[14 Janvier 1598] Le vol de la colombe vers la réconciliation

La matinée commençait en douceur. Irène avait décidé de n’ouvrir que l’après-midi aujourd’hui, pour profiter un peu. Cela lui permettait également de laisser Ingrid faire ce qu’elle voulait pour une fois. La nuit avait été un peu courte car les jumeaux s’étaient réveillés au beau milieu de la nuit. Ce matin encore, ils étaient bien réveillés et surtout affamés. Anthalia mangeait normalement mais Trestinian semblait réclamer toujours plus. Et Cassandre qui était partie au marché ne pouvait pas s’amuser avec lui pour le calmer miraculeusement comme chaque fois. Irène lui laissait alors le sein pour qu’il se détende un peu.

Grâce jouait sur le beau tapis qu’elles avaient été choisir ensemble après le déménagement. Elle était très contente parce qu’il ressemblait presque au tapis de la maison. Elle aimait beaucoup jouer dessus avec ses poupées et s’allonger parce que c’était tout doux ! Et puis comme maman s’occupait des jumeaux, elle jouait un peu aussi avec Ludovic qui maintenant aimait bien être assis, en dehors de son berceau. Il gazouillait parfois en la regardant et s’amusait avec de petits jouets en bois qu’il pouvait mâchonner pendant des heures.

Soudain, ils relevèrent la tête en entendant une sorte de grand bruit en bas. Irène fronça les sourcils. Ils n’attendaient personne, la boutique était fermée et Cassandre venait de partir. Surtout que ça ressemblait à un grand bruit.

Grâce plissa les yeux et délaissa ses poupées.

- Ne vous en faites pas, maman, je vais voir !

Elle descendit alors mais se figea en croyant bien reconnaitre une voix. Elle acheva de dévaler les marches, méfiante et fixa celui qu’elle reconnut d’un œil mauvais.

- Toi…

Elle se planta entre lui et l’escalier. Pas question qu’il approche encore une fois de sa maman et de ses petits frères et sœurs. Cassandre n’était pas là alors c’était à elle de le mettre dehors.

- Va-t-en ! Tu n’as pas le droit d’être là ! C’est ta faute ce qui est arrivé à maman et au bébé ! Si Hyriel avait pas été là et si Marie n’avait pas protégé maman, elle ne serait plus là ! C’est à cause de toi et de ses méchancetés ! Alors dehors ! Je veux pas te voir !

Grâce d'Aubeville, 4 ans

Alexandre avait l’air apeuré. Tant mieux ! Il faisait bien, parce que ce n’était pas parce qu’elle était petite qu’elle ne pouvait pas gronder comme sa grande sœur ou sa maman ! Elle croisa les bras avec un air féroces quand il lui présenta ses vœux. Elle n’avait pas à dire bonjour, ni à présenter ses vœux, parce qu’elle ne voulait rien de tout ça pour lui !

Elle garda les sourcils froncés alors qu’il restait planté là comme une souche maigrichonne. Quand il lui parla d’Hyriel, elle garda les lèvres serrées. Elle ne devait rien dire, sa maman avait dit que c’était un secret et qu’Hyriel allait bien et que c’était tout ce qu’elle devait savoir. Et hors de question qu’elle lui dise quoique ce soit à lui ! Elle renifla avec mauvaise humeur. Elle n’avait pas besoin de ses condoléances !

Il se décida alors enfin à s’excuser. Elle resta les bras croisés sur l’escalier. Il était bien temps ! Elle aurait voulu lui redire d’aller dehors mais une main se posa sur son épaule.

Alertée par le bruit, Irène était sortit du salon avec Ludovic, laissant les jumeaux dormir dans leur berceau. Elle haussa un sourcil.

- Alexandre ?

Le voilà qui revenait, tiens ! Elle ne sut que penser dans un premier temps mais se décida à lui laisser une chance. Après tout, leur seigneur leur avait appris à pardonner. Elle se baissa un peu vers Grâce.

- Merci, ma chérie, mais ça va aller.

- Mais…

- Ce sont des histoires de grands. Va veiller sur ton frère et ta sœur, je te rappellerai, d’accord ?

Grâce hésita mais maintenant que sa maman était sur pied, c’était elle qui savait quoi faire et à qui il fallait obéir alors elle hocha sagement la tête puis retourna en haut. Irène descendit alors que Ludovic regardait Alexandre avec curiosité. Elle soupira un peu avant de l’observer.

- Bonjour.

Spoiler:

Une fois Grâce partie, Irène resta là, à attendre. Après tout, c’était lui qui avait décidé de s’aventurer là et visiblement pas les mains vides, alors elle attendait qu’il s’explique. Et surtout, elle l’espérait, qu’il s’excuse. Elle était tout à fait prête à passer l’éponge. Ce n’était qu’un jeune homme après tout, un peu tête en l’air et qui n’avait pas l’air de souvent réfléchir à long terme. Et ils avaient quand même pu passer de bons moments ensemble.

Quand il parla à Ludovic, le petit se contenta de le regarder avec curiosité. Oh, il avait l’air de s’adresser à lui… Il le gratifia alors qu’un splendide « Ga ! » avant de se retourner vers sa mère, tout content. Irène lui sourit en caressant son nez avec le sien et le laissa jouer avec son petit bateau en bois dans ses bras avant de revenir à Alexandre. Elle caressa un peu les cheveux de Ludovic.

- En effet, c’est impressionnant quand on n’a pas eu l’occasion de le voir. Ça l’est surtout quand on n’est pas là tous les jours, pour un peu, j’aurais presque l’impression qu’ils ne changent pas tant que ça.

Elle sentait toutefois qu’il ne cherchait pour le moment qu’à engager la conversation. Elle le laissa parler sans l’interrompre et soupira. Effectivement, comment oublier cette journée ? Irène secoua la tête avec un ton calme.

- C’est déjà très courageux de ta part de venir ici pour faire amende honorable. Je ne peux que te confirmer que ça a été difficile mais je n’ai pas regretté de t’avoir accueilli.

Elle lui sourit avant de faire un pas, intriguée par le présent.

- Ce n’était pas nécessaire mais je suis très touchée que tu aies pensé à eux.

Elle aussi ne gardait pas un très bon souvenir de ce départ précipité… même si cela lui avait permis de rencontrer Eldred qui était à présent un bon ami, comme presque tous ceux que Cassandre amenait chez eux. Elle espérait d’ailleurs qu’elle et Alexandre avaient pu se parler et peut-être enterrer la hache de guerre.

Elle se pencha sur le berceau et s’illumina.

- Il est magnifique ! Et Dieu sait que j’en avais besoin, les jumeaux sont un peu à l’étroit, même s’ils aiment dormir l’un contre l’autre.

Elle se redressa en souriant.

- Merci à toi, c’est très généreux mais tu n’étais pas obligé d’en faire autant pour te faire pardonner. Il suffisait déjà de revenir nous voir.

Curieusement, Irène sentait que tout chez Alexandre se prêtait à double sens. Il ne parvenait pas très bien à rendre le tout naturel, tendu comme il était mais ainsi qu’elle l’avait dit, elle appréciait l’effort. Elle hocha simplement la tête à sa remarque puis le laissa poursuivre. Elle soupira.

- En effet. Si les hommes pouvaient simplement reconnaitre et assumer leurs erreurs, nous serions peut-être dans une société meilleure.

Enfin, ça ne restait qu’un rêve lointain pour le moment… Elle préféra cependant ne pas y penser pour le berceau.

- Et sachant que je n’avais pas prévu de double naissance, c’était en effet une bonne idée. Merci à toi.

Elle sourit quand il demanda les noms.

- Trestinian Thierry Thomas et Anthalia Iseult Marie. Tu pourras transmettre à ton père, je n’en ai pas encore eu l’occasion.

Cela faisait un moment qu’elle ne s’était pas rendue à Saint-Eustache d’ailleurs… Pourtant, elle en aurait bien besoin, notamment pour un baptême qu’elle ne voulait pas faire trainer cette fois. Elle pencha la tête en regardant Ludovic avant d’observer de nouveau Alexandre.

- Veux-tu venir les voir ?

Elle cligna des yeux d’un air curieux quand il lui expliqua la situation. Irène secoua la tête.

- C’était une affaire entre Alduis et Cassandre et elle est réglée depuis un moment. Pour ma part, je ne lui en veux pas du tout. D’ailleurs, il est venu aider au déménagement et tout s’est bien passé. Grâce ne comprend simplement toujours pas comment cela peut être un humain et non un fantôme.

Elle ponctua son trait d’esprit par un sourire.

Un soupir intérieur vint quand elle entendit le mot « naïf ». Et allez, encore… Décidement, Cassandre et lui s’était bien trouvé pour être aussi pessimistes. N’avait-il vraiment personne pour considérer les malheurs de la vie seulement quelques temps avant de passer à autre chose ? Vivement que Pauline et Madeleine viennent la rejoindre en ville pour discuter de choses plus joyeuses !

Elle l’écouta disserter alors que Ludovic jouait avec une mèche de cheveux de sa maman, très loin des préoccupations philosophiques d’Alexandre. À la limite, là où elle était d’accord, c’était en ce que les humains étaient perfectibles. Après tout, ils étaient des créatures de Dieu, à son image, ils ne pourraient jamais que tendre vers la perfection. Elle pencha la tête à la suite. Elle aussi avait lu ce genre de choses. Bien sûr qu’il y avait toujours de mauvaises choses, mais cela n’empêchait pas de retirer le positif et d’en faire quelque chose en laissant le reste.

Le positif… Quelqu’un dans ce royaume savait-il ce que cela voulait dire ? Elle allait finir par croire que non.

Elle haussa les épaules.

- Je n’ai jamais arrêté quelqu’un qui parle d’une lecture. Cela fait d’ailleurs bien longtemps que je n’ai entendu personne à ce sujet.

Si elle parvenait à se dégager du temps pour tenir salon, ce serait alors pour son plus grand plaisir. Ne plus disserter, lire ou simplement recevoir des talents lui manquait cruellement.

Irène secoua la tête à la suite.

- Mais j’aurais pu m’en douter. J’étais plus fatiguée, mon ventre était plus gros… j’imagine que je n’avais pas vraiment le temps d’y réfléchir.

Elle sourit en hochant la tête à sa déduction.

- Exactement. C’est un hommage, si je puis dire, j’ai aussi dévoré ses livres chaque fois qu’il sortait.

Irène souffla avec amusement quand il dit l’avoir rencontré.

- Il se trouve que moi aussi, même si je n’aurais pas cru que ce soit dans de telles circonstances… Alduis t’a raconté qu’il est venu aider au déménagement ?

Alors qu’ils embrayaient sur son père, elle fronça les sourcils à ce qu’il évoqué. Elle n’avait pas revu le père de Saint-Eustache depuis un moment et ne sortait pas assez avec Ludovic et les jumeaux pour écouter les rumeurs. Irène eut donc du mal à croire ce qu’elle entendait. Elle se mordit la lèvre à l’évocation de Matthieu. Lui pourtant encore si droit, même après ce qu’il s’était passé, quand bien même il n’était plus du genre à raconter ce qu’il entendait. Irène fut sonnée par sa dernière affirmation, ce qui inquiéta un peu Ludovic.

- Pardon ? Mais comment s’est-il mis dans une situation pareille ? Je ne pensais pas qu’il soit du genre à s’attirer des ennuis à ce point…

Elle se mordit la lèvre. Bien qu’Alexandre ne veuille rien dire, elle devinait que c’était grave et elle n’était pas certaine de pouvoir lui venir en aide. S’approcher des nobles était un jeu dangereux.

Elle sursauta un peu à son cri et Ludovic aussi qui se blottit aussitôt contre sa maman. Elle lui caressa le dos pour le rassurer et se pinça la lèvre.

- Oui, je vois… En effet, ce n’est pas tout à fait comme ça que les choses fonctionnent mais je suppose que s’il est aussi maladroit, c’est parce qu’il n’a jamais su comment faire. Je ne crois pas qu’il ait eu un bon modèle à suivre et il n’était pas censé être père, j’imagine que cela accentue le fossé qu’il y a déjà entre vous du fait qu’il n’ait pas eu à s’occuper de toi enfant…

Elle fut ravie de le voir de nouveau sourire et l’engagea à monter l’escalier. Il n’était pas bien haut heureusement et débouchait sur un joli petit salon décoré avec goût. Entre les deux très beaux sofas, il y avait un tapis sur lequel Grâce avait l’habitude de jouer, même si elle rangeait toujours consciencieusement ses jouets dans une petite caisse. Plusieurs bibliothèques se situaient de part et d’autre de la pièce et, au-dessus de l’une d’elle, on pouvait voir accroché le portrait d’Antoine.

Alors qu’elle l’écoutait parler d’Alduis, elle fit soudain face à Grâce qui gardait farouchement le berceau. Elle esquissa une moue en voyant que l’autre n’était toujours pas parti. Elle regarda sa mère d’un air implorant. Elle n’avait pas envie qu’il s’approche… C’était son petit frère et sa petite sœur, quand même ! Et elle, elle devait les protéger, comme faisait Cassandre.

Irène embrassa son front, malgré tout fière qu’elle soit aussi déterminée à défendre ses adelphes.

- Tout va bien, ma chérie, je te le promets.

Grâce garda sa moue mais hocha la tête et alla s’installer sur le canapé pour aller reprendre sa poupée. Irène montra de la tête le berceau à Alexandre où dormait les deux petits l’un contre l’autre.

Quand Alexandre reconnut lui-même être bavard, elle haussa les épaules avec un sourire.

- Je sais, mais j’ai connu bien pire, crois-moi.

Notamment la comtesse de Bât qui pouvait disserter pendant des heures sur une simple page de roman, au point qu’Irène avait fini par omis de lui préciser le jour et l’heure de leurs réunions lecture.

Quand ils en revinrent aux enfants, elle soupira.

- Peut-être mais une mère est censée avoir de l’instinct. Je ne peux pas m’empêcher de penser que je les ai mis en danger. Si je m’étais posée et mieux écouter, nous n’aurions peut-être pas eu tout ce tintamarre à gérer.

Elle secoua la tête.

- Mais tu as raison, ça ne sert à rien d’y repenser maintenant, surtout que tout s’est bien passé.

Irène haussa les épaules à la suite.

- Tu verras bien par toi-même le jour où tu auras des enfants. Nous ne vivons pas les choses de la même manière, c’est certain. Par expérience, c’est même encore pire pour l’homme.

Elle se rappelait encore les angoisses d’Antoine, la façon dont il se tordait les mains à la moindre contraction pendant les derniers mois. Pour Irène, tout allait bien et tout lui semblait naturel. Mais pour quelqu’un qui ne pouvait pas sentir d’instinct que tout allait bien, comment être rassuré ? Comment ne pas craindre le pire ? Comment rester serein quand on entendait sa femme mettre toute son âme pour qu’un nouvel être puisse voir le jour ? Elle imaginait que les hommes devaient avoir leurs propres moyens pour ne pas céder à la peur de l’inconnu. Car avoir un enfant, c’était comme se jeter dans le vide.

Irène sourit quand il lui demanda de parler d’Alduis.

- Il n’a rien cassé et a laissé la tarte aux autres. Grâce a passé son temps à lui tourner autour pour lui demander s’il avait des copains fantômes. Il n’a pas beaucoup parlé mais a été très efficace.

Elle hocha ensuite la tête avant qu’un éclat mélancolique ne traverse son regard.

- Anthalia veut dire « fleur ». C’est la même racine grecque que pour le prénom Antoine…

Elle espérait qu’il soit fier, d’autant qu’il avait toujours désiré nommer leurs filles après Grâce selon des noms de fleur. Elle ne se laissa cependant pas gagner par la tristesse et resta souriante.

Cependant, ce qui arriva ensuite l’inquiéta. Beaucoup. Thierry, avoir des ennuis ? Pourquoi n’avait-il rien dit ? En même temps, elle songea qu’elle n’était pas souvent aller le voir… Elle aurait peut-être dû, même si son état l’en empêchait… Elle écouta attentivement et serra les dents avant d’écarquiller les yeux.

- Une agression ? Seigneur… Mais…

Elle ne parvenait pas à imaginer son ami faire une chose pareille. Certes, il avait pu parfois être agressif avec son frère mais cela avait toujours été normal, en réaction à quelque chose… Alors que là, cela semblait gratuit.

- Je… je ne sais pas non plus… Mais cela va à l’encontre de tout ce que je connais de lui.

Elle blanchit quand il évoqua un complot. Elle posa une main sur la sienne.

- J’espère que non… Mieux vaut ne pas trop s’approcher du haut, cela n’apporte que des malheurs.

Elle ne parvenait pas à trouver d’explications ou de raison qui aurait pu justifier une accusation pareille mais, dans le même temps, elle ne s’informait pas vraiment de ce qu’il pouvait arriver dans les hautes-sphères. Elle déglutit avant de serrer un peu plus Ludovic. Elle espérait que lui non plus n’hérite pas des idées de son père. Quand ils évoquèrent la question de la paternité, elle tâcha de rassurer Alexandre.

- Non, je ne pense pas que cela marche comme ça. Nous intégrons des modèles, forcément mais à partir du moment où nous avons conscience qu’ils sont mauvais, je suppose que nous pouvons les dépasser. Il te suffit de te construire un idéal. De savoir ce que tu veux et ce que tu ne veux pas. Le fait que tu y penses dès maintenant montre que tu es prêt à faire des efforts pour être un bon père.

Quand Alexandre lui posa sa question, elle réfléchit un moment avant de secouer la tête.

- Parfois, oui. Cependant, je fais tout ce que je fais dans le but qu’ils puissent bien grandir et être la personne qu’ils veulent être. Tout ce qu’il faut à mon sens, c’est leur poser les limites tout en leur laissant assez de libertés. Et pour l’expérience, j’essaie simplement de tirer les leçons de la propre éducation que m’a donné ma mère. De voir le bon, le moins bon. Quant à l’instinct, nous en avons tous, il suffit de lui laisser assez de place pour s’exprimer. Tu verras bien quand ça arrivera, le jour où ça arrivera. Tu sais, être parent, c’est aussi beaucoup d’improvisation car si nous savions comment faire de manière certaine, cela se saurait depuis longtemps.

Irène le mena ensuite dans l’escalier. Comme à son habitude, elle laissa Grâce tranquille. Elle savait qu’elle avait aussi besoin d’être seule dans ces moments-là. Elle laissa Alexandre s’avancer jusqu’au berceau et eut un regard nostalgique vers le portrait quand il l’évoqua.

- Oui, c’est lui.

Grâce se contenta de l’ignorer royalement à sa remarque. Bien sûr qu’elle ressemblait à son papa, tout le monde le lui disait ! Irène fit comprendre à Alexandre d’un geste de la tête que ça ne servait à rien d’insister. Elle ajouter plus bas :

- Plus tard, peut-être.

Elle sourit quand il évoqua les jumeaux.

- Oui, très. Ils font toujours ça depuis qu’ils sont nés et ils auront encore plus la place de le faire avec ton berceau.

Un peu intriguée par le bruit, Anthalia ouvrit un œil, pour regarder le grand qui les observait d’en haut.  

Alors qu’il marchait, Irène observait le visage d’Alexandre changer. Il semblait plus apaisé, du moins elle en avait l’impression. Elle espérait avoir trouvé les mots pour le rassurer. Elle se souvenait de cette angoisse qui avait envahi les yeux d’Antoine, tout le temps où elle était enceinte de Grâce. Il semblait la supplier silencieusement de lui dire quoi faire, chaque fois, comme si elle avait réponse à tout puisqu’elle connaissait déjà ce petit être qui grandissait. C’était pour eux un saut dans l’inconnu, une aventure avant de décrocher le titre officiel de parents.

Quand ils évoquèrent Alduis, Irène hocha la tête en souriant.

- Ce n’est pas méchant, elle l’aime bien en réalité. C’est sa particularité, comme Grâce en donne à d’autre.

Elle inclina ensuite la tête à son compliment.

- C’est gentil. Je trouve effectivement que cela lui va bien.

Quand il évoqua son père, elle se mordit la lèvre. Irène baissa les yeux, les ferma et adressa une courte prière, pour qu’il en sorte indemne. Elle espéra pouvoir aller le voir dans les prochains jours. Alors qu’Alexandre enchainait sur ses doutes, Irène posa une main sur son épaule.

- Je comprends. Mais tu sais, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise éducation. Il n’y a que des parents qui font de leur mieux. Et si l’un de tes enfants nait avec une infirmité, même si je ne le souhaite pas, tu sauras le comprendre mieux que personne et pour peu que tu l’écoute, il partira déjà bien dans la vie.

Quand il évoqua sa mère, Irène se rappela effectivement le moment où elle était venue dans leur maison, tout en glorifiant son fils adoré pendant qu’elle enfonçait Tristan. Elle secoua la tête. Effectivement, elle ne s’y était pas forcément prise de la bonne manière. De plus, l’enfance d’Alexandre avait dû être bien déséquilibré entre quelqu’un qui le rabaissait et une autre personne qui le portait aux nues… Il faudrait également que la future femme d’Alexandre soit alignée avec lui sur la question de l’éducation. Elle n’avait que trop vu les effets néfastes d’un te déséquilibre avec quelques-uns de ses amis dont les enfants étaient parfaitement insupportables… Irène haussa les épaules.

- Ce sera à toi de te poser la question. Si tu as un doute, poses-toi pour réfléchir, même après coup puis tu prendras des décisions en conséquence.

Elle ne put pas le détromper sur sa remarque suivante. Elle souffla avec amusement en secouant la tête.

- Tu devras aussi laisser faire l’instinct. Lui saura te guider. Nous apprenons tous sur le tas, c’est ainsi et cela m’étonnerait que ça change un jour.

Elle regarda alors ses enfants. Même si elle était seule, elle espérait leur donner le meilleur. Et heureusement pour eux, ils auraient une grande famille, des cousins et des amis avec qui jouer et auprès de qui apprendre. Irène sourit à sa petite fille. Anthalia observa Alexandre et saisit son doigt avant qu’il n’arrive à sa joue pour l’observer, curieuse.

Irène avait remarqué que le sujet d’Alduis semblait être sensible et pensait comprendre pourquoi. Elle sourit tout simplement.

Heureusement, il semblait rassuré par ses paroles sur la paternité. Il verrait bien par lui-même, de toute façon. Elle hocha la tête.

- C’est normal. J’espère que tu auras une aussi bonne expérience que la mienne et je suis certaine que tu feras de ton mieux. Tant que tu as des conseils auxquels te référer, tout devrait bien se dérouler et vous serez deux. Vous pourrez vous soutenir.

Quand elle regarda Alexandre et les jumeaux, elle sourit. Elle regarda en coin derrière et vit que Grâce faisait toujours la moue mais moins. Elle sourit alors qu’Anthalia s’agita un peu, visiblement très contente avec son doigt. Trestinian pour sa part ouvrit un œil, moins curieux que sa sœur. Irène rit.

- Ils sont un peu différents mais tous deux aussi mignons.

Il lui semblait qu’il était un peu triste de ne pas pouvoir correctement se tenir. Elle eut alors une idée.

- Tu veux t’asseoir pour en prendre un ?

Alexandre semblait complètement hypnotisé par les jumeaux, ce qui faisait sourire son hôte. Quand ce serait son enfant, ce serait sans doute encore pire et ce serait très amusant à voir… Irène hocha la tête.

- Cela se voit au quotidien, en effet. Anthalia est très curieuse mais aussi très calme alors que Trestinian n’aime pas trop l’aventure mais est très agité quand il est trop réveillé…

Elle sourit en songeant qu’ils se complétaient, d’une certaine manière. Elle fut touchée quand Alexandre proposa de faire leur portrait et secoua la tête.

- Oh, c’est vraiment très gentil mais tu dois avoir beaucoup à faire, tu n’es pas obligé, tu sais… C’est déjà formidable que tu aies retrouvé ta mallette mais tu as peut-être autre chose à dessiner.

Grâce pour sa part fit la moue en relevant la tête. Pourquoi est-ce qu’il était aussi gentil ? Est-ce que c’était juste pour revenir dans les bonnes grâces de sa mère puis être méchant après ? Elle préférait rester méfiante, c’était Cassandre qui le lui avait appris !

Irène pour sa part sourit quand il accepta sa proposition. Elle le laissa s’installer pour prendre Anthalia alors eu Grâce l’ignorait, du moins en apparence. C’était sa petite sœur quand même et elle espérait qu’il ne lui ferait pas de mal parce qu’en plus d’être méchant, il était maladroit ! Irène le laissa s’installer.

- Alors, mets bien tes bras, comme ça et soutiens bien sa tête. C’est bon ?

Quand il lui eut donné confirmation, elle déposa doucement sa fille dans ses bras.

Irène pencha la tête tout en l’écoutant. Elle sourit.

- C’est juste… Grâce et Ludovic montraient déjà des signes de leurs futures personnalités quand ils étaient bébés aussi.

- C’est vrai ?

Irène sourit alors que Grâce se mordait la lèvre. Elle n’avait pas pu s’en empêcher… Irène posa une main sur son épaule.

- Bien sûr, tu étais très sage mais tu essayais parfois de t’enfuir de ton berceau… Heureusement que ton père avait l’œil sur toi…

Elle observa les jumeaux à la dernière réflexion d’Alexandre.

- Je ne sais pas. De ce que je sais avec ma mère et mes neveux, c’est un moyen de ne jamais se sentir seul.

Quand il proposa le portrait, elle trouva cela adorable mais espérait que cela ne lui prendrait pas trop de temps et, surtout, qu’il ne fasse pas ça en s’imaginant avoir une obligation. Cependant, cela semblait lui faire plaisir. Elle hocha alors la tête alors que Grâce était intriguée.

- Bien, si cela te fait plaisir.

Elle pencha la tête à la suite.

- Ah oui ? Eh bien, ce ne doit pas être facile de croquer un petit garçon toujours en mouvement mais il est certain que c’est un bon exercice !

Grâce se renfrogna à son nom et se focalisa sur sa poupée alors qu’Irène acquiesçait, amusée. Elle se disait que ce pourrait être un bon ami pour sa fille, elle qui était aussi curieuse et vive même si elle n’était pas très portée sur la farce et elle espérait que cela puisse continuer.

- Il doit être adorable.

Elle déposa ensuite Anthalia dans les bras du jeune homme. Anthalia leva la tête vers lui, avec des yeux curieux. Tiens, quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Elle ne s’agita pas mais tendit le bras pour attraper sa main qui la chatouillait et faisait battre ses petits pieds.

Irène constatait qu’Alexandre semblait perdu dans ses pensées. Elle sourit puis hocha la tête.

- Oui. Ma mère avait une vraie jumelle et mon frère aîné a eu un garçon et une fille en même temps. Et dans mes ancêtres du côté de ma mère, il y a eu quelques naissances gémellaires.

Elle observa ensuite ses enfants. Oui, ils grandiraient dans une grande fratrie, telle que celle qu’elle avait connu et cela leur serait profitable.

- Oh, c’est dommage… j’espère que les enfants pourront voir plus souvent leurs cousins si mac vient s’installer ici et si Joseph reste, ou du moins Bélyl… Ils se voient si peu à cause de la distance.

Elle afficha un air surpris, mais agréablement alors qu’il la comparait à sa tante. Elle y voyait une preuve de son affection et trouvait cela adorable. Irène rosit un peu alors qu’elle écoutait.

- Elle a eu bien du courage alors et j’espère que tu pourras bientôt la revoir !

En revanche, le reste lui fit baisser les yeux. Elle ne se pensait pas capable d’aimer à nouveau. En tous cas pas comme avec Antoine… Il resterait son seul amour, le premier de sa vie et sans aucun doute le plus important…

Elle sourit de nouveau à sa description du petit Adéis qui semblait bien remuant mais malgré tout gentil. Elle observa ensuite Anthalia s’amuser un peu dans les bras d’Alexandre alors que Grâce surveillait la scène avec attention. Le nourrisson prit alors la main qu’Alexandre lui tendait et commença à s’amuser avec ses doigts.

- Elle t’aime bien, on dirait.

Irène sourit un instant en repensant à sa chère tante qui veillait sur elle avec sa mère depuis le ciel. C’était elle qui lui avait appris quelques-unes de ses précieuses techniques de couture et elle serait sans doute ravie de la voir les utiliser aujourd’hui. Elle hocha la tête à la remarque d’Alexandre.

- Oui, même si grâce ne sait pas encore bien écrire et regrette de ne pas pouvoir leur répondre. Mais ça viendra sûrement.

Elle écouta avec intérêt sa propre histoire.

- Oh, je vois… Tiens, à propos, Jeanne devrait peut-être revenir bientôt ici quand elle sera rentrée de Rome.

Elle espérait que cela se passerait bien d’ailleurs même si avec Matthieu à ses côtés, elle ne se faisait aucun souci. Il était déterminé, prêt à tout pour aider leur nièce. Le connaissant, il ne lâcherait rien et sa mission serait sans aucun doute un succès.

Elle posé une main sur l’épaule d’Alexandre.

- Oui, je comprends. C’est triste mais au moins, tu as gardé le contact. Et elle a l’air d’être bien entourée !

Anthalia pour sa part se divertissait toujours autant avec les doigts de son grand copain. Son frère lui commençait à se réveiller et avait l’air curieux aussi parce qu’il s’agitait en gémissant un peu. Elle le prit doucement dans ses bras et l’approcha de sa sœur.