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[mars 1598] A l'effigie du Ciel

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Message par Augustin Carpentier Lun 14 Mar - 22:32


Peut-être que s’il se mariait… Augustin y réfléchissait sérieusement. Son visage, quand il l’aperçut dans le cours d’eau, était celui d’un spectre ; tout le sang paraissait s’en être retiré. Qui épouserait ça ? Il n’aurait guère de chances, et puis, c’était clairement visible, il n’en avait pas envie. Il n’était pas d’humeur. Il s’était caché comme à son habitude pour se faire oublier, mais au lieu de quitter la ville comme il aurait dû le faire, comme il l’avait toujours fait, il tournait en rond sur place, comme un loup qui a senti l’odeur du sang. Alors, comme le spectre qu’il était, il revenait hanter le chantier pendant la nuit, prendre des notes, dessiner des schémas, et les laisser dans la tente où les plans étaient toujours abrités. De l’argent aussi, dans une cachette.

Bien sûr, Achille avait trouvé la cachette. Et il se débrouillait bien mieux que prévu pour organiser la fin de la construction. Quand le faux Carpentier se perchait sur la cime d’un arbre pour surveiller l’avancement, ou s’approchait sous une cape bien encapuchonnée pour jeter un œil de plus près sans être reconnu, il devait bien admettre que l’étrange manœuvre aux yeux indéchiffrables avait mérité sa paye. Leurs payes à tous les deux, honnêtement.

Il avait plutôt l’impression qu’il aurait dû payer une dette à la communauté, plutôt qu’en réclamer salaire.

Il n’osait plus être Augustin l’Architecte au grand jour, en pleine lumière, sur la grand-place ; mais il ne pouvait se résoudre à ne l’être plus du tout, cependant. Les racines qu’il avait jetées cette fois ne s’arrachaient pas aussi facilement que les autres. Il y avait quelque chose de sacré dans le nom qu’il portait comme on porte le corps d’un camarade tombé au champ d’honneur. Quelque chose de brûlant, dans la conversation qu’il avait eu avec Alduis dans l’église, qu’il n’arrivait pas à éteindre. Quelque chose de passionnant dans cette ville, qui le rendait curieux par avance, un sentiment aveugle et confiant qui ne lui était pas accoutumé.
Peut-être que s’il se mariait… il pourrait rester ici sans prendre trop de risques ?

Il ne se faisait pas d’illusions, ça n’aurait rien garanti du tout. Au contraire, le danger serait même plus élevé : une femme qui le regarderait vivre dans ses moments les plus secrets… qui l’écouterait parler en dormant… Et qui ne serait pas son alliée depuis bien longtemps. Ce serait encore plus terrifiant que la solitude et la perte de cette précieuse identité.

A propos de cette dette… En bricolant dans son coin, il avait tenté de faire un saint pour le prieuré, une statue en pied drapée dans quelque chose de digne, comme un reflet inversé de l’indignité qu’il traînait comme une ombre. Mais il n’y arrivait pas. Il y avait toujours quelque chose d’incorrect, quelque chose d’imparfait. Ce n’était pas un saint qu’il obtenait, c’était un pèlerin fourbu, un pécheur repenti, parfois même un diable au sourire équivoque, qu’il se hâtait de jeter au feu. Il n’y avait pas à le nier : il avait besoin d’un modèle.

Un jour qu’il errait dans la ville, il se fit la réflexion que personne ici n’était un saint et qu’il ne trouverait jamais. Un vrai artiste aurait dépeint l’inatteignable, l’inimaginable, et l’aurait rendu accessible ; lui, eh bien, il était empêtré dans le réel jusqu’aux chevilles, et à chaque pas il s’enfonçait davantage. Architecte jusqu’au vice, décidément ; il ne pourrait composer que d’après un plan. Un soupir aux lèvres, il s’adossa contre mur où le soleil jetait une tache de chaleur, pour croquer dans une pomme acide qu’il avait volée dans un jardin des faubourgs. Du bord du toit, un oiseau s’envola.

Une personne risquait de le croiser à tout coin de rue et de le reconnaître, dans cette ville, vraiment : cette petite fille qui l’avait pris en grippe et chassé si facilement, comme elle aurait soufflé sur les aigrettes fragiles d’un dent-de-lion. Et elle, pour sa part, ne le connaissait que trop bien à son gré. Oh non, il ne se marierait pas, parce qu’elle l’avait déjà vu faire, et elle aurait tôt fait de prévenir l’heureuse élue de ce qui l’attendait. Peu importe à quel point elle broderait son conte ; elle aurait toujours un peu raison.
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Message par Le Cent-Visages Mar 22 Mar - 21:37

[mars 1598] A l'effigie du Ciel Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Les petites courses hebdomadaires pour Mademoiselle Cassin reposaient au chaud, sous l'épaisse toile des sacs à commissions, bien attachées aux poignées de son humble chariote. Tristan avançait à travers les ruelles, venteuses ce jour-là. Les cliquetis de sa caisse roulante sonnaient leur musique sur son chemin, accompagnés des faibles tintements qu'émettaient les pendentifs toujours à sa gorge - puisque Bélyl ne voyait, elle, aucun inconvénient à ce qu'il en porte. Modestes bijoux. Figures abstraites de bois, perles faites de cailloux peints, cousues les unes derrière les autres par les doigts-fuseaux du garçon lui-même. Mais en l'occurrence, il poussait ses roues à la force de ses bras menus, toujours soumis à rude exercice sur les pavés plus ou moins volumineux. Et ses mains blanches, toujours encrassées par la boue des rues au point qu'il lui fallait se les nettoyer avec attention après chaque excursion.

Tristan essuya les habituels regards curieux de certains badauds - la force de l'habitude lui permettait de ne même plus vraiment s'en trouver intimidé. C'était ainsi, son véhicule de fortune ne cesserait jamais d'interpeller. Lui, ou les légendes qu'elle voiturait en permanence dans les esprits plus ou moins imaginatifs. Au milieu de l'activité paisible des venelles, les yeux de l'esclave se levèrent au ciel pour suivre un oiseau qui venait de s'envoler soudain, tout près. Il cessa de rouler. Tristan sourit à voir le moineau battre des ailes dans sa danse, devenir comme une couture sur le blanc d'un nuage, puis disparaître. Ses prunelles restèrent un instant ainsi, plongées dans l'horizon. Il faisait beau aujourd'hui, cela donnait envie de regarder le lointain. Ses yeux étaient immobiles, yeux presque trop grands pour son visage tout fin, yeux dorés telles les deux pièces brillantes sur les paupières d'un défunt.

Il finit par ramener son attention ici-bas, bien brusquement quand un franc coup de vent lui ôta l'étole enroulée autour de son cou. Cou s'en découvrit là, long, fin comme une tige, et surtout exposé à la fraîcheur de la saison. Le regard su garçon - dont d'ailleurs il n'était pas nécessairement évident de deviner le sexe s'il ne portait pas des hauts-de-chausses - suivit, inquiet, son écharpe aller s'accrocher à la petite barre de fer qui soutenait l'écriteau d'une boutique voisine. Les deux pans du tissu turquoise batifolèrent mieux que les ailes d'une libellule prise au piège. Et ce n'était pas Tristan, avec sa taille brindille et surtout son infirmité, qui parviendrait à récupérer son bien...

Quelqu'un debout et de grand le pourrait. L'esclave se mordilla l'intérieur de la joue, observant les alentours. Il repéra très vite cette silhouette adossée au mur, dans la lumière. Efflanquée, le visage à l'ombre d'une épaisse chevelure brune mi-longue, mais surtout grande. Tristan plissa les yeux, se mit la main en visière pour retenir sa tignasse de lui venir devant tandis que soufflait un nouveau coup de vent. Le souffle jouait à secouer ses mèches ambrées tout autour de sa tête. Tristan nota la pomme qui occupait le monsieur. Bon... c'est qu'il ne devrait pas trop l'importuner...

Il frotta un peu ses longues mains par réflexe, pour en ôter une première couche de saleté quand bien même elle reviendrait aussitôt qu'il se remettrait à se déplacer. Quelques tours de roues et le garçon se trouva tous près. Sa voix timide s'éleva :

-- B'jour M'sieur... 'Suis désolé d'vous embêter, mais est-ce que vous pourriez m'aider s'y vous plaît ?

Alors qu'une de ses mains restait à sa roue, l'autre avait remonté et resserré le col de sa tunique, prémunissant au mieux sa gorge des coups de vent passagers avant de pouvoir la remettre bien au chaud sous son étole.

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Message par Augustin Carpentier Mer 23 Mar - 9:48

Alors que, pour la énième fois, Augustin arrivait à la conclusion qu’il ne savait pas comment reprendre pied dans sa propre vie, une voix en contrebas le tira de ses rêveries. Il cligna des yeux, chercha et trouva : un petit être recroquevillé dans une construction de fortune, qui tremblait aux derniers lambeaux du vent d’hiver comme un moineau sur une branche. A son habitude, il éteignit instantanément toute velléité de geste protecteur qui aurait pu naître dans son âme, par précaution, et étudia la situation.

« Vous ne m’embêtez pas, mon enfant, » répliqua-t-il avec une certaine ironie. Un tel afflux de courtoisie entre deux miséreux, c'était bien drôle, après tout.

Est-ce qu’il voulait lui mendier sa pomme à moitié mangée, ce moineau-là ? Un sourcil froncé, Augustin songea qu’il n’aimait pas donner à manger aux mendiants qui avaient les mains si sales ; il avait l’impression de leur jeter des miettes par terre pour qu’ils lèchent le sol. Mais en suivant le regard intimidé qui palpitait comme une étoile entre lui et l’enseigne voisine, il comprit. A vrai dire, il avait vu du coin de l’oeil le morceau d’étoffe s’envoler, mais il était perdu si loin dans ses pensées qu’il n’y avait pas prêté attention.

« Oh. Bien sûr. »

L’architecte faillit s’excuser d’avoir été distrait, ou de s’être mépris sur l’intention… puis tâcha de se composer un air sûr de lui et alla décrocher l’objet rebelle. Ce n’était pas vilain. Trop coloré pour lui. Trop enclin à attirer les regards. Une Dame aurait pu l’attacher à la lance d’un preux lors d’un tournoi. Comment appelait-on ça ? Une faveur. Il ramena l’écharpe auprès de l’enfant pour la lui nouer au cou, avec un bon nœud cette fois. Une fille aux cheveux coupés ? La vermine qui se mettait dans les longues mèches obligeait parfois à le faire, ça ne le regardait pas. Avec ces bijoux au col, ça n’était sans doute pas un garçon. Bah, de toute façon, à cet âge-là, c’était la même chose.

« Cette couleur-là, ça se sauve. Il faut l’attacher mieux. Sinon, elle retourne à la nature. »

Avec un sourire – de ce qui était censé être une plaisanterie – il mit un genou à terre et jeta un coup d’oeil à la construction roulante. Ça ne lui paraissait pas bien fantastique, mais bon, il n’avait pas à s’en mêler. Il en voyait bien la nécessité, d’ailleurs. Tout ça lui rappelait quelque chose, une affaire de rampe à laquelle le jeune Alexandre avait insisté. Il avait l’impression amère que c’était dans un autre monde. Et puis, le visage en face du sien attira son attention. Considéré sous cet angle… Oh, mais il le tenait, son modèle de statue. Quelque ange Gabriel, quelque Saint Tarcisius. Ce n’était pas un péché, il était bien sûr que tous les sculpteurs de la chrétienté avaient fait poser des filles pour les anges, et des jolis garçons pour les Marie-Madeleine, et toutes sortes d’autres subterfuges. Après une seconde d’hésitation, il présenta sa requête, en essayant de contrôler le mouvement fuyant de son regard, de peur de lui faire peur.

« Toi, crois-tu que tu pourrais faire quelque chose pour moi en retour ? C’est tout simple, ne bouge pas pendant un petit moment. »

Tirant son couteau de sa poche, il s’assit sur la borne et commença à tailler ce qui restait de sa pomme, pour mémoriser les proportions du visage. Pourquoi n’y arrivait-il pas seul ? Pourquoi diable fallait-il un modèle ? Cela le fâchait un peu. La vie n’était pas faite pour les gens simples. Et puis, sa prise de notes ne fonctionnait pas. L’enfant ne pouvait guère rester immobile trop longtemps. Il faisait froid, et de toute façon, la pomme aurait tôt fait de noircir et de se racornir. Tout ce qu’il y gagnerait, ce serait de passer pour un fou, et cette petite personne à son tour allait lui attirer des noises avec la population du quartier. Dans un soupir, il renonça.

« Ah, ça ne marche pas. Tant pis. »

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Message par Le Cent-Visages Dim 8 Mai - 15:50

[mars 1598] A l'effigie du Ciel Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Il fallut que du haut de sa grande taille, l'homme baissât les yeux pour découvrir Tristan. Intimidé, il affirma son sourire pour se donner contenance, d'autant qu'apparemment il ne le gênait pas. Tant mieux. Ce "mon enfant" l'étonna et l'attendrit à la fois : était-ce de l'affection ou simplement, le fait qu'il le voyait plus jeune qu'il ne l'était ? Boh, ça n'eut pas plus d'importance que cela à ses yeux - entre ça et les fois où on le prenait pour une fille. Le garçon en avait l'habitude, il trouvait même cela amusant parfois : quand ça ne s'assortissait pas de remarques goguenardes ou d'attitudes de menace. Rien de cela en l'occurrence. Mais une petite ironie qu'il devina réponse à sa grande politesse par défaut, et par prudence - déformation professionnelle, ou plutôt déformation servile. C'était donc plutôt bon signe : il pourrait se détendre.

Et avant même que Tristan n'eut à demander, l'homme repéra son étole et alla la cueillir à cette enseigne qui s'était improvisé branche. Il se laissa renouer le tissu autour de son cou, come pouvait parfois le faire Monsieur Joseph ou d'autres de la maison Cassin avec quelque chose de paternel.

"Merci." dit-il avant que la remarque que l'homme y ajoute ne lui fasse tinter un léger rire. Il aimait ce genre de manière de dire les choses, avec des images, un genre de poésie et de vie donnée aux couleurs. Les teintes qui se sauvent... Il pensa aux peintures, dont les couleurs passaient si, pareillement, on ne les fixait pas. Son esprit papillonnant quitta cette pensée pour essayer de suivre celles de son vis-à-vis, qui posait à présent genou à terre et observait sa chariote. Mais pas avec un œil de simple curiosité, mais avec un peu plus d'assurance, comme celle d'une expertise. Est-ce qu'il était constructeur ? Ou s'intéressait aux engins ?
De la machine, l'attention passa sur son visage, distillant un peu de rose à ses joues avant de s'entendre demander un service. "Oh ben s... si j'peux oui."

Dans la foulée, l'homme détailla : ne pas bouger, d'accord. Tristan acquiesça. Haussant un sourcil d'abord curieux, il se tendit une seconde en voyant dégainer un couteau - trop accoutumé qu'il était en tant qu'ancien vagabond des rues à croiser toutes sortes de gens, à voir une situation dégénérer n'importe quand, à devoir se défendre à tout moment sans qu'il eut le temps de comprendre. Par réflexe, ses doigts fins commencèrent à plonger dans sa besace en quête de sa propre lame, mais il s'arrêta bien vite et se trouva un peu bête : les coups étaient pour le trognon. Est-ce qu'il... voulait le sculpter dedans ? Tristan fut surpris de l'originalité du procédé - mais sans doute n'avait-il pas mieux - et plus surpris encore de cette envie d'immortaliser son visage... à lui... Le rouge s'accentua sur ses pommettes.

Dans un plissement de lèvres, comme son vis-à-vis ne parvenait pas à l'effet escompté il s'aventura : "'Tendez j'ai p'têtre encore un bout d'bois..." Et de plonger le regard vers sa besace aussitôt ouverte. Tristan sortir du grand ventre de son sac quelques babioles qu'il mit sur sa cuisse : ce vieux jeu de tarot qui ne le quittait pas, des bouts de ficelle de chanvre, quelques cailloux colorés. Il inspecta, palpa un peu mais rien de convenable. Il soupira à son tour. "Hm non, mince." (Un temps, cédant à sa curiosité) "Z'êtes un artiste ?" Sa voix avait sautillé - il aimait bien l'idée.
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Message par Augustin Carpentier Lun 9 Mai - 17:55


« C’est pas grave, des bouts de bois, y en a assez qui traînent. Je suis architecte, » compléta Augustin. Il ne savait pas s’il était fier de son titre, ou honteux de son imposture… ou les deux à la fois. Bah, ce n’était qu’un gamin des rues. Lui raconter un joli conte n’était pas un péché. « J’aime bien la pierre, mais le bois c’est plus facile, pour prendre des notes sans te faire perdre ton temps. »

Son regard erra au long des environs immédiats, mais il n’avait pas de quoi faire du bon travail ici. Pas de matière première satisfaisante, pas d’outils… Il aurait fallu qu’il passe par le chantier, et à son retour, qui sait où le gamin serait passé ? Et son apparence était de celles qui s’effaçaient dès qu’on détournait les yeux, comme le dessin d’une flamme. Pourtant, c’était celle-là qu’il voulait pour sa statue. Il en était maintenant convaincu.

« Ton temps aurait une petite place pour poser à nouveau comme ça ? Quand tu veux, je n’ai pas de choses à faire en ce moment, je tourne un peu en rond. Dis-moi juste où je peux te retrouver, je ramène du bon bois et de bons outils. »

Emporté par son enthousiasme, il eut soudain un moment de revirement et se dit qu’il avait dépassé les bornes de la bienséance. Cet enfant avait failli s’engager avec lui dans une bagarre au couteau, il y avait un instant ; il était prudent et c’était très bien. Abandonnant son sourire pour reprendre, lui aussi, la posture prudente de qui n’ose guère trop réclamer, il reprit d’une voix plus basse :

« Je ne veux pas te faire peur. Si tu trouves ça bizarre, c’est pas grave. C’est un peu bizarre, j'avoue… c’est une longue histoire. »

Il se rassit confortablement sur la borne et baissa la voix, observant les alentours comme s’il révélait un secret. Il ressentait la curiosité de l’enfant à son égard et, à vrai dire, s’amusait à en jouer. C’est vrai que, quelques années plus tôt, en croisant un architecte sur le chemin, lui-même l’aurait regardé comme une sorte de bête curieuse et interrogé sur ses travaux, comme il l’avait fait, d’ailleurs, avec l’authentique Augustin Carpentier. Et c’était ainsi qu’il avait pris sa place… pourvu que l’histoire ne se répète pas.

« J’ai dû m’absenter d’un chantier et j’aimerais faire don d’une image sainte pour me faire pardonner, une belle statue d’un saint ou d’un ange avec un air innocent tu vois ? Pour équilibrer. Y a pas de gens qui sont sans fautes mais des images, j’en ferai une assez facilement. Enfin, avec un modèle. Je ne suis pas assez bon pour l’inventer. »
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Message par Le Cent-Visages Sam 14 Mai - 19:36

[mars 1598] A l'effigie du Ciel Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Aussitôt le problème énoncé, aussitôt une solution donnée rendit un sourire enthousiaste à Tristan, traçant de petites fossettes à ses joues gonflées. Architecte ? Oh, oui, dans ce cas il n'y aurait pas de difficulté à pécher le matériau. Méticuleusement, ses doigts remirent dans sa besace la série d'objets répandus sur ses cuisses : le jeu de tarot, le matériel de fortune destiné à confectionner ses bijoux... Il releva ensuite la tête, se retourna vers l'homme.
L'idée de prendre des notes sur du bois, ça lui plut, comme si le bois était déjà un papier avant même de devenir papier. Qu'on pouvait y raturer, y faire sa plume - en l'occurrence son couteau - là où la pierre devait sûrement donner moins droit à l'erreur. Il acquiesça, un peu rêveur, et se recentra sur des considérations plus concrètes quand il fut question de son temps. Son vis-à-vis semblait très animé par son propre projet mais, surprenaient, maintenant qu'il était question d'art Tristan fit déjà un peu plus confiance. Et puis, en cas de problème, le général Joseph et sa fille - ses protecteurs et amis davantage que ses "maîtres" maintenant - ne resteraient pas sans s'inquiéter de lui ni sans rien faire. D'une voix tout de même prudente, il engagea donc :

"Oh oui, sûrement. J'sers chez Monsieur et Mad'moiselle Cassin, mais y me laissent du temps un peu, et si j'leur en parle y seront d'accord, j'suis sûr. Hm, y a la rue des Ferronniers assez près d'où qu'on vit. C'est pas loin d'chez vous ?" (Un temps) "Au fait, vous vous appelez comment ? Moi, c'est Tristan."

Juste Tristan, d'ailleurs. Il n'avait jamais vraiment eu de nom de famille, aussi sûr que son géniteur s'était finalement effacé de ses pensées après que son ombre l'ait d'abord tourmenté. Il n'avait pas voulu de lui et laissé dans un de ces hôpitaux... eh bien oui, dans ce cas il était "juste" Tristan. Et alors qu'il conjurait de nouveau, loin au fond de ses pensées, ce genre de souvenirs, le garçon se mordilla la lèvre aux précautions et explications de l'architecte : bizarre, oui, sûr que ça l'était un peu quand même, mais après tout... Oh, pourquoi pas, et ce n'était pas comme si Tristan n'en avait pas faites non plus, des choses bizarres quand il était gosse des rues ! Bricoler des bijoux - en porter lui-même, danser avec son fauteuil, improviser des tours de passe-passe, voler quelques bourses, raconter qu'il n'avait pas de père mais trois mamans...
Il avança sa chariote en face de l'architecte-sculpteur quand il prit place sur cette borne, histoire d'écouter sa voix basse sans problème. Curieux, que de devoir chuchoter pour évoquer son histoire et son travail... C'était à se demander pourquoi il s'était absenté du chantier - et de quel chantier il s'agissait d'ailleurs. Tristan gardera cependant ses questions pour lui, d'autant que le sujet de la sculpture captura de nouveau bien plus aisément son attention.

"Ce s'rait un bel équilibre, oui. Puis z'avez raison, pas besoin d'être, soi, un saint pour en offrir à voir, des saints." (Il pouffe) "Vous savez, moi non plus j'suis pas sans faute, pour sûr, mais après tout !" (Tristan se donnait ainsi contenance en bavardant, car décidément il se trouvait sacrément gêné - et un brin flatté, admettons-le - de se voir proposer de prêter son image à une œuvre sainte.)
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[mars 1598] A l'effigie du Ciel Empty Re: [mars 1598] A l'effigie du Ciel

Message par Augustin Carpentier Dim 15 Mai - 11:10

En écoutant parler le gamin, Augustin ouvrit soudain de grands yeux ; il ne s’attendait pas à entendre un nom connu. Apparemment il y avait beaucoup de Cassin dans les environs. Il ne connaissait pas assez les grandes familles et la bonne société pour réagir intelligemment, ce genre de chose lui rappelait qu’il n’était qu’un étranger ici. Mais le souvenir d’une anecdote lui arracha un sourire d’affection, alors qu’il évoquait le souvenir d’un groupe sympathique, auquel il était venu donner un coup de main.

Il s’était presque senti en famille brièvement, une dynamique qu’il n’avait ni connue ni cultivée lors de ses embauches plus longues, probablement parce qu’elle lui faisait peur ; mais ceux-là avaient réussi à le mettre en confiance, pour ainsi dire par surprise. Ils étaient brusques et sans manières, mais il n’était pas exactement un prince non plus, et au fond cela le rassurait. Et ils étaient tous armés, mais quelque chose lui disait qu’ils auraient pris son parti si on l’avait importuné.

« Cassin ? J’ai croisé un Cassin, ce Noël. Un bien brave homme. Je m’appelle Augustin et, chez moi, j’ai pas ça, je suis à l’auberge. Toujours sur les routes, les bâtisseurs, tu sais ! »

Son langage régressait en direction de ses racines paysannes, encouragé par l’attitude franche et simple de son interlocuteur. Il dessina un geste vague dans l’air, les méandres de la route peut-être, comme s’ils évoquaient ensemble quelque noble contrée d’artistes connue d’eux seuls. Puis un soupir souleva sa poitrine, et il se plaignit, pour de faux, cabotinant un peu :

« Si je restais abrité, j’aurais encore ma bouille d’ange, qui sait, et je pourrais me copier dans un miroir ! A espérer que tu ne regrettes pas trop vite la tienne. Ça ne dure qu’un temps, tout ça. »

Allons bon. Il fallait qu’il arrête de faire l’idiot, ce gamin allait le prendre pour un fou. Après tout ils ne se connaissaient pas. Quand on ne connaît pas quelqu’un, c’est parfois compliqué de savoir s’il plaisante ou non, surtout quand il a fait de la route. Il rectifia, en revenant à ce qui lui tenait lieu de sérieux et de discours rationnel :

« Je rigole, j’ai toujours été vilain comme une mante et sec comme un clou. Il s’est dit que ma mère était peut-être sorcière, sais-tu. Fallait bien que ça laisse des traces. »

Il rit encore un peu puis se tut brusquement. « Je ne t’importune pas ? »

C’était un peu intimidant, de juste bavarder avec quelqu’un, dire des bêtises en bonne camaraderie, pas les bonjour bonsoir de l’auberge ou du chantier, pas les oui monsieur bien monsieur d’autrefois. La dernière fois qu'il s'y était risqué, c'était perché sur une branche alors qu'il n'était encore qu'apprenti, et portait encore son vrai nom.

Et puis, maintenant que l’accord était pour ainsi dire passé, c’était le visage d’un ange qu’il avait devant lui. Un visage devant lequel, un jour, quelqu’un s’agenouillerait pour prier, et sauverait son âme. Une saine superstition aurait sans doute réclamé qu’il instaure un minimum de distance respectueuse. Même si, pour le peu qu’il en savait, il avait peut-être devant lui un petit voyou malade.
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[mars 1598] A l'effigie du Ciel Empty Re: [mars 1598] A l'effigie du Ciel

Message par Le Cent-Visages Ven 1 Juil - 10:47

[mars 1598] A l'effigie du Ciel Trista13

Tristan, esclave, 15 ans

Le nom de Cassin surprit d'abord son vis-à-vis - ce que le monde était petit ! - puis le fit sourire. En même temps, Tristan comprenait : ses protecteurs étaient très bien vus et jouissaient de plein de bonnes connaissances dans Braktenn. Le sourire de l'architecte fut communicatif au gamin. Surtout lorsqu'il comprit à qui il avait eu affaire parmi la joyeuse bande des Cassin. "Un brave homme"...

-- Oh ! Ce doit êt' l'oncle Joseph ! J'savais pas que vous avez eu des affaires avec lui ! Ah ça, pour êt' un brave ! J'me rappelle encore quand j'ai fait sa connaissance. Y est v'nu à mon secours et m'a tiré d'une panade en m'portant. Sans aucun effort, comme si j'étais qu'une plume pour lui. (Un temps, surpris à son tour en entendant le nom de l'homme en plus de sa profession.) Augustin, d'acc... oh mais attendez, c'est vous donc, la rampe à l'église Saint-Eustache ?

La demande venait d'Alexandre, mais Tristan battit des mains - en remerciement aussi au bâtisseur pour le travail effectué. Ce lui était infiniment plus simple, désormais, d'aller trouver asile dans l'édifice quand il faisait grand froid. De confidences en confidences, le garçon se sentit vite à ses aises lui aussi en compagnie de cet architecte camarade des grands chemins. Il acquiesça, comprenant qu'Augustin devait bouger là où il y avait de l'ouvrage.
Loin de l'incommoder, ce que disait son vis-à-vis donnait à rêvasser à Tristan. Il souffla de rire, bien d'accord pour ce qui était de l'inéluctable fonte de sa bouille d'ange avec le temps. Puis il haussa nonchalamment les épaules, air de dire "c'est ainsi". Tristan se pencha sur le côté pour laisser une flaque d'eau, entre des pavés, refléter sa bouille mais en y ajoutant son lot de fissures et de vaguelettes. Il ponctua :

-- Un jour, elle sera un peu comme ça, hé. C'comme tout, ça s'fissure ma foi, s'amuse-t-il avant de se redresser et de plaisanter à son tour : C'pour ça que oui, faut vite en profiter ! Et vous aussi pour la tailler !

Il se prit à exagérer une mine faussement scandalisée en entendant Augustin avancer par jeu cette hypothèse quant à sa mère. Il roula des épaules pour avancer au plus près et chuchoter comme un dangereux secret :

-- 'Devriez pas trop l'dire alors, c'est fumeux par ici les histoire d'socrières ! (Il se recula) P'is moi j'vous trouve pas vilain. J'préfère les secs que les gros Monsieurs tout gras ! Les secs, ça a vécu. Et c'est comme si y avait la richesse de vos voyages sur vot' apparence, ça raconte des histoires.

S'il l'importunait ?

-- Oh ben non, que nenni ! Et tenez, confidence pour confidence : vot' maman, c'est p'têtre une sorcière... mais moi, j'ai pas d'papa, mais trois mamans ! s'amuse-t-il à son tour. Ainsi parlait-il des trois nonnes gitanes qui l'avaient adopté à l'Hôpital général. Et élevé dans leur ermitage forestier. Oui, c'étaient elles, ses mères. Son géniteur, il n'en savait qu'une chose : il l'avait conçu, puis abandonné pour son physique infirme.

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