[17 novembre 1597] Nouvelles d'une Reine [Terminé]

Monté debout tout en haut d'un chêne dépenaillé de ses feuilles, Sylvère observait les alentours. Les cimes dénudées des arbres, qui semblaient s'étendre à l'infini. Les feuilles mortes en contrebas. Le ciel quelque peu couvert. Les éventuelles silhouettes qui pourraient s'avancer sur ses terres. Il en attendait une en particulier.

Sa petite messagère de la ville. Elle était partie porter sa lettre trois jours plus tôt. Depuis, il attendait son retour avec impatience. Il ne tenait plus en place. Kalisha l'avait quitté six jours plus tôt. Et s'il était resté affalé les trois premiers aux pieds d'un chêne, durant les trois suivants, il ne s'était pas posé plus de deux secondes.

Et là, au loin, au milieu des champs, il y avait une silhouette qui progressait. Une petite silhouette d'enfant. Sylvère se jeta pratiquement en bas. Il désescalada les branches à toute allure, avec une aisance qu'un acrobate aurait pu lui envier. Pour la première fois depuis qu'il connaissait Cassandre, au lieu de l'attendre, il alla au devant d'elle.

Elle n'avait pas fait dix pas dans la forêt qu'il était en face d'elle.  

- Alors ? Tu l'as vue ? demanda-t-il aussitôt plein d'espoir, sans même penser à lui souhaiter une bonne journée.

Il ne précisa pas de qui il parlait. C'était évident. Qui d'autre aurait pu être concerné, si ce n'était elle ?



- Comment elle va ? Tu lui as dit de regarder le ciel ? Tu l'as vue sourire ? Dis-moi que tu l'as vue sourire, je t'en prie.

Il avait tellement besoin de savoir qu'elle souriait encore, même tristement. Qu'elle avait encore la force d'un petit, minuscule, sourire. Il avait tellement de questions à lui poser. Tellement de choses se bousculaient dans son esprit qu'il ne savait même pas par où commencer.

Avait-elle aimé le poème ?
Qu'avait-elle dit ?
Comment elle était habillée ?
Est-ce qu'elle avait été surprise de la voir ?
A quoi ressemblait sa chambre ?
Est-ce qu'il pourrait la revoir bientôt ?
Est-ce que Cassandre avait vu son mari ?
Est-ce qu'elle avait gardé le foulard ?
Qu'est-ce qu'elle faisait de ses journées ?

Il avait envie de savoir ce qui lui arrivait, là, au château de Monthoux. Il avait besoin de savoir comment elle vivait.

- Raconte-moi s'il te plaît ... Comment c'était ?

Cassandre avait attendu deux journées avant de revenir dans la forêt. D'abord, il ne fallait pas trop attirer l'attention sur ses déplacements : une enfant, esclave de surcroit, qui serait vue là-bas trop bas finirait par paraitre suspecte. Pour s'occuper, elle s'était concentrée sur l'apprentissage de la comptine de Sylvère et quelques petits exercices. Elle avait aussi, bien sûr, joué avec Grace, aidé en cuisine et fait de la couture.

En ce début d'après-midi, le soleil automnal brillait entre les arbres nus. Cassandre rejoignit d'une foulée rapide l'orée et s'étonna d'apercevoir Sylvère si près de l'entrée. D'ordinaire, il ne devançait jamais les visiteurs et attendaient que ceux-ci ne s'enfoncent dans les bois. Que se passait-il ?

A sa première question, elle comprit.

Dissimulant un sourire joueur, Cassandre eut envie de jouer un peu et adopta une voix tranquille.

"Quoi ? Euh, oui, j'ai vu Grace. Ben comme toujours, je vis avec Ys, alors je la vois tous les jours !"

Sylvère reprenait ses questions. Il était absolument adorable. Mais Cassandre avait encore envie de jouer.

"Grace va très bien. Ah non, mince, j'ai oublié de lui dire de regarder le ciel. J'essaierai d'y penser ce soir. Mais oui, elle sourit. Grace sourit toujours ! Faut pas s'en faire comme ça pour elle !"

Mais les regards si touchants eurent vite eu raison de son amusement. Ce n'était plus drôle du tout. Surtout quand il lui posa une nouvelle question d'une voix suppliante.

"Kalisha va très bien. Elle était très heureuse de lire ta lettre. Elle a adoré ! Elle me l'a lu aussi. C'était trop émouvant ! Et je lui ait dit de regarder le ciel et elle a promis de faire. Et aussi elle m'a offert un livre. Un livre sur un renard malicieux. ET elle m'a appris de nouveaux mots et comment les écrire ! Tu as déjà entendu de parler de khôl ? Pas de la colle ou un col, hein ! Du khôl ! C'est un produit pour maquiller les yeux ! Parce que Kalisha m'a appris aussi comment se maquiller ! Elle est trop gentille Kalisha !"

En quelques minutes, Cassandre avait délivré toutes les informations qui lui passait par la tête en débit très rapide. Elle se calma et sortit la lettre pliée et le mouchoir.

"Elle m'a donné ça pour toi ! Elle l'a brodé pour toi ! Oh, d'ailleurs, elle m'a aussi offert un mouchoir, d'ailleurs ! Euh.. mais moi je l'ai laissé chez Dame Irène. je l'ai.. oublié."

Le tour joué à Monthoux revenait aussi amis là ça allait être drôle. Cassandre reprit une voix joueuse :

"Tu sais ce que je j'ai fait dans le lit du comte ?"

Elle arbora un sourire de carnassier, s'amusant de l'idée qui lui était venue.

"Je te raconte tout si tu me laisses dire trois jurons devant toi !"

Cassandre avait pris un air joueur – un air d'enfant qui s'apprête à faire une bonne farce. Elle répondit alors, tout à fait innocemment, comme si de rien n'était. En parlant de Grâce. Elle avait pourtant parfaitement compris, il en était sûr !

Lui, il se fichait de Grâce, il ne voulait pas savoir ! Pourquoi Cassandre s'amusait-elle ainsi à faire durer le suspens, alors qu'il mourrait d'envie d'en savoir plus depuis des jours ? Il devait se retenir pour ne pas la secouer et rongeait son frein du mieux qu'il pouvait tandis qu'elle poursuivait paisiblement, insensible à ses tourments internes.

C'était une torture, une très mauvaise farce. Il lui jeta un regard suppliant, pour qu'elle accepte enfin de lui raconter et cela eut l'air de faire son effet. Elle aborda le sujet qui lui tenait vraiment à coeur. Cassandre parlait à toute allure, sans lui laisser le temps de rebondir et pourtant, cela lui semblait encore trop lent pour lui qui ne demandait qu'à emmagasiner le plus de choses possibles.

Elle avait beaucoup aimé sa lettre. Cela le soulagea, il avait eu si peur qu'elle n'aime pas. De la décevoir, elle, sa belle Reine. Mais elle avait aimé. Adoré, même, si on en croyait Cassandre ! Un sourire béat se dessina sur ses lèvres.

Le ciel, il l'avait regardé tous les soirs. Pendant des heures. Faire la même chose qu'elle, au même moment qu'elle. Penser à elle en même temps qu'elle pensait à lui. C'était un peu comme combler toutes les distances qui s'étaient établies entre eux, malgré eux. Savoir qu'elle l'avait fait, elle aussi... Il n'en avait jamais douté mais l'entendre de la bouche de Cassandre rendait la chose tangible. Réelle. Son sourire grandit encore.

Kalisha avait offert un livre à Cassandre. Un livre avec un renard. Elle lui avait appris à écrire de nouveaux mots. Les yeux de Sylvère se mirent à pétiller, tandis que la fillette évoquait son apprentissage du maquillage et un produit pour les yeux : le Khôl. Il n'en avait jamais entendu parler.

- On dirait que c'est toi qui va m'apprendre un mot, aujourd'hui, alors... Comment ça s'écrit ?

Cassandre conclut enfin sa tirade. Kalisha était trop gentille. Oui... Oui, c'était la plus gentille et la plus belle de toutes les reines du monde ! Et lui, il en était tombé amoureux.

Il avait encore plein de questions et il allait les poser quand soudain, la fillette sortit d'un pan de sa robe une lettre et un mouchoir, en les lui donnant. Sylvère tendit la main, presque timidement. Des cadeaux ? De sa part ? Il ne s'était pas attendu à... cela. Il n'en avait pas espéré autant. Son coeur battait fort quand il ne put s'empêcher de demander bêtement :

- Pour de vrai ? C'est... pour moi ?

Il les prit avec beaucoup de soin, comme s'ils étaient fait de porcelaine. Ses mains les avaient touché. Elle avait écrit cette lettre, avait brodé ce mouchoir... pour lui. Rien que pour lui. Il l'imagina, penchée au dessus, ses doigts fin travaillant habillement, ses cheveux bruns cascandant dans son dos et ses beaux yeux... Il ne parvenait plus à lâcher ce Y et ce K qui représentaient un arbre et ses feuilles. Ce fut Cassandre qui le sortit de ses pensées, d'une voix amusée :

- Tu sais ce que j'ai fait dans le lit du comte ? Je te raconte tout si tu me laisses dire trois jurons devant toi !

Sylvère releva les yeux vers elle et ouvrit la bouche, pour protester. Il ne trouva rien à dire. Il avait terriblement envie de savoir. Vraiment, vraiment envie. Qu'elle lui raconte tout et plus encore. Il aurait pu passer des heures à l'écouter évoquer sa visite à Monthoux. Il hésita à peine avant de répondre :

- D'accord. Vas-y, dis trois jurons. Mais juste trois ! Et tu n'en dis plus un seul ensuite ! Promets.

Il ne resta pas longtemps sur le sujet. Il ne s'assura même pas vraiment qu'elle ait promis ou non.

- Dis-moi comment c'est, chez elle. C'est joli ? Raconte-moi encore. S'il te plaît, s'il te plaît.

Il baissa de nouveau les yeux sur la lettre et le mouchoir. Il n'osait pas y croire. Il n'en revenait pas. Il avait la sensation de sentir sa présence, là, partout autour de lui. Comme si elle était un peu venue en même temps que Cassandre. C'était elle qui avait fait cela. Ça venait d'elle.

C'était merveilleux.

Soudain, sa joie le déborda et sans réfléchir, sans s'occuper de ce que disait Cassandre à cet instant-là, il l'attrapa et la souleva dans ses bras pour la serrer contre lui.

Tant pis si le soleil ne brillait pas dans le ciel, aujourd'hui. Il en avait trouvé un bien plus beau.

Finalement, ce n'était pas si drôle que ça de jouer avec l'attente des on grand frère. C'était même triste de le voir si impatient et désireux d'entendre sa visite au domaine de Monthoux. Cassandre cessa ainsi le jeu et sourit de voir Sylvère si heureux d'avoir des nouvelles de sa belle princesse. Il souriait de manière un peu bête à chacune de ses phrases mais il était trop mignon.

Lorsque Sylvère l'interrogea sur le mot khôl, Cassandre fut toute fière de pouvoir répondre.

"Khôl on écrit ça avec un K comme Kalisha, un H comme Hyriel, un O comme offrir et un L comme lapin. Ça permet de souligner le regard. on l'utilise autour des yeux et ça fait un contour noir.Kalisha m'a appris à écrire à écrire les mots colle, pour coller, et col, en m'expliquant que col pouvait désigner un col de chemise et un col de montagne. Tu sais, c'est quoi un col de montagne, toi ? C'est un passage entre deux montagnes. C'est très, très, très haut ! Beaucoup plus haut que le plus haut arbre de la forêt !"

Lorsque Cassandre lui transmit la lettre et le mouchoir offert par Kalisha, Sylvère eut cependant une réaction stupide à demander si c'était pour lui. Quel idiot ! Elle soupira et commenta d'un air blasé :

"Non, non, finalement, je crois que c'est pour Hyriel. Tu peux lui apporter ?"

Elle secoua la tête, affligée.

"Franchement, Ys, t'étais déjà un peu bête mais l'amour ça rend encore plus bête ! Franchement, pour quoi tu crois que Kalisha l'aurait fait, hein ?"

Puisvvint ce moment où elle chercha à l'agacer un peu en lui faisant ce petit chantage. Mais ce n'était pas drôle. pas drôle du tout. Il ne cherchait pas une seconde à négocier et acceptait les conditions tout de suite. Elle fit la moue.

"Pfff, c'est pas drôle si tu dis rien.. Et puis de toute façon, je t'avais juré que j'en dirais plus devant toi, t'as oublié ?"

Ainsi la fillette se mit à raconter en pouffant.

"En revenant en ville, j'ai aperçu des chardons et j'ai eu une idée. Alors j'ai pris et je me suis glissé jusqu'à la chambre du comte. Et là, j'en ai disposé quelques uns au bout de son lit. J'en connais un qui a dû avoir une sacrée surprise ce soir-là en se couchant ! Mais c'est bien fait ! Il a pas à toucher à al femme de mon grand frère, le bougre ! J'ai laissé les autres chardons à Kalisha pour qu'elle les utilise aussi..."

Cassandre ne mentionna pas en revanche que la belle princesse s'y refusait et continuait à croire que le devoir conjugal pourrait sauver son pays et son peuple. La nouvelle n'aurait fait que déprimer que Sylvère. Au contraire, elle ajouta :

"Comme ça, plus personne ne la touchera ! On dit merci à qui alors, Ys ?"

Par la suite, afin de répondre à ses nombreuses questions, Cassandre entreprit de décrire longuement la cour du château qu'elle avait traversé avant de pénétrer à l'intérieur. Elle fit de même pour les couloirs et les quelques riches pièces aperçues. Elle narra les ornementations luxueuses et superflues que disposaient la chambre du comte puis prit plus de temps pour détailler les appartements de Kalisha. Elle parle de ce grand lit confortable, de la coiffeuse et tout le maquillage puis de cette bibliothèque incroyable.

"J'avais jamais vu autant de livres ! C'était dingue !"

Cassandre se rappelait vraiment bien de son abécédaire. Cela le fit sourire. La leçon du jour n'en serait que plus simple. Il l'écouta expliquer puis énumérer les nouveaux mots qu'elle avait appris.

- Beaucoup plus haut que le plus haut arbre de la forêt ! s'exclama soudainement la fillette, en évoquant les montagnes.

- Peut-être, reconnut-il avec un sourire. Mais ce sera jamais aussi bien qu'un arbre.

Les arbres, c'étaient ce qu'il y avait de plus beau et de plus majestueux au monde. Les arbres étaient vivants, ils avaient des racines pour s'ancrer au sol et des branches pour monter vers la lumière du soleil. Les montagnes, ce n'étaient jamais que des cailloux. De très gros cailloux.

Mais il n'allait pas continuer ce débat, il était bien trop occupé à s'émerveiller sur la lettre et le mouchoir de Kalisha. Cassandre lui répondit alors avec son esprit pragmatique. D'un autre côté, elle n'avait pas tort : sa question était ridicule. Mais il n'avait pu s'en empêcher. Il les serra entre ses doigts. Non, il les garderait précieusement. Il les chérirait, pour le simple fait qu'ils viennent d'elle.

C'était ce qu'il se disait en acceptant le marché moyennement honnête de Cassandre. Trois jurons contre la petite histoire qu'elle allait lui dire. En tant normal, il aurait sûrement protester un peu mais aujourd'hui, il avait beaucoup trop envie d'en apprendre plus pour le faire. On verrait pour cette question de langage un autre jour. Pourtant... elle ne dit rien, bien que faisant une petite moue de déception. Sylvère ne répondit rien, sinon :

- Alors ? Dis-moi. Qu'est-ce que tu as fait ?

Alors Cassandre relata ses exploits en pouffant, très amusée. L'idée des chardons dans le lit du comte le fit rire. De très bon coeur. Il y avait quelque chose d'amusant à le penser se piquer les pieds. Et de terriblement plaisant.

Il se retint de justesse de penser que malgré les propos de Cassandre, ce gros porc restait bel et bien le mari de Kalisha – et cela avant lui. Ce qui, de fait, rendait ce Prosper de Monthoux légitime. Ce qui ne l'empêchait pas d'être dégoûté par la simple pensée de ce gros corps effleurant celui de sa délicate reine. Il serra les dents brièvement.

- On dit merci à qui alors, Ys ?

Ce fut à ce moment qu'il la souleva pour la prendre dans ses bras, pour lui dire :

- Merci, Cassandre. Merci, ma merveilleuse petite soeur.

Et il la remerciait davantage pour avoir fait la messagère et pour avoir réussi à lui rendre sa joie de vivre que pour les chardons. Même s'il appréciait le geste aussi.

Cassandre débuta alors les descriptions des lieux, et Sylvère la reposa par terre. Il  s'assit sur le sol et l'écouta parler, les yeux brillants de bonheur, comme si Cassandre était là en train de dispenser une sainte parole. Ce qui, du point de Sylvère, n'était pas si loin de la vérité que cela. Surtout quand vint la chambre de Kalisha.

Quand elle eut terminé, Sylvère sourit. Finalement, il baissa les yeux sur les cadeaux de Kalisha. Il suivit pensivement le K du bout du doigt. Puis, il prit la lettre pliée et la regarda. Avant de la déplier lentement, avec tout le respect qu'il possédait pour sa belle reine.

C'est au plus doux des brigands
Que je livre mon cœur
Sur un plateau d'argent
Comme rançon du bonheur.

C'est au plus beau des rois
Celui qui joue aux dames,
Et qui m'apporte la joie,
Que j'offre mon âme.

Enfin, à l'homme malicieux,
J'offre mes éclats de rire
Pour lui, ce trésor précieux,
qu'il saura, je le sais, chérir.

Et je vais arrêter là,
Car je n'ai guère votre talent,
Pour faire chanter les mots,
Aussi bien que vous, votre Majesté,

Sachez que juste,
Que je me languis de vous retrouver,
Vous, notre forêt,
Ainsi que nos humbles cloportes.

Votre bien aimée Reine

Sylvère avait à peine fini de lire qu'il reprenait du début pour recommencer. Elle avait la plus belle écriture du monde, avec tous ces pleins et ces déliés. Toutes ces courbes et ces jolies arabesques. Tous ces mots lui allaient droit au coeur. Il la relut une troisième fois et puis, soudain, se laissa tomber en arrière pour regarder le ciel, avec toujours son sourire idiot collé sur le visage :

- C'est bon, je suis mort. Je vois des anges partout.

Cassandre rit de la réponse de son grand frère.

"Kalisha a dit qu'elle aimerait voir les montagnes ! Et moi aussi je veux les voir ! Et elle a dit qu'on irait tous ensemble les voir ! Tu voudrais pas venir alors ? Tu préfèreras rester seul dans ta forêt ?"

Elle pouffa et attendit sa réaction.

Il ne s'attarda pas longtemps dessus et préféra revenir sur l'histoire. Sylvère aimait aima beaucoup l'histoire des chardons. Il en rit même. puis il al souleva de terre pour la remercier. Elle se sentit toute heureuse d'avoir pu lui avoir fait autant de plaisir. Elle répondit cependant espiègle :

"Tu es pas mauvais non plus comme grand frère !"

Et elle lui fit un bisou en même temps, au moment où il a redéposait au sol.

Après la longue description des lieux, Sylvère s'écarta pour lire la lettre de Kalisha. Par respect, la fillette s'éloigna. C'était quand même intime une relation dans un couple. Elle marcha quelques mètres puis s'accroupit pour répandre dans l'herbe des feuilles, de l'encre et une plume qu'elle avait apporté de la maison pour sa nouvelle leçon d'écriture. Afin de patienter le temps que le professeur amoureux se remette, Cassandre s'occupa en ânonnant des phrases qui lui passaient par la fête et en essayant de les écrire.

SILVÈRE EST AMOURE.
SILVÈRE EST UN BRIGAND.
SILVÈRE EME KALISHA.
SILVÈRE EST LE ROI DE LA FORET.
SILVÈRE EST LE DE CASSANDRE.

Cassandre cherchait d'autres phrases pour décrire son grande frère mais butait sans arrêt sur des mots trop compliqués. Ses oreilles ne parvenaient à reconnaitre les sons. La toute dernière, par exemple, qu'elle venait d'écrire la tracassaiT. elle aurait tant aimé pouvoir écrire grand frère.

Sylvère sourit. Bien sûr que non il ne resterait pas tout seul, s'il fallait aller voir les montagnes. Même si cela voulait dire rester loin de sa forêt pendant plusieurs semaines et la laisser sans surveillance... Sylvère se contentait de peu. Un pot de confiture dans un arbre suffisait à le rendre heureux. Par conséquent, pourquoi irait-il chercher le bonheur ailleurs quand il était bien ici ?

Ils ne s'attardèrent de toute manière pas sur ce point-là. Après tout, fallait-il encore que ce temps arrive. Profiter de l'instant présent était bien plus important. Surtout quand cet instant revenait à s'imaginer sa belle Kalisha chez elle.

Alors qu'il reposait Cassandre, celle-ci en profita pour lui faire un bisou et cela lui tira un sourire sincère. Il se redressa.

Par respect quand il se plongea dans la lecture de la lettre – dont les mots et les courbes repassaient encore et encore dans sa tête – Cassandre s'écarta quelque peu pour le laisser. Intention dont il la remercia, même si l'avoir juste à côté de lui ne l'aurait pas gêné. Il s'écoula plusieurs minutes où il resta allongé par terre, les yeux vers le ciel, à sourire comme un idiot.

Il entendait Cassandre marmonnait dans sa barbe quelques mots, sûrement plongée dans l'écriture de quelques phrases en l'attendant. Cette idée l'amusa. Il lui devait une nouvelle leçon d'écriture ! Alors il se redressa pour la rejoindre pour venir s'asseoir en face d'elle. Elle avait déjà écrit plusieurs lignes.

- Tu vois que tu as pas oublié la petite comptine.

Il n'en avait jamais douté, pour ainsi dire. Il lui sourit, prit une feuille qui attendait par terre et déclara :

- Avant que tu ne me sautes dessus pour me faire lire tes nouvelles phrases, je vais t'expliquer les sons particuliers de certaines lettres quand elles sont à la suite. Ce sera la leçon du jour.

Il se pencha aussitôt pour écrire :

“Ca” comme Cassandre
“Ch” comme Champignon

Il releva les yeux pour demander :

- Tu te rappelles de ces deux-là ? On les as déjà vus. Eh bien, il y en a d'autres.

Il se tut le temps d'écrire, ce qui lui prit quelques minutes. Quand il eut fini, il contempla son oeuvre, hocha la tête d'un air satisfait et se tourna vers Cassandre en retournant la feuille vers elle. Il se pencha par dessus pour déchiffrer à l'envers au fur et à mesure qu'il le lui disait, en même temps qu'il soulignait les sons concernés.

“CA” comme Cassandre
“CH” comme Champignon / “SH” Kalisha
“ON” comme Champignon
“OU” comme Jouer
“OI” comme Roi
“UN” comme Lundi / “UM” comme Parfum / “IN” comme Princesse
“EAU” comme Gâteau / “AU” comme Noyau
“AN” comme Cassandre / “EN” comme Ysengrin
“ET” comme Forêt / “ER” comme Jouer
“AI” comme Semaine / “EI” comme Reine
“EIN” comme Chien / “AIN” comme Pain
“GN” comme Champignon
“GU” comme Blague
“PH” comme Phrase
“EU” comme Soeur
“SS” Cassandre
“QU” comme Question

La lecture terminée, il lui laissa quelques secondes pour observer les différents.

- Bon alors. C'est beaucoup, conclut-il finalement. C'est vrai. Mais il y en a qui sont plus important que d'autres. Par exemple, le “sh” de Kalisha ou le “ph” de phrase, ce sont sont des sons rares alors tu peux les oublier pour le moment. Je dirais que si tu dois en retenir cinq en priorité, ce serait “eau”, “on”, “ou”, “ch” et “un”... – il fit un trait devant chacun d'entre eux – tu penses que les choses iront comme cela ? Tu as des questions ?

Il la laissa l'interroger, puis reprit ensuite avec un sourire :

- Après, nous nous occuperons de corriger ces phrases.

Alors que Cassandre se concentrait sur l’écriture de ces phrases qui lui venaient par la tête, Sylvère revint enfin vers elle. Il avait enfin de rêvasser celui-là ! C'était pas trop tôt ! Il ne lui en fit toutefois aucune remarque et sourit alors qu'il s’installait près d'elle. Elle l'observa, anxieuse, se pencher et examinait ses essais. Son cœur tambourinait fort. Il était satisfait. Ouf ! Il retourna ensuite la feuille et commença à écrire d'autres mots en soulignant les mots. La fillette fronça les sourcils. C'était encore bien compliqué ! Son regard s'illumina alors en apercevant le mot gâteau.

"Oh, je le sais celui-là ! Hier, j'avais essayé d'écrire le mot berceau mais je me suis trompée. Dame Irène 'a corrigé et m'a expliqué. Alors gâteau, berceau... ils finissent par eau ! Un tonneau aussi ! Et euh... Cadeau ! Et cadeau, on l'écrit avec al lettre C, hein ? Kalisha m'a dit que même si les sons au début de Cassandre ou Kalisha étaient pareils, eh bien, il y avait peu de mots qui commencent avec un K. Que les K c'était que des mots étrangers. Comme pour khôl !"

Elle observa à nouveau la liste et observa le mot noyau. Elle se mit à le répéter plusieurs puis fit de même pour gâteau.

"Noyaaauuu.. noyaaauuu.... Noyaaaauuu.... Gâteauuuu... gâteauuu.. Ah oui ! Ça fait pas le même son ! Noyau, tonneau, non, tombereau, non plus, boyau... Ah oui, y a le bon son là aussi, non ?"

Cassandre fixa la liste puis s'arrêta sur le mot forêt.

"Je le connais aussi celui-là. Dame Irène l'a corrigé. Mais comment on peut savoir qu'à la fin d'un mot y a un T ? On n'entend rien ! Et puis comme jouer... y a plein de mots comme ça, s'amuser, payer, compter, manger.... Dès fois, ça s'écrit avec un R des fois juste le son é. comment on peut savoir ?"

Elle remarqua ensuite le tout dernier mot de la liste.

"Celui-là, il est facile ! On l'entend bien ! Question : Quête ! Quérir ! Quoi ! Trop facile celui-là !"

Cassandre rit, satisfaite de comprendre un élément sans avoir eu trop besoin de faire d'efforts. Elle rebondit sur le sons ph que Sylvère mentionnait et disait rare. Elle fixa le mot phrase et songea que le son lui rappellerait quelque chose.

"Phrase... Phrase.... J'ai entendu un autre mot qui commençait comme ça au Lupanar... Ça ressemblait aussi au mot phare. C'était un nom. J'avais dit en la voyant la première fois qu'elle devait être brillante ! Car son nom me faisait penser au mot phare ! Elle s’appelait Phaïde. Phaide.. ca s'écrit comme ça alors ? ou je me trompe ?"

Sylvère laissa Cassandre regarda la liste. Sa réaction ne se fit attendre. Son regard s'illumina au fur et à mesure qu'elle reconnaissait certains mots. Il hocha la tête avec un grand sourire alors qu'elle énumérait les mots qui finissait pas “eau”. Quant à Cadeau, c'était effectivement un C qui débutait le mot.

Ensuite, elle s'attaqua au mot qui comportait le son “au” avec le même enthousiasme. Elle décortiquait les mots un par un, pour essayer de différencier les différents sons qui en découlait. Sylvère l'écoutait sans intervenir. Elle se débrouillait merveilleusement bien.

Cassandre revint sur la liste, pour lire la suite. Elle posa alors ses questions. Qui, soit dit en passant, prouvaient sa curiosité certaine et son intérêt pour la lecture.

- Mais comment on peut savoir qu'à la fin d'un mot, il y a un T ?

Sylvère haussa des épaules en souriant :

- A force de lire le mot, on le retient.

Pour la suite de la question, la réponse était déjà plus évidente à donner. Et il ne tarda pas à le faire :

- Les E-R qui se transforment en É, c'est ce qu'on appelle, jeune fille, la conjugaison. Encore quelque chose qui sert à embêter les petites filles qui apprennent à lire, tu verras ! Pour le moment, on ne va pas trop s'en occuper, chaque chose en son temps.

Il lui tapota le bout du nez avec un air joueur, tandis qu'elle terminait la liste et qu'il rajoutait lui-même “Phaïdée” comme elle le lui demandait à côté du PH.

- Je suis content si cela te paraît simple ! On pourra passer plus vite à la suite !

Sur ce, il attrapa les phrases qu'avait écrit Cassandre pour les lire et pouvoir les corriger. La première le fit sourire et, tout naturellement, ses pensées rejoignirent une jolie reine qui attendait quelque part dans un joli château. Mais il se reconcentra bien vite sur sa tâche présente.

- Première remarque. Sylvère avec un Y, tu te rappelles ? Allez, vas-y, mais un Y à la place des I.

Il la laissa faire, puis pointa le doigt la première phrase.

SYLVÈRE EST AMOURE.

- Amoureux, tu vois, là. Eh bien, c'est le son “eu”, comme dans soeur. Et à la fin, on met un X parce que pour une fille, on dit “Amoureuse”, et quand c'est comme ça, il y a toujours E-U-X au masculin. Tu comprends ?

Vint le temps de la seconde, qu'il pointa du doigt aussi.

SYLVÈRE EST UN BRIGAND.

- Rien à dire. Celle-ci est parfaite.

Son doigt descendit encore d'une ligne.

SYLVÈRE EME KALISHA.

Cela tira un nouveau sourire à Sylvère. Un sourire plus pensif pendant quelques instants avant qu'il secoue la tête pour se concentrer de nouveau. Il sentait presque le regard blasé de Cassandre sur lui.

- Alors... Aimer. On écrit : A-I-M-E-R. Quand il est conjugué, comme là, c'est juste A-I-M-E. Aime.

Il la laissa corriger elle-même, puis progressa. La suivante était parfaite, elle aussi, alors il passa directement à la dernière.

SYLVÈRE EST LE __ DE CASSANDRE.

- Qu'est-ce que tu voulais écrire, alors, petite princesse ?.

Tout en réfléchissant aux mots qu'elle proposait, Cassandre guettait les réactions de son grand frère et était soulagée quand elle le voyait approuver silencieusement ses raisonnements. Elle ne se trompait pas. Il lui répondit ensuite pour sa question sur al fin du mot forêt elle fit la grimace.

"C'est long d’attendre qu'on se souvienne de tous les mots..."

Sylvère expliquait à présent la différence entre les sons é et er. il nommait cela conjugaison mais ne voulait pas détailler davantage. Elle fronça les sourcils.

"Pourquoi pas maintenant ? C'est trop compliqué ?"

Peu après sa question, Cassandre l'observa rajouta un nom. Elle lut le nom : Phaïde.

"Alors, c'est comme ça que ça s'écrit ce nom..."

Sylvère examina ensuite ses phrases et Cassandre rougit de mal avoir écrit son nom.

Pardon...."

Rapidement, elle s'employa à corriger le nom de son grand frère. Sylvère corrigea le dernier mot de sa première phrase. Elle fronça encore les sourcils.

"Pourquoi amour, ça s'écrit pareil au masculin et au pluriel ? C'est parce que vous les garçons, vous êtes plusieurs dans votre tête ? Alors que nous les filles, comme on est censées, intelligentes, calmes, on reste toujours une seule personne ! C'est ça ?"

Cassandre sourit, satisfaite, d'entendre que sa seconde phrase était parfaite puis grimaça à la suivante.

"Alors... Il faut utiliser al conjugaison pour ce mot, là, c'est ça ?"

Il s'arrêta pour al dernière phrase et elle baissa le regard.

"Je voulais écrire garnd frère. Mais je reconnais pas les sons. Ils sont trop durs ces mots-là !"

Sylvère sourit quand Cassandre fit la moue. Apprendre à lire, c'était long, oui, mais pas tant que cela en y réfléchissant bien !

- Et pourtant, regarde, tu en reconnais déjà plein !

Mais de là à aller l'embrouiller avec les terminaisons des conjugaisons... Il y avait encore un pas. Même si elle semblait intriguée et qu'elle demandait à en savoir plus. Il explique alors rapidement, pour satisfaire sa curiosité :

- Tu as déjà entendu parler des classes grammaticales des mots ? C'est leur nature, tu vois ? Toi, par exemple, tu es une fille. C'est ton identité. Eh bien, les mots, ils ont une identité aussi. Il y a les adjectifs, les noms, … et parmi eux, il y a les verbes. Ces mots-là, ils servent à décrire les actions ou les états. Tu me suis ?

Il attendit confirmation puis continua :

- Ce sont ces mots-là, les verbes, qui se conjuguent. En fonction de qui fait l'action. Par exemple, le verbe “aimer“, dont on parlait tout à l'heure, tu te souviens ? Sylvère aime Kalisha... – il désigna la phrase en question – Aime s'écrit ainsi. Mais si tu avais dit plutôt : Sylvère et Kalisha s'aiment, eh bien, tu vois, il y a des lettres supplémentaires. Parce que ce n'est plus que moi qui aime, tu comprends ?

Et pour illustrer ses propos, il avait rajouté, juste dessous, cette nouvelle phrase. Il rit de bon coeur à l'explication qu'elle trouva pour justifier le X à la fin de certains mots masculins. Il finit par conclure par un sourire amusé :

- Quelque chose comme ça !

Et il lui tira la langue et continua la correction. Jusqu'à la dernière phrase. Elle baissa le regard et Sylvère ébourriffa ses cheveux :

- Eh, c'est pas grave de pas savoir tout écrire ! Et puis, tu vas voir, ils ne sont pas si durs que cela. Regarde, on va prendre GRAND en premier. Reprends la liste des sons.

Il la laissa faire, et quand elle eut terminé, il décomposa les syllabes :

- Grrr-and... Tu entends ? C'est un G et un … ? – quand elle eut trouvé les sons concernés, il enchaîna : Et puis, Grand pour une fille, on dit granDE. Alors, quelle lettre on rajoute, à la fin de grand, à ton avis ?

Une fois les lettres tracées dans l'espace laissé vide, il s'attaqua au second mot. Frère, et il procéda de la même manière.

- Frère, c'est encore plus facile. Écoute : fff-rr-è-re. Tu entends les lettres ? Il n'y a pas de piège, promis.

Cassandre baissa la tête et contempla la liste de mots que Sylvère avait écrit pour lui apprendre de nouveaux sons. Elle connaissait quelques mots, oui amis pas assez à son goût. Pas assez pour lire seule le beau livre que sa grande sœur lui avait offerte. Pour le moment, l'ouvrage restait dans un commode de la chambre de chez Dame Irène, dans son espace, à elle. La fillette ne l'avait plus touché depuis son retour. Quand pourrait-elle le reprendre et le consulter sans être gênée ? Elle était certaine que ça allait long. Très long.

L'enfant écouta avec sérieux les explications sur la grammaire et chercha à bien les comprendre pour les retenir. Les verbes, c'étaient ces mots qui changeaient de formes.

"Alors, les verbes, dis, c'est comme les chenilles qui deviennent un jour des papillons ? Dès fois, ils se transforment aux aussi !"

Son regard observa la nouvelle phrase que Sylvère écrivait.

"Sylvère et Kalisha s'aiment... Alors aimer ça s'écrit comme ça quand le verbe aimer il se transforme au pluriel ? "

La correction de ses phrases se poursuivit et son grand frère lu caressa gentiment les cheveux pour lui assurer que ce n'était pas grave de ne pas avoir su. elle resta concentrée et l'écouta expliquer comment écrire les mots qui lui manquaient. Ses oreilles se focalisa longtemps sur les sons entendus et elle finit par réussir à bien les identifier. Cassandre reprit la plume et écrivit lentement.


Avant qu'il ne lise le message, Cassandre se redressa et lui fit un bisou qui claqua fort sur as joue.

"Dis, Ys, tu peux me montrer d'autres mots qu'on utilise régulièrement ? Comme les noms des bâtiments ! Ou les jours de la semaine ou ceux des mois !"

Cassandre écoutait avec grande attention ses explications sur les verbes. Sa conclusion sur la transformation des terminaisons le fit sourire.

- Oui, c'est un peu pareil, tu as raison. Imagine que le verbe est une chenille. Une chenille qui peut se transformer en beaucoup de papillons différents.

Il hocha la tête pour confirmer ses propos. Elle comprenait vite les tenants et les aboutissants. Il ne faisait pas de doutes pour dire qu'elle saurait lire plus vite qu'elle ne le pensait elle-même. Les apprentissages précédents qui lui avaient semblé inutiles ne l'avaient pas tant été que cela. Sinon, les choses auraient été bien plus compliquées à appréhender pour elle.

A sa demande, il lui décortiqua les sons qui formaient les mots Grand et Frère et au bout de quelques fois à les répéter, elle finit par reprendre la plus pour écrire. Il n'eut même pas le temps de lire la phrase, elle s'était déjà redressée pour claquer un bisou sur sa joue. Il eut un sourire malicieux, quoiqu'un peu surpris, et demanda :

- Et que me vaut ce soudain bisou, petite princesse des bois ?

Finalement, elle le laissa lire. Les mots le firent sourire. Il n'y avait pas de nouvelles erreurs à signaler.

- Et toi, tu es une bonne petite soeur aussi !

Il s'agit ensuite de lui enseigner de nouveaux mots. Ceux qu'on utilisait régulièrement. Il reprit la plume, et écrivit en même temps qu'il lisait :

Lundi
Mardi
Mercredi
Jeudi
Vendredi
Samedi
Dimanche
~
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre

Il se retourna vers elle.

- Tu vois, les jours de la semaine, c'est pas très compliqué, ce sont des mots faciles. Tu les relis une fois pour retenir ?

Cassandre sourit en entendant que Sylvère approuvait sa comparaison sur les terminaisons des verbes qui étaient comme des chenilles. Des chenilles qui se transformaient en plein de formes différentes, comme les papillons qui n'étaient jamais les mêmes. Elle se rémora un instant un souvenir avec son père qui lui montait la transformation d'une chenille collée contre le muret de leur ferme et son regard émerveillé d'apercevoir la jolie créature avoir soudain des ailes colorées.

"Ils sont jolis, les papillons, non ? Ils ont tous des couleurs différentes ! Avec papa, quand je venais l'aider à travailler dans la vigne, il s'arrêtait pour me montrer un papillon quand il en voyait un !"

Son cœur se serra à l'évocation de son père qui croupissait désormais dans une prison pour dettes. Elle baissa la tête d'un air sombre.

"Papa..."

Alors qu'elle se perdait dans les méandres de ses souvenirs qui la ramenait au quotidien paisible de la ferme, Sylvère lui ébouriffa les cheveux et lui dit qu'elle était une bonne petite sœur. Elle releva la tête sourit.

"C'est parce que t'es le plus gentil des grands frères !"

Sylvère reprit la plume pour lui apprendre les mots qu'elle avait réclamé. Cassandre les lut avec attention, concentrée, et songea qu'ils n'étaient effectivement pas si difficile que cela. Elle s'empara de la plume et fixa le mot jeudi puis celui de novembre pour essayer d'écrire la date d’aujourd’hui."


Amusée par la facilité de l'exercice, Cassandre continue avec toute la semaine.


L’exercice devenait cependant trop répétitif pour que cela l'amuse plus longtemps. Cassandre eut une autre idée. Et si elle essayait d'écrire sa date de naissance ? Une phrase lui venait à l'esprit mais elle n'était pas sûre de l'écriture du verbe.

"Cassandre est née... Née, c'est un verbe. Il est conjugué ?  Née... Cassandre est née. Le papillon, c'est le verbe. Cassandre, c'est la chenille. La chenille, elle, c'est une fille, c'est féminin. Alors le papillon, il doit être féminin aussi. Donc... Donc..."

Lentement, très incertaine, elle traça les lettres de sa phrase.


Elle observa, anxieuse, son grand frère. Et si elle s'était trompée dans le raisonnement ?

Cassandre sourit. Il sentait, à sa manière dont elle s'exprimait pour parler des papillons, que c'était là un sujet qui lui rappelait des souvenirs. Des souvenirs heureux. Il hocha la tête. Il fallait se souvenir des bons moments, et mettre de côté les plus mauvais. Mais malheureusement, les souvenirs en amenaient d'autres et Cassandre finit par baisser la tête. Alors Sylvère répondit pour la ramener dans le présent :

- Les papillons sont très jolis, tu as raison ! Tu verras, ici, quand la belle saison revient, il y en a beaucoup ! Tu pourras en voir plein si tu as envie !

La forêt durant l'automne et l'hiver était un bel endroit et le gel des nuits plus froides lui donnait un certain charme. Mais quand les fleurs se mettaient à bourgeonner, que la chaleur revenaient lentement, que les arbres se recouvraient de feuilles bien vertes, que les oisillons se mettaient à pialler du haut des nids, et que papillons et autres insectes voletaient entre les arbres... là, c'était vraiment magnifique. C'était comme cela qu'il aimait la forêt par dessus tout. Au printemps, les bois reprenaient vie. C'était un cercle perpétuel et merveilleux. Il suffisait de voir le soleil dans le ciel et un papillon déposé sur une fleur pour comprendre que le bonheur ne tenait, en fin de compte, pas à grand chose.

- Et puis... il y a aussi les oiseaux qui font leurs nids, les fleurs qui s'ouvrent ! Le printemps, c'est la plus belle de toutes les saisons, Cassy.

Cassandre était une petite soeur merveilleuse, et c'était avant tout pour cela que la voir triste ainsi lui fendait le coeur. Il réussit enfin à lui tirer un sourire comme elle relevait la tête, pour s'exclamer :

- C'est parce que t'es le plus gentil des grands frères !

- Alors je ne suis plus un idiot ? demanda-t-il avec un sourire amusé, parce qu'il savait pertinemment ce qu'elle allait répondre.

Une fois que les jours et mois furent écrit, Cassandre prit la plume et écrivit la date du jour. Avant de poursuivre sur toute la semaine. Pour finalement faire une pause et passer à autre chose, certainement lassée par cet exercice pour le moins répétitif.

Comme elle réfléchissait à une nouvelle phrase à écrire, il l'écouta raisonner, et il n'avait rien à dire. Sinon de nouveau hocher la tête pour confirmer ce qu'elle avançait de manière fort juste. Finalement, bien qu'incertaine, elle se pencha pour inscrire les mots. Avant de relever des yeux inquiets vers lui.

Il sourit et remarqua :

- Fais-toi confiance, Cassy. C'est parfait. Un sans faute, petite championne !

Cassandre tournait la tête et observait tous ces arbres dépourvus de feuillages en cette période de l'année. L'hiver s'annonçait et les animaux se retiraient. Depuis sa dernière visite, elle n'entendait plus les oiseaux. Elle écoutait Sylvère lui décrire les lieux au printemps et essayait de les imaginer. Comme il lui tardait de lui de découvrir tout ça de ses propres yeux. Néanmoins, malgré elle, elle ne put s'empêcher d'être un peu chauvine. Elle gonfla les joues et prit un ton d'importance :

"La forêt, c'est joli, oui, mais quand même rien ne vaut le spectacle de l'éclosion des vignes."

A la mention du printemps, Cassandre se rappela d'une chose.

"Dis, Ys, le printemps.... c'est aussi la saison des amours, non ? Alors... Alors, Kalisha et toi, c'est à ce moment que vous allez faire votre premier enfant ? Diiiis, en plus d'être sa tante, je pourrais être la marraine ?"

Sylvère se moquait soudain d'elle en demandant s'il n'était plus un idiot. Elle lui tira langue.

"Bien sûr que si ! On peut être gentil et idiot. Et puis, tu es le roi de la forêt et tous les rois, ils sont des idiots !"

Sur cette conclusion, elle éclata d'un rire triomphal.

Néanmoins, Cassandre retrouva ensuite son appréhension en soumettant son taravil à Sylvère. Elle sourit en l'entendant valider sa phrase.

"Oooooh ! Merci ! Je suis contente !"

Elle se souvint alors d'une chose discutée la dernière fois.

"Eh ! Je devais faire comme devoir d'apprendre l'abécédaire ! Et toi, ! Tu les a fait tes devoirs au moins ? Si tu les as pas fait, pas de gâteau !"

La forêt était jolie.

C'était ce que Cassandre disait, avec cet air important qui l'amusait. Pourtant, jolie... c'était un bien petit mot pour décrire ce qu'il se passait ici, bien à l'abri des yeux humains et de leurs conventions ridicules.

C'était merveilleux.
Magnifique.
Fabuleux.

A ses yeux, rien ne pourrait jamais égaler la beauté des tapis des fleurs, de la mousse sur les arbres ou des insectes qui vivaient là bien avant lui. Mais il n'insista pas. Il n'avait jamais réellement vu de vignes, après tout.

Et puis... même s'il avait voulu répondre, il n'aurait pas pu. Le printemps était la saison des amours, oui. Il avait hoché la tête à sa question, pour le confirmer. Il se demandait bien pourtant elle voulait savoir une telle chose et allait le demander quand... la réponse tomba.

Il aurait dû s'en douter.
Pourtant non. Il ne l'avait pas vu venir.

Il se râcla la gorge, terriblement gêné, en cherchant que répondre. Se rendait-elle compte à quel point ce genre de questions ne se posait pas ? Encore moins de cette manière-là ?

- Hum. Je ne sais pas, Cassandre. Ça... dépendra... de beaucoup de choses ?

Des choses qu'ils ne maîtrisaient pour ainsi dire pas exactement. Il hésita encore, se râcla la gorge pour la seconde fois et ajouta avec un sourire un peu timide :

- Et, euh, la marraine, euh. Je suppose que oui.

Il secoua la tête et espéra qu'elle laisse ce sujet fort embarassant de côté. Il nourrissait pourtant quelques doutes sur les capacités de discrétion de Cassandre. Il avait au moins la consolation de se dire qu'il était toujours un idiot. Maigre consolation, il fallait l'admettre. Et tandis que Cassandre riait, très fière de sa réplique, lui tâchait de se remettre de sa gêne.

Le sujet des devoirs eut l'intérêt de l'en sortir définitivement. Il eut un immense sourire :

- Bien sûr que j'ai fait mes devoirs ! Pour qui tu me prends ?

Aussitôt, il sortit deux feuilles pliées de sa poche de manteau avec un air victorieux. Il ajouta, sans les déplier pour le moment :

- Celui-là est pour Kalisha. Et celui-ci, pour toi.

Une pause.

- Alors ? Mademoiselle la princesse estime que je peux avoir un gâteau ?