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[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé]

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Message par Le Cent-Visages Mar 23 Juin - 11:12


[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Le soleil peinait à percer entre les premiers lourds nuages de l'hiver approchant. Ses rayons tâtonnaient au gré des rues pour jouer avec les ombres des bâtisses, clochers et étals des marchands. Au sol, les flaques d'eau grouillaient entre les pavés et venaient s'y refléter les vagues de briques, ainsi que les ombres des passants qui allaient et venaient. Chacun était emmitouflé dans d'épais manteaux et plusieurs tours d'écharpes enroulées à la gorge - ou du moins, ceux qui en avaient les moyens, quand d'autres faisaient de leurs mieux dans leurs habits défraîchis.

En s'engageant, ce jour-là, jusqu'à un petit coin de la Grand'Place de Braktenn, l'on découvrait un attroupement joyeux autour de ce qui ne se révélait pas au premier coup d'œil. Il fallait fendre la mer de corps pour discerner au centre l'objet des regards. Sans cela, il ne paraissait que fragmenté, comme aspiré, caché, menaçant à chaque instant de disparaître, ou pressé au milieu de la masse des marcheurs. Car lui ne marchait pas, il glissait. Non loin, une vieille mendiante jouait un air à la flûte.
Profitant de la musique offerte par l'aïeule, Tristan – du haut de ses quinze ans – fusait à vive allure, assis sur son singulier véhicule. Installé au creux de ce landau composé d'une piètre caisse en bois et d'un châssis usé, tout son corps effilé ondoyait au rythme de sa chaise. Ses longues mains auraient été blanches si elles ne partageaient pas la saleté des roues qu'elles actionnaient, à force de traverser des voies pleines d'immondices. Mais les doigts en l'occurrence jouaient dans les airs telles feuilles au vent, pianotaient çà et là, éphémères, fugaces. La chariote, elle, achevait de tournoyer seule, profitant de sa légèreté et d'un élan donné par son propriétaire via une impulsion sur ses roues. Une tignasse châtain-rousse, assortie aux larges yeux ambrés du garçon, batifolait avec les mouvements alertes de son corps-souffle, aux airs frêles et qui néanmoins dansait avec vigueur.
Public de curieux en ébullition. Tantôt l'on riait, tantôt l'on battait des mains autour de l'attraction. Quelques gloussements concurrençaient les sifflets d'admiration. Tintement de piécettes laissées en une coupelle, pour la vieille et l'enfant qui se les partageraient. Des commentaires serpentaient. Railleurs... « Qui c'est-y qui laisse c't'éclopé parasiter la rue ? » « V'là de la mauvaise graine ! » « Ça ferait mieux de s'trouver un travail, un vrai. » « Moi j'reste pas là, les infirmes c'est d'mauvais présages je dis. Y portent le Mal. » Ou enchantés et complices... « Olé ! » « Comme il y va Tourne-Soleil ! »

Ce petit endroit de la place présentait le rare avantage d'avoir des pavés plus droits, plus lisses et praticables pour un fauteuil roulant, contrairement à trop d'autres endroits de Braktenn. Le petit esclave venait donc d'y élire domicile pour son numéro improvisé. Il n'avait pourtant pas prévu de danser. Mais alors que Dame Irène l'avait autorisé en ce jour à déambuler un peu dans les rues, le garçon s'était vu aborder par d'anciennes connaissances vagabondes. Et alors que résonnait la musique auprès d'eux, dans l'émulation de groupe ils s'étaient pris à se mettre à danser - comme au bon vieux temps, où Tristan vivait précaire mais libre... Peu à peu, le jeune danseur aux roues fut laissé seul dans le cercle, les yeux des camarades occupés seulement à contempler ses chorégraphies.
Et la danse allait de tout son entrain ! Au milieu d'un remous de surprise, le garçon ralentit son mouvement pour sortir, de derrière son dos, deux fins couteaux étincelants empruntés à la Roz Azùl - savait-on jamais : il fallait mieux sortir avec de quoi se défendre. Il les fit valser. Les armes tintèrent, tournoyèrent en un sifflement sonore. Elles dessinèrent des cercles vifs dans lesquels elles semblaient devenir le prolongement de la silhouette féline. Tristan tantôt donnait au véhicule de brusques impulsions, tantôt jouait des lames. Au-dessus de sa tête, ses bras s'enroulaient ou se croisaient comme un couple de serpents joueurs.
Les courbes des membres et du bassin se mariaient à celle des roues. Le petit corps ne faisait qu'un avec son siège, le temps d'un tableau éphémère, de transcender ce qui n'était que véhicule d'infirme. Cohortes d'yeux suivant le gosse. Ses doigts s'écartaient, se refermaient, avalant les couteaux avant de les laisser rejaillir comme des griffes. Il les lança enfin. Elles se fichèrent dans un pilier voisin.
Tristan rit, ivre de son jeu, bien loin de penser alors à sa situation servile ou au piètre état de ses hardes flottant au rythme de ses gestes. Au moins, la danse le réchauffait. Pris dans le plaisir immense de son art retrouvé, il en oubliait complètement qu'il était esclave, qu'il appartenait au sinistre Cardinal Cassin - heureusement actuellement bien loin d'ici - et qu'il n'aurait pas à se livrer à de telles excentricités. Heureusement, en l'absence de l'inquisiteur le chat dansait... et bénéficiait de la protection sans faille de la famille d'Aubeville. Ne comptait que le plaisir de sentir la musique aboyer dans ses veines mieux qu'un alcool. Il roula, pirouetta, fila, revint. Son dos plongea en arrière. Ses vertèbres s'enroulaient. Il apprécia le délié de chacune d'elles, devenant coquille à l'arrondi parfait ou une vague en pleine course. Puis le flux se redressa, ondoya, serpenta, jouant à passer tout près de certains spectateurs. On voulut ici ou là le taquiner, l'attraper. Mais il coulait tel un filet d'eau entre les doigts.
À son cou maigre, un enchevêtrement de bijoux faits main sautait, claquait, tournait en spirale au rythme du ballet. C'étaient ceux que Tristan avait pris le temps de se confectionner ces dernières semaines, avec l'autorisation - et même la bénédiction de Bélyl Cassin - puisque le seigneur de Frenn lui avait confisqué ses premiers pendentifs il y avait trois mois de cela... Des gouttes de sueur lui coulaient le long des bras et aux tempes. Parfois, ses mouvements étonnaient en se faisant brusques : des gestes fauves par lesquels il plongeait vers le sol pour planter ses doigts dans la Terre, comme autant de racines venant y boire avant de rejaillir de plus belle. Et ses roues de funambuler.

Vint la fin du numéro, où il fut applaudi par ses quelques comparses autant que par les rares personnes à s'être arrêtées pour le regarder. Plusieurs personnes donnèrent même une obole pour le danseur et la vieille musicienne. Tristan ne garda pour lui aucune de ces pièces et les remit toutes à la flûtiste âgée : lui, il était certes esclave, mais il avait la chance d'être logé et nourri par Dame Irène. L'aïeule le remercia d'un tendre sourire crénelé avant de s'éloigner.
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Message par Alduis de Fromart Mar 18 Aoû - 19:49

Première nuit depuis des jours qu'Alduis avait enfin bien dormi. Ce n'étaient pas quelques heures qui avait rattrapé toute la fatigue accumulée mais il se sentait tout de même mieux.

Le temps, de son côté, se faisait chaque jour plus hivernal et il devenait désormais impossible de sortir sans être couverts d'épais manteaux et enroulés dans maints châles – de ceux qui avaient les moyens, tout du moins. Tout le monde allait d'un pas pressé, mains dans les poches pour les tenir au chaud, les souffles formaient quelques volutes dans l'air frais.

Tout le monde.
Sauf Alduis.

Il avait les moyens, mais il n'était pas couvert outre mesure. Cependant, il avait mis une veste – surtout pour faire plaisir à Alexandre, mais parce que même lui commençait à avoir froid.

Il aurait bien été incapable de dire pourquoi il était sorti. Pour fuir. Mais fuir quoi ? Le désir de retourner voir Alexandre ? Certainement. Parce qu'il en mourrait déjà d'envie et qu'attendre était une torture. Ils avaient dit le 2 décembre.

Le 2 décembre.

Encore quatre jours avant d'y arriver.
Encore 96 heures avant de pouvoir le voir.
Encore 5720 minutes avant de pouvoir l'embrasser.

Mais en attendant, il n'avait plus qu'à prendre son mal en patience. Comme il tournait en rond dans ses appartements, il avait fini par décider de sortir. Il tournerait toujours en rond, mais au moins, cela ferait des cercles plus grands.

Et ces cercles l'avaient menés, au gré des ruelles et de ses pas, sur la Grand'Place. Il avait jusqu'alors fait son possible pour éviter le surplus de monde mais il avait été embarqué, bien malgré lui, par la foule amassée ici et par la musique qui résonnait.

Il y avait là un garçon, au long corps déguingandé, qui tournoyait sur une chaise roulante – qui témoignait de quelques problèmes aux jambes. Il fallait croire que tout devait toujours le ramener à Alexandre. Comment aurait-il pu ne pas penser à lui et à ses béquilles ?

Les doigts pianotaient en l'air, et le corps entier semblait pris dans il ne savait quelle transe. Une transe qui emmenait le public bien loin du froid de l'hiver et des rues pavées de Braktenn. Alduis le regardait, lui aussi, mais ne le voyait pas vraiment. Il était ailleurs. Avec quelqu'un d'autre.

Encore trois jours.
Trois jours.

Ce fut des éclats argentés qui le ramenèrent dans le présent. Il sut ce que c'était avant même de poser les yeux dessus. Des couteaux. Il devinait de là la qualité des armes. Et ce fut cela, plus que la danse en elle-même, qui attira défitivement son regard. Les tintements des lames ensemble, leur ballet tranchant, effilé... Leurs mouvements rapides, hypnothiques, dangereux. Au bout de quelques secondes, les deux dagues filèrent dans les airs et leur course fut interrompue par la rencontre d'un poteau.

Alduis se faufila entre les passants. Il décrocha l'un des deux couteaux et lui fit faire un tour complet dans sa main. Il ne put contenir son sourire. Il était parfaitement équilibré. Machinalement, il releva les yeux vers le petit danseur, les rebaissa sur le couteau. Passa le doigt sur le fil de la lame.

Sauf que même ces couteaux finirent par le ramener à Alexandre. Enfin, plus exactement à Cassandre – et à ce qu'elle avait vu. Ce qu'elle n'aurait pas dû voir. Quand viendrait-elle, au juste ? Dans une heure ? Dans plusieurs jours ? Alduis n'aimait pas ne pas savoir, mais pour l'instant, il n'avait pas d'autres choix que de patienter.

De patienter pour la venue de Cassandre.
De patienter pour revoir Alexandre.

Il était de nouveau parti loin, bien loin de cette place, les yeux rivés sur le couteau quand la foule se dispersa quelque peu. Lui ne bougea pas. Au milieu, tout en blanc, toujours immobile quand tout le monde faisait route arrière, peu couvert malgré ses vêtements de bonne qualité, il attirait l'oeil et il était impossible de louper son visage encadrés de ses cheveux trop blonds et traversé par la cicatrice, ni même ses yeux de ce bleu si particulier, rivés sur la lame qu'il tenait toujours entre ses doigts.

Et puis, il finit par relever les yeux, pour tomber pile sur le petit danseur. S'il s'était tenu debout, Alduis l'aurait déjà incontestablement dépassé, alors il allait sans dire qu'assis dans sa chaise roulante, il le dominait de toute sa carrure de soldat aguerri.

D'un mouvement du poignet, il retourna le couteau et referma la main sur la lame, pour lui tendre la garde.

- Il me semble que ceci est à toi.

Il prit le second, le lui tendit aussi.

- Et ceci aussi.
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Message par Le Cent-Visages Ven 21 Aoû - 14:07

[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Entre deux tournoiements, Tristan jetait toujours des coups d'yeux aux spectateurs. Et l'un d'eux ne lui était pas passé inaperçu, tant il jurait avec la foule des gueux et roturiers qui l'environnait ! Un grand homme, massif, d'un habit immaculé qui n'en ressortait que d'autant plus, par contraste avec les hardes du petit peuple. Sa chevelure resplendissait, presque aussi blanche que sa tenue. Un noble ici ! Pourquoi ? Que devait-il penser ? Les aristocrates n'étaient pas vraiment de ceux qui aimaient venir profiter des numéros donnés par les saltimbanques des rues. Sa présence avait fortement intimidé le petit infirme, mais heureusement il était parvenu à ne rien trahir de son trouble dans les mouvements alertes de sa danse.
D'abord, les yeux clairs du jeune seigneur avaient semblé perdus, complètement ailleurs... puis l'apparition des couteaux avait su capturer tout son intérêt. Alors, Tristan avait vu combien le noble s'était entièrement laissé porter par la suite de sa chorégraphie armée. Ces griffes affûtées, le danger des lames dont pouvait aussi jaillir la beauté, semblaient séduire l'aristocrate. Que pouvait-il bien venir chercher dans les bas quartiers et la contemplation d'un humble infirme ?

Quand la danse s'acheva, le garçon s'inclina, reçut avec un large sourire les aumônes que lui laissaient certains spectateurs avant de se disperser. Il passa le bras sur son front suant de ses efforts. Au moins son numéro l'avait-il réchauffé, enveloppé contre le froid de l'hiver qui s'en venait. L'esclave s'empressa de remettre les piécettes obtenues à la vieille musicienne, laquelle s'éloigna aussitôt pour aller probablement retrouver une famille.
En se retournant, Tristan avait désormais en tête d'aller récupérer ses deux précieuses griffes. Mais il sursauta en s'apercevant que le jeune noble se tenait là, juste devant lui, et avait devancé son souhait. Un peu plus tôt, Tristan était beaucoup trop occupé par son numéro pour s’appesantir sur le visage du seigneur... cependant à présent il le reconnut : c'était ce téméraire Grand qui, lors du Triomphe, avait pris la défense d'Alexandre et de sa mère ! L'invalide en suspendit son souffle. Décidément, un personnage singulier. En l'occurrence, l'individu lui rendait ses couteaux - tenus sans peur, par la lame, d'une façon telle qu'on pouvait deviner la grande habitude de ce noble à manier le tranchant.
Par réflexe, scrupuleux dans son respect de la hiérarchie, Tristan s'inclina aussitôt devant le seigneur. Il ne s'agirait pas de s'attirer de nouveau des ennuis et même si cet aristocrate avait, une fois, volé au secours de roturiers... la prudence restait de mise car Tristan savait ô combien ces gens pouvaient être inconstants ! Timide, le petit infirme approcha ses longues mains blanches et récupéra ses couteaux. Aussitôt, il les rangea derrière lui, entre son dos et la caisse de son modeste fauteuil. Lentement, il releva vers le noble ses grands yeux ambre.

-- Merci beaucoup, Messire.

Qu'aurait-il pensé du spectacle ? Pourquoi le noble avait-il pris la peine de l'approcher ? L'esclave prit soin de garder ses curiosités pour lui.
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Message par Alduis de Fromart Lun 31 Aoû - 16:58

Le spectacle était fini. Les gens se dispersaient, le flux reprenait son cours normal et la Grand'Place se désengorgeait lentement de la population qui s'y était amassée pour regarder le petit danseur infirme. Ce n'était rien, juste quelques minutes de voyage dans un imaginaire lointain, mais cela avait suffi pour réchauffer les coeurs des passants par ce temps d'hiver. Les sourires éclairaient quelques visages, et certains s'arrêtaient même pour donner aumône au jeune garçon.

Quel âge avait-il ? Alduis n'en savait trop rien. Il était encore jeune. Très jeune, même, presque un gamin. Un gamin qui, pour l'heure, donnait tout l'argent à la vieillarde et essuyait la sueur de son front.

Sur ses roulettes, il se retourna vers le mât où il avait envoyé les deux lames. Lames qu'Alduis avait déjà entre les mains. En croisant son regard, le petit sursauta. Alduis ne s'en formalisa pas le moins du monde, il resta parfaitement neutre. Il avait l'habitude. Ce ne serait pas le dernier à le regarder avec ces yeux effarés, ce n'était pas le premier non plus. Alors, sans bouger d'un millimètre, il retourna le couteau entre ses doigts pour lui tendre le manche. Il s'y errafla un peu la peau, sans se soucier des deux gouttes de sang qui dévalèrent ses phalanges en course folle, jusqu'aux pavés de la place.

Le jeune danseur, devant lui, ne bougeait plus. Ne respirait plus. Mais il finit par se reprendre et s'inclina face à lui, question de différence sociale. Alduis eut un demi-sourire, mais ne bougea toujours pas. Il n'ouvrit pas davantage la bouche. Il se contenta de le détailler, de la tête aux pieds, de ses yeux bleus. Il ne romprait pas cette immobilité le premier.

Quelques secondes plus tard, le petit infirme tendit les mains pour reprendre les couteaux. Alduis resserra brièvement les doigts autour de la lame tandis qu'il posait sa paume sur le manche, pour l'empêcher de le reprendre. Ce geste entailla plus profondément ses phalanges, y laissant des coupures écarlates – et quelques gouttes de sang suivirent les deux précédentes. Il pencha brièvement la tête sur le côté, pour l'observer encore, comme s'il cherchait à le jauger.

Avant de demander enfin, en lâchant la lame pour qu'il puisse la récupérer – celle-ci et la seconde – et en fermant le poing pour retenir le sang qui continuait de filer, comme appeler par la terre à ses pieds :

- Dis-moi comment un petit danseur des rues peut posséder d'aussi jolies armes... ?

Il eut un sourire comme il savait les faire, de ceux qui pouvaient donner des frissons aux plus durs des soldats. Un sourire qui fendit son visage en deux, qui laissa apparaître ses dents blanches et qui étira les bords de sa cicatrice, à tel point qu'elle attira encore plus les regards qu'habituellement.

Les lames disparurent dans le dos du gamin, entre lui et la caisse de sa chaise roulante. Elles accrochèrent une dernière fois un rayon du soleil, ultime appel, comme pour rendre les questions encore plus prenantes dans son esprit. Comment un gamin pouvait-il avoir de tels couteaux ? Et les lancer aussi bien ?

En le regardant, en essayant de comprendre, il y avait quelque chose d'hypnotisant chez lui. Une impression diffuse, qu'il était impossible de définir précisément. Il avait l'air si vulnérable, si inoffensif, avec son grand corps fluet, dans sa chaise à roulettes et avec son air apeuré. Et pourtant... pourtant, il y avait eu une précision mortelle dans ses gestes, dans la danse des couteaux, dans ce ballet de métal et de bras. Alors qu'en penser ?
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Message par Le Cent-Visages Dim 6 Sep - 11:44

[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Le petit danseur se sentit détaillé de la tête aux roues, par ce regard tellement bleu ! Prunelles aussi tranchantes que ses lames, avec lesquelles d'ailleurs le jeune noble se fendit les paumes en les restituant à son humble propriétaire. Tristan écarquilla les yeux. Il retint une seconde son geste, happé par le sang qui perlait le long des phalanges de son vis-à-vis. Le blond seigneur ne disait rien. Ne cillait pas. Après une hésitation certaine, Tristan acheva de récupérer ses couteaux. Et le noble de ne pas écarter davantage ses doigts ! Un haut le cœur prit le petit esclave, devant ce spectacle d'une douleur supportée - pour ne pas dire défiée, recherchée. Désirée. Un serpent écarlate rampa entre les phalanges tranchées de l'interlocuteur, qui pas une seconde n'avait desserré son emprise des poignards alors que le danseur les reprenait.
Tristan, bouche entrouverte, immobile, laissait ses pupilles aller et venir entre les mains blessées et ses couteaux maintenant teintés de rouge. Vite, il plongea les lames dans sa vieille écharpe et les y essuya avant de les ranger entre son dos et l'arrière de sa chariote. Quelques taches pourpre maculaient maintenant son étole élimée : il irait la laver dans la première fontaine croisée sur son trajet de retour chez Dame Irène.
L'artiste reporta son attention sur le visage polaire de l'aristocrate. Il voulut rester neutre, mais sous son crâne se bousculaient bien des questions. Pourquoi avait-il serré si fort ? Pourquoi avait-il embrassé cette étrange mortification ? Le jeune homme était blanc de pied en cap. Blanc comme la mort. Et si faire couler son propre sang était comme une manière de se redonner vie ? Ressentir quelque chose. Même de douloureux... mais c'était toujours ressentir. Tristan déglutit. Y avait-il du désir de châtiment dans son attitude ? L'infirme prit alors conscience que c'était avec le spectacle qu'il venait de donner, avec ses outils, ses pointes, que son vis-à-vis avait pu se blesser. Brutale expression de la quintessence des danses que Tristan offrait : valse du beau et de la mort, violence mêlée à ses gestes d'art. Comme un combat permanent dans sa propre personne. Le noble s'était-il retrouvé en cela ? Le petit infirme se mordilla la lèvre, puis il inspira et retrouva contenance. Pourvu que le seigneur n'ait pas jugé son regard intrusif.

-- J'les ai ach'tées, Messire. Y a fallu que j'économise pendant très longtemps. Avant, j'faisais des jeux de passe-passe, des tours de cartes. Et puis après, j'ai eu envie d'apprendre à maîtriser les couteaux. C'est beau dans une danse. (Un temps) Et puis... avec j'peux me défendre : ls rues sont c'qu'elles sont.

Et toujours, son regard fasciné par le ruban de sang. Devait-il le laisser goutter ou proposer au noble un pan de son étole pour essuyer ses doigts ? Tristan n'osa pas. Dieu savait comment il prendrait ce geste et il lui sembla qu'une démonstration de pitié ne plairait pas à ce seigneur. Le garçon s'efforça donc d'ignorer les plaies.
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Message par Alduis de Fromart Dim 20 Sep - 22:30

Le sang glissait le long de ses phalanges, tel des larmes écarlates, lentement, hypnotiquement. Le petit infirme les regardait s'échapper des plaies, et se frayer un chemin entre ses doigts serrés, puis tomber sur les pavés pour aller ramifier la terre à leurs pieds.

Ils étaient de nouveau immobiles. De nouveau silencieux. La vie poursuivait son cours normal sur la place, les gens passaient, se pressaient de rentrer chez eux. Et lui restait là, étranger au reste du monde, face à ce garçon en chaise roulante. Quel drôle de tableau ils devaient former, vus de l'extérieur ! Un noble et un infirme, indifférents à leur environnement, liés par on ne savait quel lien invisible et éphémère. Mais qui, en attendant de se dissiper, était bel et bien là.

Alduis écarta les doigts. Le sang continuait de filer, si rouge, si brillant. Ses phalanges diffusaient une certaine chaleur dans le reste de son corps, comme si elles disaient : Tu saignes, Alduis, et si tu saignes, c'est que tu es vivant. Elles étaient là, quittant ses veines, comme des larmes. Ces mêmes larmes qu'il gardait au fond de son ventre depuis dix-huit ans.

Ce sang, c'étaient elles qui s'échappaient. C'était un bout de sa vie qui s'en allait. Mais c'était justement ce bout-là qui lui prouvait qu'il ne rêvait pas.

- J'les ai achetées, Messire.

La voix du garçon le sortit de ses pensées. Il releva brièvement les yeux, étudia son visage aux traits fins et délicats. Il y avait quelque chose de différent, quelque chose qu'il ne parvenait pas à définir clairement, mais qui était là. Mais la danse des couteaux faisaient incontestablement partie d'un tout plus vaste.

- Je m'appelle Alduis, déclara-t-il enfin. Alors appelle-moi ainsi.

Il avait horreur de tous ces titres hypocrites, que tout le monde disait sans en penser un mot. Il ne s'appelait ni Messire, ni Seigneur, ni Brutus. Non, il s'appelait Alduis. Alduis de Fromart, et rien d'autre. Un prénom était sacré, il représentait quelque chose, une partie incontestée de soi… Il conférait une force, une identité, une saveur particulière, que tous les Messires du monde ne pourraient valoir. Et c'était justement pour toutes ces raisons, qu'il s'enquit lui-même, avec le minimum de mots possible :

- Et ton nom est … ?

Il eut un sourire entendu alors que le garçon ajoutait avoir ainsi un moyen de défense. Bien entendu. Même la plus mauvaise lame pouvait avoir un pouvoir salvateur dans les rues coupes-gorges de Braktenn. Les vols à la tire, les coups de poignards déloyaux, qui frappaient par derrière pour quelques piécettes. C'était monnaie courante. Inutile de dire qu'un petit infirme en fauteuil avait intérêt de posséder quelque arme, au cas où, dirait-on.

Il demanda sans prévenir, en plaçant sa main blessée devant ses yeux nonchalamment et en contemplant les ruisseaux rouges qui glissaient — et il comptait chaque goutte qui fuyait, une, deux, trois :

- Et ce que tu as fait tout à l'heure, tu pourrais le refaire ?

Il arrêta de compter les larmes de sang, pour venir le regarder de nouveau, sans émotion au fond des yeux.
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[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Empty Re: [28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé]

Message par Le Cent-Visages Sam 3 Oct - 19:34

[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Pourquoi contemplait-il ces rubans écarlates qui ornaient douloureusement les paumes du seigneur ? Et pourquoi ledit seigneur les laissait-il serpenter ? Cela rappela à Tristan ces statues de Martyres, blanches de marbre - ou de mort - comme ce jeune homme en habit immaculé... mais dont seules les mains ou la gorge parfois étaient zébrées du rouge des supplices. On disait que par leur mort ils se rendaient légendaires. Et... ce Messire-là ? Que recherchait-il ? Laisser s'écouler chaque jour de vie avec chaque goutte - ou plutôt au contraire la conserver par le ressenti de la douleur.
Tristan s'abîmait dans ces réflexions. Il n'avait jamais su rester imperméable aux douleurs d'autrui. Trop sensible, même, le disait-on. Vérité ou illusion de l'esprit : il lui sembla que ses propres doigts le picotaient comme si lui-même commençait à être la proie de quelque mal. Le garçon trouva alors en lui la force de s'arracher au sanglant spectacle pour plonger plutôt à cœur perdu dans les prunelles si claires - trop claires - du Sieur avec lui.
Heureusement, les paroles du noble permirent au petit esclave de focaliser son esprit sur autre chose que les gouttes de sang. Quoiqu'elles restaient toujours là, logées en un coin de son esprit tel un fauve derrière une fourré... mais encore présent et prêt à faire de nouveau peur. Tristan fut surpris d'entendre le Messire le reprendre pour lui réclamer de l'appeler par son prénom. Seulement par son prénom. Jamais un seul Grand qu'il avait côtoyé de près ou de loin n'avait eu pareille attitude à son égard. L'invalide entrouvrit les lèvres. Pourquoi insister ainsi pour entendre son appellation la plus intime plutôt que n'importe quel titre d'ordinaire honorifique ? Quoi qu'il en fut, il obéirait.

-- Comme vous voulez, Alduis, dit-il doucement, dans un sourire d'innocence, avant de répondre à son tour : J'm'appelle Tristan.

Il se garda de prononcer derechef le "Messire" qui faillit lui quitter la bouche par habitude. Au moins, Tristan fut heureux pour une fois que l'on n'attendît pas de lui d'autres chose que l'unique prénom. Il était "juste Tristan". Ou "Tristan de rien du tout" puisque sa conscience préférait tenir son nom de famille enterré avec l'affreux souvenir de la rencontre qu'il avait eue à ses huit ans avec ses parents - ces gens qui s'étaient débarrassés de lui dans l'orphelinat d'un Hôpital Général. Le garçon savait qu'il s'appelait Darcy - que tel était le patronyme de son géniteur. Mais autant que faire se pouvait, il ne le disait pas. Seulement quand une fichue procédure administrative exigeait de lui l'étiquette d'une lignée... comme si cela pouvait le ranger en une case rassurante. Tant mieux, alors, s'il était "juste Tristan" tout autant que le Sieur en face de lui s'était présenté comme juste "Alduis". Inhabituel ! Bien des Grands aimaient étaler leur carte d'identité et le prestige de leurs ancêtres. Cette sobriété - presque une austérité libératrice - lui plut.

Le jeune homme sourit à ses précisions quant à l'obtention de ces lames. Il comprenait l'utilité qu'elles revêtaient pour le gamin des rues. Utilité, mais également plaisir esthétique tandis que Tristan les utilisait aussi dans la danse. Se défendre et créer du beau, cela pouvait se concilier. Cela se conciliait même souvent dans l'art quel qu'il soit, songea l'esclave.
Il eut un sursaut quand, d'un geste vif, Alduis porta de nouveau en plein devant ses yeux ses mains ensanglantées - que l'infirme avait réussi à oublier quelques instants. Il rentra la tête dans ses épaules, comme honteux d'être là, beaucoup trop là en présence de ce spectacle perturbant. Devant un voile déchiré, à l'instar de la peau de ces mains blanches, qui laissait voir les blessures d'une âme sans doute aussi profondes que celles parcourant sa chair mortifiée. Tristan se rappela de certains croyants extrémistes qui aimaient se torturer pour expier. Ceux-là l'avaient toujours horrifié. La foi, c'était la vie ! Avant que le sang de Jésus ne coule, c'était du vin qu'il avait fait couler pour le plus grand plaisir des invités d'un banquet de mariage ! Quelle fou dangereux avait inventé que l'on devait se faire souffrir ici bas pour mieux se présenter en un autre monde ? Pourtant... le petit esclave douta que, dans le cas d'Alduis, c'était de pratique religieuse radicale dont il s'agissait. Il n'en avait pas l'allure. Ou alors la cachait bien. Puis vint son étrange question.

-- Refaire quoi, Alduis ? Danser encore ? Tirer m... mes... lames ?

Ses mots s'effilochaient. L'horreur lui remontait à la vue de tout ce sang perlant des doigts du jeune seigneur. Une fois passé le dérangeant plaisir esthétique que, l'espace d'un instant, il avait pris à contempler ces chemins pourpres hypnotiques - Tristan céda entièrement au malaise peu soutenable. Son petit souffle accéléra d'un coup. Roula comme une vague sous sa frêle poitrine. Brusquement, sans réfléchir, porté par le seul élan du cœur, l'esclave avança les doigts jusqu'à ce qu'ils enveloppent d'une tendre chaleur ceux d'Alduis. Il sentit le sang de son vis-à-vis passer un peu sur ses propres mains. Ses doigts effleuraient juste assez ceux du Sieur pour cela. Ils étaient doux, n'exerçaient pas la moindre pression. Caressaient presque. Et Tristan lâcha d'une toute petite voix tel un ruisseau, en regardant ces meurtrissures qui s'écoulaient :

-- Pourquoi ?

Il serait ardu de dire si le garçon posait la question davantage à Alduis, à lui-même, ou dans le vide comme si quelque intuition externe, quelque entité allait lui donner la réponse. Cela fut presque une interrogation de détresse : celle de quelqu'un qui aimerait agir pour son vis-à-vis tout en se sentant violemment impuissant.
Là-dessus, aussi prestement qu'il avait avancé ses doigts, Tristan les retira. Il... n'avait absolument pas le droit de faire ce qu'il venait de faire. Toucher un noble, ainsi, sans permission. Lui, esclave. Pourquoi avait-il pris ce droit pour ce parfait inconnu ? Il fallait toujours que les gestes de l'artiste invalide parlent pour lui, vifs, à fleur d'émoi et avant tout le reste.
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Message par Alduis de Fromart Lun 19 Oct - 16:04

Il s’appelait Alduis. Et il préférait largement qu’on l’appelle ainsi, plutôt que de lui servir du messire et autres idioties du même genre. Parce qu’il avait suffisamment eut l’occasion d’apprendre qu’un prénom avait une valeur inestimable, que c’était une partie à part entière de soi-même. Et que pour cette raison, il fallait s’en servir.

C’était exactement pour cette même raison qu’il demanda le nom de son interlocuteur. Et la réponse fut bien loin d’être décevante. Tristan. Brièvement, il releva les yeux vers le gamin dans sa chaise roulante et le détailla de la tête aux pieds, sourcils légèrement froncés. Pour la première fois, il se concentra vraiment sur les traits de son visage, étudia chaque millimètre, comme s’il cherchait à lire à l’intérieur de lui. Tristan. Avait-il vraiment bien entendu ?

Il chercha dans sa mémoire quels avaient été les mots exacts d’Alexandre. Une seconde plus tard tout juste, leur conversation lui revenait en mémoire. S’agissait-il du même Tristan ? Ou n’était-ce qu’une simple coïncidence ? Après tout, il devait bien y avoir plusieurs gamins qui portaient ce prénom dans cette ville… Et pourtant. Il le sentait au fond de lui. Que c’était le même. Il crispa les doigts imperceptiblement, sans le lâcher des yeux la moindre seconde, l’emprisonnant du même fait sous son regard d’aigle. Imaginer Alexandre, caressé par ses mains, avait quelque chose qui… le dérangeait. Et malgré lui, ce quelque chose pinçait son cœur.

- Alexandre, lâcha-t-il de but en blanc, comme s’il annonçait le temps de la journée.

Il guetta sa réaction, à l’affût du moindre signe qui pourrait lui donner un indice sur ce qu’il se passait dans la petite tête dorée de l’infirme. Mais reprit cependant bien vite, parce qu’il détestait attendre :

- Ce nom te dit quelque chose… Tristan ?

Ses doigts qui continuaient de saigner le piquaient. Comme si on venait y planter mille aiguilles chauffées. Il releva la main devant ses yeux et se perdit dans la contemplation des multiples marques qui les tailladaient.

Certaines, simples lignes blanches, souvenirs des plus anciennes.
D’autres, plus récentes, encore rougeâtres.
Et les dernières, traversant les phalanges de quatre doigts, qui continuaient de verser leurs flots carmins.

Le petit corps qui se repliait dans sa chaise attira son attention. Sans baisser sa main, ses yeux se déportèrent sur Tristan.

- Danser encore, confirma-t-il sans détour.

Mais il avait à peine refermé la bouche que… Alduis écarquilla les yeux. Les petits doigts de l’esclave venaient d’entourer les siens, si doux, appuyant à peine, comme s’ils n’étaient qu’une création de son esprit.

Ils étaient si légers. Tels des plumes. Un contact aussi fragile qu’il n’était puissant. Mais peut-être que justement, cette force qui s’en dégageait venait avant tout de cette vulnérabilité, de cette compassion…

Alduis ne bougeait plus. Il s’était figé. Comme si, d’un coup, d’un geste, Tristan venait de rompre toutes ses attaches avec le monde.

- Pourquoi ?

La voix se fraya un passage dans son esprit. Rebondit, comme un écho infini. Sans trouver de résonance. Le vide répondit. Et l’écho, doucement, se transforma. Changea de tonalité.

Pourquoi ?
Pourquoi tu pleures, Alduis ?

Un long frisson remonta sa colonne vertébrale, hérissa ses poils, glaça sa peau. Les doigts de Tristan lâchèrent sa main, et comme si c’était la seule chose qui le tenait encore, son bras retomba le long de son corps. Mais il ne fit pas un geste. Il demeura parfaitement immobile, les yeux fixes, sans un clignement de paupières.

Il était parti.
Parti ailleurs. Vers un non-lieu inaccessible.
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Message par Le Cent-Visages Dim 8 Nov - 13:53

[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Le petit esclave sentit sur lui tout le poids du regard d'Alduis. Un regard cependant moins inquisiteur que curieux désormais. Une attention qu'il sentait passer sur les traits de son visage, sur son allure qui en surprenait plus d'un. Et tout cela après qu'il lui eut donné son nom. Tristan se retint de se pincer la lèvre : le jeune seigneur avait-il entendu parler de lui ? En bien ? En mal ? De toute évidence, il cherchait à découvrir ce que renfermait "Tristan". L'inconfort croissait chez l'invalide mais il tenta de le dissimuler, en se concentrant sur les prunelles de son vis-à-vis.
A son geste de tendresse, Alduis crispa les doigts. L'esclave n'en sera pas surpris : après tout il avait eu un mouvement bien imprudent et que certains aristocrates auraient jugé déplacé, même si dans l'esprit du garçon ce n'était que geste de tendresse, d'empathie - presque de secours à en croire le mal-être qu'il devinait chez le seigneur spectral. Pour toute réponse, celui-ci prononça un nom. Pas n'importe lequel. Un prénom qui figea Tristan et lui fit rentrer légèrement la tête dans les épaules, après qu'il eut délicatement ôté ses doigts des mains d'Alduis.

-- Oui, je le connais, répondit-il, la voix tremblotante, envahie d'émotion.

Du regret, d'abord. Teinté d'une pointe de colère. Pour l'histoire qui ne se ferait jamais entre Alexandre et lui, pour les derniers actes du jeune homme visant à bien lui faire comprendre qu'entre eux c'était terminé - qu'il préférait la fuite et la dissimulation de son orientation. Ce que Tristan pouvait largement comprendre, quand on savait qui était leur maître et les dangers qui surviendraient si de tels penchants se savaient. De la peine, ensuite, au constat réaliste et fataliste que pour lui, Alexandre devait relever de l'oubli. Et malgré tout, de l'inquiétude : ce noble devant lui, il l'entretenait de son ancien amant. Pourquoi ? Tristan pâlit. Il gardait bien assez d'affection envers Alexandre pour s'inquiéter si jamais il lui arrivait malheur. Et ne lui souhaiter qu'une suite de vie paisible. Alors... qu'était-il arrivé ?

-- Il... Il est arrivé quelqu'chose à Alexandre, Alduis ? Et dites-moi, c... comment est-ce qu'vous l'connaissez ?

Voir un aristocrate se soucier ainsi d'un esclave avait en effet de quoi interpeller le petit danseur. Le fils Bellanger devait encore s'être fourré dans une drôle d'histoire pour qu'un jeune seigneur soit là, à interroger son ancien amant. Et si... Alduis savait, pour eux deux ? Tristan guetta les révélations du noble avec une anxiété évidence, le souffle suspendu, ses yeux dorés plongés dans ceux de son vis-à-vis. Il serait clair pour ce dernier que l'invalide se souciait de tout son cœur de ce qui pouvait encore menacer Alexandre.
Il ne fit qu'à peine attention à la demande suivante d'Alduis - elle était bien le cadet de ses soucis à présent ! Aussi répondit-il sans intérêt mais par politesse :

-- Danser encore, là tout d'suite ? B'en, oui j'peux.

Mais il n'en avait franchement pas envie. Pas tant qu'il ne saurait pas de quoi il en retournait pour le fils Bellanger. Qu'importaient, cependant, ses états d'âme. Il obéirait au seigneur. S'il commandait un nouveau numéro, le garçon s'exécuterait. Pour l'heure toutefois, Alduis paraissait ailleurs. Plongé dans Dieu-savait quel néant, à le si simple mais si terrible question du "Pourquoi ?" qui venait de lui être posée. Un corps livide semblait là sans personne dedans, les bras ballants à l'image de ceux d'une poupée de chiffon. Tristan osa donc le rappeler d'une voix un peu plus forte, aussi forte du moins que pouvait l'être son timbre frêle et duveteux :

-- Alduis.
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Message par Alduis de Fromart Mer 18 Nov - 15:30

Alduis avait espéré - sans vraiment y croire - que ce Tristan ne soit pas celui qu’il croyait. Mais peine perdue. C’était bien lui. Celui qui avait embrassé Alexandre avant lui. Et dont la simple évocation du prénom avait suffi à le faire se figer. Un geste involontaire qui signifiait tout aux yeux de Alduis.

Ce petit infirme en chaise roulante qui maniait les couteaux avec grâce et qui débordait de compassion, ce petit-là, c’était celui dont Alexandre lui avait parlé. Cette certitude ouvrait un gouffre en lui, sans qu’il ne puisse y poser des mots. Sans qu’il ne comprenne même exactement ce qui pouvait bien se passer en lui. Mais ce n’était pas agréable.

Dans la voix tremblante du jeune garçon, Alduis déchiffrait toutes sortes d’émotions contradictoires. Autant d’inquiétude que de colère, autant de surprise que de regrets. Aucune ne ressortait plus que l’autre et Alduis ne savait pas trop quoi en penser.

Que s’était-il passé, déjà, entre eux ? L’attente avant de retrouver les mots du jeune homme ne fut pas longue, et bientôt, la voix d’Alexandre résonna dans son esprit avec tant de réalité et de précisions qu’il aurait pu être juste devant lui.

Alors quand il est tombé un jour malade, j'ai raconté à notre maître qu'il avait mené autrefois une mauvaise vie… Je voulais qu'il comprenne ainsi par cette trahison qu'il ne devait plus m'approcher.

Trahison. C’était un mot fort qu’il avait employé ici. Il baissa de nouveau les yeux sur Tristan, étudia son visage imprégné par toutes ces émotions qui se pressaient à l’intérieur de lui. On le lisait aussi facilement, sinon plus, qu’un livre ouvert. Comment interpréter ce visage blême ? De la peur que l’on comprenne ce qui s’était tramé entre eux ? Ou bien, alors, autre chose comme … des restes d’affection ?

- Il... Il est arrivé quelqu’chose à Alexandre, Alduis ? Et dites-moi, c… comment est-ce qu’vous l’connaissez ?

Comme Alduis ne savait toujours pas comment prendre ce mélange d’émotions qu’il devinait chez le jeune infirme, il répondit, un peu plus agressivement que prévu :

- Je ne lui veux pas de mal.

Plutôt deux fois qu’une. Il avait juré de le protéger. Il tiendrait sa promesse. Perche tendue aux voix qui ne manquèrent pas de lui rappeler les évènements de la veille, avec les remous de l’eau en contrebas.

Le protéger ? Vraiment ?
Et comment l’aurais-tu protéger, une fois noyé ?

Des rires désapprobateurs résonnèrent dans son esprit. Il en oublia le monde qui l’entourait, et oublia cette histoire de seconde danse.

- Alduis, appela soudain une voix.

Une voix qui ne le fit pas réagir. Il ne bougea pas d’un millimètre. Lentement, l’écho se répercutait dans son esprit.

Alduis...
Alduis…
Alduis...
Alduis...
ALDUIS !

Alduis sursauta brusquement et revint dans le présent d'un coup. Il secoua la tête, passa la main dans ses cheveux en s'ébrouant, comme s'il revenait de loin et puis... Son regard se posa sur Tristan qui se trouvait toujours là, en face de lui. Il lui fallut quelques secondes pour reconnecter les derniers liens entre eux et se rappeler de ce dont il était question.

Alexandre.

Il ne réfléchit pas une seconde en demandant - et cela avec sa franchise habituelle :

- Tu l'aimes ?

L'avait-il aimé un jour ? L'aimait-il encore aujourd'hui ? Alduis avait besoin de savoir. Ou il n'en dormirait pas de la nuit.
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Message par Le Cent-Visages Mar 24 Nov - 12:20

[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Les deux jeunes hommes se comprirent sans un mot. Tristan, figé au nom d'Alexandre. Alduis, sidéré par la réaction du petit esclave. Autant d'indices que quelque chose de très fort - de très grave - nouait ce jeune noble et le fils Bellanger. La petite voix tremblante de Tristan sembla seule suffire à plonger l'aristocrate dans de profondes et violentes pensées. Le cœur de l'invalide accéléra. Du bout des yeux il suivit les rarissimes expressions à traverser le visage polaire de son vis-à-vis.
Au moins, Alduis s'était désormais totalement désintéressé de la danse. Tristan n'aurait pas à remettre cela alors que le moment ne s'y prêtait guère. Il s'entendit répondre avec un fond d'agressivité, déclenchant un léger sursaut à l'infirme. Il déglutit, rougit. Avait-il demandé quelque chose d'impertinent ? Après réflexion, il se dit plutôt que cette agressivité rimait avec vulnérabilité. Parfois, l'on grognait pour mieux se protéger - pour ne pas être percé, pour ne pas laisser d'ouverture possible viers une possession... Cette agressivité devait relever de la pudeur : voilà un jeune homme qui redoutait d'être lu, voire qu'on perce ce qui arrivait entre Alexandre et lui. Peur également qu'on le soupçonne de quoi que ce soit de mauvais, comme si sa vie entière l'avait trop habitué, trop longtemps, à occuper le mauvais rôle. Tristan ressentit cela. Il ne s'offusqua donc pas du ton de son vis-à-vis et n'en aurait de toute façon pas le droit. Ce qui unissait le fils Bellanger et ce noble se dessinait de plus en plus clairement.

-- Je vous crois, souffla l'esclave, la voix et le regard pleins de grave sincérité.

Manière de dire à Alduis : vous n'êtes pas le coupable ou l'homme dangereux que vous avez l'air de craindre que je voie en vous. Plus encore, il semblait vouloir protéger Alexandre, lu vouloir du bien, mais aussi affronter une culpabilité certaine entendue derrière son ton rude.
Alors tomba l'ultime interrogation qui acheva de confirmer les doutes de Tristan. Ce seigneur et Alexandre s'aimaient. On ne posait pas une question pareille dans d'autres circonstances. L'esclave baissa les yeux. Comment... comment réagir à cela ?! Une toute petite part d'aigreur en lui soufflait "Eh bien il m'a jeté pour remettre ça, mais avec un aristocrate : ne pas faire dans la piétaille !" Cette rancœur se trouva vite remplacée cependant par des craintes sincères : Alexandre serait-il aussi instable avec ce nouvel amant qu'il l'avait été avec lui ? Serait-ce sérieux ou allait-il aussi le jeter ? Et comment interpréter cette nouvelle relation... Alexandre disait devoir faire taire ses penchants, toutefois il remettait le couvert : assumait-il désormais son orientation, ou cherchait-il simplement un genre de confirmation - ou un homme susceptible de le protéger ? En effet, il serait bien plus aisé de s'en sortir en cas de problème quand son amant était un noble... que quand il s'agissait d'un insignifiant esclave infirme ! Un noble disposait de davantage de moyens, de cachettes, de... Quoi que ! Tristan enchaîna aussitôt sur une autre pensée : en vérité non, il se pouvait que porter ce secret soit plus lourd encore pour un noble que pour un vulgaire gosse des rues. L'honneur, le poids d'une famille, les rumeurs de cour, les conséquences gigantesques drainées par le moindre mouvement des Grands de ce monde.
Au milieu de cette tempête d'idées, Tristan trouve cependant en lui la force d'admettre et verbaliser la plus importante pour ce qui le concernait :

-- Je l'ai aimé.

Une affirmation au passé comme un ordre qu'il se donnait. Ce devait être terminé. Cela l'était. Alexandre l'oubliait et le mieux pour le jeune Bellanger était que Tristan lui rende la pareille. Se souvenir de a façon dont il avait été diffamé par le Saint Père d'Anjou et le Saint Fils devraient l'y aider. A quelque chose malheur est bon.
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Message par Alduis de Fromart Dim 13 Déc - 21:55

Alduis regardait le jeune garçon dans sa chaise roulante. Esclave. Infirme. Ainsi calé au fond de son siège mobile, il était bien placé pour savoir que la vie était déloyale et injuste. Il était bien placé pour voir qu’il n’y avait nul Dieu dans le ciel et que les nuages se moquaient éperdument de ses problèmes. Il aurait dû avoir perdu foi en toutes choses… comme lui. Mais ce n’était pas ce qu’il lisait au fond de ses yeux.

Il y avait une douceur dans son regard et dans ses gestes qui témoignaient précisément du contraire. Alduis pouvait percevoir sans aucune difficulté toute la sensibilité qui émanait de lui.

Une sensibilité comme on n’en trouvait pas de plus assumée ou de plus belle, à tel point qu’Alduis s’en trouvait admiratif. C’était une compassion sincère qu’il devinait battant au rythme du petit cœur de l’infirme. Et il avait beau ne pas vouloir ni de l’aide, ni de la pitié des autres, il ne pouvait tout simplement pas repousser la bonté qui venait vers lui, offerte avec toute la générosité du monde.

- Je vous crois.

Ce n’était guère plus que des mots, et il savait à quel point les mots pouvaient être faux. Mais ils avaient parfois une portée bien plus puissante que n’importe quel coup frappé. Et ces trois syllabes faisaient partie de cette dernière catégorie. Ils eurent le don de détendre les muscles tendus d’Alduis. Un homme qui n’avait pas besoin de prouver quelque chose n’avait, par conséquent, aucune raison d’être agressif. En tout cas, sa tension s’était toute envolée, subitement remplacée par une violente fatigue et lassitude qui ne laissait ici qu’un jeune homme fatigué, dont les bras ballaient le long de son corps.

Alduis soupira profondément. Il ne connaissait pas vraiment ce Tristan. Tout ce qu’il en savait, c’était ce qu’Alexandre lui en avait dit et ce qu’il devinait maintenant. Mais c’était suffisant pour savoir une chose : il était bien plus vivant qu’Alduis ne le serait jamais.

Qu’était-il donc à côté ? Un bourrin de militaire qui ne se sentait vivre que sur le front. Qui avait besoin de voir les entrailles se déverser des ventres ouverts pour sentir le sang dans ses veines. Qui avait déjà un pied dans le monde insipide de la mort.

Mais il y avait des hommes - et des femmes - comme Tristan et Alexandre, qui n’avaient pas besoin de voir la Mort pour percevoir - comme un éclair fugace - l’intérêt de la vie. Ceux-là étaient capables de voir la beauté dans la plus laide des choses. Était-ce de l’innocence et de la naïveté ? ou bien, au contraire, une forme de clairvoyance et de lucidité bien plus grande que ne le serait jamais celle des gens comme lui ?

Il ne sut pas dire si les mots qui suivirent le rassurèrent réellement. Ils avaient beau être au passé, ils témoignaient de sentiment. Et quelqu’un qu’on avait aimé un jour, cela ne restait pas anodin. Il se créait un lien indélébile.

Tristan et Alexandre avaient dû bien aller ensemble. Il se planta les ongles dans la peau sans s’en rendre compte. Après avoir jeté un regard nerveux aux alentours, il murmura, sans vraiment savoir pourquoi il disait une telle chose - parce que cela ne pouvait être qu’une erreur, forcément :

- Je l’aime… Je ne voulais pas… Mais je l’aime...

Et c’était bel et bien au présent. Quand bien même cela rendait Alduis malade de culpabilité.

Tristan venait juste de le dire, il avait besoin d’être sûr que leur relation était bel et bien finie. Qu’elle ne risquerait pas de reprendre. Et si Alexandre l’aimait encore lui ? Mais il ne savait pas comment le demander. Alors il se contenta de le regarder dans les yeux, les prunelles agitées par quelque nervosité, en espérant qu’il comprenne sa question muette.
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Message par Le Cent-Visages Mer 16 Déc - 22:52

[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Dans les longs et douloureux silences du jeune seigneur, Tristan devinait une cruelle introspection. L'envie de revoir le petit infirme danser lui était semblait-il complètement passé. De sinistres pensées devaient bien davantage l'occuper. Timide, comme avec le sentiment d'être la cause de celles-ci, l'esclave plongea ses mains fines - et avec elles ses lames - sous les enroulements de sa vieille écharpe à ses genoux.
Le soupir profond qui quitta les lèvres d'Alduis sembla dire à Tristan ses regrets. Comme une plainte du nouvel amant à l'ancien aimé. Un "pardon" peut-être, du présent d'Alexandre à son passé ? L'invalide secoua la tête. Oh, il n'y avait guère à excuser : l'amour ne se contrôlait pas. Et pour tout le mal que Tristan avait vu le sieur se faire subir, se blessant des lames du danseur, laissant perler son sang, il redouta d'y comprendre une crainte : de ne pas être à la hauteur. D'être un illégitime remplaçant. De s'avérer un potentiel danger pour le fils Bellanger. Une seconde, le petit esclave dut bien s'avouer partager lui aussi ces inquiétudes : Alexandre était si sensible, si fragile... Un amant qui se mutilait et traînait derrière lui une telle noirceur d'âme ne risquerait-il pas de tirer plus encore son ancien amant vers le bas ?
Mais ils s'aimaient. Tristan venait d'en obtenir la certitude - et tous les démons présents, à ronger Alduis, ne faisait que le confirmer... bien à leur façon. Alors... pourraient-ils... se réparer l'un-l'autre dans cet amour ? L'infirme prierait dans ce sens. Et qui savait ? Après s'être secourus, les deux jeunes hommes vivraient-ils une longue passion - car le vrai amour ne consiste jamais dans le fait d'être le guérisseur, le réparateur, de son partenaire...

-- Vous ne vouliez pas mais c'est comme ça, compatit Tristan.

Quelques mots pour le rassurer : il savait que rien ne dirigeait la passion sinon elle-même. Restait à savoir si elle durerait ou si le temps la rongerait. Oh non ! Pas cela ! Pourvu que cela dure et qu'Alexandre n'essuie pas de nouveaux ennuis !

-- Et comme je peux comprendre, sourit encore le garçon - le doux visage du fils Bellanger, sa foi, sa sensibilité, son talent pour le dessin, oui, il y avait beaucoup de choses à aimer.

Qu'y avait-il d'autre à faire ? Pas grand chose... Simplement, laisser aller le destin entre ces deux jeunes hommes. Et prendre de temps en temps des nouvelles d'Alexandre auprès d'Irène qui veillait de près sur lui désormais. Autant que faire se pouvait du moins, puisque le fils Bellanger appartenait au Cardinal Cassin. Mais cela ne faisait pas peur à Tristan. Il veillerait de loin. Une dernière conversation avec Alexandre s'envisagerait même. Ils s'étaient quitté en si piètres termes... Tristan voulait lui dire qu'il savait, pour Alduis. Qu'il acceptait. Qu'il le souhaitait que cela soit le premier pas du cheminement serein vers la réconciliation avec sa nature. Et aussi qu'il lui pardonnait de l'avoir dénigré auprès du cardinal - par crainte des représailles, par crainte de la mise en lumière de ses orientations. Le mal appelle le mal. L'erreur est humaine, la persévérance dans celle-ci cependant est diabolique. Tristan voulait croire que, depuis, Alexandre avait cheminé. Il n'eut qu'une dernière et sincère chose à souhaiter à Alduis, dans un sourire ému :

-- Prenez soin l'un de l'autre.

Une toute petite phrase pour en déguiser tant d'autres : "Ne vous mutilez pas ainsi... Vous ne méritez pas. Et vous feriez grand peine à Alexandre. Ce n'est pas ainsi que l'on s'aime. Soi, et l'être cher à travers soi."
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[28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé] Empty Re: [28 novembre] Les griffes parfois caressent [ft. Alduis - Terminé]

Message par Alduis de Fromart Sam 19 Déc - 13:01

Il n’avait pas voulu tomber amoureux. Il ne voulait toujours pas, d’ailleurs. Mais il ne pouvait pas faire autrement. Et Tristan venait le lui rappeler, d’un ton plein de compassion qui sonnait pourtant cruellement à ses oreilles.

Tu es faible et tu ne peux rien y faire, Alduis.

Lorsqu’on se battait contre soi-même, on finissait forcément par perdre. Qu’importe quelle partie de soi gagnait. La raison ou le cœur. L’un des deux serait durement amputé.

Il avait beau avoir essayé, il ne pouvait pas sortir Alexandre de sa tête. Même s’il avait très envie de se taper le crâne contre les murs pour le faire. Il doutait que cela ne soit efficace, de toute manière. Il aurait bien pu jusqu’à aller l’ouvrir sur les pierres, la dernière chose qui serait restée, aurait été son visage.

Qui lui rongeait les pensées.
Qui lui brûlait les rétines.

Il releva des yeux étonnés vers le petit infirme. Il pouvait comprendre. Comment ? Comment y arrivait-il, quand lui-même n’arrivait pas à le faire ? Il avait soudainement envie de partir. Très loin. De s’enterrer quelque part où personne ne pourrait venir lui parler. Il n’aurait pas dû sortir. Il était sorti pour fuir Alexandre et ses pas l’avaient mené tout droit à son ancien amant. Pourquoi les choses étaient-elles ainsi faites ? Pourquoi ne pouvait-il pas oublier ? Simplement oublier…

Il cherchait un prétexte pour partir, sans en trouver, quand Tristan lui en donna l’occasion idéale. Quelques mots, qui sonnaient comme une formule d’au-revoir.

— Prenez soin l’un de l’autre.

Alduis hocha la tête distraitement. Prendre congé. Prendre congé. Prendre congé. Il ne pouvait tout de même pas partir en tournant les talons sans rien ajouter… même s’il mourait d’envie de partir en courant. Il percevait clairement cette petite phrase, en apparence anodine, relevait bien plus de sous-entendus qu’elle n’en avait l’air. Et il ne les percevait sûrement pas tous.

Il baissa les yeux sur ses mains marquées de ces chemins sanglants qu’avaient laissé les lames. Il sentait à peine les picotements qui élançaient dans ses doigts, même en se concentrant dessus. Un frisson remonta sa colonne vertébrale sans qu’il ne parvienne à se l’expliquer puis il secoua la tête pour lui-même.

— Je… Au revoir.

Il s’éloigna sans attendre de réponse. Comme s’il fuyait - ce qui n’était peut-être pas seulement une impression. Il ne s’arrêta que quand il fut seul dans les ruelles, sans personne pour le voir, et reprit une inspiration pour se calmer. Il parvint à reprendre - un peu - la main sur ses émotions disparates.

Il réalisa à ce moment qu’il n’avait pas pris la bonne direction pour rentrer à Fromart, et il était hors de question de faire demi-tour. Alors il reprit son chemin, même si d’un pas plus mesuré.

Se perdre dans les ruelles de Braktenn, comme il se perdrait des fois dans les méandres de son esprit hyperactif, ne semblait pas une possibilité si repoussante que cela après tout …
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