[7 Février 1598] Les conséquences de recueillir une gamine stupide sous votre toit

Cassandre avait passé deux longues heures à rédiger sa lettre à l'oncle Matthieu. Ses idées s'embrouillaient, noyées entre les souvenirs, les sentiments et la culpabilité. Elle les ordonnait difficilement et peinait plus encore à trouver les mots pour les écrire. pourquoi ça devait être si difficile comme exercice ? Elle devait avoir fait en plus un tas de fautes. Elle demanderait demain à Irène l'orthographe des mots, dans le désordre, pour ne pas envoyer un courrier qui ne serait qu'un torchon infâme. Pendant ce temps, Nicolas s'amusait sur le plancher avec les animaux en bois que Grâce avait laissé en plan au lieu de les ranger. Le jeune garçon poussait de petits cris et les faisait gambader en organisant une course.

Lorsque Cassandre eut enfin terminé la rédaction de la lettre, elle se releva, satisfaite d'avoir rempli la première étape. Maintenant... Maintenant, elle devait parler à Irène et tout lui avouer. La fillette redoutait d'avance de lire l'inquiétude et la déception dans son regard. Mais elle devait le faire. Ou sinon les mots écrits à oncle Matthieu serait hypocrites. Elle lui avait dit de ne pas fuir. Même s'il avait peur ou e savait pas quoi faire. Elle devait appliquer ses propres conseils.

Avant de descendre, Cassandre demanda à Nicolas d'occuper Grâce. Elle ne souhaitait que celle-ci puisse risquer d'interrompre une conversation qui promettait d'être plus que difficile. Et puis, ça servait à rien qu'elle entendre ça et s'inquiète. Son ami se rendit vers la salle de jeux, tout heureux d'avoir quelqu'un avec qui s'amuser. la fillette sourit tendrement. Ce n'était vraiment qu'un enfant.

Cette dernière disposition prise, Cassandre descendit avec appréhension dans la poitrine, le coeur tambourinant dans la poitrine. Chaque pas semblait lui prendre une énergie considérable. Elle était vêtue de sa seule chemise de nuit, les pieds nus, mal, peignée, et avait oublié son apparence, l'esprit trop focalisé par la situation et ses conséquences. Sa gorge se noua en apercevant Irène coudre paisiblement. Elle se sentit horrible pour lui faire vivre encore des moments aussi pénibles. Ses yeux la piquèrent mais la fillette refoula ses larmes. Pas question de pleurer. Elle n'était plus un bébé. Elle rassembla sn courage et s'avança lentement.

"Irène ?"

Ses yeux la piquaient de plus en plus. La fillette se décida à vite parler. Ou ses émotions l'en empêcheraient.

"Je... J'ai insulté une noble."

Elle se mordit les lèvres et cette fois ne sut plus retenir les larmes qui ruisselèrent sur son visage.

"Je... J'ai insulté la fille de Coldris de Fromart."

Cassandre baissa les yeux, honteuse, fixant le plancher sous ses pieds. Il y avait beaucoup pire que la colère de la veille de Coldris. Affronter la déception et l'incompréhension d'Irène, c'était bien plus douloureux.

Une nouvelle fois, Irène sentait une inquiétude lui tenir le ventre. Elle ignorait d’où cela venait et cela ne faisait qu’accroître son anxiété. Elle soupira en reprenant sa broderie.

Irène respira un bon coup en reprenant son motif, l’esprit plus léger. Qu’est-ce qui pourrait bien aller mal ? Les enfants étaient en bonne santé, les affaires marchaient bien… et même plus que bien. Maintenant, c’était des baronnes et des comtesses qui franchissaient leur porte… Alors qu’y avait-il à craindre, franchement ? Elle mettait largement de côté pour ses enfants, tous ses enfants… Y compris Cassandre à qui elle voulait accorder un pécule d’avance si elle partait en apprentissage.

Elle secoua la tête. Peut-être cette histoire de maladie, justement… Sa pupille se comportait de nouveau de manière étrange et elle ne croyait que peu à un rhume ou à un subite mal de ventre. Elle manqua de se piquer en se laissant aller à ses réflexions. Irène soupira. Elle espérait qu’elle ne lui cache pas encore quelque chose… Elle avait pourtant pensé passer ce cap et pouvoir lui faire confiance… Que se passerait-il si elle recommençait ses actions en cachette ? Et Matthieu qui allait s’inquiéter… Que lui dirait-elle s’il demandait encore des nouvelles dans une lettre ?

Au moins, elle était rassurée de savoir Nicolas là-haut. C’était un brave petit et elle savait qu’il s’occuperait bien des enfants, tous les enfants. Il avait un don pour rendre tout le monde jovial, sans doute l’habitude de demeurer avec Sylvère. Elle sourit avant d’entendre de petits pas dans l’escalier. Elle releva la tête et ses yeux s’agrandirent. Comment Cassandre pouvait-elle sortir dans une tenue pareille ? Était-elle bien malade finalement ? Elle allait lui poser la question quand elle parla la première. Irène fronça les sourcils en constant ses yeux brillants et sa voix chevrotante.

Si sa première phrase l’estomaqua, la deuxième la fit définitivement se piquer. Elle grimaça en lâchant son ouvrage tâché de sang. Elle suça son doigt avant de secouer la tête.

- Mon Dieu ! Cassandre, qu’est-ce que ça veut ? Qu’est-ce que tu as fait, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Une noble, c’était déjà grave… Mais le fils du ministre de la guerre dont même Joseph, qui avait pourtant tendance à apprécier tout le monde, se méfiait ! Une terreur sourde monta dans sa poitrine et la saisit à la gorge. C’était grave, très grave… Et elle, pauvre petite commerçante, que pourrait-elle cette fois pour la protéger ?

Tout en tâchant d’ignorer la légère douleur à son doigt, qui n’était cependant rien face à la douleur de l’angoisse qui lui tenait le ventre, Irène écouta Cassandre, sachant qu’il valait mieux ne pas l’interrompre. Elle constatait surtout qu’elle se mettait à pleurer. Irène se sentit comme percée à la poitrine. Sa petite pupille ne pleurait pas aussi facilement et elle craignait venir une grave sentence. Le début commençait pourquoi bien, qu’est-ce qui avait pu déraper ? Elle enfouit son visage dans ses mains.

- Cassandre, par la Vierge…

Elle ne savait si elle devait être triste ou en colère. Elle se sentait pour l’instant un intense mélange des deux et particulièrement désagréable… Et elle ne se souvenait même pas ? Elle qui avait pourtant une grande mémoire ? Qu’avait-il bien pu arriver, bon sang ? Cependant, elle n’osa pas totalement l’interrompre.  

Elle se mordit la lèvre à la suite et n’y tint plus quand elle évoqua Grâce. Irène la prit dans ses bras et la laissa pleurer contre elle, malgré tout encore un peu agacée.

- Bon sang, quand vas-tu comprendre de ne pas tout faire en fonction de nous et de ne pas imaginer ce que nous penserions ou ferions ?

Elle ne pouvait que se figurer la scène, ce qui lui fit serrer encore un peu plus sa pupille contre elle. Si elle avait été là, elle aurait pu au moins la protéger… Seigneur, pourquoi fallait-il que ça arrive maintenant, alors que tout semblait aller mieux ? Sa bouche s’assécha quand elle prononça la sentence.

- Le… le pilori ? Mon Dieu… Combien de temps ?

Sa phrase suivante lui fit verser une larme. Mieux ? Mais rien n’était mieux ! Elle la voulait ici, avec elle, avec Grâce, en sécurité ! Elle passa une main sur son visage pour en chasser l’humidité.

- Je…

Elle ne savait même pas quoi lui répondre. Surtout, ce qui suivit fut pire. Elle la serra un peu plus, comme pour l’encourager à se taire.

- Arrête, ça suffit. Je ne veux plus entendre que tu es mauvaise, que tu es méchante… C’est à force de le répéter que tu vas le devenir mais ce n’est pas vrai. Alors arrête. Dis-toi que tu es aussi généreuse, gentille, bienveillante quand tu le veux et que oui, tu as des efforts à faire mais que ça va venir. Tu n’as pas à rester enfermée dans un rôle…

Elle soupira à sa proposition.

- Soit, si tu le veux… Bélyl ne verra jamais d’inconvénient à passer du temps avec toi… Et si c’est ce que tu veux pour aller mieux alors c’est d’accord. Mais j’ai aussi une condition : je ne veux plus t’entendre dire de pareilles horreurs sur toi-même. Tu ne progresseras pas si tu restes coincée avec ces pensées.

Irène garda Cassandre contre elle, craignant de la voir disparaitre. Quand cela cesserait-il ? Jamais sans doute… Même si tout allait bien dans sa vie, elle s’inquiéterait toujours. C’était là le fardeau de toute les mères, le contrat qu’elle signait dès le moment où une vie grandissait dans leur ventre. Elle soupira quand il lui donna sa justification.

- Soit… mais je ne voudrais pas que tu recommences à nous cacher des choses « pour nous protéger ». C’est ça qui me fait peur, tu comprends ?

Sa réponse approximative fit encore davantage monter l’angoisse en elle. Elle secoua la tête.

- Bien sûr, je ne veux pas qu’elle voit ça… même si je la vois bien profiter de l’inattention d’Ingrid pour se sauver et aller te voir… Elle reste une Cassin par le sang.

Elle soupira. Être têtue était presque dans leur définition de famille… Et surtout, elle ne supporterait pas de ne plus voir sa grande sœur trop longtemps. Elle secoua la tête. Tant pis… Elle savait qu’elle ne pourrait pas l’en empêcher. Irène se passa ses mains sur le visage quand Cassandre tenta de minimiser. Encore.

- Je sais… Il n’empêche que… Je ne veux pas qu’il t’arrive le moindre mal. Si nous t’avons sortie de cet endroit sordide avec Isabelle, c’est bien pour qu’il ne t’arrive plus rien dans ce genre…

Elle posa une main sur son front. Bien sûr qu’elle avait raison, elle croirait entendre Alexandre d’ailleurs mais tout de même. Elle fronça les sourcils quand elle lui raconta son histoire puis soupira sur la fin. Irène posa doucement ses mains sur ses épaules, espérant la rassurer.

- Et tu as raison. Il n’arrive rien à personne si on agit bien. Au contraire, on est récompensé si on est bon et si on sait respecter les règles tout en les dépassant quand il faut.

Elle croisa ensuite les bras.

- Changer, oui. Se traiter de tous les noms les plus désagréables, je pense que cela ne nous avance à rien. Ma mère nous répétait toujours qu’être bienveillant envers soi-même était le premier pas pour être bienveillant avec tout le monde. Bien sûr que tu peux aller avec Bélyl, elle saura te conseiller et toujours sans un mot plus haut que l’autre. Mais tu sais, tu ne pourras pas devenir sa parfaite copie.

Elle lui sourit doucement et tapota son nez.

- Tu es toi, avec ta personnalité et ton histoire. Comme tu le dis si bien, tu dois te souvenir du chemin parcouru, savoir comment tu vas évoluer et faire en fonction de ce que tu es capable. Tu es une personne fière et ça, je ne sais pas si tu pourras l’effacer, comme sont effacées Pauline ou Bélyl. Tu ressembles plus à Madeleine mais tu sais, elle en a conscience et elle a justement appris à contrôler cela.

Elle en vint à un autre problème, qui étonna beaucoup Irène. Elle soupira à l’évocation de la bêtise.

- Je vois…

Elle s’inquiéta cependant de sa décision.

- Es-tu sûre que c’est la meilleure décision ? Ils tiennent beaucoup à toi et réciproquement. Si tu leur explique ce que tu m’as expliqué, peut-être qu’ils comprendront mais n’est-ce pas radical ce que tu suggères ?

Alors qu’elles arrivaient de nouveau au sujet de Grâce, Irène plissa les lèvres. Elle secoua la tête. Bien sûr, si c’était si simple… Mais c’était une petite maline et rusée et elle craignait qu’entendre les histoires de Cassandre ne l’ait un peu trop inspiré. C’était bien ironique d’ailleurs. Elle soupira.

- Oui, je sais bien mais elle est têtue, tu le sais bien. Et surtout, elle ne pense pas qu’elle fait une bêtise, elle sera convaincue de te rendre service…

Sa fille avait bon cœur et elle serait certainement tout aussi malheureuse que Cassandre quand cette dernière serait clouée au pilori pour Dieu seul savait combien de temps… Irène hocha la tête.

- J’essayerai et nous ferons le maximum avec Ingrid, bien entendu…

L’éclat de rire la surprit mais elle comprit et hocha la tête.

- Effectivement, c’est tout à fait ça. Alors je ne me fais pas de souci et elle sera sans doute contente de t’avoir et que vous passiez du temps ensemble. Tu sais, elle m’a souvent dit qu’elle voulait apprendre à te connaitre. Peut-être que ce sera également la même chose avec Angélique si elle vient ici un jour, vous serez peut-être encore plus proches comme vous avez presque le même âge.

Quand elle lui annonça son autre décision, elle fut vraiment peinée pour elle. Elle aurait voulu lui proposer une autre solution mais craignait qu’elle se braque encore. Si elle l’avait décidé, il y avait sans doute peu de chance qu’elle change d’avis, essayer de le faire serait sans doute même pire. Mais comment réagirait Hyriel et Sylvère, eux qui étaient comme des grands frères pour elle ?

- Tu es vraiment certaine ? Tu ne veux pas au moins leur écrire une lettre ? je suis certaine qu’ils comprendront si tu leur explique mais si tu pars sans rien dire, j’ai peur qu’ils ne t’en veuillent…

Irène secoua la tête aux remarques de Cassandre. Oui, bien entendu… Elle connaissait sa fille tout de même. Elle soupira en se passant une main sur le visage.

- Oui, j’ai compris. Je ferai ce qu’il faut.

Elle expliquerait tout à Grâce, sans fioriture, sans rien lui cacher, ce serait encore le moyen le plus efficace. Grâce était jeune et trop gentille mais n’était pas une imbécile. Elle lui obéirait si elle y mettait les formes. Quant à cette affaire de lettre, tout cela devenait de plus en plus obscure pour elle.

- Soit, donc en résumé, rien n’a changé. Parfait, au moins, je suis prévenue.

Irène contenait autant que possible son agacement. Elle aurait voulu qu’elle comprenne qu’il fallait rester loin des nobles, très certainement autant qu’elle voulait rester loin de ses amis. Pourquoi n’arrivait-elle pas à comprendre que tout irait mieux dans l’autre sens, quand bien même l’un et l’autre était dangereux ? Elle soupira et fit un vague geste de la main.

- Oui, j’ai compris, je l’attacherai à son lit, s’il faut…

Cela ne lui plaisait pas mais tant pis. Si elle insistait autant, c’était pour une raison, qu’elle comprenait aussi. Elle ne souhaitait pas que sa fille voit cela, même pour soutenir une amie. Elle constata qu’elle était sceptique concernant Angélique mais ne relança pas le sujet. Elles verraient bien…

Concernant l’autre sujet, elle ne pouvait s’empêcher de rester surprise et attristée. Elle craignait qu’ils ne comprennent pas de leur côté et que cela ne fasse qu’aggraver les choses. Le fait qu’elle ne veuille même pas leur écrire lui fit se mordre la langue. Cependant, ce n’était pas sa décision.

- Très bien, alors fais comme tu le souhaites.

Irène l’interrogea du regard pour savoir s’il y avait autre chose avec qu’elle ne retourne au travail.

Cassandre exposait avec appréhension les raisons de pourquoi Grace ne pouvait assister au pilori. En premier lieu, car ce n'était pas un spectacle pour un enfant. Même Nico évitait la grande place quand il y avait ce genre d'événements. Et elle était presque certaine que Mésange faisait pareil. Il n'y avait que les gamins des rues formés par Simon pour se plaire à observer ça. Elle se décida ensuite, plus hésitante que jamais, à confier que la lettre de la prévôté n'était pas réellement annulée. Elle courait toujours. Coldris n'avait fait que tirer un rideau, mais derrière la menace se trouvait toujours là. La réponse à ce sujet de la part d'Irène la fit reculer d'un pas. Son intonation avait changé et semblait... plus inquiétante. Etait-elle déçue d'apprendre ça ? Elle avait réellement cru que la lettre était arrivée comme par miracle ? Que ça annulait tout ? Pourtant.. Pourtant, quoique Irène veuille croire, elle restait une esclave. Elle pouvait être bien traitée. Elle pouvait s'instruire. Mais si la prévôté avait vent d'une irrégularité, al loi s'appliquait. C'était comme ça. C'était pour ça que son père avait été arrêté. Pas parce que c'était un méchant, ni que le créancier était un méchant comme elle l'avait si longtemps cru. Son père devait rembourser l'argent emprunté. C'était la justice. L'homme sui l'avait chassé de la maison n'avait pas été gentil de la jeter violemment, mais il en était dans ses droits à trouver les moyens de percevoir l'argent que son débiteur lui devait. Quand on empruntait, on rendait. Sinon c'était du vol. Cassandre fixa Irène, interdite, et ne savait pas quoi penser de son attitude. Eldred ou Sylvère pourraient peut-l'aider à comprendre ? Elle demanderait à Nico quand il repartirait demain d'interroger Sylvère sur le sujet. il saurait peut-être.

La seconde réponse d'Irène sur la manière de garder Grâce à la maison désarma encore plus Cassandre. L'attacher ? Au lit ? Mais... Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Elle perdait l'esprit ? La fillette soupira.

"Fermer la porte à clé, ça serait un peu moins radical."

Elle préféra ne plus parler de ça et se confia sur ses dernières résolutions. Ne plus fréquenter tout de suite ses amis. Même si elle adorait, elle n'était pas dans un moment à être capable de recevoir de nouvelles influences. Elle avait besoin de faire du tri dans le chaos qui s'agitait dans son esprit. Et au-delà de ça, si elle recommençait à les voir, elle devait trouver moyen de les protéger et de ne surtout pas connaître leurs futurs projets. Elle savait être prudente, mais même la personne la plus prudente au monde ne se trouvait pas à l'abri d'une indiscrétion.

Irène se contenta de répondre de faire comme elle voulait. Cassandre hocha d'un faible hochement de tête. Cela ne servait sans doute à rien de poursuivre. De toute façon, elle avait aborder tous les points qui importaient. Sa gorge restait cependant serrée. Elle se sentait bien mieux après la conversation avec Nico que maintenant.

"Je.. Je suis désolée de vous embêter. Je vais remonter dans ma chambre terminer ma lettre à l'oncle Matthieu."

Sans attendre la réponse, Cassandre tourna rapidement les talons et rejoignit les escaliers pour disparaître à l'étage.