[14 novembre 1597] En attendant le retour du bonheur [Terminé]

Le soleil brillait dans le ciel. Il illuminait la forêt. Et si habituellement, cela suffisait à rendre sa journée magnifique, ce n'était pas le cas aujourd'hui. Pourquoi le soleil était-il aussi beau ? Alors même qu'il pleuvait à l'intérieur de son coeur... Un torrent de chagrin qui refusait de se tarir. Qui revenait pas vagues douloureuses et inondait ses yeux régulièrement.

Et du haut du ciel, il lui semblait que l'astre du jour se moquait de lui. Le narguer avec toute sa belle lumière. Qu'est-ce que tu croyais ? semblait-il lui dire, tu pensais vraiment que tu pouvais rire au nez des convenances éternellement ?

Non, la ville finissait toujours par vous rattraper à un moment ou à un autre. Où que vous soyiez, elle finissait par vous emprisonner de nouveau. Même en plein milieu d'une forêt, loin de toute civilisation, loin de tous murs et de toutes chaînes.

Il s'était allongé par terre, au pied d'un arbre. Depuis qu'il était debout le matin, il n'avait pas bougé. Ni pour manger, ni pour boire, ni même pour monter dans les branches de ce chêne ou demander ses impots. Rien. Il n'avait envie de ne rien faire. Ses journées lui semblaient devenues vides de sens. Il attendait, immobile, que le temps passe.

Cela faisait deux jours qu'elle était partie.
Quarante-huit heures qu'elle lui manquait.
Deux milles huit cents quatre-vingt minutes qu'il l'attendait.
Cent soixante-douze milles huit cents secondes qu'il pleurait.

Et la forêt, elle, prenait un malin plaisir à lui montrer que la vie ne s'en était pas arrêtée pour autant. Qu'elle se contentait de le laisser sur place.

Entre ses doigts, il enroulait et désenroulait inlassablement le petit lien que Kalisha lui avait donné. Et il se souvenait. De la couronne de cyclamens, des cloportes, de ses jambes quand elle avait relevé sa robe lors de la première ascension, de son petit baiser si rapide. De sa posture, de ses mots, de ses cheveux et surtout, surtout, de ses yeux. Il était tombé amoureux de ses yeux. Deux joyaux bruns qui valaient bien plus que tout l'or du monde.

Combien de temps devrait-il encore pleurer son absence ? Combien de temps à sentir sa présence comme un fantôme autour de lui ? A rêver d'elle, sans pouvoir la voir ? Ne pas voir son visage souriant le matin lui déchirait le coeur. Il ne pouvait pas poser ses yeux sur une feuille sans penser à elle.

Les yeux perdus dans le ciel, il se demandait ce qu'elle voyait, à cet instant. Pensait-elle à lui ? Lui manquait-il autant qu'elle, elle lui manquait ? Il aurait tout donné pour la voir. Tout donné pour savoir ce qu'elle faisait en cet instant même.

Mais le pire, dans tout cela, c'était la certitude de la savoir malheureuse dans ce château. Seule avec un mari qui l'ignorait. Seule dans un monde d'obligations. Cela l'en rendait malade de culpabilité. Il l'avait laissée partir.

Sans rien faire, il l'avait laissée retourner à sa vie de misères.

Il avait laissé son nouveau soleil repartir.

Cassandre n'était pas retournée dans la forêt depuis le 11 au matin pour accompagner Dame Irène venue apporter de al soupe aux champignons à Sylvère et sa nouvelle compagne Kalisha. Elle avait encore un peu de mal à accepter que son grand frère ait une femme. C'était normal. Il était adulte et les adultes finissaient tôt ou tard par se mettre en couple, parfois se marier, et faire des enfants. Des enfants... Des enfants de Sylvère ? Cela semblait étrange à imaginer. Mais il serait sûrement un bon papa. Il était gentil, tendre, attentionné... Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être un peu jalouse et craintive. S'il fondait une famille avec Kalisha, il n'allait pas l'oublier ? Et s'il ne voulait plus jouer avec la petite Princesse d'Aiguemorte ?

Pendant trois jours, Cassandre était restée à la maison avec Dame Irène et Grace à aider à la boutique, faire de la couture et jouer avec sa petite sœur. C'était agréable aussi de passer du temps en famille. Néanmoins, aujourd'hui, elle avait envie de fuir les lieux. Alexandre était revenu hier soir de la colonie et se réhabituer à sa présence allait prendre du temps. Pourquoi n'avait-il pas attendu quinze jours encore que son maître soit là pour le récupérer directement ? Elle aurait été tranquille !

Avant de partir, Cassandre informa Dame Irène qu'elle partait dans la forêt voir son grand frère et demanda pour prendre quelques victuailles qu'elle dissimula comme à l'accoutumée habilement dans les pans de sa robe. Elle passa par le marché pour gagner du temps et entendit une conversation qui la terrifia. Des gens se réjouissait que le prétendu Roi d'Aiguemorte était mort et le criait ouvertement. Quelques uns se montraient sceptiques et rappelaient qu'il n'y avait pas eu d'attaques depuis seulement deux jours mais la rumeur enflait déjà.

Sylvère....

Sylvère mort.

En panique, Cassandre effectua la suite du chemin jusqu'à l'orée de la forêt et cria après son frère. Son cœur tambourinait sous l'angoisse oppressante. Une fois au ilieu des arbres, elle commença à crier de toutes ses forces :

" Ys !!! Ys !!! "

Il ne répondait pas.

Les feuillages ne se mouvaient pas.

Elle ne distinguait aucun mouvement dans les arbres.

Les mots du marché résonnaient dans sa tête dans une mélodie amcabre.

Sylvère....

Sylvère mort.

Sylvère.... Non ! Sylvère ne pouvait pas être mort !

Cassandre refusait de croire et commença à explorer la forêt en continuant de crier son nom. Elle le trouverait. Peu imporait le temps ça lui prendrait. Elle ne repartirait pas sans lui avoir parlé ou avoir vu son cadavre !

C'était impressionnant ce que le corps humain pouvait contenir de larmes. Depuis le temps, il aurait cru les avoir toutes épuisées.

Sylvère continuait de regarder le ciel. Il observait les nuages qui passaient paisiblement dans le ciel clair sans vraiment les voir. Aujourd'hui, ils n'avaient pas de forme. C'étaient juste des nuages. Qu'est-ce qui lui arrivait ?

Non, aujourd'hui, c'étaient d'autres images qui brûlaient ses rétines impitoyablement. C'étaient d'autres mots qu'il se répétait en boucle, encore et encore. Il la revoyait, là, face à lui, les yeux humides de ses larmes contenues à lui sourire malgré tout. Sa Reine courageuse.

Elle lui manquait. Elle avait remplacé le soleil de ses jours pour les éclairer de toute sa douceur et sa pureté. Il avait passé les plus merveilleux jours de sa vie avec elle à ses côtés. Mais elle était repartie – comme elle était arrivée. Ramenant avec elle ce nouveau soleil.

Il se souvenait encore de cette phrase fatidique. Je pense qu'il est temps pour moi de prendre congés. Celle qui avait signé le départ de son bonheur, pourtant si solide et si bien établi. Il s'était cru à l'abri de tout chagrin et voilà qu'en quelques mots tout juste, elle était parvenu à le plonger dans l'obscurité la plus totale. Comme si, brusquement, on venait de l'enfermer dans une pièce entièrement noire, avec comme seule touche de lumière la petite lucarne qui diffusait un unique rayon de soleil.

Elle reviendrait. Elle lui avait promis. Il s'y raccrochait comme un noyé se raccroche à une bouée.

Mais maintenant qu'il avait connue cette lumière-là, celle qu'elle lui apportait et qui suffisait à le rendre heureux, comment aurait-il pu accepter de revenir à son ancienne vie, comme si de rien n'était ? En sachant qu'elle était malheureuse et seule, là-bas, comment aurait-il pu continuer à rire ? Tout ce qu'il voulait, c'était la faire sourire. La rendre heureuse, autant qu'elle le rendait heureux elle-même. Il voulait effacer cette lueur triste au fond de ses prunelles.

Elle méritait mieux que cet époux. Mieux que ce mariage qu'on lui avait imposé. Mieux que cette vie monotone. Sa Reine méritait la plus belle des vies. Elle avait le plus beau des sourires, alors comment se faisait-il que ses larmes soient plus courantes ?

Il aurait aimé aller la voir, pour avoir de nouveau cette impression merveilleuse d'être utile. C'était dangereux, mais il s'en fichait. Il se fichait des risques et de la potence. Mais il lui avait juré à genoux d'être prudent. De ne pas faire de bêtises. Et d'être là à son retour. Même si ce retour devait être l'année prochaine, ou ne jamais arriver.

- Ys !!! Ys !!!

Le cri déchira le silence de la forêt et se fraya un chemin à travers la chappe de chagrin qui s'était abbattue sur lui. La voix de Cassandre qui l'appelait. A l'intérieur de lui, une alarme s'alluma. Avait-elle un problème ? Avait-elle besoin d'aide ? Que lui arrivait-elle ? Et si quelqu'un était en train de l'attaquer ? De vouloir lui faire du mal ?

Il ne l'avait jamais entendue crier ainsi. Elle semblait inquiète. Pire que cela, même. Littéralement paniquée. Et elle continuait de l'appeler. De plus en plus fort. Sa voix se rapprochait.

Va la voir, fit une voix dans sa tête. Elle a besoin de toi, tu dois l'aider.

Mais son corps ne bougea pas. A la place, les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux. Que dirait Cassandre si elle le voyait comme cela ?

Serait-elle déçue ? Certainement. Et il ne voulait pas la décevoir.

Plus Cassandre s'enfonçait, plus l'espoir s'évanouissait. Sylvère ne répondait à aucun de ses appels. Pourquoi n'apparaissait-il pas en sortant d'un de ces buissons ou en la faisant sursauter depuis un arbre ? Où était-il passé ? Il lui avait dit accourir s'il l'entendait l’appeler. Pourquoi ne tenait-il pas sa promesse ? Elle déboucha dans la clairière où passait le petit ruisseau où ils avaient joué à la marelle. a cette vision tranquille qui la ramenait en arrière, Cassandre s'effondra et pleura.

Sylvère...

Sylvère était...

Elle secoua la tête et essuya ses larmes.

Sylvère ne pouvait pas être mort. Non, il avait promis. Il avait dit qu'il ne mourrait pas tout de suite. Elle devait croire en lui. Rassemblant son courage, Cassandre se releva et continua sa progression en appelant le nom de son grand frère. Tôt ou tard, elle trouverait. et il serait vivant. Oh oui ! Il n'avait pas le droit de mourir ! Elle l'avait décidé et ce ne serait pas autrement.

Cassandre avança encore un petit moment et finit par découvrir Sylvère affalé au pied d'un arbre. Il semblait terriblement mal en point et... il pleurait ?

"Ys !"

Elle accourut dans sa direction, paniquée, et se jeta au sol, le secouant de toutes ses forces de ses maigres bras.

"Ys ! Qu'est-ce que t'as ? tu as mal quelque part ? Tu es malade ? Tu veux que j'aille chercher Hyriel ?"

Malgré sa panique, Cassandre réussit à observer leur environnement et nota l'absence de Kalisha. Pourquoi n'était-elle pas là ? Elle fixa Sylvère, nerveuse, et sentit qu'une catastrophe était arrivée. Elle osa à peine parler.

"Kalisha.... Kalisha n'est pas avec toi ?"

Cassandre continuait de l'appeler. Sa voix était de plus en plus proche et il comprenait vaguement qu'elle allait finir par le trouver. Il ne fallut que quelques minutes supplémentaires pour qu'elle apparaisse au coin de son champ de vision.

Aussitôt, sa petite silhouette se précipita vers lui et elle laissa tomber là, à genoux, pour le secouer. Elle paraissait très inquiète. Cela le sortit quelque peu de sa torpeur. Si elle était aussi paniquée, il devait s'être passé quelque chose de grave. Elle avait sûrement besoin d'aide. Et alors, il se devait de la protéger.

Il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche pour lui demander ce qui n'allait pas qu'elle l'assomait déjà de questions. Des questions qui le replongèrent aussitôt dans sa morosité. Il resta aussi muet qu'une tombe.

Il avait mal partout. Son corps était lourd. Lourd de ce chagrin qu'il portait depuis deux jours. Lourd de cette culpabilité de ne pas avoir su la retenir. De l'avoir laissée partir en sachant à quel point sa vie était triste, là-bas. Il aurait dû chercher une solution, et ne pas se résigner de cette manière ! Depuis quand se résignait-il ? Il y avait toujours une autre solution, et la fatalité n'en était pas une !

Oui. Oui, il était malade d'amour. Malade de la savoir seule à Monthoux, loin de leur forêt et de lui. Malade de se l'imaginer en larmes et d'être impuissant ici. Pour la première fois de sa vie, il regretta d'habiter si loin de toute civilisation et d'avoir sa tête mise à prix.

Quant à faire venir Hyriel ... Même avec tous les talents du monde, ce dernier ne pouvait pas refermer les blessures du coeur. Il ne pourrait pas remplir ce vide qui attendait le retour de son soleil. Son beau soleil aux yeux bruns.

Il garda le silence. Il s'en voulait, c'était vrai. Terriblement. D'avoir accepté la situation ainsi, sans rien faire. Il n'y avait de fatalité dans la vie que celle qu'on acceptait, et il avait laissé celle-ci prendre place. N'était-ce pas lui qui, encore quelques semaines plus tôt, disait à Cassandre que chacun avait le choix ? Il avait choisi de la laisser partir. De ne pas la retenir, pour ne pas rendre les choses plus difficiles. Pourquoi avait-il fait cela ?

Il fallait toujours faire les choses quand on le pouvait. Et tant pis pour cela s'il fallait prendre des risques. Mais il était coincé. Parce qu'il lui avait juré qu'il serait prudent, qu'il resterait ici. Et, par la même occasion, tacitement promis qu'il ne viendrait pas. Pourtant, l'idée le dévorait déjà.

Il avait besoin de faire quelque chose. De la revoir. Chaque parcelle de son corps le lui hurlait, alors qu'il la voyait dans chaque arbre, chaque fleur, chaque feuille. Partout où il posait les yeux, il y avait comme une présence qui venait effleurer ses pensées.

Cassandre baissa les yeux sur lui brutalement et demanda, inquiète :

- Kalisha... Kalisha n'est pas avec toi ?

Son nom résonna en lui. Il avala sa salive et secoua la tête.

Kalisha, la reine de sa forêt, la reine de son coeur.

Mais au lieu de lui répondre, il se tourna vers Cassandre pour s'excuser :

- Pardon, Cassy. Je suis pas venu. Je t'avais promis que je viendrais si tu m'appelais. Je t'avais promis, pardon...

Le spectacle de son grand frère frère avachi contre cet arbre meurtrissait Cassandre et lui donnait à elle aussi l'envie de pleurer. il n'était pas blessé. Elle commençait à le comprendre. Il parlait bien et ne montrait aucun signe de souffrance physique. Il avait mal ailleurs. Au cœur. Elle remarqua le pâlissement de son visage quand elle avait mentionné le nom de Kalisha.

"Kalisha.... Kalisha est partie ?"

Naïvement, elle avait cru que tous deux resteraient toujours ensemble. Comme un homme et une femme ordinaires. Mais elle était comtesse. Si elle était restée éternellement dans la forêt, son diable d'époux aurait alerté la prévôté et Sylvère aurait de gros ennuis. Elle se remémorait du cri que la jeune femme avait poussé en révélant ses origines, le poids de son mariage et de la trahison du Roi. Elle souffrait de sa vie là-bas. Elle ne pouvait pas être partie de gaieté de cœur, comme un caprice vite passé. Non, elle était partie... Elle était partie pour sauver Sylvère. pour éloigner les soldats de la forêt. Cassandre ressentit à cet instant une forte admiration pour cette noble retournée vers un milieu qu'elle détestait pour protéger celui qu'elle aimait. Elle était forte.

Cassandre se redressa et fixa alors Sylvère avec un soupçon de colère. Il ne respectait pas le sacrifice que Kalisha avait fait pour lui.

"Sylvère, ça suffit maintenant ! Et tu bouges tes fesses ! Tu crois que Kalisha aimerait te voir comme ça ? Elle est partie pour que tu vives ! Pour pas que son mari envoie les soldats ici et que tu sois pendue ! Et toi tu vas rester là comme ça toute la journée jusqu'à ce qu'elle revienne te voir ? T'es pas gentil, Sylvère ! Tu la respectes pas la femme que tu aimes !"

Après cette première explosion de colère, Cassandre se leva et recula de quelques pas. elle fixa avec sévérité son grand frère, les bras croisés.

"Debout !"

Elle redouta que cela ne suffise pas. il fallait plutôt ruser. Elle se tourna et fit signe de s'éloigner.

"De toute façon, si c'est ça, moi, je vais rendre visite à Kalisha. On va bien rire toutes les deux !. On va se moquer de
Sylvère qui est un gros bêta qui ne sait pas se lever tout seul !"

Elle le prvoquait ouvertement amis elle sentait que ce seul ce violent coup de pied pourrait le faire réagir.

Cassandre n'eut pas besoin de précisions pour comprendre la situation. Oui, Kalisha était partie. Retournée dans sa prison dorée, avec son gros mari qui ne faisait pas attention à elle. Elle était repartie avec les larmes aux yeux, son beau sourire disparu, alors que durant les jours précédents, la joie avait pétiller dans ses prunelles comme un immense feu.

Néanmoins, la fillette semblait surprise. Que s'était-elle imaginé ? Bien entendu que Kalisha ne pouvait pas rester éternellement dans la forêt avec lui. Ils l'avaient su tous les deux et ils en avaient fait fi pour quelques jours seulement. Tout en sachant que le temps du retour finirait par arriver.

La voir partir avait été dur, certes. Mais le vrai déchirement avait été dans autre chose. Dans ses sanglots douloureux, dans sa manière désespérée de se jeter dans ses bras comme si elle se noyait, dans son baiser si court et pourtant si merveilleux. Et si elle avait espéré qu'il la retienne, et qu'il ne l'avait pas fait ? Comment pouvait-il continuer comme si de rien n'était, en ayant la certitude que là-bas, son sourire rayonnant de bonheur avait déserté ses lèvres ?

Sylvère sursauta quand il croisa le regard fâché de Cassandre. Elle s'était redressée d'un bond. Sa voix tranchante perça le silence insolent de la forêt. Mais pas sa torpeur. Bien au contraire.

Non, bien sûr que non, Kalisha n'aimerait pas le voir ainsi. Lui non plus, d'ailleurs, il n'aimait pas se voir comme cela. Il s'était fait la promesse d'être toujours heureux. Alors qu'était-il en train de faire ? Il ne pouvait pas le dire. Mais les mots de Cassandre ne l'aidaient pas. Sauf pour le faire culpabiliser encore plus.

Il l'avait laissée partir, et tout ce qu'il faisait, c'était se morphondre au pied d'un arbre... Quelle efficacité, il fallait se le dire ! Même le soleil se moquait de lui, il n'avait pas besoin que Cassandre y mette son grain de sel, elle aussi. Il aurait voulu faire autre chose mais il ne se sentait le coeur à rien d'autre.

Il n'était pas gentil ?
Il ne la respectait pas ?

Son mari ne la respectait pas. Il l'ignorait. Il préférait ses lévriers plutôt que sa femme. Alors il était comme ce Prosper de Monthoux ?

Cassandre recula, après s'être levée et croisa les bras avec un air sévère. Elle lui ordonna de se lever. Sylvère ne bougea pas d'un pouce. Ce fut sûrement pour cela qu'elle fit quelques pas, comme si elle allait s'en aller.

Et elle continuait de parler. Sylvère se contenta de changer de côté, pour lui tourner le dos.

- Si c'est pour me dire ça, tu peux t'en aller maintenant et me laisser tranquille. J'ai pas besoin de toi pour savoir pourquoi elle est partie ni qu'elle serait triste de me voir comme ça. Tu m'aides pas en parlant de cette manière.

Oui, il savait bien que c'était pour le protéger qu'elle était rentrée. Pour éviter que des recherches soient lancées pour retrouver la comtesse de Monthoux. Des recherches qui les méneraient certainement jusqu'à lui. Mais il le lui avait dit : les risques qu'il prenait pour elle étaient considérés. Et qu'elle soit ici ou non, les choses ne changeraient pas pour lui.

Si on le prenait, il serait exécuté. Point.

La justice se contenterait d'ajouter un crime à la longue liste qu'il avait déjà fait. Il n'était plus à cela près. Oh, il n'y avait rien de plus prévisible que la justice, finalement !

- C'est pas comme ça qu'on peut consoler des gens, Cassandre. J'ai besoin de ton réconfort, pas de tes reproches.

Il ne s'était toujours pas retourné.

- Tu crois que si la prochaine fois que tu pleures, je te parle ainsi, tu iras mieux ensuite ? Laisse-moi douter si tu veux bien.

Il renifla et essuya ses yeux sans rien ajouter. Elle avait qu'à partir, maintenant, si elle voulait seulement en rajouter une couche.

Cassandre continuait à avancer de quelques pas et croyait que Sylvère allait finir par la suivre. Qu'il se lèverait enfin et ferait un sourire éclatant. Que tout pourrait redevenir à peu près normal.

Elle se trompait.

Au contraire, elle l'entendit la gronder et lui répliquer ne pas avoir besoin d'elle. La fillette se sentait brusquement mal. Elle ne supportait pas de voir son grand frère normalement rieur si triste. Cela la brisait. Des larmes commencèrent à couler alors que Sylvère rajoutait de ses reproches mais plutôt de réconfort.

'Ys...."

Au fil de ses critiques, Cassandre les subissait comme des poignards qui s'enfonçaient en pleine poitrine. Ses larmes coulaient de plus en plus. A la fin, elle se précipita vers Sylvère et noua avec maladresse les bras autour de son cou.

"Pardon !"

Le visage ruisselant de larmes, elle renifla et s'enfouit dans le manteau de son grand frère.

"je sais pas, moi, je sais pas comment on console les gens !"

Elle sanglotait toujours, le cœur brisé.

"Je veux juste que tu ailles mieux. J'aime pas te voir triste, Ys. Ys qui est triste.. Ys qui est triste, je n'aime vraiment pas ! Mais je sais aps comment afire ! Je suis nulle comme petite sœur !"

Les mots durs de Cassandre l'avaient vexé. Un peu. Pas longtemps. Quelques secondes tout au plus, le temps qu'il termine de parler. Ses paroles n'en demeuraient pas moins injustes. Vraies par certains côtés, certes, mais il n'avait vraiment pas besoin de cela.

Il n'était pas comme le mari de Kalisha ! Il ne respectait personne davantage que sa Reine. Il était même prêt à partager sa forêt avec elle, c'était dire à quel point. Jamais il n'aurait pu lui en vouloir, pour quoi que ce soit.

Mais il y avait une autre personne à qui il n'aurait jamais pu en vouloir, et cette personne là était Cassandre. Il n'avait peut-être pas été très tendre, il devait le reconnaître. Elle devait néanmoins comprendre qu'on ne consolait pas les gens ainsi et que ses paroles lui avaient plus de mal que de bien.

Mais désormais, il lui avait tout pardonné. Alors quand elle se jeta dans ses bras en larmes et qu'elle les enroula autour de son cou en s'excusant, il lui adressa un sourire triste, mais rassurant. Il n'eut le temps de rien dire, elle s'était déjà blottie contre lui, à l'intérieur de son manteau et là sentir là apaisa un peu son tourment intérieur. Il la sentait sangloter contre son manteau.

- Tu ne sais pas comment on console quelqu'un ? C'est facile à apprendre, tu vas voir, murmura-t-il tout doucement.

En disant cela, il roula sur le côté, juste de quoi dégager son bras pour pouvoir le passer dans le dos de l'enfant. Puis, avec toute la tendresse du monde, il dégagea les quelques cheveux de Cassandre qui s'étaient collés sur ses joues à cause des larmes. Tout cela en la berçant doucement, autant pour elle que pour lui-même.

- Tu vois, continua-t-il à voix basse, pour éviter qu'elle ne tremble à cause des larmes contenues dans sa gorge. C'est tout simple, il suffit de serrer la personne contre toi, comme ça. Tu me consoles très bien, là.

Cassandre continuait de pleurer contre lui. Et Sylvère continuait de la serrer dans ses bras, sans qu'il soit bien certain de savoir qui consolait qui. Peut-être les deux en même temps, après tout.

- Cassy, enfin... bien sûr que non, tu n'es pas nulle, comme petite soeur. Au contraire, tu es la plus merveilleuse, la plus extraordinaire et la plus mignonne de toutes. Tu crois vraiment que, moi, je suis un grand frère parfait ?

Il lui sourit gentillement.

- Regarde-moi, souffla-t-il.

Il prit son visage entre ses mains. Ses joues étaient toutes humides de ses larmes. Il plongea son regard dans le sien.

- Je ne t'en veux pas, d'accord ? Pas du tout. Je te l'ai déjà expliqué, tu te souviens ? C'est l'avantage d'avoir un grand frère idiot. Il oublie toujours tout.

Bien que Sylvère ne pleurait plus et que ses larmes s'étaient taries, il en avait encore les yeux larmoyants. Le chagrin n'attendait qu'une chose : pouvoir reprendre le pas sur le reste.

- Allez, ne pleure plus, ma jolie princesse, tout va bien, reprit-il enfin avec un nouveau petit sourire. C'est à toi de me consoler, normalement, tu sais.

Cassandre sanglotait contre le torse de son grand frère, se maudissant d'être aussi impuissante et inutile. Pourquoi elle ne savait pas le faire ? Sylvère, lui, il disait de si beaux mots qui la faisaient sentir bien. Mais elle, rien ne lui venait. Sauf des mots de colère ou d'agacement.

soudain, des bras la prirent et la serrèrent. Elle retrouvait la chaleur de son grand frère. Il redevenait à nouveau gentil. Il disait à nouveau des mots gentils.

Elle releva la tête alors que les mains de Sylvère lui prenaient le visage. elle avait du mal à soutenir son regard si doux.

"Ys..."

Ses yeux remplis de larmes lui faisaient mal. Elle détestait le voir comme ça.

"Si, t'es un grand frère parfait. T'es toujours gentil, rieur, protecteur attentionné... Je te dis souvent que t'es un idiot, mais en vrai... En vrai, je te trouve très intelligent et malin."

Il l’appelait princesse mais le surnom lui fit mal au cœur aujourd'hui. Elle ne se sentait pas du tout princesse. Elle songea à la reine de ce roi prisonnière de son donjon gardé par le vilain cochon. Une petite histoire commençait à venir dans dans son esprit.

"Dis, Ys, tu veux que je te raconte une belle histoire ? Elle finit bien, promis ! Il était une fois une belle princesse, la plus belle de toutes dans tous les royaumes du monde. Elle rencontra un jour un Roi. Tous deux tombèrent amoureux et se marièrent. Alors qu'ils vivaient heureux dans leur contrée paisible, un vilain sorcier à tête de cochon surgit et enleva la reine. Elle cria après son roi qui la regarda s'éloigner, incapable de la rattraper. "

Cassandre marqua une pause, cherchant de nouvelles idées pour poursuivre le récit.

"Le pauvre roi était très triste. il pleura pendant trois jours puis la princesse du royaume lui apparut. C'était une fée qui ne venait que quand le désespoir s'installait pour ramener la joie. Elle promit de le rendre heureux à nouveau. Alors la princesse partit vers le château du vilain sorcier cochon. Elle s'introduisit dedans grâce à ses pouvoirs et retrouva la reine. Mais alors que la reine et la princesse s'en allaient, elles furent coincées par le vilain sorcier cochon qui les jeta en prison. Il les observa et décida que demain elles seraient pendues comme elles avaient bravé sa loi. La princesse était triste. Elle avait échoué. Mais la reine montra toute sa gentillesse et donna un baiser à la princesse qui s'illumina. grâce à al gentillesse de la peine, la magie de la princesse devint toute puissante et le château explosa. BOUM !"

Prise dans les événements de son récit, Cassandre écarta les bras pour mimer l'explosion et donna sans s'en rendre compte un coup dans la mâchoire de Sylvère.

"Le château entier disparut. Le vilain sorcier cochon avec lui et tous ses troupes. La reine et la princesse étaient saines et sauves. elles pouvaient retourner voir le roi et tout finit bien."

Cassandre observa, nerveuse, son grand frère.

"Tu as aimé mon histoire ? Ca t'a changé les idées ?"

En repensant à ce récit, Cassandre eut soudain une idée.

"Ys... Tu sais lire, pas vrai ? Alors.. et si tu écrivais une lettre à Kalisha ! Moi, j'irai lui porter ! Je pourrais être votre messagère ! Je sais m'introduire sans aucun problème dans les châteaux des nobles ! Allez, allez, Ys ! Laisse-moi être al gentille princesse aux pouvoirs magiques qui va sauver la reine !"

Lui ? Un grand frère parfait ?

Il sourit tendrement. Il était sincèrement touché, mais il se sentit obligé de la démentir. Il n'était pas parfait. Personne ne l'était.

- Cassy, j'ai beaucoup de défauts, tu sais. Et ce ne serait pas drôle, si ce n'était pas le cas ! Il faut chérir nos défauts, c'est ce qui fait notre particularité. Et puis, sans eux, il n'y aurait rien à apprendre ou à améliorer...

Il sourit de nouveau. Soudain, elle intervint, le sortant de ses pensées moroses :

- Dis, Ys, tu veux que je te raconte une belle histoire ? Elle finit bien, promis !

Amusé – et ému – par la proposition, il hocha la tête simplement, sans rien répondre. Il se cala contre elle, tourna son regard vers le ciel pour l'écouter avec toute son attention.


Et tandis que Cassandre racontait, Sylvère se laissait porter par ses mots. C'était agréable, d'inverser les rôles. De se taire et d'écouter. D'être bercé par une histoire. Cela faisait des années que personne ne lui en avait racontées. Et celle-ci était si jolie...

Et elle était elle-même tellement prise dans son récit que, quand vint le moment de l'explosion, elle écarta les bras, lui donnant un coup dans la mâchoire en passant. Sylvère rit mais ne fit aucun commentaire. Il se contenta d'attraper doucement sa main pour l'écarter de son visage.

Puis, elle conclut et se tourna vers lui avec un air nerveux mais une lueur d'espoir dans les yeux. Est-ce qu'il avait aimé son histoire ? Plutôt deux fois qu'une !

- Tu vois que tu sais consoler, petite soeur. Tu pourrais m'en raconter une à chaque fois que tu viens, qu'est-ce que tu en dis ?

Il soupira. Il avait encore le regard dans le vague, mais déjà beaucoup de larmes au fond des yeux. Il plaisanta cependant, en souriant, preuve incontestable que les choses rentraient paisiblement dans l'ordre :

- Mais tu as oublié de dire : “Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants”. Sans cela, ton conte est pas vraiment fini, tu sais !

Il resta allongé dans l'herbe, sans lâcher Cassandre. Les nuages recommençaient à avoir des formes. Quant au soleil, il ne lui donnait plus l'impression de se moquer de lui. Il faisait vraiment très beau, aujourd'hui !

Le chagrin se dissipait lentement.

- Ys... Tu sais lire, pas vrai ?

- Oui, bien sûr. Mes parents m'ont appris. Pourquoi ?

La réponse ne fut pas longue à venir. Et la proposition le surprit à tel point qu'il se tourna vers elle, les yeux écarquillés. Il ne pensa même pas à lui signaler le danger que cela représentait. La lueur heureuse habituelle se ralluma au fond de ses prunelles :

- C'est vrai ? Tu ferais vraiment ça ?

Il eut un immense sourire qui termina de chasser le chagrin. Mais il revint bien vite les deux pieds sur terre avec un petit signe de tête négatif – et désespéré :

- Admettons que j'accepte, je... Mais qu'est-ce que je lui dis ? Et puis... je n'ai pas de papier pour lui écrire, ni d'encre...

Cassandre secoua la tête quand Sylvère expliqua avoir des défauts et en être satisfait.

"M'en fiche de tes défauts ! Pour moi, t'es quand même mon grand frère parfait, na !"

Et elle lui tira la langue avec effronterie.

A son son soulagement, l'histoire que la fillette improvisa fonctionna et fit sourire à nouveau Sylvère. Quel bonheur ! Il demandait même de lui raconter une à chacune de ses visites.

"Oh oui ! Bien sûr que oui !"

Il la corrigea sur sa fin et Cassandre fit la moue.

"Moi, je trouve ça pas heureux ces fins où le héros et l'héroïne ils ont plein d'enfants. Franchement, avoir des enfants, c'est que des ennuis, Ys ! Il faut les nourrir, puis ils ont des maladies, ou ils font des bêtises... Non non, non, c'est pas du tout une fin heureuse pour un couple si tu les décris avec un tas de marmots chiants à assumer !"

Sylvère écoutait à présent sa proposition qui lui rendait là aussi de la joie et de l’espoir. Puis lui demanda si elle le ferait vraiment. Quel idiot !

"Pffff... Si je te le propose, idiot, c'est que je vais le faire ! Non mais ! Tu réfléchis que les jours impairs, toi !"

Sylvère avait encore une petite réserve et invoquait les difficultés pour avoir de l'encre ou du papier ou ce qu'il pourrait dire à sa belle Kalisha. Cassandre arbora un sourire narquois et se releva.

"L'encre et le papier, j'en fais mon affaire ! Et il y a moyen de bien rire ! On va jouer une bonne farce à Hyriel ! Ah ah ! Toi, Ys, tu restes là et tu réfléchis à ce que tu vas écrire à Kalisha ! Et si t'es sage, t'auras un tas de gâteaux !"

Elle sortit un petit gâteau d'un pan de as robe et le lança à Sylvère.

"Allez, sage ! Gentil grand frère !"

Dans un geste moqueur, elle lui tapota la tête, comme on ferait pour un chien, puis posa un baiser sur son front avant de disparaitre derrière les buissons.


Sur le chemin du retour, serrant contre son ventre l''encre, le papier et la plume qu'elle venait de chaparder dans la cabane d'Hyriel avec la bénédiction de Guillaume qui n'avait soupçonné aucune malveillance de sa part. Cela avait été trop facile ! Beaucoup trop même facile ! Elle en riait encore toute seule quand elle retrouva Sylvère au pied de son arbre.

"Bon sang ! Que c'est drôle ! Hyriel va pas être content ! Mais qu'il se plaigne pas non plus, hein ! J'ai laissé dans un coin un pot de confiture ! Alors, c'est un bon échange, non ?"

Elle s'agenouilla au sol et déposa les fournitures dérobées chez Hyriel.

"Alors, je te raconte comment j'ai fait ?"

C'était une question superflue. Elle débordait trop d’impatience pour se retenir.

"Alors, je me suis rendue chez Hyriel et j'ai observé d'abord les lieux. Et coup de chance, il n'y avait personne ! Sauf Guillaume. Ils étaient partis en cueillette. Sans doute pour préparer des provisions pour l'hiver. Alors je me suis présentée innocemment et j'ai rapporté à Guillaume avoir vu Hyriel et qu'il m'a demandé de lui apporter de quoi noter, qu'il avait découvert une plante inconnue et était en train de l'étudier. Et il m'a tout donné bien gentiment ! Sans rien soupçonner ! Tu imagines à la tête à Hyriel quand il va rencontrer et que Guillaume lui demandera des nouvelles de cette nouvelle plante ? La tête qu'il va faire ! C'est trop drôle !"

Tout le long de son récit, Cassandre dut interrompre plusieurs fois tant elle riait de ce bon tour qu'elle venait de réussir à jouer.

Sylvère ne pouvait plus s'empêcher de sourire. Qu'est-ce qui l'aimait, Cassandre ! L'idée de se faire raconter une histoire à chacune de ses visites était fort plaisant. Surtout si elle acceptait avec autant d'enthousiasme.

Malgré tout, elle fit la moue quand il la reprit, ce qui amusa Sylvère. Il lui tapota le nez affectueusement et remarqua avec un sourire en coin :

- Mais moi, j'en veux ! Je trouve ça merveilleux, les enfants !

Il fit une pause et ajouta, en s'amusant par avance de sa réaction :

- Et puis, prépare-toi, parce que si un jour j'en ai, ce seront tes neveux et nièces.

Mais il n'en revenait pas que Cassandre accepte vraiment d'aller s'introduire à Monthoux pour donner une lettre. C'était tout de même un peu dangereux mais il lui faisait confiance. Et puis, c'était un peu tard pour s'inquiéter du danger. Dans tous les cas, il n'était pas exactement le mieux placé pour lui faire des reproches à ce sujet, alors il conserva le silence. Tant qu'elle ne se faisait pas prendre, tout allait bien.

Quant à l'encre et le papier... Oui, il ne doutait pas qu'elle pouvait s'en procurer. Si par la même occasion, ils pouvaient faire une blague à ce cher médecin royal, pourquoi s'en priver ? Toujours allier le nécessaire à l'agréable. Il sourit de nouveau. Et sur ces paroles, elle lui jeta un gâteau. Qu'il rattrapa, surpris.

Elle déposa un baiser sur son front avant de disparaître. Sylvère rangea le gâteau dans sa poche pour plus tard. Il se perdit dans la contemplation du ciel. Réfléchir à ce qu'il allait écrire à Kalisha. C'était la mission que Cassandre lui avait donnée.



En cherchant bien, il y avait toujours une solution. Et même à des milliers de kilomètres d'elle, il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour lui redonner le sourire – même si c'était juste pour quelques instants.


Cassandre ne fut pas longtemps absente et quand elle réapparut, visiblement très fière de sa farce, Sylvère avait la tête pleine de strophes et de vers. Il était toujours allongé au pied de son arbre mais à son arrivée, il se retourna sur le ventre et appuya son menton sur ses bras.

- Un pot de confiture, c'est le meilleur prix qui soit ! approuva-t-il alors. Hyriel serait bien bête de ne pas en profiter.

Il l'écouta raconter les épopées de son petit larcin. Oh, elle était maline, ça oui. Il n'était pas surpris qu'elle arrive à s'introduire dans les châteaux des nobles, cette petite futée. Elle riait tellement qu'à plusieurs reprises, elle dut même faire une pause pour reprendre son souffle. Sylvère avait toujours été intiment convaincu que le rire était le meilleur remède du monde et cela se vérifiait. Parce qu'il n'avait plus du tout envie de pleurer, désormais, porté par le rire carillonnant de Cassandre.

Elle l'avait guéri de sa maladie.

Sa petite princesse était encore meilleure qu'Hyriel !

Finalement, il attrapa le papier, l'encre et la plume. Il avait tellement retourné les mots dans sa tête, pendant la petite expédition de la fillette, qu'il eut juste à les coucher sur la feuille.

A vous, Kalisha.

Ma très chère reine, je me fais à ce jour,
Fidèle messager de vos cloportes amis,
Qui croyez-le sincèrement, vous remercient,
Et m'envoient dès à présent vous porter secours.

Je laisse à vos sentiments le soin de choisir,
S'il s'agit d'une déclaration officielle,
Mais sachez que vous m'êtes devenue essentielle,
Et plume en main, j'offre mon coeur comme avenir.

Je ne sais comment vous avouer honnêtement,
Combien j'attends de vous revoir prochainement,
Pardonnez-moi si mes mots provoquent vos larmes.

De nouveau, je confie ceci à vos secrets,
Vous manquez infiniment à notre forêt,
Je me demande ce que vous faites, ma dame...

En  espérant avoir su remettre un peu de joie dans votre coeur,
Votre Roi dévoué.

Il reposa la plume, observa la page manuscrite et eut un sourire triomphant. Puis, il se tourna vers Cassandre et demanda :

- Qu'est-ce que tu dirais de signer aussi ? Après tout, c'est toi qui va l'apporter !

Il sourit et tendit la main pour prendre la sienne. Il lui mit les doigts sur la plume, enroula sa main autour de la sienne et la posa sur la feuille.

Et sous sa propre signature, en tenant la petite main de Cassandre entre lui et la plume, ils inscrivirent ensemble : (et Cassandre).

Il s'assit, épousseta son manteau et proposa :

- Tiens, tu apprends à lire un peu, non ? Qu'est-ce que tu dirais qu'on essaye de la lire ensemble ?

Le sourire de Sylvère réchauffait le cœur de Cassandre. Il était bien plus beau comme ça à sourire et à être heureux. il retrouvait même l'envie de la taquiner et exposait même son envie d'avoir une famille nombreuse. il lui rappelait que ses enfants seraient ses neveux et nièces.

"Normal que tu aimes les enfants, Ys ! T'as cinq ans, t'as oublié ?"

Elle lui tira la langue, à nouveau, suite à cette effronterie.

"Et t'inquiète, je saurai m'occuper de tes petits ! Je leur apprendrai plein de comptines sur leur papa ! t’inquiète ! Ce sera pas méchant ! Ce sera drôle ! Très drôle !"

Là-dessus, elle partit dans un franc éclat de rire.


A son retour, avec les objets de son triomphe, Sylvère semblait un peu apaisé. Elle continua à entretenir ce rayon de lumière en lui racontant le récit de son larcin. Comme elle s'y attendait, cela l'amusait beaucoup.

"Eh ben, Hyriel, là, serait bête de pas y voir un paiement ! Et Hyriel, il n'est pas bête du tout !"

Peu après, Sylvère se décida à composer le message et semblait l'avoir déjà bien réfléchi en son absence. cassandre le regarda, admirative, tracer de belles lettres. Elle se pencha pour essayer de déchiffrer les mots mais les lettres se brouillaient devant ses yeux et se mélangeaient. Dame Irène et Grace avaient beau essayé diverses méthodes pour lui inculquer l'alphabet, il refusait de se graver dans son esprit. Elle était sans trop vieille pour ça. Elle avait passé l'âge. Tant pis !

Soudain, Sylvère lui proposa de signer avec lui la lettre.

"Moi ?"

Trop surprise, la fillette ne put protester et laissa son grand frère manipuler sa main et lui faire signer ce qui semblait être son nom en bas de la feuille. Elle baissa la tête à la question suivante.

"Dame Irène essaie. mais j'arrive pas. Dès fois les lettres ont l'air d'entrer. puis elles disparaissent. Je suis peut-être trop bête pour apprendre ? Ou trop vieille ? tu sais, je m'en fiche ! JNe pas savoir lire, ça m'a jamais manqué et je vois ce que ça changerait d'y arriver maintenant !"

Sylvère était de nouveau lui-même. Depuis deux jours à se morphondre sans rien faire, voilà qu'il avait à nouveau un objectif. Que la vie lui semblait de nouveau merveilleuse, avec ce grand soleil dans le ciel, Cassandre qui lui racontait ses aventures, et ce poème écrit pour sa belle Kalisha.

Comme Cassandre prétendait ne pas réussir à lire, alors il plia soigneusement la lettre, comme si elle était faite de papier de verre et la lui tendit. Il hésita une seconde avant d'ajouter :

- Dis-lui que je lui joins avec cette lettre toute ma joie, et surtout, ne lui parle pas de... enfin tu sais.

De toute manière, il faisait confiance à Cassandre pour garder le secret à ce propos. Il ne s'agissait pas d'en rajouter plus que nécessaire. Il s'était laissé aller, mais désormais, il comptait bien pouvoir être de nouveau heureux pour deux, pour pouvoir lui en envoyer la moitié. Et cela malgré tous les kilomètres et les murs qui les séparaient.

Quand il lui avait fait signer le poème, Cassandre n'avait pas protester, même si elle avait affiché un air surpris. Avait-elle reconnut certains mots ? Il avait tellement l'habitude de les déchiffrer sans le vouloir, et il ne se souvenait plus de l'époque où les lettres n'avaient pas de signification, que cela lui paraissait incongru.

Il secoua la tête. Lire, c'était utile. Pour beaucoup de choses. Même pour lui qui habitait dans une forêt, il en voyait l'utilité.

- Et quand tu auras appris, tu verras, tu remercieras ceux qui t'ont aidée à apprendre. Tu ne te rends pas compte pour le moment, mais un jour, si tu ne sais pas lire, ça te manquera. Même moi, j'ai besoin de lire, alors !

Il fit une pause puis ajouta, tout en attrapant son couteau et en s'approchant d'un arbre :

- Si tu savais lire, par exemple, tu pourrais savoir ce que je suis en train d'écrire là.

Il traça quelques lettres dans le tronc de l'arbre, en enfonçant la pointe de son couteau dans l'écorce, se retourna vers elle avec un sourire malicieux :

- Et voilà ! Maintenant, tu n'as plus qu'à apprendre pour pouvoir me dire ce que j'ai mis ! Et comme on a le temps, du papier et de l'encre, on va commencer maintenant !

Il se rassit aussitôt, attrapa la plume de nouveau et, se penchant dessus, il écrivit avec application pour que ses lettres se détachent bien les unes des autres une longue liste :

A comme Achille
B comme Brigand
C comme Cassandre
D comme Dame Irène
E comme Erik
F comme Forêt
G comme Grâce
H comme Hyriel
I comme Impôt
J comme Jouer
K comme Kalisha
L comme Lapin
M comme Marelle
N comme Nièce (ou Neveu)
O comme Offrir
P comme Princesse
Q comme Question
R comme Roi
S comme Soeur
T comme Thym
U comme Unique
V comme Vigne
W comme Wahou
X comme ?
Y comme Ys
Z comme Zita

Quand il eut terminé, il agita la feuille pour faire sécher l'encre et la retourna vers Cassandre avec un sourire victorieux :

- Ceci, jeune fille, est ce qu'on appelle communément un abécédaire. Pour bien apprendre, il faut commencer par les bases, alors on va réviser l'alaphabet.

Il posa la feuille à côté d'elle, et la lui lut, lettre par lettre, en faisant une pause à chaque fois pour lui laisser le temps d'écouter. Quand il eut terminé la lecture, en sautant le X pour le moment, il redressa la tête vers elle et lui adressa un hochement de tête :

- A ton tour maintenant. Essaye de te rappeler de l'ordre des mots. A comme... ?

Cassandre était ravie de voir le sourire de son grand frère rester sur son visage. Elle ne voulait pas le revoir triste. Oh non ! Elle reçut avec délicatesse la lettre que Sylvère lui remettait et la glissait avec soin dans le pli le plus sûr de sa robe. Kalisha allait bientôt avoir une belle surprise. Elle en riait d'avance à imaginer son visage tout confus de l'apercevoir dans sa chambre ! Elle ne devrait pas croire possible qu'on s'introduise dans son château. Quelle naïveté !

Elle eut alors une expression sévère quand Sylvère mentionna de ne pas parler de sa tristesse.

"Non mais ! Tu me crois bête ? Je vais là-bas pour l’égayer, hein ! Je vais pas lui raconter de mauvaises nouvelles !"

Elle ne pas pas longtemps en colère et l'écouta perplexe lui faire une leçon comme quoi ne pas savoir lire pourrait lui manquerait.

"Tu crois ? Tu crois vraiment que ça m'embêterait plus tard ?"

Sylvère se réinstallait a sol et traçait sur une feuille les différents lettres de l’alphabet. Il lui expliquait que c'était un abécédaire. Dame Irène en utilisait un pour lui apprendre aussi mais d’étai surtout celui de Ludovic, rempli de mots pour les bébés. Et elle, elle n'était plus un bébé ! L'enfant observa son grand frère puis l'écouta réciter les différents mots. un sourire se dessina sur son visage entendant chacun qui lui évoqua un excellent souvenir. Rapidement, elle le mémorisa et se sentit capable de le réciter. amusée, elle se mit à le chanter en battant joyeusement des mains. Elle le chanta une fois, deux fois et même trois fois, de plus e plus excitée par cette nouvelle comptine.

"C'est amusant d'apprendre les lettres comme ça !"

Cassandre se pencha sur la feuille et étudia la dernière ligne. Zita.

"Alors... Zita, ça s'écrit comme ça... Z comme Zita."

Ses doigts touchèrent la lettre suivante puis remontèrent plus haut dans la liste.

"I... I comme impôts !"

Elle toucha la troisième lettre du mot Zita et remonta encore.

"T comme Thym."

Elle recommença pour la dernière lettre.

"A comme Achille. Zita !"

lentement, Cassandre prit une autre feuille et traça les quatre lettres qui formaient le prénom de la sainte. Son visage s'illumina d'avoir réussi à le faire seule. Elle se souvint des autres noms de la liste : Hyriel, Irène, Grace, Cassandre, Achille, Erik, Kalisha... D'une allure très lente, l'enfant essaya de reconnaitre une à une les lettres qui composaient le prénom puis les écrivaient sur la feuilles. Elle montra ensuite avec fierté son œuvre à Sylvère.

"Regarde ! J'ai tout bien écrit, hein ?"

Son regard se posa à nouveau sur la liste et elle remarqua enfin la lettre qui n'avait aucun mot associé. Elle la reconnait cette forme particulière. Elle l'avait aperçu sur une bouteille de vin.

"Cette lettre, c'est quoi ? Je l'ai vu sur une bouteille de vin italien au Lupanar ! Du Xérès que c'était ! Mais ça s'écrit comment Xérès ?"

Sylvère sourit. Oh non, il ne croyait pas Cassandre bête. Pas du tout, même, et c'était exactement pour cette raison précisément qu'il acceptait de la laisser s'introduire dans un château – malgré le danger – et qu'il ne la pensait pas incapable d'apprendre à lire. Il suffisait juste de trouver la bonne manière de l'intéresser – et de l'amuser – et le tour serait joué. Rien de plus simple.

Il eut un sourire en coin et répondit, sans une hésitation :

- Je pense que ça t'embêterait, de ne pas savoir faire ? Je ne crois pas, Cassy, j'en suis certain.

Tandis qu'il finissait de lui lire l'abécédaire, Cassandre souriait, preuve incontestable que les mots lui parlaient. Et c'était exactement l'objectif. D'ailleurs, à peine avait-il fini qu'elle le récitait déjà, sans la moindre difficulé. Sylvère ne put contenir son sourire. Si elle avait déjà retenu, les choses seraient peut-être encore plus simple que prévu. Et puis, elle semblait s'amuser et c'était le plus important.

Il finit par croiser les bras et remarquer :

- C'est bien, tu le connais. Mais est-ce que tu pourras me le redire dans quelques jours, quand tu reviendras ?

Il eut un sourire amusé et reprit :

- Voilà ce qu'on va faire. Tu vas l'emmener avec toi, pour pouvoir le relire quand tu voudras. Et quand tu reviendras la prochaine fois, je te redemanderait de me le réciter, d'accord ?

Il lui tendit la feuille, et ne perdit pas de temps pour continuer, toujours en souriant :

- Et comme il n'y a pas de raison que tu sois la seule à travailler pendant ces quelques jours, tu vas me donner un exercice, à moi aussi. Alors, qu'est-ce que tu veux que je fasse pour la prochaine fois ?

Cassandre se pencha sur la feuille qu'il lui avait donnée et se concentra sur la dernière ligne. Z comme Zita. Il se rapprocha pour venir s'asseoir juste à côté d'elle.

- Tu vois, dans “Zita”, il y a le I des impôts, le T de thym et le A de Achille. Ziii-t-a.

Il avait décomposé chaque lettre, pour que son esprit puisse analyser les sons qui s'associer aux signes. Elle remonta plus haut, en faisant cette fois une pause sur le I comme Impôts.

- Exactement, Cassy. Ça fonctionne aussi avec “idiot”, par exemple.

Cassandre continua d'explorer l'abécédaire avec son doigt, stoppant sa course sur Thym et Achille. Soudain, elle prit une autre feuille et avec une immense application, elle traça tous les prénoms qu'il avait écrit. Sylvère suivit la plume des yeux, sans réprimer son sourire. Les mouvements n'étaient pas rapides, mais les lettres étaient bien tracées et puis... cela viendrait au fil du temps.

Sylvère contempla les courbes du plus beau de tous. Kalisha. Même écrit, son prénom était magnifique. Harmonieux comme nul autre.

Cassandre le coupa dans ses réflexions en brandissant sous son nez la feuille  visiblement très fière d'elle. Et Sylvère l'était aussi. Quant à la lettre X que Cassandre venait de remarquer...

- Tout est parfait ! Et cette lettre-là, c'est le X. Il n'y a pas beaucoup de mots qui commencent par elle, mais si tu veux on peut mettre celui-ci : Xérès. C'est toi qui va l'écrire, d'accord ?

Il se pencha et reprit plus bas, comme un secret :

- Alors... Xé-rès... Le son “é” est deux fois, tu entends ? Entre les deux, tu vois, il y a cette lettre-là. Quand on la prononce, elle fait : “rrr”. Xé-rrr-ès. Et le “sss” à la fin...

Il lui désigna la feuille, puis reprit :

- Dans tes mots, lequel commence pas le son “sss”, lequel par “rrr” ou par “é” ? Vas-y, dis-moi. Et après, on aura tout ce qui faut pour écrire Xérès.

Il verrait avec elle les histoires d'accents plus tard.

Chaque chose en son temps.

Cassandre ne répondit rien à la certitude que Sylvère semblait avoir sur l'importance de savoir lire. Elle ,'était pas sûre, elle que ça le soit mais ça pouvait lui faire plaisir. Et puis, être avec son grand frère, quelque soient les activités, c'étaient toujours amusant.

Il la complimentait sur as récitation. Cassandre fut satisfaite puis s'assombrit quand il demanda si elle pourrait le redire dans plusieurs jours.

"Ben... retenir une liste quelques heures, c'est facile, je le fais pour les courses. Mais après une journée, eh ben... "

Sylvère lui tendit alors à nouveau la lettre et lui demandait de connaitre la liste entière pour sa prochaine visite. Elle fit une moue d'ennui en soupirant.

"Il faut vraiment que je la récite entièrement ? Sans regarder une fois ? Mais ça va être dur !"

Il lui réclamait alors en échange un exercice pour lui. Cassandre hésita. Que pourrait-elle donner ? Elle n'y connaissait avec les lettres et l'écriture.

"Quoi ? Euh un exercice ? Mais je ne sais pas moi. Euh... Eh bie.. Ah si : tU dois écrire d'autres trucs pour Kalisha, bien sûr !"

Leur leçon se poursuivait sur l'écriture du nom de Zita. Sylvère la reprenait puis exposait que la lettre I qui commençait le prénom d'Irène et le mot impôt débutait aussi le mot idiot. Elle fronça les sourcils.

"Idiot... i... diot... C'est quoi le son dio ? Normalement, on entend do, la, ma, na, bu... Mais dio, c'est quoi ? Comment on l'écrit ?"

Elle ne se sentait pas peu fière d'avoir ensuite réussi à retrouver les lettres de tous ces prénoms. Elle commençait à visualiser leur écriture et leur principe. Sylvère semblait satisfait. Elle l'écouter ensuite les explications sur al lettre X et que celle-ci était peu utilisée pour commencer des mots. Elle fit al moue en l'entendant proposer écrire le mot xérès. Ça allait être compliqué. Elle reporta son attention sur sa feuille d'écriture et la liste qui retranscrivait la comptine.

"Ssssss.... Sssss... Ssssss... Euh... c'est Zita ? Euh ça rapproche un peu, non ? Et Rrrrr... Comme Roi ? Ou Royaume ! Royaume, ça commence aussi par la lettre R, non ? Ça fait le même son que roi ! Ou aussi.. rire ? Ou rien ? Ou rhume ? Ou du rhum ! Ou rêve ?"

Tout en cherchant à énumérer les mots qui lui venaient à l'esprit qui débutaient par la lettre R, la fillette écrivit lentement celles qui composaient le mot du vin découvert dans son ancienne vie au Lupanar : X - E - R - E - Z. Elle relevza la tête, incertaine, vers Sylvère, nerveuse.

"J'ai bon ?"

Cassandre semblait plus incertaine quant au fait d'être capable de retenir l'abécédaire plus de quelques heures. Sylvère eut un sourire amusé et il répondit en haussant des épaules :

- Pourtant, c'est important que tu le retiennes... et c'est bien pour ça que tu me le réciteras à chaque fois que tu viens ! Pour le retenir plus facilement.

Il tapota sa tête du doigt avant de bondir sur ses pieds, pour passer d'assis à accroupi, toujours souriant. Là, il ajouta, les coudes sur les genoux :

- Oui, il faudra que tu la dises en entière, et sans la regarder. Mais tu verras, plus tu le feras, plus ce sera facile ! La première fois, tu auras des manquements, c'est normal, mais la seconde fois, il y en aura moins, et ainsi de suite. Tu la sauras par coeur plus vite que tu ne le crois.

Ce qui était sûr, c'était qu'il n'était pas au bout de ses ressources et que les idées fourmillaient dans son esprit pour lui apprendre les lettres de la manière la plus ludique possible. Et il était bien décidé à réussir ! C'était pour cette même raison qu'il se plierait à tous les exercices que pourraient lui demander Cassandre, sans avoir la moindre idée de ce qu'elle serait capable de lui faire faire. Et pour ainsi dire, il s'attendait à tout. Vraiment à tout.

- Tu dois écrire d'autres trucs pour Kalisha, bien sûr !

Le sourire le plus sincère du monde se peignit sur ses lèvres et il hocha la tête pour acquiescer. Puis, il tendit la main, pour sceller cet accord.

- Parfait, petite princesse. Tu commences à apprendre la liste pour ta prochaine venue et moi, j'écris de nouvelles choses pour la belle Reine de notre forêt ! Je compte sur toi ?

Quand elle lui eut serré la main, il se laissa retomber en arrière, en profita pour faire une roulade avant de redevenir sérieux – autant que lui-même pouvait le faire, c'est-à-dire pas beaucoup – pour répondre :

- I-di-ot, articula-t-il, en détachant bien les syllabes.

Il se pencha, écrivit idiot sur la feuille où Cassandre avait inscrit les différents prénoms avant de reprendre en pointant chaque lettre :

- Tu vois, tu as un D, un autre I et en dernier un O. Avec un D, un I et un O, on a le son “dio”. Tu me suis ?

Il attendit qu'elle confirme qu'elle n'était pas perdue pour conclure sur ce mot, en désignant le T qui se trouvait à la fin :

- A la fin, il y a un T aussi, tu vois ? Mais celui-là, il ne fait pas de son, c'est comme s'il n'était pas là. Mais tu sais qu'au féminin, “idiot” devient “idiote”, et cette fois-ci, on entend bien le T. I-dio-TE.

Et pour illustrer ses propos, il rajouta un E à la suite. Avant de passer à la suite, en lui précisant qu'il y reviendrait plus tard et que ce n'était pas si important pour le moment. Cassandre réfléchissait à l'orthographe de Xérès. Le sourire de Sylvère s'aggrandit quand elle se mit subitement, très fière, à débiter tous les mots qui commençaient pas R qui lui venaient par la tête. Il ébourriffa ses cheveux, très heureux :

- C'est tout à fait ça ! Tu as tout compris, petit génie !

Il la laissa se concentrer pour écrire et répondit avec un sourire rassurant quand elle releva la tête vers lui, peu sûre d'elle :

- C'est très bien, Cassy. C'est presque tout bon ! Regarde, juste la dernière lettre.

Il lui prit la plume des mains et désigna le Z qu'elle avait mis en fin de mot.

- Tu vois, si c'était un Z, on ne dirait pas Xérès mais Xérè-ZE... Ça se ressemble, je suis d'accord avec toi, c'est pas évident. Néanmoins, ce n'est pas un Z. On cherche le son “sss” comme par exemple au début de... Sylvère, tu vois ? Ou de Salade. Ou de Soeur... Alors, quelle lettre, c'est, au début de Sylvère ou de Soeur ? Est-ce que tu vois ton erreur ?

Cassandre opina négligemment de la tête, toujours incertaines des affirmations de Sylvère. Elle l'écouta avec le même air lui assurer qu'elle finirait par vite retenir la liste entière en la répétant chaque jour. Elle doutait. Cela faisait plusieurs semaine que Dame Irène s'efforçait de lui enseigner l'alphabet et rien ne rentrait encore. Mais elle ne dit rien. Elle ne voulait pas faire de peine à son grand frère.

Il se montrait si heureux quand on parlait de Kalisha. Cassandre sourit. Il devait vraiment beaucoup l'aimer. L'amour... Un amour entre un homme et une femme. le sujet la laissait encore sceptique. C'était vraiment si bien que ça ? Et puis, on ressentait quoi au juste ? Elle n'arrivait pas à comprendre.

Son grand frère fit une roulade, comme un gamin de cinq ans, et elle secoua la tête réprobatrice. Il ne savait vraiment pas se comporter ce grand idiot ! .Idiot... il lui enseignait justement l'écriture ce ce mot et elle l'écouta avec attention. Une idée lui vint en tête mais elle ne savait pas comment écrire Sylvère. Et si elle lui demandait tout de suite il allait être soupçonneux. elle attendit, guettant la bonne occasion. Il corrigeait à présent le mot xérès et la félicitait de bien avoir su l'écrire. Il la corrigeait cependant sur la fin et tentant de lui apprendre la différence entre les sons S et Z.

"Sœur... Sylvère.. salade... alors, ça commence par un S. comme Sucer ! Ou soupçon ! Ou cèpe ! Soupe ! Champignon ! Sang ! Euh Saint aussi ?"

La fillette s'interrompit dans cette énumération et fixa l'orthographe rectifiée du mot xérès. Cette lettre Z au bout... elle formula le mot à voix haute.

"Zérès ! Zérès ! Zérès... Vélasquez.. Vé... laaassss queeeez... Il y a S au ilieu de mon nom, c'est ça ? Et un Z à la fin, hein ?"

Lentement, reprenant une feuille, tout en suivant à nouveau l'abécédaire, Cassandre essaya de tracer les lettres de son nom une à une. V - E - L - A - Q - U - E - Z. Il al tendit, nerveuse, à Sylvère, presque craintive.

"J'ai bien écrit mon nom ?"

Elle songea à son idée et se rappela savoir comment commençait le nom de Sylvère. La fillette énonça lentement le nom pour décomposer les syllabes.

"Sy... Syvère... Non. Sylvère... Syl... vè... reeuh."

Lentement, sa main recommença à tracer des lettres, une à une, et écrivit difficilement le prénom. La suite, elle n'eut qu'à recopier et c'était bien plus amusante. Narquoise, elle montra la feuille à sn grand fière, se régalant d'apercevoir sa mine surprise.

S - I - L - V - E - R - E - E - 1 - I - D - I - O - T."

"T'as vu, Ys ? J'ai écrit une phrase toute seule !"

Après les mots débutant par un R, voici que Cassandre faisaient la liste de ceux qui commençaient par un S. Sylvère l'écoutait sans la couper, en souriant, et en hochant la tête à chaque fois qu'elle en disait un nouveau. Il finit par la corriger quand elle eut fini par énumérer les mots auxquels elle avait pensé.

- Tout bon, princesse. Sauf pour “cèpe” ou “champignon”. Eux, ils commencent par la lettre C, comme pour Cassandre.

Il prit l'abécédaire, le retourna pour écrire cette fois-ci au dos. Il traça quelques mots – et il en rajouterait d'autres au fur et à mesure des besoins de la fillette.


- Tu vois, les lettres ne font pas forcément le même son en fonction de la lettre qui les suit. Par exemple, un C suivi d'un H, tu auras toujours le son CH... Comme Cheval, ou Charette, ou bien encore Charmant.

Il la laissa de nouveau réfléchir tandis qu'elle s'interrogeait sur l'orthographe de son propre nom et se contenta d'avoir un hochement de tête approbatif. Tout en s'appuyant à nouveau sur l'alphabet de l'abécédaire, elle s'appliqua à écrire en majuscules Vélasquez. Quand elle eut terminé, elle lui tendit la feuille, avec un mélange de crainte et d'espoir. Il reprit la plus, rajouta un petit S entre le A et le Q puis acquiesça.

- Voilà ! Et maintenant, tu sais écrire ton nom et ton prénom, tu vois ?

Il s'amusa de la voir ensuite décomposer son nom à lui, pour finalement se pencher de nouveau sur la feuille avec une nouvelle fois beaucoup de concentration. Sylvère la regardait faire, avec beaucoup de fierté. Elle était mignonne quand elle réfléchissait intensément ainsi.

Enfin, avec un air narquois, elle tourna la feuille dans sa direction. Cette fois, ce n'était pas simplement un prénom, ou un mot, mais une phrase complète. Il eut un court rire amusé,l'instant de surprise passé, en déchiffrant les lettres majuscules, encore un peu maladroites avant de relever les yeux vers elle.

- Chipie, va !

Une pause – ce fut à son tour d'avoir un sourire narquois – avant de continuer :

- Silvère avec un I, ça existe, manque de peau, moi c'est un Y !

Il rajouta une petite barre en diagonale au I, pour le transformer en Y avant de désigner le verbe.

- Sylvère “est” un idiot, le verbe tu vois, il a une orthographe compliquée. C'est E-S-T. Mais on entend que le E. Comme tout à l'heure avec idiot, tu te souviens ? Allez, vas-y, rajoute un S et un T.

Il reposa la plume, pour s'arrêter ici. Il ne fallait pas en faire trop d'un coup, après tout, pour ne pas l'ennuyer. De quelques minutes en quelques minutes, ils progresseraient certainement plus vite. Il lui tendit la feuille avec l'abécédaire d'un côté et les premières associations de lettres de l'autre.

- On continuera la prochaine fois, maintenant, d'accord ?

Il sourit, se redressa et rassembla les feuilles. Il en restait quelques unes et il allait les ranger en sécurité – loin de l'humidité – pour la prochaine fois. Il se retourna vers elle et reprit :

- Quand tu verras Kalisha, je... Dis-lui de regarder le ciel, à la tombée de la nuit, d'accord ? Et... dis-lui aussi que je le ferais. Comme ça... comme ça, elle pourra se dire qu'on fait la même chose au même moment.

Et il pourrait se le dire, lui aussi, par la même occasion.

Cassandre écouta Sylvère qui disait que les mots trouvaient étaient bons sauf pour deux d'entre eux. Elle fixa ceux que son grand frère écrivait et soupira.

"C'est quand même compliqué ! Pourquoi certains mots ils s'écrivent pas comme on les prononce ? Comment on fait pour savoir comment ils s'écrivent si le son est trompeur ?"

Elle fixa les lettres qui commençaient son prénom puis reporta son attention sur celles de Kalisha.

"C'est comme Cassandre et Kalisha ! Tu as vu ? Les deux commencent par le son ka mais Cassandre ça s'écrit avec un C et Kalisha avec un K ! Pourquoi ?"

La fillette faisait al moue, de plus en plus perdue et agacée par toutes ces différences qui compliquaient tout. Pourquoi ceux qui avaient fait le règles auraient inventé une écriture aussi complexe ? Ils ne pouvaient rien de faire plus simple ?

Sylvère se mit à vérifier l'écriture de son nom de famille et elle sourit de l'entendre savoir écrire son nom et son prénom.  Cassandre s'en sentait toute fière. Elle se mit ensuite à rire d'un air effronté en voyant son grand frère découvrir sa phrase puis lui tira la langue quand il  la traita de chipie.

"T'as rien à me dire sur les farces ! Toi, tu t'amuses à me faire peur en descendant des arbres !"

La mine espiègle, Cassandre avait remarqué que Sylvère se trouvait en position accroupie, soit pas la meilleure pour avoir un bon équilibre. La tentation était forte. Si forte.

Sylvère continuait cependant la leçon et corrigeait sa première phrase en expliquant comment on écrivait le verbe être. elle reprit la plume et modifia le é pour le transformer en est. Sylvère annonça finalement la fin de la leçon et commençait à ramasser la leçon. Cassandre se souvint de sa tentation et elle devint de plus en plus fort. Elle entendit son grand frère lui demander de dire à Kalisha de regarder le ciel à la tombée de la nuit pour que tous deux le voient au même moment. Quelle curieuse idée ! Même s'ils regardaient le ciel en m^me temps, ils n'étaient quand même pas ensemble. Elle avait du mal à comprendre pourquoi il voulait faire ça mais n'osa pas la place.


"D'accord."

La tentation devenait de plus en plus forte et Cassandre céda. Alors que Sylvère terminait de ramasser les feuilles, d'un air concentré, elle le poussa et le lit tomber en arrière. Immédiatement, elle lui bondit sur le ventre, rieuse, et commença à le chatouiller.

"Cette fois, c'est moi qui t'ai attrapé, Ys ! Je t'ai eu ! Je t'ai bien eu !"

Sylvère souriait tandis que Cassandre se plaignait. Oh, il n'avait jamais dit que c'était simple, la lecture et l'écriture. Lui aussi, quand il avait appris, il s'était terriblement ennuyé. Il n'empêchait que désormais, il était bien content de pouvoir faire pour écrire des lettres à sa belle Reine de la forêt.

- Comment on fait ? releva-t-il plutôt évasivement avec un haussement d'épaules. C'est bien simple : au début, on se trompe, et puis, on apprend ensuite.

Sans répondre, elle observa les lettres qui formaient son prénom, avant de revenir à l'abécédaire et de s'exclamer :

- C'est comme Cassandre et Kalisha !

Sylvère hocha la tête pour confirmer les propos de la fillette.

- C'est tout à fait ça. D'ailleurs, tu remarqueras que un S et un H, ça fait aussi le son “chh”, comme quand c'est un C. Quant au pourquoi... C'est pour embêter les petites filles qui apprennent à lire, bien évidemment !

Un juste rendu des choses pour répondre à sa toute première phrase écrite. Cela dit, même si c'était pour le traiter d'idiot, il était flatté qu'elle parle de lui. Il ignora la langue qu'elle lui tirait tout joyeusement pour rétorquer :

- Oh, mais je ne dis rien ! Et puis, tout à fait entre nous, quand je te fais peur, tu me dis que je suis un idiot, non ? Alors j'ai bien le droit de penser que tu es une chipie !

Et ni une ni deux, il rassembla les feuilles restante pour la prochaine fois. Cette idée de regarder le ciel lui était venu un peu comme ça. S'imaginer faire la même chose qu'elle, savoir qu'ils étaient capables de partager des choses même séparés par les murailles de Braktenn et les classes sociales suffisait à gonfler son coeur de joie. Et cela même si Cassandre semblait fortement sceptique. Il la remercia en lui-même de ne pas poser de question et de transmettre le message.

Il était en train d'y penser quand soudain... elle se jeta contre lui. En équilibre sur ses talons, il se retrouva couché par terre sans avoir eu le temps de comprendre, avec une Cassandre enjouée sur le ventre qui s'amusait à le châtouiller, en clamant joyeusement :

- Cette fois, c'est moi qui t'ai attrapé, Ys ! Je t'ai eu ! Je t'ai bien eu !

Et elle osait lui dire qu'elle n'était pas, un tout petit peu, une chipie ? Il lui adressa un regard narquois en remarquant :

- Je crains pas les guilis, tu sais ? Alors que toi...

Il conclut ses mots par un petit sourire en coin, avant de remarquer sans chercher à se dégager :

- Dis-moi... Tu avais pas dis tout à l'heure que si j'étais sage, j'aurais le droit à des gâteaux ?

Si elle pensait que c'était tombé dans l'oreille d'un sourd ! Même le moral au plus bas, il savait entendre quand on lui proposait des biscuits !

Cassandre fronça les sourcils, peu satisfaite de as réponse.

"Ben, c'est chiant comme méthode !"

Elle lui jeta un regard noir à sa dernière remarque.

"Ben voyons ! Je suis sûre que ça a été crée par un méchant grand frère pour embêter sa petite sœur qui apprenait à lire !"

Sur cette réplique, la fillette lui tira la langue. Il lui répondit peu après pour se défendre qu'il pouvait bien l’appeler chipie comme elle le nommait idiot à chacune de ses bêtises. Et Dieu savait comme il y en avait ! La fillette ne trouvait rien à redire. Mais elle n'avait pas envie de le laisser l'emporter. Alors elle tira à nouveau la langue.

Peu après, alors qu'elle lui sautait dessus et menaçait de le chatouiller, il disait ne pas le craindre puis semblait envisager de la chatouiller elle. Cassandre farda le visage dur et joua la bravoure même si l'éventualité la terrifiait. Si on al chatouillait, elle se tordait au sol. c'était une torture !

"Je les crains pas non plus ! Je suis plus un bébé, dis donc !"

Par bonheur, son esprit gourmand songea aux gâteaux promis un peu plus tôt. Que Sainte-Zita en soit remercié ! Elle avait échappé au pire ! Elle se releva rapidement et sortit ses provisions.

"Il me reste quatre gâteaux, Ys ! Et j'ai aussi pris un pot de confiture ! Et de la brioche !"

La fillette étala l nourriture sur l'herbe et dissimula son regret. A la base, elle souhaitait partager ce repas avec Kalisha et Sylvère. ils auraient déjeuné ensemble en apprenant à se connaitre pour oublier leur première rencontre tumultueuse. Elle préféra ne pas le dire. Cela ferait trop mal à Sylvère.

"Allez, je e laisse tout ça ! Sois sage, mon grand frère chéri !"

Elle se précipita vers Sylvère et l'embrassa.

"Moi, j'ai un message à aller porter ! Et oublie pas de bien mâcher ! Et tu fais tes devoirs !"

Elle riait tout en sortant ces recommandations qui lui sortaient au hasard et s'éloignait d'une foulée rapide.

La mauvaise humeur feinte de Cassandre l'amusait. Qu'est-ce qu'elle pouvait être grognon quand elle le voulait ! Et elle ne se laissait jamais démonter puisque de nouvelles fois, elle lui tirait la langue, visiblement très fière d'elle et de ses plaisanteries.

Elle oubliait juste un détail qui lui tira un sourire en coin : ce n'était pas lui qui craignait les châtouilles. Mais il lui laissa son honneur et préféra se concentrer sur les gâteaux promis dont il n'avait toujours pas vu la couleur. On verrait un autre jour pour ce qui étaient des châtouilles épargnées. Surtout quand elle sortait tout ce festin des pans de sa robe.

- Des gâteaux, de la confiture et de la brioche en une seule fois ? dit-il avec un immense sourire, en déchirant un bout de la brioche et en le mangeant aussitôt. Ça doit être mon anniversaire !

En réalité, il comprenait bien qu'elle n'avait pas ramené tout cela que pour lui. Elle était partie du principe qu'ils étaient encore deux. Mais elle ne dit rien, et lui non plus. Il continua de déchirer des petites bouchées de brioche, tandis que Cassandre lui souhaitait une bonne fin de journée. Elle se précipita même à son cou pour lui faire un bisou et cela le fit sourire. Le tout en lui demandant d'être sage. Il eut un sourire innocent, qui ne trompa personne :

- Mais je suis toujours sage, enfin !

Et ce fut à son tour de lui tirer la langue en la regardant s'éloigner en lui donnant toutes sortes de conseils. Quand elle eut disparue entre les arbres, Sylvère souriait toujours, bien que plus distraitement.