[11 janvier 1598] Retrouvailles à la forge

Cela fait trois jours qu’ Ingrid est employée chez l’amie d’ Eldred. Logée et nourrie, c’est une vraie aubaine qu’il lui a offerte ce jour-là. Au vu des croyances chrétiennes de la région, elle ne travaille pas le dimanche et a décidé de mettre ce temps à profit pour aller se promener en ville à la recherche d’un endroit où s’entraîner en vue de son duel prochain avec le zakrotien mais aussi pour essayer de trouver la forge où travaille Joris.

Ingrid s’en veux un peu d’avoir abandonné si vite ses recherches le lendemain de leur rencontre. Dans la mesure où il aurait été sincère, il lui a proposé son aide de bon cœur et la voilà qui ne donne aucune nouvelle après avoir plus ou moins accepté. Si son attitude ne dissimulait à ce moment-là aucun double-jeu, le jeune homme a pu être blessé par son attitude envers lui. Il reste un monbrinien, et elle hais ce pays et ses habitants, mais peut-être peut-elle au moins prévenir. Elle ne l’admettra jamais en face de lui, mais son compatriote n’a pas forcément tort quand il affirme qu’ils ne sont pas tous comme les ordures qu’elle a rencontrées par le passé. Le comportement de la famille qui l’a accueillie à son égard en est bien la preuve, comme celui de Sylvia ou d’autres personnes avant elles. Joris est peut-être de ceux-là. Sans aller jusqu’à lui accorder le bénéfice du doute, elle peut faire preuve de la civilité dont eux ne font aucun cas et aller lui annoncer qu’elle s’est débrouillée autrement. Que faire d’autre de son jour de congé de toute façon ?

Après plusieurs heures à trouver stupidement en rond, elle finit par trouver l’enseigne de la boutique. Ingrid s'avance par la porte entrouverte, d'où s'échappe l'air chaud de la forge. Elle toque plusieurs fois sur le battant pour signaler sa présence. Si c'est Joris qui vient elle tâchera de lui expliquer, sinon elle considérera que cela signifie qu'il n'a pas besoin de savoir.

Le grand bruit du marteau sur le fer brûlant en train d'être façonner en une épée ainsi que la chaleur étouffante des flammes sortant de la cheminée et réanimées avec l'utilisation du soufflet, formaient l'environnement quotidienne de la forge "La Salamandre". Cela faisait plus d'une semaine que Joris s'était fait à cette ambiance. En effet depuis mi-décembre, il s'était installé chez son oncle et ce fut en partie grâce à sa débrouillardise que Joris réussit à devenir un bon employé pour lui. Du moins, Elford ne se plaignait pas du travail fourni par son neveu pour l'instant. Au contraire, il était content de l'accueillir ici à Braktenn et de l'avoir à ses côtés pour l'aider à gérer sa forge qui il était vrai, connaissait en ce moment une belle réputation.

C'était donc un nouveau jour où les deux hommes comptaient bien passer leur journée à la forge comme à leur habitude. Pendant que Joris alimentait une nouvelle fois les flammes de la cheminé, il entendit frapper. Il jeta son regard vers Elford qui donnait toute son intention sur l'objet en métal qu'il était en train de forger sur l'enclume. Joris comprit qu'il était le seul à avoir crut entendre la porte toqué derrière ce vacarme, le vrai forgeron étant trop occupé dans son travail et se voua lui-même à y jeter un oeil au cas où.

Il ouvrit en grand la porte et y découvrit un visage pas si inconnu. En effet, ce fut la jeune femme muette qu'il avait rencontrée à la taverne il y a de cela quelques jours. Il fut un peu surpris de la voir mais n'en montrait aucun attrait bien sûr. Il lui avait proposé un petit boulot de livreuse à la forge et elle ne lui avait pas donné de réponse exactement. Avec les jours qui se suivirent, il finit par partir du principe qu'en l'absence de réponse et de visite de sa part, elle était passé à autre chose. Mais apparemment non, vu qu'elle était en ce moment même devant la porte. Il la fixa du regard et le maître dans l'art de la discussion finit par ouvrir la bouche.

- Bonjour.

Il ne savait pas vraiment la raison de sa venue. En réalité, il ne s'attendait même pas à avoir sa visite. Si elle acceptait sa proposition, elle était un peu venue tard... A moins qu'elle ne soit là seulement en tant que cliente. Enfin, il allait bientôt le savoir puisqu'il le lui demanda.

- Vous cherchez quelque chose ?

La jeune femme n’entend rien sinon le martèlement du marteau sur l’enclume, mais quand la porte s’ouvre, c'est Joris qui apparaît.

Donc ça veut dire qu'il doit savoir. Zut. Quelque part, elle aurait bien voulu que ce ne soit pas lui qui ouvre, pour s'éviter un grand moment de solitude à tenter de mimer un truc aussi compliqué et pour ne pas avoir à le mimer justement. Le temps de réflexion a été trop court pour élaborer un plan solide.

Elle répond à son salut par un bref signe de la main avant de se concentrer sur sa question. Si elle cherche quelque chose. La jeune femme plisse les yeux. Qu'est-ce qu'ils ont tous à lui poser des questions pour lesquelles la réponse est à la fois oui et non ou bien aucun des deux ? Ce n'est pourtant pas compliqué de comprendre qu'avec des gestes elle ne peut pas répondre à des questions trop complexes ! Ils sont tous complètement stupides.

En l'occurrence, si elle acquiesce, elle sera obligée de le désigner du doigt mais sans pouvoir lui dire que c'est simplement pour l'avertir qu'elle n'a pas besoin de son aide finalement. À coup sûr, il se ferait des idées. Pourtant si elle répond non, il pourrait se faire des idées aussi, après tout pourquoi viendrait-elle toquer à la porte si elle ne cherche pas quelque chose ? Quel idiot ! Il a sans doute fait exprès pour la piéger. Quoi qu'elle dise il pourrait tourner la réponse à son avantage et prétexter que c'est elle qui est venue lui chercher des noises. Et si elle fait demi-tour sans rien ajouter, ce sera louche. En plus, la rue est assez fréquentée, ce n'est absolument pas le moment de provoquer une esclandre. Elle ne ferait pas le poids de toute manière. S’enfuir en courant ne mènerait à rien du tout. La meilleure solution reste sans doute de transmettre tout de suite son message.

Elle se désigne donc du doigt. Je.
Elle place sa main en visière et regarde à droite puis à gauche.  Je cherchais.
Elle réfléchit un instant puis fait mine de balayer et soupèse sa bourse.  Je cherchais un travail.
Elle termine par faire non de la tête.  Mais plus maintenant.