[26 décembre 1597] La bibliothèque

La marquise héritière se dirigeait avec une domestique vers la bibliothèque de la capitale.
Même si elle était capable de relire et d'encore relire ses ouvrages préférés, Leyria finissait par avoir envie de dévorer de nouvelles oeuvres. Et bien sûr la bibliothèque de Braktenn était le lieu parfait où elle pourrait trouver quelque chose qui la satisferait. Elle ordonna à son "accompagnatrice" de rester à l'extérieur, au moins avec un ordre on pouvait plus facilement éviter de devoir expliquer le pourquoi. La raison ? La marquise détestait d'être suivi et plus lorsqu'elle allait dans un milieu comme celui de la bibliothèque. Elle tenait à ce qu'on respecte ces moments calmes où son esprit pouvait être ailleurs. De plus, ils n'allaient pas commencer à surveiller ce qu'elle lisait ! Et puis quoi encore !

Elle poussa la porte du bâtiment, et observa avec des yeux éclatants la grande salle. Ce n'était certes la première fois qu'elle venait ici mais elle était toujours aussi ébahie par la beauté de l'endroit. La jeune femme se perdit pas de temps et commença à regarder les files d'étagères remplies de livres aussi passionnants les uns des autres. Mais elle avait une présence dans toute cette collection : les récits de guerre. Lors de ces journées où le froid hivernal et la neige l'empêchaient de sortir s'entraîner à l'escrime dans la cour du jardin ou d'aller galoper avec sa jument dans les alentours du domaine, elle adorait passer ce temps à la lecture sur les plus grandes batailles de Monbrina.

Après une petite marche dans ces immenses rangées, elle trouva enfin quelque chose qui pourrait faire son bonheur. Ce quelque chose qui était situé sur la sixième étagère de la file... C'était bien trop haut pour elle. Pour n'importe qui, d'ailleurs... Elle jeta un coup d'oeil aux alentours et repéra une échelle à disposition. Sans hésiter de quoi ce soit, elle se dirigea vers l'objet et la prit pour enfin la caler correctement sur l'étagère. Elle souleva d'une main sa robe et monta l'échelle avec l'aide de l'autre. Arrivé en haut, Leyria chercha du regard le fameux ouvrage puis le trouva une seconde fois...mais à un peu moins d'un mètre d'elle. La jeune femme soupira et sur le coup, elle ne voulut pas redescendre toute l'échelle pour seulement la déplacer de quelques pas sur le côté. Alors, elle décida plutôt de braver un peu le danger, en tendant la main et son corps, essayant de récupérer le précieux.

Après deux longues journées passionnantes à étudier les meilleurs ouvrages de tous ceux réunis au sein du domaine des Fromart, à savoir ceux qui avaient normalement leur place près du bureau du maitre, Alexandre s'était décidé aujourd'hui à se rendre à la grande bibliothèque située en ville pour vérifier quelques informations qui lui étaient revenues au fil de ses lectures. Toujours recouper ses sources, vérifier plusieurs fois une même idée, afin de pouvoir interpréter le mieux possible une situation.

Devant le bâtiment, Alexandre attacha sa mule à un anneau prévu à cet effet, non loi, d'une belle jument. Elle lui rappela un bref instant Courage, puis il secoua la tête. La monture de son amant était bien plus belle. Il reprit ses béquilles et s'avança pour approcher des portes. Un sentiment d'appréhension le saisit au moment de poser la main sur la poignée. Et si un de ces puissants érudits le reconnaissait et lui interdisait l'accès à ces lieux de la connaissance ? Son visage rougit, consumé par la honte, en se rappelant de sa pitoyable tentative pour s'introduire dans la réserve interdite dans cette bête lubie de découvrir un livre mis à l'index. Il gonfla la poitrine pour rassembler son courage. Le temps avait coulé. Il n'était plus ce petit garçon qui ne savait rien. A nouveau sûr de lui, Alexandre ouvrit enfin la porte.

Dès son entrée, Alexandre sourit, apaisé par la tranquillité de ces vastes lieux qui lui avaient toujours apporté la paix. Il passa devant le comptoir, où personne ne sembla le remarquer, et se dirigea vers les rayonnages consacrés aux ouvrages historiques. Habitué aux classements livresque, le jeune homme dénicha sans mal des livres qui évoquaient le cas anglais. Seraient-ils aussi fournis que ceux lus hier à Fromart ? Il découvrirait leur vérité en les consultant.

Plaçant les livres dans le sac que l'esclave portait sur son épaule, il s'apprêta à rejoindre une table de lecture lorsque son regard aperçut en passant une jeune femme perchée sur une échelle. Au début, cela ne l'étonnait. Elle était parfaitement libre de chercher par ses propres moyens le li livre qu'elle cherchait. Puis, il aperçut celle-ci se mettre dans une position un peu dangereuse au lieu de permettre à l'échelle de glisser pour avancer vers l'ouvrage voulu.

"Madame !"

Alexandre la rejoignit d'un pas lent, veillant à ne pas accélérer pour épargner ses jambes fragiles.

"Ces singeries n'ont guère d'utilité, savez-vous ? A moins de souhaiter me ressembler, ou pire, finir dans un fauteuil roulant ? Croyez-moi, la vie d'un infirme n'a rien d'enviable."

Elle y était presque... Elle tendit un peu plus le bras. Encore quelques centimètres et...
La voix d'un jeune homme l'interpella. Sur le coup de la surprise, Leyria se replaça instinctivement droite sur l'échelle tenant fermement à deux mains les barreaux avec de celle-ci. Puis, un léger sentiment de colère qui avait pour source son impulsivité fit apparition. Elle tourna la tête avec un air assez méchant vers la voix en question qui avait failli la faire tomber de six étagères. Mais son irritation retomba bien rapidement quand elle entendit la suite des paroles de son interlocuteur en béquille qui lui souhaitait en aucun cas le même sort... Ce fut alors au tour d'une horrible honte qui vint agiter les pensées de la jeune femme.

Rapidement, elle fit glisser l'échelle sur le côté, prit ce qu'elle voulait et elle descendu, livre à la main. Une noble aurait pu ressentir sa fierté attaqué et aurait été sûrement capable de renvoyer sans façon boulet l'handicapé se permettant de le faire la morale. Alors qu'on savait tous qu'un noble n'avait ja-mais tord. Bienvenue dans le merveilleux des nobles à l'égo surdimensionné... Cependant, Leyria était complètement différente et justement se sentit très gênée de la situation.

- Je... Pardonnez-moi... Je vous remercie de m'avoir prévenu...

Pourquoi était-il venu de lui-même la prévenir ? Il aurait aussi pu passer son chemin et n'y pas faire attention. Dans tous les cas, elle voulait faire quelque chose pour lui en retour, elle lui en devait bien une. Alors elle finit par lui sourire timidement et tourna ensuite son regard vers les étagères de la bibliothèque.

- Vous voulez que j'aille vous chercher un ouvrage en particulier en haut ?

La posture agressive que la jeune femme prit en se retournant ne troubla pas Alexandre le moins du monde. Il s'était habitué de longue aux traitements hautains et au mépris de certaines personnes grâce à son infirmité. Les imbéciles couraient bon dans les rues et se reproduisaient même. Il conserva à la fois une attitude d'humilité, propre à sa condition servile, mais sans se départir complètement de son air de jugement. Son interlocutrice abandonna ses grands airs en le découvrant. Alexandre s'apaisa et lui adressa un sourire serein.

"Il n'y a aucun mal, madame, à se montrer parfois imprudent. C'est malheureusement le lot commun de la jeunesse de réaliser des sottises, quitte à connaître en contrepartie de terribles revers."

Il était bien placé", en cet endroit qui plus est, pour évoquer un tel sujet. Alexandre éprouva une forte gêné au souvenir d'avoir visité la réserve des ouvrages mis à l'index, influencé par cette maudite sorcière. La première décisions d'une série désastreuse qui avait abouti à son asservissement. Mais cela avait été-il si défavorable ? Grâce à cela, il s'était libéré de l'emprise de son père adoptif et connu Alduis, puis son maître actuel. Un léger sourire flottait sur son visage. Finalement, malgré les incidents, le destin trouvait toujours moyen de se rééquilibrer. Il convenait d'être patient et de subir avec sagesse et humilité les épreuves.

La jeune femme semblait mal à l'aise de son avertissement, réellement gêné. Elle lui proposait de l'aide pour chercher ses ouvrages. Il secoua la tête et indiqua du bras le sac en cuir sur ses épaules.

"Malheureusement, je me suis déjà servi seul. Mais si vous avez fini, nous pouvons passer en salle de lecture et discuter quelques instants ensemble. Je serai curieux de connaître vos centres d'intérêts. "

Leyria essaya de contenir sa gêne. Elle était une marquise héritière. Un peu de dignité, zut ! Heureusement que l'homme l'aida à sortir de cette situation qui lui était pesante et ses paroles lui redonnèrent confiance. Elle retrouva donc le sourire. C'étaient bien l'une des seules nobles à se sentirent ainsi devant un infirme...

Puis il lui proposa de le suivre jusqu'à la salle de lecture afin de discuter.
En temps normal, elle aurait rejeté la proposition, un peu suspicieuse qu'un inconnu lui demande à peine deux trois paroles échangés, de le suivre. Elle avait parfois cette manie de suspecté les inconnus, mais heureusement pour elle et les autres que cette caractéristique n'était pas maladive. Mais, la personne devant elle lui donnait confiance, alors elle n'hésita pas. ( De plus, ce n'était pas un jeune homme en béquille et un sac en cuir sur le dos qui va pouvoir lui faire du mal... ). Elle accepta volontiers en lui désignant l'ouvrage qu'elle avait dans les mains.

- J'ai bien ce que je cherchais. Même si j'aurais dû en effet le récupérer autrement, plus tôt... - elle hocha une fois de la tête en signe d'approbation - Je vous suis.

Bon... Ce n'était pas tout mais il y avait en ce moment, une pauvre domestique qui attendait patiemment le retour de la marquise héritière devant la porte de la bibliothèque. Pourtant, Leyria ne pensa guère à ce détail. Elle lui avait dit d'attendre mais elle n'avait pas préciser le temps d'attente...

- Commençons d'abord par nous présenter. Ce serait la moindre des choses vous ne trouvez pas ? Pour ma part, je me nomme Leyria de Phietom.

Alexandre préféra laisser se dissiper la gêne que devait ressentir la jeune femme de s'être faite réprimander par un esclave. Certes, il avait été poli et bienveillant mais cela n'effaçait pas l'humiliation de se retrouver surpris en flagrant délit d'imprudence. Le jeune homme choisit d'ouvrir en silence la marche vers la salle de lecture. Du reste, avec sa lenteur due à ses béquilles elle le rattraperait bien vite. Elle se trouvait d'ailleurs dans ses talons et tenait à se présent. Il l'entendit et s'inclina poliment pour la saluer respectueusement.

"Je suis enchanté de faire votre connaissance, madame. Mo nom est Alexandre. Simplement Alexandre. Phietom ? Seriez-vous cette fameuse héritière qui héritera du domaine de Phietom au décès du marquis ?"

Il compatissait intérieurement pour cette jeune femme qui devait répondre aux exigences d'un père sans le moindre doute soucieux de son rang et de sa réputation. Son existence devait être rigide et inspectée dans le moindre recoin pour être le plus convenable. Il songea à sa propre enfance, soumise aux désirs de son père adoptif, puis à son amant Alduis qui souffrait de ne pas réussir à attirer la reconnaissance de son père. Etre un enfant unique, homme ou femme, était un fardeau. Les familles devraient toujours penser à avoir deux ou trois enfants afin de limiter la pression sur les héritiers. Il serait aussi intéressante de supprimer ce droit d'ainesse qui faussait les règles du jeu et accordait un statut à un fils qui ne le méritait peut-être pas. Alexandre se nota cette réflexion et l'étudierait plus tard. Il en discuterait éventuellement avec son maître. Ce pourrait être là aussi un projet de réforme intéressante pour une évolution favorable de l'empire.

Néanmoins, les idées politiques ne pouvaient interférer dans une conversation ordinaire. Il choisit de faire appel à des informations entendues sur al jeune femme pour poursuivre.

"J'ai entendu dire que vous rêviez d'être chevalier. Oh, je vous comprends! Depuis toujours, les récits me fascinent pareillement et j'aimais jouer autrefois au chevalier dans ma chambre. Je m'amusais alors à ramper sous mon lit en m'imaginant que je me trouvais dans une grotte, sur al route d'une quelconque quête."

les récits de son amant ou de Eldred de leurs expériences au front lui revinrent en mémoire. Il secoua nerveusement la tête.

"Mais tout ceci n'est pour ma part que des rêveries d'enfant. Depuis, j'ai conscience que si je me trouvais confronté aux batailles décrites dans les livres, je crois que je vomirais mes tripes."

Il n'en était pas sûe : il le savait. Dissimulant sa honte derrière un visage avenant, Alexandre souriait à Leyria. Dans son esprit repassait cependant ces moments où il avait vomi au pied du lit, devant Alduis, ou sur le port face à Eldred. Non, il se révélait définitivement trop sensible pour être un chevalier.

Tout en discutant, les jeunes gens arrivaient à la salle de lecture. Poli, Alexandre passa sa béquille à l'autre main et ouvrit la porte à Leyria, à la fois soucieux de se montrer galant envers une femme et respectueux de la distance hiérarchique.

- Enchantée, Alexandre.

Ah... Il la connaissait... A force elle allait sérieusement croire qu'elle ne pouvait se promener dans les rues de Braktenn sans que quelqu'un reconnaisse son visage ou son nom. Certes il savait sur son rêve de chevalerie mais alors, il n'était pas être ignorant sur les ragots la concernant. En réalité, elle ne pensait pas que ces rumeurs allaient finir par dépasser le cercle des nobles à la Cour. Maintenant, même les roturiers de la capitale étaient au courant. Elle lâcha un rapide soupire. Personnellement, elle s'en fichait bien de ce qu'il pouvait se dire à son égard. Au moins, ils avaient à se mettre sous la dent lors de leur conversation. Mais si son père savait...

- Je vois que vous êtes bien renseigné. - dit-elle dans un léger rire - C'est moi de même. Mais je préfèrerais vraiment que vous m'appeliez juste Leyria.

A l'évocation de jeu d'enfant, Leyria ne put s'empêcher de sourire ainsi que de rire. Combien de fois, elle avait été punit par sa nourrice parce qu'elle aimait échapper sa surveillance. Enfant, elle était très énergétique, elle adorait sortir dehors et courir entre les allées fleuries. Autant dire que les jours de mauvais temps, Leyria n'était pas d'humeur.

- Je vois que je n'étais pas la seule à trouver ça amusant. Personnellement, je pensais que j'étais le puissant chevalier qui avait pour but de tuer le terrible dragon qui menaçait de carboniser un royaume entier.  

Parfois, elle se disait aussi qu'elle sauvait la douce princesse mais cela était une autre histoire...

En entendant la suite sur la vrai face de la guerre, Leyria ne put s'empêcher de se ressasser des paroles d'Alduis de Fromart. Ce pauvre con... Il croyait qu'elle n'était pas faite pour se rendre sur le front. Il avait faux sur toute la ligne. La détermination et le courage étaient de son coté. Rien ne pouvait alors l'arrêter.

- A vrai dire ce n'est pas qu'un simple rêve, c'en est mon objectif premier. Je m'entraîne très souvent à l'escrime pour y arriver. Je ne me cache pas non plus le fait que le paysage au front est loin d'être "magnifique". Il est à en vomir, c'est vrai. - elle eut un sourire au coin des lèvres qui concordait avec son regard déterminé - Mais ce n'est pas ça qui va m'arrêter.

Puis arrivant devant cette fameuse salle de lecture, le jeune homme lui ouvrit la porte par politesse. Elle pensait qu'il n'avait pourtant pas à le faire, malgré son statut de marquise héritière. Surtout quand celui-ci était déjà chargé comme une mule avec son sac en cuir et de par ses difficultés à se tenir lui-même debout... Leyria passa tout de même et lui sourit.

- Je vous remercie.

Mais elle comptait pas non plus le laisser galérer éternellement, alors elle prit le relai en retenant la porte à son tour.

- Allez-y, je vous en prie.

Ensuite, elle le suivit et s'installèrent face à face sur une des tables en bois. Elle y posa le livre qu'elle avait récupéré et le feuilleta dans un premier temps. Puis, son regard revint sur son interlocuteur.

- Je ne vous ai pas encore demandé et cette question peut vous paraître indiscrète mais quelle ouvrage aviez vous prit ?

Alexandre éprouvait de l'embarras en remarquant que sa langue trop bavarde semblait ne pas plaire à son interlocuteur. Une mauvaise habitude son enfance, à apprendre comment flatter les clients de la librairie, comme son père adoptif le lui recommandaient. Il assurait que les nobles doraient cela que l'on sache tout à leur sujet. Cela leur faisait plaisir et ils se sentaient importants. Il l'avait ainsi encouragé Il inclina la tête pour s'excuser.

"Je vous prie de me pardonner, Leyria, si mes paroles ont paru inconvenantes. Le libraire qui m'a formé considérait que tout connaître de ses clients, des nobles en particulier, était une marque d'intérêt et je crains d'avoir un peu de mal à me débarrasser de cette mauvaise habitude."

Elle ne semblait cependant pas lui tenir rigueur de ses paroles et rebondissaient sur les jeux de l'enfance. Tout en marchant, Alexandre écouta la jeune femme évoquer ses activités candides mais charmantes. Il rit doucement.

"Oh, je comprends parfaitement ! Je possédais aussi de petites figurines de bois ou d'autres plus grosses, qui représentaient des guerriers ou des chevaliers. J'aimais beaucoup m'amuser avec à reproduire des batailles que j'avais pu lire préalablement."

Alexandre entendit Leyria déclarer que toutes idées de chevalerie ne seraient pas un rêve mais celle-ci ambitionnerait de réellement se lancer dans cette aventure. Cela lui paraissait fou. Impossible. Ils ne se trouvaient malheureusement pas dans un pays comme Zarkos où la place de la femme semblait plus à égalité avec celle de l'homme. Elle était cependant noble, avec des appuis donc. Pourquoi pas ? Après toit, un jour, une certaine Jeanne prit les armes et bouta les Anglais hors du royaume de France.

"Pourquoi pas ? Cela promet d'être une tâche difficile mais nous avons tous besoin d'ambition plutôt que de nous contenter d'une vie ordinaire. Et si je puis vous donner un conseil, cherchez à rencontrer un esclave du nom d'Eldred. Il est au service du Premier Conseiller et du fait d'être de Zarkos, là où les femmes sont mieux traités et participent aux batailles, il pourrait accepter de vous former. Il a un caractère pour le moins sec mais possède un grand sens de l'honneur et de l'amitié. Je suis certain qu'il accepterait de vous former si vous lui demandiez."

Le nom du meilleur ami des on amant le fit naturellement songer à celui-ci. Alduis pourrait sans doute beaucoup apprendre à la jeune femme.

"D'ailleurs, cet Eldred a autrefois combattu pendant la campagne de Zarkos et a retrouvé ici, à Braktenn un de ses ennemis du front. Un certain Alduis de Fromart, si vous avez déjà entendu ce nom. Ils sont devenus de bons amis, oubliant leurs appartenances respectives à des camps opposés, rapprochés parleurs valeurs guerrières. Lui aussi pourrait beaucoup vous apprendre."

Ils arrivèrent devant la salle de lecture et immédiatement Alexandre montra aussitôt sa bonne éducation en tenant la porte à la jeune fois, à la fois par souci de galanterie et du respect de l'étiquette. Leyria manifesta cependant son désir de ne se plier aux convenances en décidant de prendre sa place pour l'inviter à passer en premier. Il hésita, puis comprit que ce ne serait pas correct de négocier. Il inclina poliment al tête pour la remercier et franchit le seuil.

En s'installant à une table de lecture, Alexandre déposa ses béquilles contre sa chaise puis posa devant lui un ouvrage et un carnet pour prendre des notes. Il commença à feuilleter les premières pages, passant les notions de ce qu'il avait déjà étudier pour chercher un passage qui lui manquait dans son manque de connaissances sur la réforme religieuse anglaise, lorsque Leyria l'intéressa sur cette lecture.

"Je m'instruis sur la révolution religieuse qui a secoué l'Angleterre il y a finalement peu. Ce livre-ci, en particulier, traite de ce qui se passa après le décès du roi Henri VIII"

Leyria finit par évoquer son rêve le plus cher. Elle n'avait aucun pressentiment sur ce que son interlocuteur pouvait en passer car elle s'en fichait et elle n'était pour l'instant pas prête de changer d'avis.
Justement elle sourit en entendant sa réponse. Enfin quelqu'un qui avait l'air d'accepter son choix. Au fond, elle fut un peu rassurée. Beaucoup de personnes dans son entourage essayait de la décourager et de la "remettre dans le droit chemin". C'est à dire, se comporter comme une belle demoiselle, agréable, polie et surtout parfaite pour un porter une bague au doigt. Sottise. Pour elle, cela représentait tout juste la femme soumise à la gente masculine. C'est en autre pour cela qu'elle préférait mourir sur le front que d'être marier au premier venu...

Ensuite, il le conseilla de rendre visite à un prisonnier zakrotien devenu maintenant esclave au domaine de Frenn. Il fallait dire que c'était une bonne idée ! Zakros était maintenant sous l'emprise de l'Empire monbrinien mais il était vrai qu'avant la place des femmes dans leur société avait plus d'importance. Paraît-il que les femmes étaient autorisées à se battre aux côtés des hommes. Dommage que Monbrina ne s'était inspiré de ce point... Peut-être qu'avec un peu de chance, elle pourrait croiser ce Eldred.

Alduis de Fromart. Oh oui... Elle le connaissait... Et justement elle aurait voulu ne jamais le connaître. Depuis, ce "malencontreux" évènement lors de son invitation, les rumeurs sur Leyria ne firent qu'augmenter. Certaines nobles trop curieuses lui avaient demandé en personne si elle était bien la femme que les autres décrivait comme une vraie sauvageonne n'ayant reçu aucune éducation. Puis, elle ne parlait pas du savon mémorable que son père lui avait passé le lendemain lorsqu'il apprit la nouvelle. Pour le coup, même sa mère s'était montré absente pour la soutenir dans cette période compliquée. A croire que tout le monde était du côté de ce salaud ! Alors c'était pour cela qu'elle préférait éviter le sujet... Dans un sourire, elle se contenta de lui répondre pour cette fois.

- Je vous remercie, Alexandre. Vos informations vont beaucoup m'aider pour la suite de mon projet.

Une fois arrivée dans la salle de lecture avec Alexandre, elle le questionna sur sa lecture afin de relancer la conversation sur un sujet moins glissant pour elle.
La révolution religieuse d'Angleterre. Un des sujets que Leyria n'a point rater dans son enseignement avec son professeur privé. Elle n'était pas une amoureuse de ses anciens cours avec lui mais sa soif de connaissance sur le monde qui l'entoure lui donnait le courage d'apprendre correctement ses leçons. Justement ce moment en histoire l'avait plus intéressé. A la fois elle ne pouvait pas passer à côté de du règne d'un roi ayant réussi à se marier avec six femmes, en sachant que deux d'entre elles ont vu leur mariage être annulé et deux autres ont été décapité sous son ordre.

- Je m'y connais un peu sur ce sujet, je l'ai auparavant étudié dans mon adolescence. Vous verrez, c'est captivant.

Il eut un sourire au coin de la lèvre.

- Avouons qu'il faut être assez fou pour s'auto-proclamer Pape de son propre royaume.

La conversation de cette jeun femme, du même âge que lui, se révélait agréable. Alexandre s'installait à ses côtés et commençait à ouvrir l'un des livres pour s'intéresser au chapitre dans lequel il était venu chercher des éclaircissements. Leyria l'interrogeait sur sa lecture et il se chargea avec plaisir de lui répondre. Il hocha de la tête ensuite.

"J'ai déjà parcouru quelques livres sur cette période. C'est effectivement passionnant et excitant comme sujet d'études."

Il sourit de sa remarque. Fou ? Non, Henri VIII n'était en aucun cas fou. Il s'agissait seulement d'un homme ambitieux et qui savait aller au bout de ses idées. Lorsque de leur projet de réforme religieuse verrait le jour, Leyria serait dans ceux surpris par le changement. Les jugerait-elle fous ? Sans doute. Néanmoins, l'Histoire, elle, retiendrait leurs noms.

"Il faut mieux passer pour un fou et marquer l'Histoire, ne croyez-vous pas ?"

Alexandre se tourna vers la jeune femme, la main posée sur la page.

"Pour ma part, je ne le considère pas fou mais comme un homme empli d'audace. Leyria, vous aspirez à être chevalier , n'est-ce pas ? Les rêves, les désirs, c'est une excellente chose, mais ce qui fait la différence entre les personnes courageuses et les humbles, c'est leur capacité à réaliser ces rêves. Défier le pape, oui, c'est l'opposition ultime, le défi dans toute sa splendeur, mais c'est assurément la seule manière de marquer durablement. Dans vingt siècles, soyez certaine, que le nom de Henri VIII résonnera toujours. Les guerres et les conquêtes que mène Monbrina sont glorieuses mais anecdotiques. Tant d'empires ont fait cela avant nous. Au contraire, l'Angleterre, par cette aventure singulière, a changé pour toujours la face du monde."

En son for intérieur, dissimilant ses pensées, Alexandre songea à ce destin qui serait bientôt celui e l'Empire de Monbrina. Eux aussi changeraient l'Histoire et marqueraient le monde l'empreinte. Et cela de manière bien plus indicative que cette marque à son épaule et pour laquelle il ne ressentait rien. Esclave, pour lui, cela signifiait rien. Peu importait son statut grâce à ses compétences, on pouvait tout être et même de la lie de la société, on pouvait toujours s'élever.

"Mais il faut pour cela avoir de l'ambition et le courage de ses ambitions."

Il la fixa d'un sourire poli, désireux de paraître amical.

"Et vous, Leyria, aurez-vous le courage de vos ambitions ? Vous sentez-vous capable de tout accomplir pour aller au bout de vos idées ?

Alexandre affirma que Sa Majesté Henri VIII n'avait pas été fou mais ambitieux et déterminé à mettre à bien ses projets. C'était un point de vue... En général, ce roi était l'une des dernières personnalités historiques que Leyria appréciait... Mais peut-être s'était-elle trompé sur son cas ? Dans tous les cas, on lui avait pas parlé de lui de cette façon pour l'instant.

- C'est vrai que je ne voyais pas les choses comme cela... Disons que mon précepteur ne m'avait point parler de ce sujet de cette manière.

Ce que son maître lui avait dit ? Que cette décision avait été tout simplement scandaleuse. Le roi d'Angleterre avait paraît-il été ensorcelé par son amante Anne Boleyn qui était considérée comme une véritable sorcière, ce qui expliquerait pourquoi le roi était devenu si fou d'elle au point de se séparer du Vatican pour épouser "sa succube". Bon... Elle exagérait quelques propos. Toute fois, son professeur lui avait bien fait comprendre que cette évènement fut une terrible erreur pour l'Angleterre et une trahison pour Dieu.
Jeune, elle avait eu très grande pitié pour le peuple anglophone. Les pauvres... Depuis cela, ils vivaient avec l'esprit qu'un jour sûrement le Seigneur les punira dans sa colère divine... Sauf que maintenant elle comprit que la faute de tout ce remus ménage, avait été encore attribué à une femme : la prénommée "sorcière" Anne Boleyn. Catholiques ou non, la plupart de ce monde considérait encore les femmes comme des êtres à l'origine de tous les pêchés... Son raisonnement était loin d'être faux puisque même Eve, la première femme créée par Dieu fut celle qui croqua en premier la pomme de la Connaissance...

- Je ne passe presque pas une journée sans que je ne manie une rapière dans les mains. Depuis des années, je m'entraîne pour améliorer toutes sortes de techniques à l'escrime. Il est vrai que je suis de loin la meilleur escrimeuse de Monbrina et il me reste beaucoup à apprendre... Mais, voir tous ces efforts tomber à l'eau à cause du simple prétexte qu'une femme n'est point capable de combattre me déchirerait. Je ne compte pas non plus devenir la seconde Jeanne d'Arc... - elle sourit amusé - car non seulement je n'entends aucune voix de l'Ange Saint Michel mais aussi je ne cherche pas à utiliser une raison divine pour parvenir à mon objectif. - elle reprit - Alors, oui, Alexandre. Même si le chemin s'annonce ardu, je suis prête à tout accomplir pour aller au bout de mes idées.

Elle lui rendit son sourire amicale. Leyria se voyait complètement demander à Sa Majesté Gérald der ... en personne de lui offrir sa bénédiction et enfin avoir la possibilité de réaliser son rêve chevaleresque. C'était une idée très osée, il était vrai. Mais il fallait parfois faire preuve de courage pour arriver à ses fins.

- Quant à vous, Alexandre ? Rêvez-vous de quelque chose en particulier ? Avez-vous desprojets pour l'avenir ?

Alexandre esquissa un léger sourire à la réponse de Leyria sur le fameux Roi qui avait réformé à jamais l'Angleterre. Elle n'avait naturellement jamais entendu de parler à son sujet de choses positifs. Les précepteurs se gardaient bien d'encourager un modèle dissident pour la chrétienté.

"Si cela peut vous rassurer, je ne l'ai découvert que très récemment. Grâce à mon nouvel emploi dans la bibliothèque de mon maître. Elle se révèle plus que fourni en matière de livres et aborde de nombreux sujets, sans en exclure aucun. Le lieu idéal pour parfaire ses connaissances et surtout développer son esprit critique grâce à des sources variées."

Il marqua une courte pause et reprit.

"Chaque livre est écrit par une et même s'il essaie à l'objectivité, il aura malgré tout toujours un certain parti pris. Surtout sur les thèmes historiques. Histoire et politiques vont de pair. C'est pourquoi il s'avère important de recouper ses informations avec différents matériaux pour établir une synthèse constructive."

Le jeune homme s'amusa à la titiller gentiment et sourit de sa verve à défendre ses projets.

"Votre résolution est bien profonde, mais j'approuve votre idée de ne pas être une novelle Jeanne d'Arc. Je vous souhaite une fin plus heureuse."

Malgré lui, Alexandre frissonna au souvenir du bûcher sur lequel il aurait pu terminer s'il n'avait pas été l'amant d'Alduis. Il bénéficiait là d'une chance inestimable. Grâce à cela, le jeune homme se savait en sécurité. Du reste, il ne comptait plus attirer l'attention sur ses attirances particulières. Il ne retournerait plus dans une cellule de la prévôté. Il s'y refusait.

Il espéra que Leyria ne remarqua pas son trouble et s'empressa de répondre à sa question.

"Pour le moment, mon ambition se résume à obtenir un affranchissement. Nous étudierons ensuite la question après cette première étape franchie avec succès."

Il dissimula habilement sa véritable ambition, celle de devenir le secrétaire du ministre des affaires étrangères. Qui l'aurait cru ? Il ressemblerait alors un jeune coq impétueux et se refusait à essuyer les moqueries. Alexandre préférait attendre son heure en silence. Pas à pas, l'ascension se ferait et ceux qui l'avaient autrefois méprisé regretteraient leur bêtise.