
Elle lui avait promis de vivre et pour le moment c’est ce qu’elle s'efforçait de faire...pour lui. Mais si il la rejeter ? Si quand il saurait, il déciderait qu’elle ne valait plus le coup de se mettre autant en danger ? Il ne lui resterait qu’à trouver un moyen ferme et définitif de ne plus souffrir de la sorte. Un accident domestique était si vite arrivé, une chute dans les escaliers...mais il y avait son père qui entrait en compte et venait mettre à mal ses réflexions. Elle était perdue et apeurée, elle ne savait plus quoi penser, quoi faire de son coeur. Fallait-il le laisser s’exprimer et se voir consumer à petit feu à chaque rencontre avec Eldred ? Ou , au contraire, le serrer au point de l’étouffer et le réduire en cendre ?
Elle était arrivée à cette réflexion, au moment où un domestique lui fit part de la visite d’Éléonore. La pauvre, elle ne lui avait donné aucune nouvelle depuis des jours et ne s’était pas inquiétée d’en prendre. Lavinia s’en voulait terriblement, surtout que sa mésaventure devait avoir fait le tour des rumeurs mondaines. Il était fort probable que son escapade lui soit arrivée aux oreilles.
Lavinia décida de revêtir son manteau et d’enfiler ses gants. Il était impossible de converser sur des sujets qu’elle savait tendu à l’intérieur. Les oreilles indiscrètes trouvaient toujours de quoi se mettre sous la dent et malgré toutes les précautions prises. Lorsqu’elle arriva dans l’entrée, elle se para d’un sourire joyeux, même si le cœur n’y était pas, mais la politesse oblige à se montrer cordiale surtout en présence d’une amie.
— Éléonore ! Je suis heureuse de vous voir ! Venez discuter dans les jardins, la neige leur donne un aspect des plus sublime.
Lavinia s’empara du bras de son amie et la conduisit à l’arrière du domaine. Pas rassurée, elle ne savait pas comment entamer la conversation. Elle avait trop peur d’aborder le sujet de la tempête.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
On la fit entrer, mais dès qu’elle arriva, Lavinia prit son bras pour la ramener dehors. Elle l’avait saluée avec un enthousiasme feint, mais pas de ceux que l’on feint par hypocrisie envers une personne que l’on méprise. Non, plutôt de ceux que l’on s’inventait pour préserver ses proches de ses maux. Mais Eléonore avait toujours perçu assez facilement la douleur, même maquillée…
Quoiqu’après ce qui s’était passé l’autre soir, elle commençait à douter d’avoir même cette capacité-là. Il était tellement plus sensible, plus blessé qu’elle n’aurait pu l’imaginer… Elle n’aurait jamais cru que, dissimulée derrière même toutes les émotions qu’il ne laissait pas transparaître, il existait une telle souffrance. Il n’allait pas bien, encore moins bien qu’elle ne se l’était figurée, et c’était sans doute pire encore que ce qu’elle en avait vu… Soit. Il ne voulait plus d’elle, elle ne pouvait pas l’aider…
Elle aurait voulu, pourtant. Mais elle ne saurait rien faire sinon agraver les choses. Inutile Eléonore. Lâche Eléonore. Soit : elle avait quelqu’un d’autre qui avait visiblement besoin d’une oreille attentive.
— Moi de même ! Cela faisait longtemps. Elle aurait dû retourner la voir après sa fuite de la dernière fois. Elle aurait dû, mais elle n’avait pas osé, de peur qu’on la rejette. Oui, les jardins… Je dois vous avouer qu’Alduis me les a déjà fait visiter, mais je vous y suis de bon gré ! En espérant que cette fois, elle ne dise pas de bêtise qui fasse dériver son interlocutrice… Elle avait été si maladroite avec Alduis…
Elle se laissa donc mener dans les jardins, qui étaient effectivement sublimes. Elle ne pouvait s’empêcher de se rappeler qu’elle était chez lui. Elles firent quelques pas, Eléonore ne savait pas par où commencer. Elle ne savait même pas comment aborder le sujet. Alors, au lieu de s’enquérir des choses importantes, elle prit un détour. Incapable qu’elle était !
— J’ai été fort étonnée que l’on me renvoie ici. Vous m’aviez bien dit connaître les Fromart, mais je ne pensais pas que vous logiez chez eux. Est-ce votre amitié avec... quel était son nom, déjà ? Ah, oui : Bérénice qui vous a valu cette invitation ?
Quoiqu’après ce qui s’était passé l’autre soir, elle commençait à douter d’avoir même cette capacité-là. Il était tellement plus sensible, plus blessé qu’elle n’aurait pu l’imaginer… Elle n’aurait jamais cru que, dissimulée derrière même toutes les émotions qu’il ne laissait pas transparaître, il existait une telle souffrance. Il n’allait pas bien, encore moins bien qu’elle ne se l’était figurée, et c’était sans doute pire encore que ce qu’elle en avait vu… Soit. Il ne voulait plus d’elle, elle ne pouvait pas l’aider…
Elle aurait voulu, pourtant. Mais elle ne saurait rien faire sinon agraver les choses. Inutile Eléonore. Lâche Eléonore. Soit : elle avait quelqu’un d’autre qui avait visiblement besoin d’une oreille attentive.
— Moi de même ! Cela faisait longtemps. Elle aurait dû retourner la voir après sa fuite de la dernière fois. Elle aurait dû, mais elle n’avait pas osé, de peur qu’on la rejette. Oui, les jardins… Je dois vous avouer qu’Alduis me les a déjà fait visiter, mais je vous y suis de bon gré ! En espérant que cette fois, elle ne dise pas de bêtise qui fasse dériver son interlocutrice… Elle avait été si maladroite avec Alduis…
Elle se laissa donc mener dans les jardins, qui étaient effectivement sublimes. Elle ne pouvait s’empêcher de se rappeler qu’elle était chez lui. Elles firent quelques pas, Eléonore ne savait pas par où commencer. Elle ne savait même pas comment aborder le sujet. Alors, au lieu de s’enquérir des choses importantes, elle prit un détour. Incapable qu’elle était !
— J’ai été fort étonnée que l’on me renvoie ici. Vous m’aviez bien dit connaître les Fromart, mais je ne pensais pas que vous logiez chez eux. Est-ce votre amitié avec... quel était son nom, déjà ? Ah, oui : Bérénice qui vous a valu cette invitation ?
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Elles étaient enfin dans les jardins, et l’air frais l’aidait à apaiser ses tourments. Pourquoi était-elle si anxieuse à converser avec Éléonore ? Si elle n’arrivait même pas à parler avec son amie, comment allait-elle faire devant Eldred ? Lavinia jouait nerveusement avec ses doigts quand Éléonore prit la parole, désamorçant ainsi la situation. Quoique la question la surprit quelque peu, elle fut contente d’aborder un sujet si annodin.
— Bérénice et moi sommes des amies d’enfance, expliqua-t-elle.Il est vrai que nous n’avons pas véritablement retrouver la même relation à présent que nous sommes adultes. Elle m’intimide un peu, elle est la personne que j’aurais voulu devenir et que je ne deviendrai sûrement jamais…
Lavinia se racla la gorge, la conversation devenait un peu trop intime. Si elle continuait sur ce chemin, elle s’effondrait de nouveau. Son envie de fuir serait plus forte, elle ne pourrait plus réfréner sa pulsion naturelle. Il vaudrait peut-être mieux qu’elle retrouve sa place auprès d’Antoine. Le destin s'accomplirait et tous pourraient reprendre leur vie sans qu’elle n’apporte plus de désespoir et d’ennui.
— À vrai dire, l’invitation venait d’Alduis. Nous nous sommes rapprochés, ces derniers temps. Nous partageons les mêmes tourments en quelque sorte. Il me comprends sur certains points… Alduis, Bérénice, je suis plutôt bien entouré ici ! C’est animé, cela me fait du bien.
Elle ne voulait pas que l’on ne parle que d’elle. Elle voulait savoir ce qui se passait à l’extérieur de ces murs. Après tout, elle s’était isolée et repliée sur elle-même depuis son arrivée à Braktenn. Peut-être car elle ne se voyait pas pouvoir vivre dans cette ville et que sa fin de vie approchait à grand pas. Mais les paroles d’Eldred lui avaient fait voir une autre voie, un chemin qui la mènerait à vivre ici, vivre tout court.
— Quelles nouvelles m’apportez-vous ? Que raconte-t-on de croustillant en ville ? Et vous ? Comment vont vos petites affaires ? Cette scène à l’église, j’en suis encore fort navrée, vous me racontiez tant de chose et moi...
— Bérénice et moi sommes des amies d’enfance, expliqua-t-elle.Il est vrai que nous n’avons pas véritablement retrouver la même relation à présent que nous sommes adultes. Elle m’intimide un peu, elle est la personne que j’aurais voulu devenir et que je ne deviendrai sûrement jamais…
Lavinia se racla la gorge, la conversation devenait un peu trop intime. Si elle continuait sur ce chemin, elle s’effondrait de nouveau. Son envie de fuir serait plus forte, elle ne pourrait plus réfréner sa pulsion naturelle. Il vaudrait peut-être mieux qu’elle retrouve sa place auprès d’Antoine. Le destin s'accomplirait et tous pourraient reprendre leur vie sans qu’elle n’apporte plus de désespoir et d’ennui.
— À vrai dire, l’invitation venait d’Alduis. Nous nous sommes rapprochés, ces derniers temps. Nous partageons les mêmes tourments en quelque sorte. Il me comprends sur certains points… Alduis, Bérénice, je suis plutôt bien entouré ici ! C’est animé, cela me fait du bien.
Elle ne voulait pas que l’on ne parle que d’elle. Elle voulait savoir ce qui se passait à l’extérieur de ces murs. Après tout, elle s’était isolée et repliée sur elle-même depuis son arrivée à Braktenn. Peut-être car elle ne se voyait pas pouvoir vivre dans cette ville et que sa fin de vie approchait à grand pas. Mais les paroles d’Eldred lui avaient fait voir une autre voie, un chemin qui la mènerait à vivre ici, vivre tout court.
— Quelles nouvelles m’apportez-vous ? Que raconte-t-on de croustillant en ville ? Et vous ? Comment vont vos petites affaires ? Cette scène à l’église, j’en suis encore fort navrée, vous me racontiez tant de chose et moi...
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Lavinia évoqua d’abord son amitié avec Bérénice. Oui, à ce qu’on disait - enfin, à ce qu’Alduis disait - c’était quelqu’un d’exceptionnel. Elle voulait bien les croire, tous les deux.
— Elle a ses forces, j’en suis persuadée, on ne m’en a parlé qu’en termes élogieux. Je ne doute pas qu'elle ait beaucoup de qualités, cela ne signifie pas que vous n’avez pas les vôtres.
Mais ce n’était pas Bérénice qui l’avait invitée ici, mais plutôt Alduis. Elle était contente de voir Alduis s’entourer de gens agréables. En revanche, ce qu’elle était moins heureuse d’entendre, c’était que Lavinia était tout aussi affligée que lui. Oh, bien sûr, elle savait déjà que son amie n’était pas idéalement heureuse mais… Mais elle ne se rendait sans doute pas compte de l’ampleur de son aveu.
— Lavinia...
Elle se laissa interrompre aussi bien par les requêtes de la jeune femme que par son incapacité à formuler une phrase convenable. Que racontait-on en ville ? A part les échos qu’elle avait par Eltinne - qui était plus friande de ragots qu’il n’était raisonnnable - elle n’en savait pas grand chose. Voilà quatre jours déjà, sans compter la soirée du huit, qu’elle avait replongé.
Ce qu’elle lui racontait à l’église… Qu’elle était une ignoble gourde, assez stupide pour croire que ce n’était qu’un jeu et que cela ne l’affecterait jamais. Qu’elle avait été stupide depuis le début. Il l’avait envoûtée. Etait-elle une sotte défaitiste, lâche et inutile ? Oh, sans le moindre doute. En attendant, elle s’était promis de ne pas le déranger, de ne pas insister davantage s’il ne voulait plus la revoir. Il ne méritait pas qu’elle lui gâche la vie uniquement parce qu’elle n’avait pas su s’empêcher de s’attacher. Tant pis pour sa dette.
— Je dois vous avouer que je suis à peine sortie, ces derniers jours… Le seul écho que j’ai eu est...
Eléonore marqua une hésitation. Devait-elle vraiment parler de cela ?
— … celui de votre mésaventure.
D’ailleurs, d’après ce qu’elle avait entendu, un doute pernicieux vint infiltrer son esprit.
— Vous savez… Je suis au courant pour bon nombre des tourments d’Alduis. J’en sais assez pour penser que si vous aussi, vous les partagez...
“Vous aussi” parce que Lavinia n’était pas la seule dans cette allées enneigée qui souffrait énormément. Mais c’était bien la seule qui avait de l’importance à ce moment précis. Alors, que se passait-il si elle se sentait si mal ? Qu’allait-elle dire ? Qu’elle se faisait beaucoup de souci pour elle ? Oh, ça ne ferait que l’affliger davantage. Que la vie était belle et valait la peine d’être vécue ? C’eut été fort hypocrite.
Quoique... les choses étaient différentes. Lavinia et Alduis n’étaient pas comme elle. Elle n’aurait jamais prétendu qu’ils avaient moins souffert, c’était éhontément mensonger. Elle le savait bien, de toute façon, qu’elle “faisait des simagrées”. C’était ce qu’Eltinne lui avait dit ce matin parce qu’elle n’avait pas faim. Qu’elle en avait assez de ses simagrées. Et que si c’était pour rester de nouveau clouée au lit toute la journée pour des bêtises, elles pouvaient toujours rentrer à Tianidre. Et que oui, elle concevait que perdre Ariste avait été une épreuve difficile, mais que franchement, là, son attitude devenait ridicule. Ridicule Eléonore. Faible Eléonore. Minable Eléonore qui gâchait la vie de tout le monde pour rien ! Elle se détestait tellement.
C’était pour cela que Lavinia et Alduis méritaient une nouvelle chance de bonheur et pas elle. Lavinia, Alduis… et Coldris aussi. Ils méritaient d’être vraiment heureux parce que chez eux, il y avait quelque chose à sauver. C’était des gens formidables même s’ils ne le voyaient pas, et même s’ils avaient souffert beaucoup plus qu’elle, ils arrivaient à poursuivre et à apporter du réconfort aux autres. Alors, si elle avait des chances de bonheur, elle voulait bien mourir immédiatement et les leur offrir, parce qu’eux, il les méritaient. Eux, ils n’étaient pas que des pitoyables gamines fragiles qui détruisaient la vie des autres avec leurs pathétiques enfantillages.
— Sachez seulement que je ne vous jugerai pas.
C’était encore la seule chose dont elle était capable : ne pas juger. Comment aurait-elle pu quand elle était la plus faible, la plus stupide, la plus inutile, la plus accablée de défauts et privée de qualités parmi eux tous ?
— Elle a ses forces, j’en suis persuadée, on ne m’en a parlé qu’en termes élogieux. Je ne doute pas qu'elle ait beaucoup de qualités, cela ne signifie pas que vous n’avez pas les vôtres.
Mais ce n’était pas Bérénice qui l’avait invitée ici, mais plutôt Alduis. Elle était contente de voir Alduis s’entourer de gens agréables. En revanche, ce qu’elle était moins heureuse d’entendre, c’était que Lavinia était tout aussi affligée que lui. Oh, bien sûr, elle savait déjà que son amie n’était pas idéalement heureuse mais… Mais elle ne se rendait sans doute pas compte de l’ampleur de son aveu.
— Lavinia...
Elle se laissa interrompre aussi bien par les requêtes de la jeune femme que par son incapacité à formuler une phrase convenable. Que racontait-on en ville ? A part les échos qu’elle avait par Eltinne - qui était plus friande de ragots qu’il n’était raisonnnable - elle n’en savait pas grand chose. Voilà quatre jours déjà, sans compter la soirée du huit, qu’elle avait replongé.
Ce qu’elle lui racontait à l’église… Qu’elle était une ignoble gourde, assez stupide pour croire que ce n’était qu’un jeu et que cela ne l’affecterait jamais. Qu’elle avait été stupide depuis le début. Il l’avait envoûtée. Etait-elle une sotte défaitiste, lâche et inutile ? Oh, sans le moindre doute. En attendant, elle s’était promis de ne pas le déranger, de ne pas insister davantage s’il ne voulait plus la revoir. Il ne méritait pas qu’elle lui gâche la vie uniquement parce qu’elle n’avait pas su s’empêcher de s’attacher. Tant pis pour sa dette.
— Je dois vous avouer que je suis à peine sortie, ces derniers jours… Le seul écho que j’ai eu est...
Eléonore marqua une hésitation. Devait-elle vraiment parler de cela ?
— … celui de votre mésaventure.
D’ailleurs, d’après ce qu’elle avait entendu, un doute pernicieux vint infiltrer son esprit.
— Vous savez… Je suis au courant pour bon nombre des tourments d’Alduis. J’en sais assez pour penser que si vous aussi, vous les partagez...
“Vous aussi” parce que Lavinia n’était pas la seule dans cette allées enneigée qui souffrait énormément. Mais c’était bien la seule qui avait de l’importance à ce moment précis. Alors, que se passait-il si elle se sentait si mal ? Qu’allait-elle dire ? Qu’elle se faisait beaucoup de souci pour elle ? Oh, ça ne ferait que l’affliger davantage. Que la vie était belle et valait la peine d’être vécue ? C’eut été fort hypocrite.
Quoique... les choses étaient différentes. Lavinia et Alduis n’étaient pas comme elle. Elle n’aurait jamais prétendu qu’ils avaient moins souffert, c’était éhontément mensonger. Elle le savait bien, de toute façon, qu’elle “faisait des simagrées”. C’était ce qu’Eltinne lui avait dit ce matin parce qu’elle n’avait pas faim. Qu’elle en avait assez de ses simagrées. Et que si c’était pour rester de nouveau clouée au lit toute la journée pour des bêtises, elles pouvaient toujours rentrer à Tianidre. Et que oui, elle concevait que perdre Ariste avait été une épreuve difficile, mais que franchement, là, son attitude devenait ridicule. Ridicule Eléonore. Faible Eléonore. Minable Eléonore qui gâchait la vie de tout le monde pour rien ! Elle se détestait tellement.
C’était pour cela que Lavinia et Alduis méritaient une nouvelle chance de bonheur et pas elle. Lavinia, Alduis… et Coldris aussi. Ils méritaient d’être vraiment heureux parce que chez eux, il y avait quelque chose à sauver. C’était des gens formidables même s’ils ne le voyaient pas, et même s’ils avaient souffert beaucoup plus qu’elle, ils arrivaient à poursuivre et à apporter du réconfort aux autres. Alors, si elle avait des chances de bonheur, elle voulait bien mourir immédiatement et les leur offrir, parce qu’eux, il les méritaient. Eux, ils n’étaient pas que des pitoyables gamines fragiles qui détruisaient la vie des autres avec leurs pathétiques enfantillages.
— Sachez seulement que je ne vous jugerai pas.
C’était encore la seule chose dont elle était capable : ne pas juger. Comment aurait-elle pu quand elle était la plus faible, la plus stupide, la plus inutile, la plus accablée de défauts et privée de qualités parmi eux tous ?
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Éléonore avait donc également entendu parlé de Bérénice et dans des termes élogieux, elle n’avait aucun doute sur la chose. Son amie d’enfance était forte et menait sa vie d’une main de maître. Elle ne se laissait marcher dessus par personne et encore moins par un homme. Elle s’était affranchie, en quelque sorte, de son époux tout en lui apportant un héritier. Petit bout de chou des plus adorables, soit dit en passant. Elle réussissait tout ce qu’elle entreprenait et suivait un chemin exemplaire. Bérénice ne mesurait surement pas à quel point, la pauvre Lavinia qu’elle était, l’admirée et l’enviée.
Pourtant, même en essayant d’enfouir au plus profond d’elle-même, ses sentiments, son malheur auprès de son mari… elle avait deviné. Oui, lorsqu’elle était venue présenter ses vœux et qu’elle avait croisé Eldred par la même occasion. Elle en était sûre à présent, Bérénice était sans doute à l’origine de ce heureux hasard. Pourquoi l’aidait-elle malgré le fait qu’elle, elle s'obstinait à garder secret tous ses maux ? Encore là, après les évènements durant la tempête. Il faudrait qu’elle trouve un moment pour discuter avec elle, discuter pour une fois à cœur ouvert.
— Oh si je dois en avoir, elles doivent être bien cachées…
Oui, durant cette nuit en pleine tempête, elle n’avait fait preuve que de lâcheté. Encore là, que faisait-elle à se cacher chez les Fromart ? Comment se faisait-il que ce soit Alduis qui l’ai convaincu d’organiser une rencontre avec Eldred ? Seule, elle ne l’aurait pas fait, elle aurait repoussé l’homme qui s’était mis en danger pour ne pas la voir mettre fin à ses jours, l’homme pour qui son cœur battait au-delà de toute bienséance. Elle était si pitoyable.
En changeant de sujet et s’orientant vers Éléonore, elle pensait pouvoir repousser ses idées noires. Mais c’était peine perdue, sa mésaventure, c’est de cela que tout Braktenn se repaissaient. Elle faisait bien de se terrer au loin alors, en ville on se serait rie d’elle à chacun de ses déplacements. Mais ce qui finit par abattre ses dernières protections furent les aveux d’Éléonore. Elle savait … elle savait ce qu’Alduis endurer et par déduction les tourments qui l’habitaient.
Lavinia s’affaissa, à genoux à même la poudreuse, ses mains cachant son visage pour tenter de retenir ses sanglots.
— Je les ai tous deux mis en danger ! Pourquoi sont-ils venus ? Pourquoi ne pas simplement me laisser ? Je ne pourrai plus le regarder en face après ça !
Pourtant, même en essayant d’enfouir au plus profond d’elle-même, ses sentiments, son malheur auprès de son mari… elle avait deviné. Oui, lorsqu’elle était venue présenter ses vœux et qu’elle avait croisé Eldred par la même occasion. Elle en était sûre à présent, Bérénice était sans doute à l’origine de ce heureux hasard. Pourquoi l’aidait-elle malgré le fait qu’elle, elle s'obstinait à garder secret tous ses maux ? Encore là, après les évènements durant la tempête. Il faudrait qu’elle trouve un moment pour discuter avec elle, discuter pour une fois à cœur ouvert.
— Oh si je dois en avoir, elles doivent être bien cachées…
Oui, durant cette nuit en pleine tempête, elle n’avait fait preuve que de lâcheté. Encore là, que faisait-elle à se cacher chez les Fromart ? Comment se faisait-il que ce soit Alduis qui l’ai convaincu d’organiser une rencontre avec Eldred ? Seule, elle ne l’aurait pas fait, elle aurait repoussé l’homme qui s’était mis en danger pour ne pas la voir mettre fin à ses jours, l’homme pour qui son cœur battait au-delà de toute bienséance. Elle était si pitoyable.
En changeant de sujet et s’orientant vers Éléonore, elle pensait pouvoir repousser ses idées noires. Mais c’était peine perdue, sa mésaventure, c’est de cela que tout Braktenn se repaissaient. Elle faisait bien de se terrer au loin alors, en ville on se serait rie d’elle à chacun de ses déplacements. Mais ce qui finit par abattre ses dernières protections furent les aveux d’Éléonore. Elle savait … elle savait ce qu’Alduis endurer et par déduction les tourments qui l’habitaient.
Lavinia s’affaissa, à genoux à même la poudreuse, ses mains cachant son visage pour tenter de retenir ses sanglots.
— Je les ai tous deux mis en danger ! Pourquoi sont-ils venus ? Pourquoi ne pas simplement me laisser ? Je ne pourrai plus le regarder en face après ça !
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Lavinia n’avait pas l’air convaincue de ses qualités. Pourtant, c’était surtout de chance, qu’elle manquait.
— Je vous connais à peine, alors je n’ai pu en voir que peu, mais… Je sais déjà que vous être une femme créative, sincère, compréhensive. Je sais qu’Alduis vous doit certainement la vie, et moi aussi. Alors même s’il n’y avait que cela, c’est déjà largement suffisant pour me faire dire que vous êtes une belle personne.
Parce qu’avec son attitude, si personne n’avait retrouvé Alduis à temps, il n’aurait probablement pas passé la nuit. Elle pouvait pleurnicher autant qu’elle voulait, elle, elle avait pleurniché et “fait des simagrées” bien au chaud dans sa chambre, et sous une telle garde que même si elle avait voulu mettre fin à ses jours immédiatement, elle aurait été empêchée. Ce qui n’aurait pas été le cas si en arrivant à Fromart dix jours plus tôt, on lui avait appris la mort de son ami.
Elle savait ce qu’il traversait - mieux, elle comprenait - mais qu’il doive en finir par sa faute, elle n’aurait pas su vivre avec. Par moment, elle lui en voulait un peu. Pas pour Ariste, seulement pour la lettre. dans ses pires passages, elle se rappelait que c’était un peu à cause de lui qu’elle subissait cela. Mais c’était la volonté de son tout, et il avait eu raison de la lui faire parvenir quand bien même elle devait en souffrir pour l’éternité.
Toujours tant réfléchir pour toujours agir si bêtement ! Lui avouer qu’elle savait pour Alduis - et par extension : pour elle - était d’un manque de subtilité effarant.
Tant et si bien que son amie tomba à genoux dans la neige. Tomber dans la neige comme lui. Et après, elle ne voudrait plus la fréquenter non plus. Juste parce qu’elle était incapable de dire des choses intelligentes ! Idiote Eléonore ! Inutile Eléonore ! Dévastatrice Eléonore.
Elle sentait la détresse de Lavinia à l’idée de la savoir informée. Pourtant, elle ne jugerait pas. Elle ne se le serait jamais permis. En une seconde à peine, elle se retrouvait elle aussi genoux dans la neige, et entourait la jeune femme de ses bras. Elle sentait son mal-être. Elle le ressentait, elle le vivait à travers elle. Mais elle resta la plus calme possible.
Et… Non… D’après ce qu’elle entendait, il était évident que son amie n’avait pas fait que se perdre. Ou plutôt, il n’y avait pas que dans les bois qu’elle s’était perdue. Oh, Lavinia !
— Parce qu’ils tiennent à vous, Lavinia. Parce que vous êtes importante. Si j’avais su, j’aurais été là, moi aussi. Mais tout le monde va bien, c’est ce qui compte.
Cela comptait-il quand on ne voulait plus rien ? Quand on ne voulait plus vivre ? Oui, cela comptait. Eléonore n’aurait voulu entrainer personne dans sa mort. Etait-ce à cause de cela qu’elle n’y arrivait tout de même pas ? Pour ne pas rajouter de choc à Alduis, par exemple ? Comme si elle comptait, quelle vantardise ! Elle s’était imposée quand elle aurait dû disparaitre et le laisser vivre sa vie. Comme avec Lavinia. Elle n’aurait pas dû égoïstement s’accrocher à eux. D’ailleurs, si aucun ne lui avait fait parvenir la moindre nouvelle, c’était bien parce qu’ils se moquaient éperdument de son existence. C’était ce qu’il fallait. Qu’ils l’oublient et qu’elle cesse de leur gâcher la vie.
— Je vous connais à peine, alors je n’ai pu en voir que peu, mais… Je sais déjà que vous être une femme créative, sincère, compréhensive. Je sais qu’Alduis vous doit certainement la vie, et moi aussi. Alors même s’il n’y avait que cela, c’est déjà largement suffisant pour me faire dire que vous êtes une belle personne.
Parce qu’avec son attitude, si personne n’avait retrouvé Alduis à temps, il n’aurait probablement pas passé la nuit. Elle pouvait pleurnicher autant qu’elle voulait, elle, elle avait pleurniché et “fait des simagrées” bien au chaud dans sa chambre, et sous une telle garde que même si elle avait voulu mettre fin à ses jours immédiatement, elle aurait été empêchée. Ce qui n’aurait pas été le cas si en arrivant à Fromart dix jours plus tôt, on lui avait appris la mort de son ami.
Elle savait ce qu’il traversait - mieux, elle comprenait - mais qu’il doive en finir par sa faute, elle n’aurait pas su vivre avec. Par moment, elle lui en voulait un peu. Pas pour Ariste, seulement pour la lettre. dans ses pires passages, elle se rappelait que c’était un peu à cause de lui qu’elle subissait cela. Mais c’était la volonté de son tout, et il avait eu raison de la lui faire parvenir quand bien même elle devait en souffrir pour l’éternité.
Toujours tant réfléchir pour toujours agir si bêtement ! Lui avouer qu’elle savait pour Alduis - et par extension : pour elle - était d’un manque de subtilité effarant.
Tant et si bien que son amie tomba à genoux dans la neige. Tomber dans la neige comme lui. Et après, elle ne voudrait plus la fréquenter non plus. Juste parce qu’elle était incapable de dire des choses intelligentes ! Idiote Eléonore ! Inutile Eléonore ! Dévastatrice Eléonore.
Elle sentait la détresse de Lavinia à l’idée de la savoir informée. Pourtant, elle ne jugerait pas. Elle ne se le serait jamais permis. En une seconde à peine, elle se retrouvait elle aussi genoux dans la neige, et entourait la jeune femme de ses bras. Elle sentait son mal-être. Elle le ressentait, elle le vivait à travers elle. Mais elle resta la plus calme possible.
Et… Non… D’après ce qu’elle entendait, il était évident que son amie n’avait pas fait que se perdre. Ou plutôt, il n’y avait pas que dans les bois qu’elle s’était perdue. Oh, Lavinia !
— Parce qu’ils tiennent à vous, Lavinia. Parce que vous êtes importante. Si j’avais su, j’aurais été là, moi aussi. Mais tout le monde va bien, c’est ce qui compte.
Cela comptait-il quand on ne voulait plus rien ? Quand on ne voulait plus vivre ? Oui, cela comptait. Eléonore n’aurait voulu entrainer personne dans sa mort. Etait-ce à cause de cela qu’elle n’y arrivait tout de même pas ? Pour ne pas rajouter de choc à Alduis, par exemple ? Comme si elle comptait, quelle vantardise ! Elle s’était imposée quand elle aurait dû disparaitre et le laisser vivre sa vie. Comme avec Lavinia. Elle n’aurait pas dû égoïstement s’accrocher à eux. D’ailleurs, si aucun ne lui avait fait parvenir la moindre nouvelle, c’était bien parce qu’ils se moquaient éperdument de son existence. C’était ce qu’il fallait. Qu’ils l’oublient et qu’elle cesse de leur gâcher la vie.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Les paroles d’Éléonore lui réchauffèrent le cœur. C’était bien l’une des rares fois où quelqu’un était sincère avec elle. Il était évident que la jeune femme n’attendait pas quelque chose de sa part contre ces compliments, contrairement à toutes les bourgeoises qu’elle avait pu côtoyer durant sa vie et prétendaient être son amie.
— Je vous remercie pour vos mots, cela me touche beaucoup. Même si je ne me souviens pas en quoi j’ai bien pu sauver la vie d’Alduis ou la vôtre.
Pendant qu’elle sanglotait à même le sol, elle entendit la voix de son amie tentant de la réconforter. Que faisait-elle encore à se lamenter sur son sort ? N’était-elle bonne qu’à cela ? Se faire plaindre par les autres, passées pour une pitoyable créature ? Tant bien que mal, elle réussit à refouler ses sanglots. Elle se redressa et invita Éléonore à s’asseoir sur un banc. Elle devait se confier à quelqu’un, et son amie était l’une des seules personnes avec qui elle pouvait parler librement.
— Je.. J’ai reçu des nouvelles de mon époux, Antoine. J’étais partie assister à une sortie de chasse et j’ai été prise d’angoisse. Je voulais simplement m’éloigner et ensuite lorsque je me suis retrouvée seule, parmi toute cette neige… J’ai repensé à l’hiver glacial de Zakros que me décrivait Eldred. La saison qui emportait tant d’âmes à cause de ses températures. Et là, j’ai pensé qu’il serait mieux pour tout le monde qu’elle m’engloutisse.
Elle l’avait dit. Pour une fois, elle avait avoué à voix haute ce qu’il lui était vraiment passé par la tête. Ses mains se crispèrent sur ses jupons, Éléonore n’allait sûrement pas comprendre. Lavinia ne lui avait jamais parlé de son mari.
— Voyez-vous, ce n’est que depuis ma rencontre avec Eldred que je me rends compte que mon mariage n’est pas ce qu’il devrait être. Mon mari...ne me traite pas comme il le devrait. En venant à Braktenn, je me suis enfui d’une certaine manière et je ne pense pas qu’Antoine m’accueillera à bras ouverts lors de mon retour. Je n’ai pas envi d’y retourner…
Les images de cette soirée au cœur de la tempête de neige défilèrent dans l’esprit de Lavinia. L'angoisse la saisit de nouveau, elle prit les mains de son amie dans les siennes, désespérée.
— Éléonore, que dois-je faire ? Eldred est venu avec Alduis. Il y avait pourtant les hommes de mon père, mais il est venu. Il les a guidé malgré la tempête et quand je l’ai vu à travers les bourrasques, je…
Elle l’avait fuit, de tout son être, de toute son âme. Elle lui avait tourné le dos au lieu de venir se réfugier dans ses bras. Il aurait pu la laisser là, mais il l’avait poursuivi et avait tout fait pour la maintenir en vie.
— Je me suis détournée de lui...Et sur cette étendue gelée, je lui ai dit tellement de choses horribles. Il a quand même risqué sa vie pour une pauvre fille qui ne voulait plus de la sienne. Pourquoi...
Tout le mal qu’elle avait fait, elle ne se le pardonnerait jamais. Et à présent, elle allait devoir lui faire face.
— Il vient demain et je ne sais pas quoi lui dire ou faire… Et ce pauvre Alduis, il a été entraîné malgré lui dans tout cela. Il m’a promis que je ne retournerai pas auprès d’Antoine, mais… Vous voyez, je n’apporte que malheur autour de moi. Vous devriez me fuir avant que cette malédiction vous touche aussi !
— Je vous remercie pour vos mots, cela me touche beaucoup. Même si je ne me souviens pas en quoi j’ai bien pu sauver la vie d’Alduis ou la vôtre.
Pendant qu’elle sanglotait à même le sol, elle entendit la voix de son amie tentant de la réconforter. Que faisait-elle encore à se lamenter sur son sort ? N’était-elle bonne qu’à cela ? Se faire plaindre par les autres, passées pour une pitoyable créature ? Tant bien que mal, elle réussit à refouler ses sanglots. Elle se redressa et invita Éléonore à s’asseoir sur un banc. Elle devait se confier à quelqu’un, et son amie était l’une des seules personnes avec qui elle pouvait parler librement.
— Je.. J’ai reçu des nouvelles de mon époux, Antoine. J’étais partie assister à une sortie de chasse et j’ai été prise d’angoisse. Je voulais simplement m’éloigner et ensuite lorsque je me suis retrouvée seule, parmi toute cette neige… J’ai repensé à l’hiver glacial de Zakros que me décrivait Eldred. La saison qui emportait tant d’âmes à cause de ses températures. Et là, j’ai pensé qu’il serait mieux pour tout le monde qu’elle m’engloutisse.
Elle l’avait dit. Pour une fois, elle avait avoué à voix haute ce qu’il lui était vraiment passé par la tête. Ses mains se crispèrent sur ses jupons, Éléonore n’allait sûrement pas comprendre. Lavinia ne lui avait jamais parlé de son mari.
— Voyez-vous, ce n’est que depuis ma rencontre avec Eldred que je me rends compte que mon mariage n’est pas ce qu’il devrait être. Mon mari...ne me traite pas comme il le devrait. En venant à Braktenn, je me suis enfui d’une certaine manière et je ne pense pas qu’Antoine m’accueillera à bras ouverts lors de mon retour. Je n’ai pas envi d’y retourner…
Les images de cette soirée au cœur de la tempête de neige défilèrent dans l’esprit de Lavinia. L'angoisse la saisit de nouveau, elle prit les mains de son amie dans les siennes, désespérée.
— Éléonore, que dois-je faire ? Eldred est venu avec Alduis. Il y avait pourtant les hommes de mon père, mais il est venu. Il les a guidé malgré la tempête et quand je l’ai vu à travers les bourrasques, je…
Elle l’avait fuit, de tout son être, de toute son âme. Elle lui avait tourné le dos au lieu de venir se réfugier dans ses bras. Il aurait pu la laisser là, mais il l’avait poursuivi et avait tout fait pour la maintenir en vie.
— Je me suis détournée de lui...Et sur cette étendue gelée, je lui ai dit tellement de choses horribles. Il a quand même risqué sa vie pour une pauvre fille qui ne voulait plus de la sienne. Pourquoi...
Tout le mal qu’elle avait fait, elle ne se le pardonnerait jamais. Et à présent, elle allait devoir lui faire face.
— Il vient demain et je ne sais pas quoi lui dire ou faire… Et ce pauvre Alduis, il a été entraîné malgré lui dans tout cela. Il m’a promis que je ne retournerai pas auprès d’Antoine, mais… Vous voyez, je n’apporte que malheur autour de moi. Vous devriez me fuir avant que cette malédiction vous touche aussi !
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Eléonore n’avait émis que la pure vérité. Et si cette vérité adoucissait les maux de son amie, ce ne pouvait être qu’une bonne chose. En revanche, en entendant que Lavinia ignorait en quoi elle avait bien pu sauver la vie d’Alduis, elle ne put retenir un second aveu qui eut un effet beaucoup moins agréable. Elle savait. Elle ne prétendait pas tout savoir, mais elle en savait assez pour que l’état de la jeune femme l’inquiète.
Après s’être écroulée dans la neige, Lavinia reprit un semblant de contenance, et s’efforça de se lever. Eléonore doutait d’avoir eu, à sa place, le courage de marcher jusqu’à ce banc. Faible, beaucoup trop faible. Ridicule. Ne sachant que se complaire dans son malheur et faire des enfantillages.
Lavinia évoqua une missive de son époux. C’était plus fort qu’elle, le nom lui fit plisser le nez. Elle savait bien que ce n’était qu’un nom mais… C’était celui d’une misérable petite déjection de putois qui avait voulu lui arracher l’être qu’elle aimait le plus au monde. D’une certaine manière, il avait réussi. S’il n’avait pas essayé de la tuer, s’il ne s’était pas suicidé, son Ariste serait resté. A l’époque, en plus, elle était formidable. Elle était compréhensive. S’il avait fait un tout petit effort, ils auraient pu s’entendre à merveille.
Et - égocentrisme maladif mis à part - Eléonore put constater que le Antoine dont on parlait ici ne lui inspirait guère plus de sympathie. Si Lavinia se sentait si mal en recevant de ses nouvelles… D’autant plus avec ce qu’elle affirma ensuite. Il n’y en avait pas besoin de plus, elle avait compris la situation. Si on voulait user d’euphémismes monstrueux, on pouvait toujours dire que son mariage était légèrement plus que simplement “malheureux”.
Eléonore se souvenait fort bien de cette conversation, le lendemain de son dî… Enfin, quand elle était allée chez sa nouvelle amie la veille de Noël. Elle ne savait pas si elle devait qualifier son mariage d’heureux ou non. L’héritière de Tianidre n’avait alors soupçonné qu’une mésentente, voire quelques conflits… Mais pas ça. Elle aurait dû comprendre, pourtant ! Si elle avait réfléchi un peu plus, elle aurait compris. Elle aurait pu mieux la soutenir.
Comment Lavinia n’avait-elle pas compris plus tôt que c’était absolument intolérable ? Qu’elle méritait beaucoup mieux ? Comment lui avait-on retourné l’esprit pour lui faire accepter cette situation ? Sans doute son éducation en couvent n’avait-elle pas été pour le mieux… Et son mari - dont elle préférait même oublier le nom pour éviter de grimacer - devait avoir allègrement profité de la situation pour l’enfoncer plus bas encore.
Et malgré cela, Lavinia se tenait devant elle. Elle avait eu la force de survivre à ces années de mariage. A quoi s’était-elle raccochée ? A qui ? Eléonore s’efforça de chasser toutes les pensées qui pouvaient la concerner elle ou ce que Coldris lui avait dit au théâtre alors que Lavinia se saisissait de ses mains.
— Alors, on fera en sorte que vous n’ayez pas à y retourner, affirma-t-elle.
Oh, évidemment, elle-même ne saurait rien faire - quoiqu’en dernier recours, elle aurait accepté de la cacher ou de lui payer un voyage vers très loin où on ne saurait plus l’atteindre - mais elle savait que certaines personnes ne la laisseraient pas dans cette situation.
Pour le reste, cela ne l’étonnait pas. Cela confirmait juste son intuition : c’était effectivement d’Alduis et Eldred qu’elle parlait un peu plus tôt. Quand elle s’arrêta, Eléonore ne fit qu’acquiescer pour l’encourager à continuer. Elle pouvait lui dire. Cela, personne n’en saurait rien. Elle l’avait trahie une fois, parce qu’elle était désespérément pitoyable et qu’elle avait estimé que c’était le meilleur moyen de la protéger mais… Là, c’était différent.
— Parce qu’il vous aime, Lavinia.
C’était cruel d’enchainer quelqu’un à une vie dont il ne voulait plus. Mais quand on le faisait par amour, quand on croyait en cette personne, quand on était persuadé qu’elle pouvait se reconstruire, alors on faisait quelque chose de bien. C’était encore mieux quand on pouvait être là pour se reconstruire avec elle… Même si parfois, ce n’était pas possible. Oh, si seulement Ariste avait été là ! Il aurait su quoi dire. Su quoi faire. Mais elle s’efforça de garder son calme. Il ne fallait pas qu’elle défaille quand on avait besoin d’elle, c’était d’un égoïsme monstrueux.
— Si Alduis vous l’a promis, quoi qu’il arrive, vous n’y retournerez pas, affirma Eléonore. Cela faisait partie des choses auxquelles on pouvait se raccrocher. Et ne vous inquiétez pas pour moi. Au point où j’en suis, je ne risques plus grand chose.
Plus grand chose sinon quelque chose d’assez saisissant pour qu’elle meurt enfin. Pour qu’elle puisse désobéir. Quoique si perdre Ariste n’avait pas été violent, elle ne voyait vraiment pas ce qui pourrait la décider. Ce qui pourrait la ramener à cette douce sérénité, toute déterminée, celle qui l’avait habitée quand elle était prête à en finir.
— Honnêtement... Eléonore déglutit avec difficulté. Si quelqu’un ici crée du malheur autour d’elle, ce n’est pas vous mais moi.
Voilà, comme ça c’était dit. Tout, tout revenait. Elle était stupide, inutile, égoïste, ignoble, incapable, ridicule… Elle répandait le mal même sans le vouloir. Elle se détestait. Elle se détestait tellement. Elle avait besoin… de trop de choses. Elle était tellement vide. Et ni ses maux, ni ceux des autres qui la submergeaient une fois seule ne pouvaient combler cela. Elle n’aurait pas dû dire cela. Elle n’aurait pas dû. Mais elle ne pouvait pas craquer, elle ne pouvait pas éclater en sanglot. Elle ne comptait pas. C’était égoïste de se concentrer sur elle. Elle mordit juste dans sa joue, les yeux piquant de larmes.
Elle avait pensé… Qu’avait-elle pensé ? Que ce serait une consolation pour Lavinia de savoir qu’elle était encore bien pire qu’elle ? Pauvre idiote ! Elle venait seulement de lui avouer qu’elle ne pouvait pas compter sur elle. Elle se détestait.
Après s’être écroulée dans la neige, Lavinia reprit un semblant de contenance, et s’efforça de se lever. Eléonore doutait d’avoir eu, à sa place, le courage de marcher jusqu’à ce banc. Faible, beaucoup trop faible. Ridicule. Ne sachant que se complaire dans son malheur et faire des enfantillages.
Lavinia évoqua une missive de son époux. C’était plus fort qu’elle, le nom lui fit plisser le nez. Elle savait bien que ce n’était qu’un nom mais… C’était celui d’une misérable petite déjection de putois qui avait voulu lui arracher l’être qu’elle aimait le plus au monde. D’une certaine manière, il avait réussi. S’il n’avait pas essayé de la tuer, s’il ne s’était pas suicidé, son Ariste serait resté. A l’époque, en plus, elle était formidable. Elle était compréhensive. S’il avait fait un tout petit effort, ils auraient pu s’entendre à merveille.
Et - égocentrisme maladif mis à part - Eléonore put constater que le Antoine dont on parlait ici ne lui inspirait guère plus de sympathie. Si Lavinia se sentait si mal en recevant de ses nouvelles… D’autant plus avec ce qu’elle affirma ensuite. Il n’y en avait pas besoin de plus, elle avait compris la situation. Si on voulait user d’euphémismes monstrueux, on pouvait toujours dire que son mariage était légèrement plus que simplement “malheureux”.
Eléonore se souvenait fort bien de cette conversation, le lendemain de son dî… Enfin, quand elle était allée chez sa nouvelle amie la veille de Noël. Elle ne savait pas si elle devait qualifier son mariage d’heureux ou non. L’héritière de Tianidre n’avait alors soupçonné qu’une mésentente, voire quelques conflits… Mais pas ça. Elle aurait dû comprendre, pourtant ! Si elle avait réfléchi un peu plus, elle aurait compris. Elle aurait pu mieux la soutenir.
Comment Lavinia n’avait-elle pas compris plus tôt que c’était absolument intolérable ? Qu’elle méritait beaucoup mieux ? Comment lui avait-on retourné l’esprit pour lui faire accepter cette situation ? Sans doute son éducation en couvent n’avait-elle pas été pour le mieux… Et son mari - dont elle préférait même oublier le nom pour éviter de grimacer - devait avoir allègrement profité de la situation pour l’enfoncer plus bas encore.
Et malgré cela, Lavinia se tenait devant elle. Elle avait eu la force de survivre à ces années de mariage. A quoi s’était-elle raccochée ? A qui ? Eléonore s’efforça de chasser toutes les pensées qui pouvaient la concerner elle ou ce que Coldris lui avait dit au théâtre alors que Lavinia se saisissait de ses mains.
— Alors, on fera en sorte que vous n’ayez pas à y retourner, affirma-t-elle.
Oh, évidemment, elle-même ne saurait rien faire - quoiqu’en dernier recours, elle aurait accepté de la cacher ou de lui payer un voyage vers très loin où on ne saurait plus l’atteindre - mais elle savait que certaines personnes ne la laisseraient pas dans cette situation.
Pour le reste, cela ne l’étonnait pas. Cela confirmait juste son intuition : c’était effectivement d’Alduis et Eldred qu’elle parlait un peu plus tôt. Quand elle s’arrêta, Eléonore ne fit qu’acquiescer pour l’encourager à continuer. Elle pouvait lui dire. Cela, personne n’en saurait rien. Elle l’avait trahie une fois, parce qu’elle était désespérément pitoyable et qu’elle avait estimé que c’était le meilleur moyen de la protéger mais… Là, c’était différent.
— Parce qu’il vous aime, Lavinia.
C’était cruel d’enchainer quelqu’un à une vie dont il ne voulait plus. Mais quand on le faisait par amour, quand on croyait en cette personne, quand on était persuadé qu’elle pouvait se reconstruire, alors on faisait quelque chose de bien. C’était encore mieux quand on pouvait être là pour se reconstruire avec elle… Même si parfois, ce n’était pas possible. Oh, si seulement Ariste avait été là ! Il aurait su quoi dire. Su quoi faire. Mais elle s’efforça de garder son calme. Il ne fallait pas qu’elle défaille quand on avait besoin d’elle, c’était d’un égoïsme monstrueux.
— Si Alduis vous l’a promis, quoi qu’il arrive, vous n’y retournerez pas, affirma Eléonore. Cela faisait partie des choses auxquelles on pouvait se raccrocher. Et ne vous inquiétez pas pour moi. Au point où j’en suis, je ne risques plus grand chose.
Plus grand chose sinon quelque chose d’assez saisissant pour qu’elle meurt enfin. Pour qu’elle puisse désobéir. Quoique si perdre Ariste n’avait pas été violent, elle ne voyait vraiment pas ce qui pourrait la décider. Ce qui pourrait la ramener à cette douce sérénité, toute déterminée, celle qui l’avait habitée quand elle était prête à en finir.
— Honnêtement... Eléonore déglutit avec difficulté. Si quelqu’un ici crée du malheur autour d’elle, ce n’est pas vous mais moi.
Voilà, comme ça c’était dit. Tout, tout revenait. Elle était stupide, inutile, égoïste, ignoble, incapable, ridicule… Elle répandait le mal même sans le vouloir. Elle se détestait. Elle se détestait tellement. Elle avait besoin… de trop de choses. Elle était tellement vide. Et ni ses maux, ni ceux des autres qui la submergeaient une fois seule ne pouvaient combler cela. Elle n’aurait pas dû dire cela. Elle n’aurait pas dû. Mais elle ne pouvait pas craquer, elle ne pouvait pas éclater en sanglot. Elle ne comptait pas. C’était égoïste de se concentrer sur elle. Elle mordit juste dans sa joue, les yeux piquant de larmes.
Elle avait pensé… Qu’avait-elle pensé ? Que ce serait une consolation pour Lavinia de savoir qu’elle était encore bien pire qu’elle ? Pauvre idiote ! Elle venait seulement de lui avouer qu’elle ne pouvait pas compter sur elle. Elle se détestait.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Même Éléonore tenait le même discours quant à son potentiel retour auprès de son mari. Il était bien simple d’affirmer ceci, tous autant qu’ils étaient. C’est le mince espoir qu’elle s’était elle-même donnée en quittant le domaine de Kergemont. Mais elle connaissait Antoine, sa détermination et jusqu’où il était prêt à aller. Il n’était peut-être pas capable d'intervenir actuellement, d’où les moments de répis dont elle jouissait, mais dès son rétablissement…
— Si seulement le retour n’était pas envisageable...souffla-t-elle. Mais, personne ne semble prendre conscience de la détermination d’Antoine lorsqu’un sujet lui tient autant à cœur.
Éléonore écoutait, en silence, Lavinia avouer la vérité sur cette perte en forêt. Compatissante, ou simplement compréhensive, elle l’invita d’un geste discret à se confier, ce que la jeune femme fit sans rechinier. Eldred, Alduis, ses véritables intentions et craintes, elle lui avoua tout.
— Parce qu’il vous aime, Lavinia.
— Est-ce une raison suffisante pour risquer la potence ou pire ? Je suis une femme mariée, il est esclave de mon père. S’il était libre, non enchaîné à ma famille, à ce pays, cette raison serait-elle encore valable ? Je ne veux pas être celle qui le mènera à sa perte… Je ne sais pas quoi dire, ou quoi faire demain lorsqu’il viendra…
Oui, Alduis lui avait promis. Leur discussion de la veille ne cessait de tourner en boucle dans son esprit. Qui l’aurait cru ! Elle ne pensait pas qu’un jour le jeune homme pourrait lui être d’un soutien si vital. Il avait toujours était le frère de Bérénice, celui qu’elle ne voyait que de loin. Ils ne s’étaient côtoyés que via ce lien et à présent car il était le meilleur ami d’Eldred. Mais, pourtant ses conseils, c’était bien à elle qu’il les avait administré, d’une certaine manière ils partageaient les mêmes ténèbres.
— Je suis vraiment navré Éléonore, s’excusa Lavinia. Je ne fais que parler de mes malheurs et m’apitoie sur mon sort, alors que vous pouvez être affligée de maux bien plus importants que mes états d’âme. Dites-moi ce qui vous afflige de la sorte ?
— Si seulement le retour n’était pas envisageable...souffla-t-elle. Mais, personne ne semble prendre conscience de la détermination d’Antoine lorsqu’un sujet lui tient autant à cœur.
Éléonore écoutait, en silence, Lavinia avouer la vérité sur cette perte en forêt. Compatissante, ou simplement compréhensive, elle l’invita d’un geste discret à se confier, ce que la jeune femme fit sans rechinier. Eldred, Alduis, ses véritables intentions et craintes, elle lui avoua tout.
— Parce qu’il vous aime, Lavinia.
— Est-ce une raison suffisante pour risquer la potence ou pire ? Je suis une femme mariée, il est esclave de mon père. S’il était libre, non enchaîné à ma famille, à ce pays, cette raison serait-elle encore valable ? Je ne veux pas être celle qui le mènera à sa perte… Je ne sais pas quoi dire, ou quoi faire demain lorsqu’il viendra…
Oui, Alduis lui avait promis. Leur discussion de la veille ne cessait de tourner en boucle dans son esprit. Qui l’aurait cru ! Elle ne pensait pas qu’un jour le jeune homme pourrait lui être d’un soutien si vital. Il avait toujours était le frère de Bérénice, celui qu’elle ne voyait que de loin. Ils ne s’étaient côtoyés que via ce lien et à présent car il était le meilleur ami d’Eldred. Mais, pourtant ses conseils, c’était bien à elle qu’il les avait administré, d’une certaine manière ils partageaient les mêmes ténèbres.
— Je suis vraiment navré Éléonore, s’excusa Lavinia. Je ne fais que parler de mes malheurs et m’apitoie sur mon sort, alors que vous pouvez être affligée de maux bien plus importants que mes états d’âme. Dites-moi ce qui vous afflige de la sorte ?
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Lavinia avait vraiment peur de son époux. Éléonore ne savait pas ce que c'était d'avoir vraiment peur de quelqu'un. Elle croyait comprendre, mais se demandait s'il ne s'agissait pas d'une pure arrogance de sa part. Pour la rassurer, il fallait écouter ce qu'elle disait. Écouter et prendre en considération. Personne ne semblait prendre la situation assez au sérieux ? En plus, c'était difficile de ne pas grimacer à chaque fois qu'elle entendait son nom...
— Si on le sous-estime, dites-nous à quel point il faut se méfier. Mais quel que soit le danger qu'il représente, on ne vous abandonnera pas. Il est inconcevable que l'on vous abandonne. Comment pourrait-on vivre tranquillement en se disant que l'on est en sécurité uniquement parce qu'on vous laisse souffrir ?
En ce qui la concernait, Éléonore n'avait vraiment plus rien à perdre. Si le seul moyen de protéger Lavinia était qu'elle la cache et s'expose, au moins, elle ferait quelque chose de bien. Elle ne voulait pas être lâche.
Quant à savoir si sa relation avec Eldred était raisonnable…
— Il s'agissait de vous sauver la vie, Lavinia, pas du reste. Pour protéger ceux auxquels on tient, on serait prêt à n'importe quel péril. Quant à savoir si vous fréquenter est raisonnable, eh bien... Nous sommes tous de votre côtés. Il suffit que vous restiez discrets assez discrets. Je peux vous assurer que ça fonctionne. J'ai une grande expérience quant aux couples clandestins. Assez pour vous dire qu'il y a toujours moyen de s'en sortir. Alors que lui dire ? Eh bien, dites-lui que vous l'aimez, dites-lui la vérité, il comprendra. Dites-lui tout les maux de votre cœur pour qu'il vous aide à les porter, et écoutez les siens, et soyez là l'un pour l'autre.
Elle avait réussi à demeurer parfaitement sereine jusque là. Mais entendre Lavinia affirmer qu'elle n'apportait que du malheur ne fit que la ramener – égocentrique qu'elle était – à sa propre situation. Elle ne put empêcher sa voix de se nouer quelque peu... Et Lavinia se précipita dans la brèche pour dévier la conversation d'elle-même.
Éléonore hésita. Elle ne voulait pas l'accabler davantage, elle souffrait déjà assez. Mais lui refuser sa confiance alors qu'elle lui avait dit des choses si personnelles, refuser son soutien alors qu'elle lui imposait le sien... Elle avait l'horrible impression d'être monstrueusement hypocrite, à cet instant. Était-elle hypocrite ?
— Non, vous avez besoin de parler, et c'est normal. Autant clarifier ce point-là tout de suite. Elle était comme ça : laisser une personne seule avec sa douleur – surtout quand elle l'appréciait – était beaucoup plus pénible que de laisser faire son empathie. Je peux vous assurer que vos difficultés sont bien plus valables que les miennes, et c'est important pour moi de pouvoir vous soutenir.
Parce que malgré tout, c'était vrai. Elle en était persuadée : si elle n'essayait pas de soutenir les autres, elle se serait encore plus embourbée. Après tout, n'était-ce pas en voulant aider Alduis qu'elle avait réussi à retrouver un peu d'elle-même, un mois plus tôt ? Tout cet "elle-même" qui avait disparu avec Ariste.
Elle se décida néanmoins à expliquer. Il faudrait juste qu'elle ne perde pas pied. Si elle restait calme, même si cette sérénité était fausse, Lavinia n'aurait aucune raison de douter et de la fuir. Éléonore plongea sa main dans les replis de sa robe pour en extraire – sans violence – le poignard d'Ariste. Qu'elle posa sur ses genoux. Ensuite, elle défit dans sa nuque l'attache de son collier. Sa couronne de laurier, qu'elle tira hors de ses vêtements.
— Il s'appelait Ariste. Il était absolument parfait et il me manque terriblement.
Elle leva ses yeux sur ceux de Lavinia.
— Vous voyez. Il n'y a pas grand chose que je pourrais dire. J'ai eu une vie atrocement facile.
Avec à manger sur sa table tous les jours, avec un grand château, avec des gens autour d'elle, dont l'homme le plus parfait que le monde ait porté. Quoi d'autre encore ? L'accès à l'instruction, déjà. Et puis... Elle n'avait jamais rien eu à craindre. Personne ne lui faisait de mal. Comment arrivait-elle encore à se lamenter dans ces conditions ? De quel droit osait-elle se plaindre de quoi que ce soit ? Quelle ingrate elle faisait ! Incapable de se contenter de ce qu'elle avait ! Elle pleurnichait sur chaque petite difficulté qu'elle rencontrait. Et d'ailleurs, elle n'arrivait même pas à les considérer comme de petites difficultés. Elle en faisait, embourbée dans sa faiblesse et son confort qu'elle était, des gouffres sans fond. Ce devait être aussi Ariste qui lui avait jusqu'alors épargné ce ridicule. Mais sans lui... Sans lui c'était trop difficile.
— Oui, beaucoup trop facile. Mais cela ne m'empêche pas de vous comprendre. Votre situation est bien assez délicate pour que vous ayez le droit de vous en plaindre. Le droit de chercher du soutien. Et personne n'ira contester cela.
Parce que c'était à Éléonore de prendre sur elle. C'était comme ça. Elle avait beaucoup trop oublié cela ces derniers mois. Qu'elle ne comptait pas, qu'elle n'était rien du tout. Ce statut-là ne l'autorisait pas à faiblir quand on avait besoin d'elle.
— Si on le sous-estime, dites-nous à quel point il faut se méfier. Mais quel que soit le danger qu'il représente, on ne vous abandonnera pas. Il est inconcevable que l'on vous abandonne. Comment pourrait-on vivre tranquillement en se disant que l'on est en sécurité uniquement parce qu'on vous laisse souffrir ?
En ce qui la concernait, Éléonore n'avait vraiment plus rien à perdre. Si le seul moyen de protéger Lavinia était qu'elle la cache et s'expose, au moins, elle ferait quelque chose de bien. Elle ne voulait pas être lâche.
Quant à savoir si sa relation avec Eldred était raisonnable…
— Il s'agissait de vous sauver la vie, Lavinia, pas du reste. Pour protéger ceux auxquels on tient, on serait prêt à n'importe quel péril. Quant à savoir si vous fréquenter est raisonnable, eh bien... Nous sommes tous de votre côtés. Il suffit que vous restiez discrets assez discrets. Je peux vous assurer que ça fonctionne. J'ai une grande expérience quant aux couples clandestins. Assez pour vous dire qu'il y a toujours moyen de s'en sortir. Alors que lui dire ? Eh bien, dites-lui que vous l'aimez, dites-lui la vérité, il comprendra. Dites-lui tout les maux de votre cœur pour qu'il vous aide à les porter, et écoutez les siens, et soyez là l'un pour l'autre.
Elle avait réussi à demeurer parfaitement sereine jusque là. Mais entendre Lavinia affirmer qu'elle n'apportait que du malheur ne fit que la ramener – égocentrique qu'elle était – à sa propre situation. Elle ne put empêcher sa voix de se nouer quelque peu... Et Lavinia se précipita dans la brèche pour dévier la conversation d'elle-même.
Éléonore hésita. Elle ne voulait pas l'accabler davantage, elle souffrait déjà assez. Mais lui refuser sa confiance alors qu'elle lui avait dit des choses si personnelles, refuser son soutien alors qu'elle lui imposait le sien... Elle avait l'horrible impression d'être monstrueusement hypocrite, à cet instant. Était-elle hypocrite ?
— Non, vous avez besoin de parler, et c'est normal. Autant clarifier ce point-là tout de suite. Elle était comme ça : laisser une personne seule avec sa douleur – surtout quand elle l'appréciait – était beaucoup plus pénible que de laisser faire son empathie. Je peux vous assurer que vos difficultés sont bien plus valables que les miennes, et c'est important pour moi de pouvoir vous soutenir.
Parce que malgré tout, c'était vrai. Elle en était persuadée : si elle n'essayait pas de soutenir les autres, elle se serait encore plus embourbée. Après tout, n'était-ce pas en voulant aider Alduis qu'elle avait réussi à retrouver un peu d'elle-même, un mois plus tôt ? Tout cet "elle-même" qui avait disparu avec Ariste.
Elle se décida néanmoins à expliquer. Il faudrait juste qu'elle ne perde pas pied. Si elle restait calme, même si cette sérénité était fausse, Lavinia n'aurait aucune raison de douter et de la fuir. Éléonore plongea sa main dans les replis de sa robe pour en extraire – sans violence – le poignard d'Ariste. Qu'elle posa sur ses genoux. Ensuite, elle défit dans sa nuque l'attache de son collier. Sa couronne de laurier, qu'elle tira hors de ses vêtements.
— Il s'appelait Ariste. Il était absolument parfait et il me manque terriblement.
Elle leva ses yeux sur ceux de Lavinia.
— Vous voyez. Il n'y a pas grand chose que je pourrais dire. J'ai eu une vie atrocement facile.
Avec à manger sur sa table tous les jours, avec un grand château, avec des gens autour d'elle, dont l'homme le plus parfait que le monde ait porté. Quoi d'autre encore ? L'accès à l'instruction, déjà. Et puis... Elle n'avait jamais rien eu à craindre. Personne ne lui faisait de mal. Comment arrivait-elle encore à se lamenter dans ces conditions ? De quel droit osait-elle se plaindre de quoi que ce soit ? Quelle ingrate elle faisait ! Incapable de se contenter de ce qu'elle avait ! Elle pleurnichait sur chaque petite difficulté qu'elle rencontrait. Et d'ailleurs, elle n'arrivait même pas à les considérer comme de petites difficultés. Elle en faisait, embourbée dans sa faiblesse et son confort qu'elle était, des gouffres sans fond. Ce devait être aussi Ariste qui lui avait jusqu'alors épargné ce ridicule. Mais sans lui... Sans lui c'était trop difficile.
— Oui, beaucoup trop facile. Mais cela ne m'empêche pas de vous comprendre. Votre situation est bien assez délicate pour que vous ayez le droit de vous en plaindre. Le droit de chercher du soutien. Et personne n'ira contester cela.
Parce que c'était à Éléonore de prendre sur elle. C'était comme ça. Elle avait beaucoup trop oublié cela ces derniers mois. Qu'elle ne comptait pas, qu'elle n'était rien du tout. Ce statut-là ne l'autorisait pas à faiblir quand on avait besoin d'elle.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Lavinia avait constaté à de nombreuses reprises jusqu’où Antoine était prêt à aller pour avoir ce qu’il voulait. Au mépris des lois, qu’importe l’obstacle à surmonter.
— Il est déjà allé jusqu’à ôter la vie sans aucun remords, et pour un fait insignifiant, avoua-t-elle à voix basse. Je suis résolue à une vie de souffrance si la contrepartie est que mes proches restent en vie.
Pauvre Éléonore, elle qui était si douce et compatissante… de quel droit Lavinia se permettait-elle de la mêler vers de tels dangers ? Ne serait-ce que de savoir ce qu’elle venait de lui avouer pouvait faire d’elle une cible. Il fallait détourner la conversation d’Antoine pour ne pas avouer ses autres méfaits.
Son amie était décidément une perle rare, ses paroles, criantes de vérité, appaissaient ses doutes. C’était une personne sage qui, malgré son jeune âge, semblait en connaître plus sur la vie qu’elle-même murée dans son ignorance. Lavinia n’était pas habituée à se confier à autrui, elle n’avait jamais eu de confidente, ou même d’amie. Alors, ne sachant pas trop comment se comporter et quoi dire, elle céda à la lâcheté. Elle ne voulait plus faire face à ses démons et, cruche comme elle était, força la conversation sur les malheurs de la pauvre Éléonore. Elle allait la détester intérieurement, à n'en pas douter.
— Qu’était-il pour vous, un frère ? Un amour ? Il n’est plus à vos côtés ? Que s’est-il passé ?
Elle était tellement égoïste de la harceler ainsi de questions. Mais de cette manière, elle évitait de s’apitoyer sur son propre sort comme une femme désespérée et misérable qu’elle ne voulait pas être. Même si son ami pensait que ses plaintes étaient légitimes.
— Il est déjà allé jusqu’à ôter la vie sans aucun remords, et pour un fait insignifiant, avoua-t-elle à voix basse. Je suis résolue à une vie de souffrance si la contrepartie est que mes proches restent en vie.
Pauvre Éléonore, elle qui était si douce et compatissante… de quel droit Lavinia se permettait-elle de la mêler vers de tels dangers ? Ne serait-ce que de savoir ce qu’elle venait de lui avouer pouvait faire d’elle une cible. Il fallait détourner la conversation d’Antoine pour ne pas avouer ses autres méfaits.
Son amie était décidément une perle rare, ses paroles, criantes de vérité, appaissaient ses doutes. C’était une personne sage qui, malgré son jeune âge, semblait en connaître plus sur la vie qu’elle-même murée dans son ignorance. Lavinia n’était pas habituée à se confier à autrui, elle n’avait jamais eu de confidente, ou même d’amie. Alors, ne sachant pas trop comment se comporter et quoi dire, elle céda à la lâcheté. Elle ne voulait plus faire face à ses démons et, cruche comme elle était, força la conversation sur les malheurs de la pauvre Éléonore. Elle allait la détester intérieurement, à n'en pas douter.
— Qu’était-il pour vous, un frère ? Un amour ? Il n’est plus à vos côtés ? Que s’est-il passé ?
Elle était tellement égoïste de la harceler ainsi de questions. Mais de cette manière, elle évitait de s’apitoyer sur son propre sort comme une femme désespérée et misérable qu’elle ne voulait pas être. Même si son ami pensait que ses plaintes étaient légitimes.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Ôter la vie pour un fait insignifiant. Sans remords. Donc, ne certainement pas hésiter s’il quelqu’un lui interdisait de récupérer sa femme. Si c’était cela, elle n’en était que plus partante. De toute façon, sa vie était finie. Si elle pouvait être de la moindre utilité, elle n’y rechignerait pas.
Pour le reste… Eléonore comprenait. Se sacrifier pour ceux que l’on aimait était incontestablement noble. Même si elle n’avait jamais dû concrêtement s’y résoudre… Après tout, quels sacrifices avait-elle dû opérer, elle ? Accepter de rester seule le temps qu’Ariste aille mieux ? Non : survivre. Jusqu’ici, c’était bien cela, le plus douloureux. Bref, rien de comparable à la situation de Lavinia… Mais elle n’en comprenait pas moins sa résolution.
— J’ajouterais “dévouée” à ma liste de tout à l’heure. Mais… Comme je le disais à l’instant : personne ne vous laissera vous sacrifier… Si vous décidez seule d’y retourner, vous allez en prendre plein la figure, et ils agiront tout de même. Le mieux alors, ce serait d’accepter leur aide. Accepter leur aide et mettre toutes les chances de votre côté, vous comprenez ? De notre côté à tous. Si nous devons… Enfin s’ils doivent lutter à la fois contre… Antoine et contre votre volonté de sacrifice, cela n’arrangera rien, je vous assure.
Et tandis que la conversation progressait vers ce qui était bon pour elle, Lavinia saisit un prétexte - honteusement fourni - pour la dévier. Elle ne voulait plus parler d’elle. Soit. Elle en avait déjà dit énormément, Eléonore ne se sentait pas légitime à insister : à bien y penser, elles se connaissaient à peine. Mais bon… Comme elle l’avait dit à Tristan la semaine précédente - qui lui semblait remonter à une éternité - elle ne vivait que des rencontres fortes, en ce moment.
Soit. Lavinia voulait entendre parler d’elle, et même si sa vie était incroyablement inintéressante - du moins depuis qu’Ariste l’avait désertée - elle lui devait bien cela. Ariste, justement. S’il n’y avait qu’une confidence à faire, c’était celle-là. Parce qu’évidemment, elle ne pouvait rien dire des profonds tourments dans lesquels elle avait replongé ces derniers jours. De toute façon, tout lui reviendrait en pleine figure dès qu’elle serait seule, car Lavinia se trompait : même l’écouter parler de choses affreuses, c’était moins horrible que d’être seule face avec ses pensées. C’était bien pour cela qu’elle n’était pas encore parvenue à épargner aux autres sa compagnie, même en la sachant pénible. Au fond, c’était pas pu égoïsme.
Mais soit : pour compenser, il ne fallait pas éclater en sanglot. Il fallait rester sereine, et réussir à éloigner son amie de ses sombres pensées - d’ailleurs, elle se refusait à ce que la conversation revienne sur elle. Soit. Eléonore serra son pendentif dans sa main.
— Ariste de Tianidre. C’était mon cousin. C’était… oui, comme un frère. Un frère dont j’étais très proche.
Elle évita d’en rajouter, de rappeler qu’il était absolument toute sa vie, qu’elle n’était plus rien sans lui, qu’elle préférait encore mourir. Tout cela ne ferait qu’affliger davantage Lavinia, et ce n’était pas le moment.
— Nous… Enfin Ariste a eu le typhus, à Mornoy, en avril. Il n’en a pas réchappé. Alduis et lui étaient amis, c’est grâce à cela que nous nous sommes rencontrés.
Elle se rendait compte qu’elle restait affreusement factuelle… Mais comment faire autrement sans se laisser happer par une vague de sanglots ?
— En fait, Alduis et vous, vous êtes pareils : vous ne vous rendez pas compte du soutien que vous pouvez apporter.
Pour le reste… Eléonore comprenait. Se sacrifier pour ceux que l’on aimait était incontestablement noble. Même si elle n’avait jamais dû concrêtement s’y résoudre… Après tout, quels sacrifices avait-elle dû opérer, elle ? Accepter de rester seule le temps qu’Ariste aille mieux ? Non : survivre. Jusqu’ici, c’était bien cela, le plus douloureux. Bref, rien de comparable à la situation de Lavinia… Mais elle n’en comprenait pas moins sa résolution.
— J’ajouterais “dévouée” à ma liste de tout à l’heure. Mais… Comme je le disais à l’instant : personne ne vous laissera vous sacrifier… Si vous décidez seule d’y retourner, vous allez en prendre plein la figure, et ils agiront tout de même. Le mieux alors, ce serait d’accepter leur aide. Accepter leur aide et mettre toutes les chances de votre côté, vous comprenez ? De notre côté à tous. Si nous devons… Enfin s’ils doivent lutter à la fois contre… Antoine et contre votre volonté de sacrifice, cela n’arrangera rien, je vous assure.
Et tandis que la conversation progressait vers ce qui était bon pour elle, Lavinia saisit un prétexte - honteusement fourni - pour la dévier. Elle ne voulait plus parler d’elle. Soit. Elle en avait déjà dit énormément, Eléonore ne se sentait pas légitime à insister : à bien y penser, elles se connaissaient à peine. Mais bon… Comme elle l’avait dit à Tristan la semaine précédente - qui lui semblait remonter à une éternité - elle ne vivait que des rencontres fortes, en ce moment.
Soit. Lavinia voulait entendre parler d’elle, et même si sa vie était incroyablement inintéressante - du moins depuis qu’Ariste l’avait désertée - elle lui devait bien cela. Ariste, justement. S’il n’y avait qu’une confidence à faire, c’était celle-là. Parce qu’évidemment, elle ne pouvait rien dire des profonds tourments dans lesquels elle avait replongé ces derniers jours. De toute façon, tout lui reviendrait en pleine figure dès qu’elle serait seule, car Lavinia se trompait : même l’écouter parler de choses affreuses, c’était moins horrible que d’être seule face avec ses pensées. C’était bien pour cela qu’elle n’était pas encore parvenue à épargner aux autres sa compagnie, même en la sachant pénible. Au fond, c’était pas pu égoïsme.
Mais soit : pour compenser, il ne fallait pas éclater en sanglot. Il fallait rester sereine, et réussir à éloigner son amie de ses sombres pensées - d’ailleurs, elle se refusait à ce que la conversation revienne sur elle. Soit. Eléonore serra son pendentif dans sa main.
— Ariste de Tianidre. C’était mon cousin. C’était… oui, comme un frère. Un frère dont j’étais très proche.
Elle évita d’en rajouter, de rappeler qu’il était absolument toute sa vie, qu’elle n’était plus rien sans lui, qu’elle préférait encore mourir. Tout cela ne ferait qu’affliger davantage Lavinia, et ce n’était pas le moment.
— Nous… Enfin Ariste a eu le typhus, à Mornoy, en avril. Il n’en a pas réchappé. Alduis et lui étaient amis, c’est grâce à cela que nous nous sommes rencontrés.
Elle se rendait compte qu’elle restait affreusement factuelle… Mais comment faire autrement sans se laisser happer par une vague de sanglots ?
— En fait, Alduis et vous, vous êtes pareils : vous ne vous rendez pas compte du soutien que vous pouvez apporter.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Lavinia écoutait attentivement les paroles réconfortantes de son amie. Alduis l’avait convaincu quant à l’utilité de se montrer confiante envers son entourage, mais Éléonore venait de sceller la chose. Elle aurait voulu connaitre un peu mieux son amie, son passé, ce qui la tourmentait en ce moment… mais elle semblait vouloir rester secrète. Il n’était peut-être pas encore temps de se confier. Après tout, en ce moment, Lavinia n’était pas très bonne compagnie et pas désignée aux confidences. Éléonore lui parla d’un cousin, frère de cœur, d’une manière bien trop succincte.
— Toutes mes condoléances, ma chère. Je sais ce que l’on endure à la perte d’un être aimé.
À la mention d’Alduis et de leur amitié, Lavinia n’osa faire le rapprochement avec les aveux que lui avait fait le jeune homme. Éléonore ne semblait pas encline aux confidences et elle-même ne souhaitait pas s’étaler d'avantages sur ses déboires du moment. Elle ne voulait pas abuser de la bienveillance de son amie qui avait sans doute plein de choses à faire.
— Je ne vous remercierai jamais assez d’être venue prendre de mes nouvelles. Vous avez été d’un grand réconfort et j’espère ne pas avoir abusé de votre temps. Sachez que vos mots ont été de bons conseils.
— Toutes mes condoléances, ma chère. Je sais ce que l’on endure à la perte d’un être aimé.
À la mention d’Alduis et de leur amitié, Lavinia n’osa faire le rapprochement avec les aveux que lui avait fait le jeune homme. Éléonore ne semblait pas encline aux confidences et elle-même ne souhaitait pas s’étaler d'avantages sur ses déboires du moment. Elle ne voulait pas abuser de la bienveillance de son amie qui avait sans doute plein de choses à faire.
— Je ne vous remercierai jamais assez d’être venue prendre de mes nouvelles. Vous avez été d’un grand réconfort et j’espère ne pas avoir abusé de votre temps. Sachez que vos mots ont été de bons conseils.
Re: [Le 12 janvier 1598] - Les nouvelles qu'on demande et celles auxquelles on fait la sourde oreille [Terminé]
Des condoléances étaient bien faible lorsque l’on avait perdu la plus grande partie de soi-même, mais Eléonore accepta ce soutient avec un léger sourire. C’était que seule, elle était d’une faiblesse incroyable.
Seule. C’était bien l’état annoncé par cette prise de congé pour le moins abrupte. Lavinia n’avait aucune envie de perdre son temps en sa compagnie, et Eléonore était bien la mieux placer pour le comprendre. Etant contrainte de se supporter en permanence, elle savait ô combien cela pouvait être pesant. Ce devait être à cause de cela que tout le monde finissait par la fuir, et ils avaient bien raison.
— Mais pas du tout, enfin ! Tout le plaisir est pour moi si j’ai pu vous aider d’une quelconque façon.
Même si elle doutait que ce fut vraiment le cas… Peut-être Lavinia avait-elle l’impression que sa présence l’avait apaisée sans que ce ne fut le cas… Ou bien prétendait-elle cela pour ne pas la blesser. Elle était trop gentille. Ils étaient tous bien trop compréhensifs avec la méprisable chose qu’elle était.
— A bientôt, peut-être… N’hésitez pas à me prévenir si vous avez besoin de moi. Vraiment.
Parce qu’elle n’offrait jamais son aide si elle n’avait pas réellement l’intention de la fournir.
Sur ce, elle regagna son véhicule, les larmes aux yeux - et elle ne ferait pas croire à Jean que c’était l’air sec. Jean, justement, qui n’eut pas le temps de démarrer qu’elle descendait déjà de voiture - il fallait qu’elle voie Alduis. Puis y remontait - il fallait qu’elle parte, pas qu’elle ennuie son ami avec ses tourments. Puis en redescendait… Tout cela sans se douter qu’on l’épiait depuis la fenêtre.
Seule. C’était bien l’état annoncé par cette prise de congé pour le moins abrupte. Lavinia n’avait aucune envie de perdre son temps en sa compagnie, et Eléonore était bien la mieux placer pour le comprendre. Etant contrainte de se supporter en permanence, elle savait ô combien cela pouvait être pesant. Ce devait être à cause de cela que tout le monde finissait par la fuir, et ils avaient bien raison.
— Mais pas du tout, enfin ! Tout le plaisir est pour moi si j’ai pu vous aider d’une quelconque façon.
Même si elle doutait que ce fut vraiment le cas… Peut-être Lavinia avait-elle l’impression que sa présence l’avait apaisée sans que ce ne fut le cas… Ou bien prétendait-elle cela pour ne pas la blesser. Elle était trop gentille. Ils étaient tous bien trop compréhensifs avec la méprisable chose qu’elle était.
— A bientôt, peut-être… N’hésitez pas à me prévenir si vous avez besoin de moi. Vraiment.
Parce qu’elle n’offrait jamais son aide si elle n’avait pas réellement l’intention de la fournir.
Sur ce, elle regagna son véhicule, les larmes aux yeux - et elle ne ferait pas croire à Jean que c’était l’air sec. Jean, justement, qui n’eut pas le temps de démarrer qu’elle descendait déjà de voiture - il fallait qu’elle voie Alduis. Puis y remontait - il fallait qu’elle parte, pas qu’elle ennuie son ami avec ses tourments. Puis en redescendait… Tout cela sans se douter qu’on l’épiait depuis la fenêtre.
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