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[Flashback - Printemps 1594] Un autre Augustin

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Message par Augustin Carpentier Dim 22 Nov - 12:50

Les neiges commençaient à fondre, et l'architecte pouvait enfin quitter le campement où il avait passé l'hiver. Augustin Carpentier avait surtout l'impression d'avoir passé dix ans dans une grotte. Son esprit agile et impatient avait failli céder aux sirènes de la folie. Il lui avait été difficile de rester patient, et il s'était aventuré sur les glaciers malgré les avertissements de ses compagnons de route ; il en gardait une mauvaise toux qui ne faisait pas mine de faiblir. Tel un capitaine de vaisseau, il lui faudrait sans doute un sous officier à ses côtés sur son prochain chantier, pour crier les ordres à sa place, tandis qu'il les murmurerait ; sans quoi, il cracherait du sang avant peu. Par chance, il avait trouvé le candidat pour occuper ce poste ingrat.

La caravane bloquée par les glaces comptait un étrange bonhomme, veuf éploré à la mine sombre lorsqu'il avait rejoint le convoi, qui était devenu au fil des mois son interlocuteur privilégié. Augustin pouvait parler pendant des heures et cet étrange oiseau de nuit l'écoutait, les yeux grands ouverts, sans donner de signe de fatigue ou de désintérêt. Il avait besoin de se changer les idées, sans doute. Et l'architecte avait besoin de parler. C'était un vagabond qui n'avait dans sa besace qu'un rechange de hardes pour la route, et qui semblait accoutumé à servir ; en ce moment même, alors que Carpentier s'étirait dans le soleil naissant devant l'abri, en regardant avec soulagement les stalagtites de glace s'égoutter au long des branches de bouleau, le bonhomme ramassait des branches pour le feu.

Il avait une certaine technique. Il les faisait sécher auprès du feu existant, avec une prévoyance d'habitué. Il séchait aussi ses vêtements laissés au gel de la nuit, pour y tuer les petites bêtes ; cette technique le tenait en meilleur état que les autres emmurés. A force de le fréquenter, Carpentier le soupçonnait d'une ruse qui dépassait de loin ce que montrait son visage en surface, inexpressif et presque morne en toutes circonstances. A son grand étonnement, il s'était rendu compte que le vagabond retenait et comprenait ce dont il lui parlait. Parfois, il faisait des remarques d'un bon sens appréciable. Il n'était pas jeune, mais on pouvait le former. Et il n'avait clairement nulle part où aller. Lorsque les routes s'ouvriraient, il lui proposerait de lui tenir lieu d'apprenti et d'aide pour les prochaines années.

Quelques semaines plus tard, Augustin Carpentier et celui qu'il appelait simplement Anthony d'Anglaretz menaient la mule de l'architecte au long d'une route de forêt, au long de laquelle s'ouvraient les premières fleurs du printemps. Ils étaient eux-mêmes chargés comme des mulets, et leurs poings pesaient lourdement sur leurs bâtons ferrés, faisant fuir à chaque choc sur la pierre du chemin les petits serpents d'eau qui sortaient de leur torpeur.

L'apprenti avait eu un sourire amusé lorsqu'il avait constaté que leur route les faisait traverser la forêt d'Aiguemorte ; Carpentier s'en était étonné. Il ne connaissait pas la contrée, pour sa part. Ce n'était jamais qu'une forêt, trop vaste pour qu'on s'amuse à la contourner quand on avait le ventre vide après un hiver de disette, et que la grande ville vous tendait les bras de l'autre côté. Ils étaient deux hommes solides et des habitués des campements de fortune, ils ne se laisseraient pas menacer par les loups ou autres créatures sinistres. Sans doute courait-il dans ces bois quelques légendes paysannes, mais il était un homme de science et ces sornettes ne le touchaient pas. Carpentier aimait parler, s'écouter parler, et être écouté parler, mais écouter lui-même n'était pas son plus grand talent.

S'il avait écouté, il aurait été surpris d'entendre que l'Anthony était déjà passé dans cette forêt à plusieurs reprises, durant ses errances des années précédentes ; et que la présence sinistre entre ces arbres n'avait rien d'une légende.

Et l'apprenti ne doutait pas que tôt ou tard, cette présence se manifesterait pour leur réclamer un droit de passage. Pour une fois, il avait de quoi négocier ; mais l'architecte accepterait-il de remettre l'un de ses précieux outils, ou le magot de son dernier travail, ou cette mule sans laquelle il ne pouvait plus transporter ses affaires ? Rien n'était moins sûr, et il faudrait sans doute renoncer à quelque chose de vital comme une paire de sabots. Il avait passé l'hiver à tailler de petites encoches au long du bois de ces sabots, qui avaient maintenant l'air de petites sculptures, et il n'avait pas très envie de s'en séparer ou de repartir pieds nus.

Bah, il faudrait voir. La peur convaincrait peut-être Carpentier de se montrer raisonnable. Il n'avait aucune idée de ce qui allait lui tomber dessus.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Dim 22 Nov - 21:32

Doucement, la grande dame hivernale laissait sa place au petit feu follet printanier. Il givrait toujours le matin et le soleil avait encore du mal à s’imposer après les brumes de la nuit mais bientôt, le froid ne serait plus qu’un souvenir. Qu’aurait-il fallu de plus pour le réjouir et le mettre de bonne humeur ?

La nature renaissait. Le cycle naturel de la vie reprenait et il serait là, cette année encore, pour pouvoir observer les fleurs s’ouvrir, les bourgeons se former et les oiseaux faire leur nid. Que demander de plus pour être heureux alors qu’un grand soleil brillait dans le ciel et qu’il avait le ventre plein ?

Sylvère était en pleine forme.

A l’heure actuelle, il était debout en haut d’un chêne et se tenait à la branche d’une seule main, sans vertige ou peur de tomber. Il observait les deux silhouettes qui étaient entrées voilà quelque temps sur son domaine. Il les avait vite remarquées. Parce qu’il était le roi de cette forêt, et qu’un roi savait tout ce qui se passait sur ses terres. Et on ne pénétrait pas Aiguemorte sans payer son dû !

Au fur et à mesure que les intrus se rapprochaient, Sylvère pouvait même dire qu’il s’agissait de deux hommes. Deux hommes et une mule - il ne fallait pas oublier les animaux !

Il en connaissait même un des deux. Un homme qui était déjà passé plusieurs fois et qui revenait, au gré de ses vagabondages, malgré son manque de moyens évident et les impôts auxquels il n’échappait jamais. Sylvère ne l’avait encore jamais vu accompagné, cela dit, et cela piqua sa curiosité.

Le peu qu’il avait appris au cours de quelques discussions, c’était qu’il avait foi en Dieu à peu près aussi peu que lui-même et qu’il avait déjà fui quelques maisons nobles. En tout cas, rien ne lui avait laissé pensé qu’il puisse être accompagné de quelque compagnon de voyage.

Quand ils ne furent plus qu’à quelques mètres de l’arbre dans lequel Sylvère était perché, il redescendit vers les branches les plus basses. Se laissant tomber en arrière à la manière d’un cochon pendu, il apparut devant le visage d’un des hommes - celui qu’il n’avait jamais vu dans les environs. Il n’était accroché à l’arbre qu’avec ses genoux pliés autour de la branche et les pans de son manteau tombaient autour de lui, tout comme ses cheveux sombres et bouclés. Un immense sourire s’affichait sur ses lèvres.

- Salutations, braves gens ! Belle et heureuse journée, vous ne trouvez pas ?

Il attrapa la branche avec ses mains et avec une facilité déconcertante, qu’un acrobate aurait pu lui envier, il fit un petit tour autour de la branche pour se laisser tomber au sol.

Il épousseta ses manches nonchalamment et revint vers les voyageurs, avant de s’incliner exagérément.

- Sylvère d’Aiguemorte, roi de la forêt, enchanté.

Spontanément, il s’approcha de la mule chargée et, en posant une main entre ses deux oreilles pour la gratouiller amicalement, il remarqua :

-  Je vois que vous voyagez chargés ! Permettez donc que je vous allège de quelques uns de vos encombrants paquetages !

Ce n’était pas pour rien qu’il laissait dépasser le manche de son poignard à sa ceinture, bien en vu des visiteurs - surtout de celui qu’il ne connaissait pas et qui passait ici pour la première fois. Il ne s’en était jamais servi pour autre chose que se couper les cheveux et dépecer les lapins qu’il avait braconnés mais cela, il n’y avait aucun moyen de le savoir !
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Message par Augustin Carpentier Lun 23 Nov - 11:43

La veille, l'apprenti avait soigneusement égalisé sa barbe hivernale, promenant une allumette devant son visage et tapotant avec soin les étincelles jusqu'à éprouver une surface nette et mesurée. A cet indice, son maître aurait pu supposer qu'il s'attendait à rencontrer quelqu'un, un quelqu'un de sa connaissance, et qu'il n'avait nulle intention de montrer sa tête de marmotte à peine sortie de son terrier, mais d'apparaître correct et à son avantage.

Ces coquetteries étaient rares de la part du vagabond, d'autant qu'il n'avait guère d'accès aux plus élaborées d'entre elles, mais ce minimum de décence en était le premier pas. D'ailleurs, au moment de voir apparaître le seigneur de ces bois, il n'avait plus rien d'un naufragé : ni le hirsutisme, ni l'égarement. Nouvel indice : il n'était pas particulièrement surpris ou inquiet  de voir surgir un visage humain des branches d'un arbre.

"Journée libérée des neiges, surtout ! Suivie de nombreuses autres, Dame Nature soit louée."

Son caractère timide aurait plutôt présagé d'un cri et d'une fuite. Au lieu de cela, il était au spectacle, contemplant les contorsions et les acrobaties de l'étrange créature des bois comme un gamin regarde un funambule. Au fond, on ne savait rien de son passé, sinon qu'il était veuf et qu'il avait été paysan ; c'est tout ce qu'on lui avait décroché au cours d'un hiver entier de veillées au coin du feu.

Carpentier commençait à se dire que c'était peut-être un bandit lui aussi, acoquiné avec cet autre bandit qui lui présentait si joyeusement sa pointe d'acier et ses exigences. Mais il ne pouvait pas accuser l'Anthony de cette mésaventure ; c'est lui et lui seul qui avait choisi leur itinéraire. L'autre n'avait fait que sourire, et se taire, et acquiescer comme à son habitude. C'est même pour cette habitude que le bâtisseur l'avait engagé, alors... difficile de s'en plaindre à présent.

"Il plaisante ?"

"Oh que non. Allons, vous avez bien quelque tribut dont vous êtes prêt à vous séparer ?"

"C'est qu'en ces temps difficiles, on n'emporte avec soi que ce dont on a vraiment besoin," marmonna l'architecte en se tournant vers la mule pour considérer leurs affaires, la mine agacée. Quant à combattre... ils étaient deux, mais clairement l'Anthony ne comptait pas. On ne lui ferait pas porter un coup, quelle qu'en soit la raison. Et la bête des bois semblait surnaturellement agile ; qui sait si elle n'usait pas de quelques diableries, ou si elle n'avait pas quelque troupe prête à surgir pour lui prêter main-forte.

"La valeur ne compte pas," murmura l'apprenti en tournant le dos à Sa Majesté, pour lui épargner de lire ses propos sur ses lèvres. "C'est un fou. Il ne fait que suivre son instinct. Aucun calcul là-dedans."

Oh ? La valeur ne comptait pas ? Mais c'est que cela changeait tout. Un sourire se peignit sur le visage de Carpentier, qui pivota en direction du brigand et l'aborda tout aussi joyeusement que ce dernier les avait salués. Puisque c'était la coutume en ces terres, autant jouer le jeu.

"Mon camarade vous offre son sabot droit. Pour que vous en ayez l'usage, je vous offre son sabot gauche. Etes-vous satisfait ? Je t'en rachèterai en ville," se hâta-t-il d'ajouter à l'intention de son apprenti, qui se renfrognait... tout en retirant ses sabots et en s'asseyant sur une souche voisine pour les nettoyer d'une poignée de feuilles mortes. Ni refus, ni acceptation, le maître avait parlé, le sort était décidé. Il n'était pas du genre à se rebeller. D'ailleurs, ses pieds n'étaient pas nus, se disait-il pour se donner du courage ; ils étaient enroulés d'un chiffon épais qui les garantirait des aspérités du chemin.

"Je m'en taillerai d'autres. Le bois vert s'y prête," déclara-t-il en indiquant la floraison environnante.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Lun 23 Nov - 13:42

L'accueil qui lui fut réservé ne lui surpris pas : ce n'était pas la première fois qu'ils se rencontraient et il avait dû s'attendre à le voir surgir à un moment ou un autre. Pas surprenant, mais néanmoins original. D'habitude, les gens étaient étonnés, voire apeurés par ses apparitions inattendues. Et la simple vue d'une arme suffisait à les rendre dociles — même si Sylvère savait bien mieux dépecer les lapins que les hommes.

- Il ne faut pas cracher sur la neige, voyons ! fit-il d'un air ravi, avant d'annoncer le prix à payer pour pouvoir passer.

- Il plaisante ? fut la réponse qu'on lui offrit.

Sylvère eut un sourire amusé et il haussa des épaules exagérément comme un comédien qui joue un rôle.

- Je plaisante souvent, monsieur, répondit-il, mais pas quand il s'agit d'impôts. Je dois rendre au sérieux ce qui est sérieux !

Et les voilà en discussion privée, penchés imperceptiblement l'un vers l'autre, pour en discuter. Pendant ce temps, lui se tourna vers la mule.

Sylvère aimait les animaux et ces derniers le lui rendaient bien. Tout en continuant de caresser la bête entre les deux oreilles affectueusement, il se décala imperceptiblement du côté des bagages. Il devait bien avoir quelques bricoles intéressantes là-dessous. Occupés par leur petit conciliabule, ils lui laissaient le champ libre.

Quand on vous prenait pour un idiot, il n'y avait qu'à en jouer un. On pouvait bien le prendre librement pour un fou, il savait qu'il était parfaitement sain d'esprit.

Quoique ! Les fous ne se disaient certainement pas qu'ils l'étaient, et les autres leur apparaissaient sûrement comme des dégénérés ! Dans ce cas, qui était réellement sain d'esprit ? Cette pensée le fit sourire. Peut-être bien que personne ne l'était vraiment. Il n'y avait rien de drôle à être sage !

Qu'il soit fou, dans ce cas ! Cette perspective lui plaisait.

Il releva un coin de la bâche qui recouvrait les paquetages et repéra en priorité la nourriture. Dont il prit à pleines mains les lanières de viande séchée. Sans s'en cacher le moins du monde, alors que ses interlocuteurs terminaient leur petite mise au point, il croqua dedans à belles dents.

Les deux voyageurs revinrent finalement vers lui. Sylvère se lécha les doigts précautionneusement, pour ne pas en perdre une miette. Passer l'hiver dans une forêt était souvent une période frugale et il savait profiter des opportunités.


- Délicieux, conclut-il, avant de se pencher sur la proposition d'impôts. Voyons voir.

Il attrapa les deux sabots qui venaient d'être retirés et fit mine de les examiner. C'était toujours utile pour les sorties en ville et autres déguisements. Cela viendrait compléter la panoplie qui se constituait dans sa grotte.

Il hocha la tête, satisfait, mais releva les yeux avec un sourire entendu.

- Mais si je compte bien, vous êtes deux. Il faut donc payer pour deux, cela va de soi, vous ne pensez pas ? Et puisque votre camarade a déjà payé sa part, il ne reste que la vôtre !
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Message par Augustin Carpentier Lun 23 Nov - 20:24

L'outrecuidance du brigand commençait à chauffer les oreilles du sieur Carpentier. Il croisa les bras et chercha visiblement comment se montrer désagréable, mais pas trop ; son regard agacé courait toujours de la physionomie rieuse au poignard bien visible, et il ne savait pas sur quel pied danser.

"Et la mule, elle doit payer son passage, aussi ?"

Son apprenti se hâta de lui conseiller la prudence, tel le valet de la fable, qui joue toujours double jeu :

"Ne lui donnez pas des idées, maître Carpentier. Faites simplement ce qu'il vous dit. Ce n'est pas bien difficile. Nos hardes d'hiver, par exemple, ne nous seront plus utiles avant bien des mois, si Dieu le veut."

L'architecte resserra frileusement autour de son cou l'écharpe en peau de renard qu'il arborait ; non, pas question de se défaire de l'un des éléments de son confort ! Il y en avait déjà si peu, en voyage ! Au lieu de cela, il détacha d'un geste sec la boussole qui pendait au long de la selle, prête à leur indiquer leur direction. De toute façon, ils toucheraient bientôt au but de leur périple, ils ne pouvaient plus se perdre. Son apprenti secoua la tête d'un air philosophe : décision humaine s'il en était, se séparer de ce qui indiquait quelle voie prendre à l'avenir, plutôt que d'une source de chaleur immédiate.

"Très bien ! Voici pour vous. Et laissez-moi cheminer en paix, à présent," marmonna Carpentier en tâchant de se montrer un tant soit peu autoritaire, en fourrant le petit appareil métallique dans la pogne du voleur. Il commençait à être de vilaine humeur, ce jeu avait assez duré. Son apprenti se plaça entre eux en les séparant avec diplomatie. Il s'était bien amusé à observer les événements jusque là, mais il ne tenait pas à ce que la chose dégénère.

"Allez toujours, je vais rester bavarder avec lui pour l'occuper. Je vous rejoins au prochain bivouac."

"Gare à toi, l'Anthony. Si tu me voles, ton dos s'en repentira," gronda l'architecte en le foudroyant d'un regard parfaitement dénué de plaisanterie.

Ce nom n'était pas celui dont on le nommait la dernière fois qu'il avait croisé le roi de la forêt. Mais l'apprenti se contenta de hausser les épaules d'un air benêt, attendant que son maître reprenne la route avec sa mule. Il restait en effet en possession du sac qui pesait sur son dos, et du bâton ferré qu'il tenait à la main. Il faudrait restituer tout cela. Il n'avait pas l'intention de se faire détrousser davantage ; il savait qu'il ne risquait pas grand-chose, maintenant que la transaction réclamée était honorée.

"Navré, votre Majesté, maître Carpentier est plus à son aise avec les plans de construction qu'avec l'étiquette de la cour."

Malgré son attitude penaude, il adressa un clin d'oeil complice au brigand, conscient que l'architecte ne se risquerait pas à un regard en arrière pour le surveiller.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mar 24 Nov - 21:10

Celui qu’il ne connaissait pas s’agaçait lentement de la situation. Être retenu ici par un fou - puisqu’il le prenait pour tel - tout cela pour payer quelques impôts… Cela ne le faisait pas rire du tout. Mais plus il s’énervait, plus Sylvère s’amusait. L’homme semblait chercher quelque chose à dire, et il finit par déclarer, d’un ton mécontent :

- Et la mule, elle doit payer son passage, aussi ?

Aussitôt, celui qu’il connaissait s'empressait de faire comprendre au Maître Carpentier que ce genre de paroles n’était pas une bonne idée, dans ces bois. Il y avait beaucoup trop de chances d’être pris au mot ! Et c’était d’ailleurs déjà trop tard. Rendre au sérieux ce qui était sérieux. Avec une facilité impressionnante, Sylvère fit un salto avant et s’inclina profondément, comiquement, sans lui laisser le temps de réaliser quelle erreur il venait de faire :

- Si vous proposez si aimablement, je ne vais pas refuser ! Ce sera donc, hum…, voyons voir.

À grandes enjambées souples, il s’approcha de la mule, souleva la bâche avec une outrageante volubilité, mettant au jour les quelques paquetages et attrapa quelques lamelles de pommes qui se trouvaient là, qu’il dégusta aussitôt. Puis il eut un large sourire ravi. C’était vraiment délicieux.

Assurément, cela serait loin de réjouir l’homme, mais qu’importe. Les impôts étaient les impôts. Il ne serait qu’un homme de plus qui irait raconter qu’il s’était fait détroussé par un brigand extravagant. On rajouterait quelques affiches sur les murs et ensuite ? Sylvère leur filerait entre les doigts. Comme depuis deux ans. Il n’avait que vingt-deux après tout. Il était beaucoup trop jeune pour mourir maintenant !

Pourtant, bien que râlant, bien que marmonnant, le fameux Maître Carpentier finit par se plier aux exigences. Il refusa de céder son écharpe en peau de renard. Ah, ils étaient bien contents, les hommes de la ville, de les trouver, ces fourrures quand le froid revenait, et bien peu enclins à s’en séparer ! Et ils étaient pourtant les premiers à se montrer irrespectueux avec les bêtes. Non, il se tourna plutôt vers la boussole, qu’il détacha de la selle d’un geste rageur et qu’il lui fourra dans la main.

Tout à son honneur après avoir payé - si agréablement - son dû, il souhaitait reprendre son voyage. Soit. Il avait payé, il n’y avait plus de raison de le retenir ici. Sylvère eut un grand sourire et déclara - en alexandrins, pour s’amuser :

- Quel plaisir que fut celui de vous avoir vu !
Puisse le vent vous mener en terres connues,
Et votre coeur guider vos pas vers d’autres jours.
Monsieur, je vous souhaite un très heureux séjour !


Ce n’était pas parce qu’il était un brigand qu’il ne savait pas aligner deux phrases et il créait les rimes aussi facilement que certains créaient les insultes.

L’autre s’interposa entre eux et proposa au maître Carpentier de poursuivre le chemin. Ce à quoi l’homme répondit pas quelques menaces mais s’en retourna. L’Anthony. Tiens donc. Encore un nom différent. Ce gars-là changeait au moins aussi souvent d’identités qu’il ne le faisait lui-même… Et ce n’était pas peur dire !

A peine l’autre était-il parti que Sylvère se hissa de nouveau sur sa branche, les jambes dans le vide, et s’amusa à manipuler la boussole. Joli instrument, mais qui ne lui serait pas d’une grande efficacité pour lui qui connaissait la forêt comme sa poche, et qui se repérait davantage à la couleur de la mousse sur les arbres et à la course du soleil. Il était homme des bois ! Mais enfin. Ce serait un joli objet dans sa grotte !

Finalement, il revint vers son interlocuteur et remarqua simplement en balançant ses pieds dans le vide comme un jeune enfant :

- Charmant personnage.
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Message par Augustin Carpentier Mer 25 Nov - 11:22

Le spectacle continuait : des bonds, des tourbillons, des poèmes, des éclats du verbe et de la pensée, tout une estrade de saltimbanques à soi tout seul. Le détrousseur avait raté sa vocation de baladin. Puis il laissa fuir sa proie dépitée, possiblement trop pour se vanter à autrui d'avoir subi cette mésaventure. L'avenir le dirait. Le pas de la mule tourna le coin du sentier ; l'équipage qui balançait sur son dos disparut entre les troncs. Le regard pesant du maître bâtisseur ne pesait plus sur eux.
Alors, l'Anthony redevint Stelian.

Toujours les yeux baissés, il se permit cependant de sourire un peu plus. Il savait bien qu'il n'avait pas affaire à un roi authentique, mais c'était une habitude prise, il baissait la tête et évitait de croiser son regard d'un air trop défiant. Lors de leur rencontre, il échappait à peine à l'autorité d'un personnage qui le terrifiait, et il s'inclinait par défaut devant tout ce qu'il croisait et qui risquait de vouloir le blesser ; cela s'était appliqué au feu follet des bois, et c'était resté. Une sorte de réaction réflexe dans l'échine, comme le mouvement de mâchoire de la bête de trait qui mâche son mors, même la bouche vide.

"Il m'apprend à monter des maisons. Pour nous autres qui vivons dans des maisons, c'est intéressant. Mais il a l'habitude de mener l'orchestre, si tu vois ce que je veux dire. C'est pour ça qu'il grogne."

Oh, ce n'était pas qu'il approuvait la petite scène qui venait de se jouer devant ses yeux. Plutôt qu'il n'y pouvait rien ; alors, quitte à n'y rien pouvoir, autant la regarder se jouer, en tirer quelque plaisir comique, et néanmoins, désapprouver en toute diplomatie, comme on désapprouve les frasques d'un gamin connu. Sylvère n'en faisait donc jamais d'autres. Il n'y avait pas à ses yeux de circonstances impropres à la comédie. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse, et il semblait souvent s'être enivré d'un rien.

Stelian en secoua dans un geste aérien ses cheveux ondulés d'avoir porté des tresses et d'avoir traversé la pluie sous cette forme. Il commençait à s'habituer un peu trop aux manières du fou pour s'en formaliser réellement, du moins lorsqu'aucun témoin ne risquait de les apercevoir et de les châtier. Sur une place du village, ç'aurait été une autre histoire. Mais là, il se sentait d'humeur indulgente, tout au plus enclin à manifester sa désapprobation par de petits signes de tête résignés.

"Tu ne devrais pas tourmenter ce genre de créatures rigides. Un jour, l'un d'eux va te mettre la rapière sous la gorge."

Au fond, il l'admirait, ce bandit. Aurait-il voulu se conduire de la même manière absurde et décomplexée ? Jamais de la vie, il en aurait éprouvé trop de terreur. Aurait-il voulu connaître un autre monde, où cette conduite lui aurait été possible sans aucune conséquence ? Diable oui. Il n'en était pas à l'avouer à voix haute, mais la vérité était là. Comme il avait envié jadis le meneur de loups dont il avait failli devenir l'apprenti... et voilà qu'il était maintenant un quasi homme de lettres. Bah, c'était préférable. Le bûcher était plus éloigné d'un chantier de construction que d'une cabane de maraudeur dans les bois.

Pourvu qu'on ne leur demande jamais de bâtir un bûcher... ou une potence. Ou l'estrade sur laquelle s'expose la Roue.

Veillant à ne pas écorcher ses pieds semi-nus, il gagna l'arbre pour s'y adosser, et après une hésitation, se hissa sur une branche basse. C'était mieux ainsi, en effet, les pieds dans le vide, comme sur un siège de taverne. Il jeta un coup d'oeil dans la direction de son interlocuteur, laissant son regard fixé sur ses mains qui manipulaient la boussole.

"L'hiver n'a pas été trop dur ici ?"

S'il n'était pas allé vivre seul au fond d'un bois oublié, ou sur les falaises d'une île perdue, c'est qu'il ne se sentait pas plus capable de survivre loin des êtres humains qu'auprès d'eux. C'était cette marée incessante qui l'emportait toujours et le rejetait contre le même rivage, au risque de le briser à chaque fois. Les hivers l'appelaient au coin des feux, et les étés, auprès des brasiers de la Saint Jean, même si à chaque fois il s'y brûlait les ailes. Mais regarder le grand miroir de la nature lui renvoyer son unique reflet... il ne l'aurait pas supporté longtemps. Il y avait fort à parier qu'il aurait perdu la raison, lui aussi.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mer 25 Nov - 21:27

Maître Carpentier était parti. Restait l’autre, celui qu’il connaissait, qui se tenait dans une posture presque soumise face à lui. Comme s’il était vraiment Roi, qu’il lui devait un réel respect. Ils savaient pourtant tous les deux que ce n’était pas vrai. Encore moins Roi de la forêt ! La forêt n’avait pas de monarque, c’était ainsi.

C’était elle qui le faisait vivre, elle qui était sa propre maîtresse, et certainement pas l’inverse. Sylvère ne se serait pas permis de lui voler sa place. Elle assurait les lois de la nature bien mieux qu’il ne le ferait jamais lui-même. Il ne s’en donnait d’ailleurs pas la moindre prétention ! Mais les hommes des villes, avec leur hiérarchie sociale idiote, ne comprenaient que cela.

Sylvère préférait se dire qu’il était le protecteur des arbres. On payait pour utiliser certaines routes, après tout. Il haussa les épaules pour lui-même, un mouvement parfaitement exagéré comme il savait les faire. Et ce n’était pas simplement parce qu’il avait un public : il était volubile en permanence, spectateur ou non. Après tout, un comédien s’entraînait en cachette avant de monter sur scène !

Monter des maisons. C’était intéressant, en effet. Inutile à ses yeux, certes, mais intéressant malgré tout. Il pouvait bien comprendre que certains aimaient les murs. Il avait pour sa part surtout l’impression d’être en prison. Voilà quelque chose qu’il ne comprenait qu’à demi : il ne jugeait pas leur manière de vivre. Pourquoi venait-on juger la sienne, alors, au point de lui envoyer les autorités aux trousses ?

Une chose était sûre, ce gars-là passait d’activité en activité, sans que rien ne présage combien de temps celle-ci durerait et qu’elle serait la prochaine. Car bien entendu, il finirait par changer de nouveau. Cela allait de soi. Quand était la vraie question. Mais il s’en fichait pas mal, en fin de compte.

Ce que cet homme était avant, ce qu’il serait après… Cela n’avait pas d’importance ! Ce qui comptait vraiment, c’était l’instant présent. Qu’il était là, devant lui, à cette minute précise. Et qu’il était en train de… lui faire des reproches. Sylvère haussa un sourcil interrogateur. Quoi ? Vraiment ? Était-ce là un genre de morale qu’il lui adressait ?

Sylvère retint un rire. Mais il avait l’expression qu’un garnement aurait, demi-sourire aux lèvres, insolent et à peine caché, quand ses parents le disputent. Il se dressa debout sur la branche sur laquelle il était jusqu’à présent assis.

- Ce jour-là n’est pas encore arrivé, tu vois bien, je suis encore là ! Et si cela doit être ma fin eh bien, soit. J’accepterai mon sort. En attendant, tant que ce n’est pas le cas, je ne vois pas pourquoi je m’en inquiéterai ! Il faut se faire du souci pour les dangers qui sont à nos pieds, et non pas ceux qui menacent dans quelques dizaines de mètres. Ni se faire du mouron pour ceux qui sont déjà passés.

Chaque chose en son temps ! Comme il ne s’inquiéterait des autorités que quand elles viendraient ratisser la forêt pour le trouver, il ne s’inquiéterait de cette possible lame qui se poserait sur sa gorge quand elle le ferait. En attendant, il continuerait à vivre.

Son interlocuteur vint le rejoindre sur la branche et s’y assit à son tour. Sylvère eut un immense sourire. Il s’accrocha par les mains à une branche un peu plus haute et s’y balança en souriant. Quand on escaladait une branche, on pouvait bien en escalader deux, puis trois, puis toutes les autres. Jusqu’au sommet. C’était à ses yeux comme une invitation à aller plus haut encore.

- Qu’est-ce que tu dirais d’aller voir un peu plus haut ?

Il eut un nouveau sourire, se hissa sur la branche à laquelle il se balançait et s’y accroupit, en attendant de voir si Stelian le suivrait. Cela faisait bien longtemps qu’il n’était pas monté en compagnie de quelqu’un. Une ascension partagée était toujours différente qu’une escalade seule.

- L’hiver n’a pas été trop dur ici ?

- Dur, ce n’est pas un très joli mot, tu ne penses pas ? Les choses sont dures seulement si on décide qu’elles le sont, je crois.

Sylvère aimait tous les mots. Mais il y en avait certains qu’il préférait. Dur. La vie n’était pas dure ! Et l’hiver non plus ! C’était un problème de civilisation, cela, de trouver les choses dures ! La forêt ne possédait pas les mêmes problèmes. Alors il remarqua d’une voix bouillonnante d’enthousiasme :

- Je suis vivant, en bonne santé et le printemps revient ! C’est suffisant pour se réjouir, non ?
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Message par Augustin Carpentier Jeu 26 Nov - 11:40

Pas sûr que leur conversation trouverait un jour un accord parfait sur la question des inquiétudes qui valent la peine d'être cultivées. Pour Stelian, c'était : toutes. Pour Sylvère : aucune. Il pouvait cependant le suivre dans les étages, ça ne faisait pas partie des choses qui l'inquiétaient. Une chance, qui a jamais entendu parler d'un oiseau de chantiers qui souffre du vertige ? Ça n'aurait pas été pratique du tout. Et puis, une fois en hauteur, il pouvait profiter du feuillage renaissant pour se cacher et échapper aux regards qui auraient pu venir du sentier. Il se doutait bien que le bandit ne s'arrêterait pas à une simple branche de plus, et le suivit des yeux, puis lui emboîta le pas, jusqu'à ce que la terre ferme ne soit plus qu'un souvenir.

C'était un drôle de monde, ici. Ça lui rappelait les falaises où on récoltait les oeufs d'oiseaux. Un monde en trois dimensions où le moindre faux pas pouvait être mortel mais où des appuis s'offraient de toutes parts. Et l'on voyait de loin se dérouler les événements et les drames du monde en deux dimensions à ses pieds, la campagne ici, l'océan là-bas, sans pour autant pouvoir intervenir ; on était comme un demi-dieu aux mains enchaînées. Machinalement, il chercha s'il y avait un nid d'oiseau, mais ils en étaient encore à la construction, pas à la ponte. Et pour l'heure, il n'y avait alentour qu'un salon biscornu de bois et d'écorce.

"Tu es toujours content, toi," remarqua le vagabond en se trouvant un siège confortable. Les branches étaient moins solides à cette altitude, par chance il ne pesait pas bien lourd. La part la plus pesante de sa personne était sa tenue d'hiver. "Si tu veux bien, je porterai ton inquiétude à ta place, puisque tu la laisses tomber si inconsidérément."

Par un espace entre les feuilles, il pouvait voir la forêt et l'horizon au loin. On pouvait donc aussi le voir. On aurait pu cueillir le bandit depuis la colline en face, si l'on avait su placer une flèche particulièrement virtuose. Il se croyait à l'abri, il ne l'était pas. On ne l'est jamais. Enfin. C'était cette partie du printemps où les insectes agaçants ne sont pas encore apparus en essaims, et où l'on pouvait profiter de la chaleur encore clémente sans trop se soucier de quoi que ce soit, il voulait bien admettre au moins cela.

"Tu sais que j'ai grandi à l'entrée d'une forêt," dit-il en réfléchissant plus profondément. "C'était il y a tellement longtemps, je ne m'en rappelle pas bien. Enfin ! Comme tu dis, le passé c'est le passé."

Il ne faisait pas très attention à ce qu'il disait, en présence d'un fou. Qui écouterait ce qu'il répéterait ? D'ailleurs, Stelian avait suffisamment veillé à ne pas avoir d'ennemis. Il était trop insignifiant. Personne ne prendrait la peine d'amasser un dossier à son encontre, ce serait trop de peine pour trop peu d'intérêt. Cette insouciance délivrait un peu sa langue habituellement scellée par la nécessité du secret. Une pensée étrange lui traversa la tête, et il la lança directement, sans même la rouler dans le torrent de ses méninges pour la polir en quelque chose d'approprié ou de compréhensible. En fait, il se conduisait dans cette forêt comme dans ses rêves ; elle avait quelque chose d'extérieur au monde réel.

"Si tu devais renaître, tu voudrais que ce soit ici ?"
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Dim 6 Déc - 17:04

Ils montèrent à la cime de l’arbre. Sylvère arriva le premier. Quand il se trouvait là-haut, indifférent au danger de tomber, il se demandait ce qu’était la liberté, sinon cette merveilleuse sensation que produisait le vent dans ses cheveux et contre ses joues. L’air était encore frais et rougissait sa peau, mais c’était une sensation agréable.

Finalement, Sylvère s’assit sur une branche, à l’image de son complice d’escalade et haussa des épaules avec un sourire :

- Le bonheur n’est ni plus ni moins qu’un mode de vie. Je mène une existence qui me plaît, dans cette forêt, et j’en ai fait le choix. Je l’assume parfaitement. Certains prennent la voie de la prudence avant tout. Pour ma part, je préfère la voie du bonheur.

Ce qui était sûr, c’était que si son interlocuteur n’avait pas fait le choix du bonheur. Plutôt de la prudence, tellement importante qu’elle en devenait, peut-être, un peu excessive. Oh non, Sylvère ne jugeait pas, chacun avait sa manière de voir les choses et de tenir à la vie. En la préservant coûte que coûte, quitte à devoir s'écraser face aux plus forts, d’autres en la vivant sans demi-mesure et sans se soucier du danger qui guettait. Cela à des échelles différentes selon les personnes, en fonction des concessions faites.

Vivre n’était pas une science exacte, et au contraire de ce qu’essayait de faire croire la société, il y avait mille et une manières d'exister - et aucune n’était plus mauvaise qu’une autre. Tout était question de goût et de valeur.

- Mais je dirai que tu portes déjà bien assez d’inquiétudes en toi sans pour en plus t’en rajouter en prenant les miennes !

Il lui adressa un sourire lumineux, comme il savait les faire. Avant de se concentrer de nouveau sur les arbres qui, petit à petit, se rhabillaient de leurs tenues d’été. Le printemps était bel et bien là !

- Tu sais que j’ai grandi à l’entrée d’une forêt.

Sylvère revint vers lui, intéressé. Il avait remarqué que les rares fois où le vagabond était passé dans le coin, il ne se confiait pas beaucoup. Et pourtant, sa langue semblait parfois se délier de manière surprenante. C’était là des avantages évidents à passer pour le dernier des fous ! Mais cela témoignait aussi d’une certaine confiance et cela le réjouissait.

- Le passé, c’est le passé, répéta-t-il en faisant mine de réfléchir. Hum… Non. Je n’ai pas tout à fait dit cela ainsi ! Le passé ne reflète pas complètement une personne, mais je n’ai pas dit qu’il n’avait pas d’importance.

Ce fut comiquement qu’il se laissa tomber en arrière, et cala ses bras contre sa nuque pour réfléchir :

- Renaître ici… C’est un peu comme si c’était le cas, non ? Sylvère d’Aiguemorte est né ici !

Et comme Ysengrin Zellers n’était pas mort… dans ce cas, c’était bien une renaissance ! Il ajouta plus sérieusement :

- Et toi ? si tu devais renaître, où est-ce que ce serait ?
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Message par Augustin Carpentier Mer 16 Déc - 10:46

Aux yeux du voyageur, le voleur n'était pas un dérangement. Et pour cause, c'était un sansonnet. Un fou, selon la métaphore, ou même littéralement un oiseau des bois, une de ces bêtes que l'on croise au long du chemin, renards, yeux dorés d'un chat sauvage ou d'un lynx, frémissement d'un poisson d'argent sous la surface de l'onde, insecte chatoyant qui parcourt le paysage d'une fleur...

C'était, non pas un congénère, mais une partie de la nature, et son attitude vis à vis du passage du temps ou de la perspective de la mort était tout à fait animale. Ce n'était pas l'un de ces fous qui se détachent du paysage à grands hurlements dramatiques ; au contraire, il s'y fondait et rejoignait la tapisserie quotidienne des malices naturelles, qui pour un habitué des routes, font office de famille nombreuse.

S'il suffisait d'opiner du chef et de grimper, à l'abri des loups, des sangliers et autre ours de passage, alors Stelian était son homme. Comme il y avait fait allusion, il avait su récolter les noisettes, les cerises et autres rapines des hautes branches avant d'avoir su monter à cheval, et c'était encore la monture la plus commode à son âge avancé. Au moins, elle ne ruait guère ; elle se balançait paisiblement, comme les bras d'une mère. Une mère aux bras aussi innombrables que les étoiles, semblait-il. Si d'aventure un bras lâchait, il suffisait de s'attrapper au suivant. Les mères humaines n'avaient pas non plus cette capacité. Décidément, ici n'était pas un mauvais endroit.

Sa langue déliée par la paix des environs, Stelian se permit même une plaisanterie.

"Ici n'est pas un mauvais endroit, mais je devrais subir ta compagnie, et me modeler sur tes illustres conseils tandis que je grandirais, alors..."

Son regard se perdit dans le vide et il se balança un peu, sans oser se livrer aux jeux de voltiges auxquels se prêtait son voisin. Il se contentait d'agiter un peu ses pieds, puis s'inclina et appuya sa tempe à l'écorce, comme si c'était à l'arbre qu'il confiait sa véritable réponse.

"Je voudrais revivre dans un autre temps."

Comme si la nature elle même venait l'empêcher de dire une bêtise, il s'interrompit, le regard fixé sur quelque chose qui approchait entre les troncs. Un cavalier ? Non, c'était un cerf, suivi de quelques biches craintives. Il les escortait au point d'eau. Le bras de Stelian se tendit pour indiquer ce beau spectacle. Puis il continua, reprenant le ton de la plaisanterie :

"Tiens, pourquoi pas en Orient. On dit qu'ils font ça, là-bas... Tu as déjà entendu parler des phénix ? Ce sont des hommes aux cheveux flamboyants qui vivent une première vie, puis à leur mort, on les dépose sur un bûcher sacré. Les flammes leur rendent la vie, et ils deviennent les camarades de jeux de leurs petits-enfants. Ils connaissent une nouvelle époque, avec ses folies et ses inventions..."

Ses yeux se fermèrent. Ah, s'il devenait un arbre ! Si cette écorce vénérable et impassible communiquait sa force et sa paix à ses tempes pâles et agitées. S'il traversait les ans, sans rien craindre que la foudre et la hache. Les immensités du ciel s'ouvriraient à ses mains tendues, et les petites créatures aux vies brèves viendraient s'abriter parmi ses racines, et il n'aurait plus à trembler. Sa voix n'était plus qu'un murmure. En fait... Tout plutôt que revivre comme il avait vécu.

"Et ainsi, sont possibles pour eux des choses qui ne l'étaient pas en leur temps."

Il eut soudain peur d'en avoir trop dit. Son regard se tourna rapidement vers le voleur, cherchant des yeux où il était passé, s'il l'avait écouté ou non, s'il avait simplement disparu dans les feuillages comme un oiseau de nuit. Il craignait d'avoir été un peu trop compris. C'était une chose de se sentir momentanément en sécurité ; mais les informations qui circulaient maintenant pouvaient être retrouvées plus tard, par de moins bien intentionnés.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mar 22 Déc - 19:32

En lui retournant la question, Sylvère ne s’était pas vraiment attendu à avoir une réponse. C’était simplement une interrogation lancée au hasard, tout naturellement. Mais il avait bien remarqué que son interlocuteur était un homme discret, qui parlait peu et écoutait davantage, alors certes, il ne se serait pas vexé de n’obtenir aucune réaction. Il ne s’en plaignait pas et comprenait même tout à fait. Et puis, même lorsqu’il demeurait silencieux, cet homme lui était de bonne compagnie en haut des arbres. Il était amusant à regarder, d’ailleurs, tandis qu’il balançait ses pieds dans le vide - comme un enfant sage.

Et pourtant, cette réponse vint bel et bien. Ou plutôt, dans un premier temps, une plaisanterie qui le fit rire. Toujours suspendu tête en bas, les bras nonchalamment calés derrière la nuque, simplement retenu à la branche par ses jambes, il lui tira la langue.

Les choses auraient pu s’arrêter là. C’était déjà une grande chose, quand lors des quelques visites passées, il parlait tout juste. Mais ce ne fut pas tout, étonnamment. Il fallait croire que toutes les habitudes pouvaient être changées !

Sentant le sérieux de la remarque, pourtant, Sylvère arrêta de jouer les acrobates et se rassit mieux sur la branche en se relevant à la force de ses abdominaux. Vivre dans un autre temps ? Voilà une idée intéressante à laquelle il n’avait jamais vraiment réfléchi.

Mais un cerf et ses biches passèrent et son attention fut retenue ailleurs. Aucun spectacle ne valait une telle vision. Les citadins ne savaient pas ce qu’ils manquaient, enfermés entre leurs quatre murs pierreux. Une fois les animaux disparus entre les troncs, la voix de son compagnon d’escalade remplit de nouveau l’air.

— Tiens, pourquoi pas en Orient. On dit qu'ils font ça, là-bas...

Sylvère n’intervint pas. Une question se pressait pourtant sur ses lèvres tout de même. Que faisaient-ils, là-bas, qui lui donnait envie d’y renaître ? Il sentait bien qu’il ne saisissait pas tout. Quant à sa conclusion, elle était tout aussi mystérieuse. Il y avait beaucoup de choses qui n’étaient pas possible par ces temps troublés. Sylvère aurait pu commencer à en faire la liste qu’il aurait toujours été perché en haut de son arbre à les énumérer le lendemain matin.

De laquelle parlait-il, donc ?

De nouveau, le silence flotta entre eux. Puis, le vagabond se tourna brutalement vers lui. Comme s’il avait eu peur qu’il ne soit plus là. Toujours calmement assis sur sa branche, les coudes appuyés sur ses genoux, Sylvère ne fit aucun commentaire, sinon sourire encore une fois.

Il avait bien conscience que poursuivre sur ce sujet n’était sûrement pas une bonne idée et que cela ferait aussitôt repasser son interlocuteur dans une posture plus prudente. Mais qui restait trop prudent finissait par ne plus connaître l’amusement ! Or, la vie devenait dès lors bien triste, c’était dommage de la gâcher en inquiétudes continuelles, quand on avait qu’une seule. D’autant que derrière les quelques mots prononcés, Sylvère percevait de sincères lourdeurs dans son cœur. Il n’insista pas.

— Et ta couleur préférée alors ? Laquelle c’est ? demanda-t-il, avec un enthousiasme non feint.

C’était une question tout à fait innocente, tout à fait légère, qui ne représentait aucun danger. Mais qui signifiait malgré tout à sa manière : tu peux me faire confiance, ce qui se dit entre les arbres, personne n’en saura jamais rien.
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Message par Augustin Carpentier Mer 23 Déc - 14:02

La question ramena le vagabond sur Terre, le laissant un peu décontenancé. Il était parti très loin dans ses propres pensées, et il avait presque oublié que le visage à ses côtés ne faisait pas partie de l'arbre. Cassant une branche sèche, il entreprit d'en briser de petits morceaux et de les lancer devant lui, en les regardant disparaître au milieu des feuilles.

"Je ne sais pas... J'aime bien regarder les yeux." Mais il ne le faisait jamais. Uniquement sur les vitraux. Et les yeux des bêtes, quoique charmants à leur façon, n'étaient jamais tout à fait semblables aux yeux des hommes. "Ah si ! Mais je ne sais pas comment ça s'appelle. Attends, je te montre."

En se redressant sur sa branche, il chercha autour de lui, d'où venait la lumière à cette heure, et cilla en trouvant l'astre étincelant. Il se rassit et expliqua :

"Repère de quel côté est le soleil. Bon, maintenant ferme les yeux. Tourne ton visage dans cette direction. Et ouvre à peine les paupières, pas vraiment... Tu vas la voir apparaître."

C'était l'un de ces mille jeux dont il se distrayait lorsqu'il était tout seul, comme un prisonnier dans sa cellule finit par se divertir en dressant les araignées. Il avait du mal à donner les instructions car il n'avait jamais de discours précis à ce sujet. C'étaient des sentiments bruts et des impulsions du corps, et ces choses-là étaient mieux tenues cachées. Mais en ce moment il ne voyait pas d'autre façon de décrire son goût en matière de couleur. Il n'était pas réellement sûr que celle-ci ait un nom. Ou il ne le connaissait pas, et seuls les peintres et les tailleurs de la Cour avaient une vision assez subtile du monde pour l'isoler, la dénommer et la redessiner, comme un naturaliste identifie un papillon rare et en propose le croquis.

"La première couleur qui sort de l'ombre, à la toute première lueur entre tes cils. C'est ma préférée. Ce n'est pas du vert, ce n'est pas du bleu, ce n'est pas du blanc..."

Il finit par hausser les épaules, avec un petit sourire. Au moins il avait partagé l'information, malgré le barrage du langage. Mais il n'était pas sûr que son voisin de branche voyait la même couleur que lui, dans ces conditions-là. C'était peut-être dépendant de la couleur des cils, et il avait des cils assez clairs. Ceux du bandit étaient noirs, comme les cils des chevreuils. Il était possible que cela transforme la teinte. Enfin, aucun d'eux ne le saurait jamais, et cette petite divergence n'aurait pas d'importance dans leur entente.

"Et toi ? Tu as une couleur préférée ? Je sais : l'or !"

Il ne faisait que le taquiner, il savait bien que le bandit n'exerçait pas ce métier pour l'amour du luxe et de l'enrichissement, quoique son butin devait commencer à représenter une sacrée montagne de ce noble métal. Mais ce n'était pas à un dragon qu'il avait affaire, on ne l'aurait pas trouvé enfermé au fond d'une cave à compter ses sous et à se désoler de ne point en posséder plus. En fait, rien ne pouvait le désoler. L'or lui allait bien, finalement ; mais dans ce cas, l'or du soleil, l'or du miel, l'or de l'hydromel et des feux de camp ; tout ce qui est chaud et réconforte le coeur.

L'amabilité du gentilhomme de fortune, qui consistait en ce moment à presque se fondre dans le bruissement du feuillage, avait apaisé la tension qui le tenait toujours prêt à fuir ; c'était lui, le chevreuil, au final, qui vient manger une pomme dans votre main après de longues heures à vous croiser de loin et à prendre le large aussitôt, disséminées sur plusieurs rencontres.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mer 30 Déc - 17:50

Son interlocuteur s’amusait avec une branche morte, en jetant des petits bouts devant lui qui chutaient à toute allure vers le sol. Sylvère, de son côté, demeurait assis, immobile, attentif.

— C’est bien vrai, répondit-il. C’est magnifique les yeux.

De n’importe quelle couleur, d’ailleurs. Des plus noirs aux plus bleus, en passant par toutes les teintes de marrons qui existaient au monde. Aucun d’eux ne se ressemblait et de tout, c’était incontestablement ce qui marquait le plus les précieuses différences entre les hommes. Leurs yeux.

Soudain, le vagabond se redressa sur sa branche, avec une étrange formule. Intéressé, Sylvère se tourna vers lui et observa le manège de son compagnon à côté de lui. Il se tournait, à la recherche de … du soleil. Sylvère pencha la tête imperceptiblement en le regardant se rasseoir, mais suivit ses explications sans sourciller.

Il repéra le soleil en une seconde, habitué de sa course quotidienne dans le ciel. Il ferma les yeux et profita une demi-seconde de la chaleur sur son visage, qui annonçait le retour du printemps. Puis, il entrouvrit les paupières, tout juste, pour qu’à peine un peu de lumière puisse traverser ses cils bruns.

Puis, il revint à sa place, les mains sur les genoux, comme un enfant satisfait. Le tout en souriant. Il hocha la tête, pour montrer qu’il avait vu. Peut-être que cette couleur était propre à chacun, allez savoir, mais là n’était au fond pas l’important. On lui retourna sa question.

Bien évidemment qu’il avait une couleur préférée ! et même plusieurs !

— Je sais : l’or ! s’exclama la voix de l’autre.

Une taquinerie qu’il n’avait jamais entendu auparavant. Il prit cela comme un gage de confiance qui le toucha profondément.

— Le vert, pardi ! s’écria-t-il. Comme les arbres, ou bien comme la nature.

Et aussi bien que les yeux humains prouvaient la diversité des hommes, la couleur des feuilles des végétaux en faisait de même. Aucun n’avait exactement la même couleur. Dans un petit saut ravi et spontané, il se dressa et déclara :

— Allez ! À ton tour de poser une question, maintenant !
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Message par Augustin Carpentier Jeu 31 Déc - 11:23

Le vert. Hm. C'était bien une réponse de sauvage. Non pas que la campagne ne puisse être dorée à certaines heures. Tout comme la neige, loin d'être blanche, se parait de toutes les couleurs imaginables selon les mouvements du soleil, selon les zones ombragées ou éclairées, avec plus ou moins de feu ou de sang, selon que la nuit approchait. Au fond, qui aurait dit préférer l'or aurait en réalité, dit préférer le soir ou l'aube. L'or ne manquait pas à ces heures-là, même aux plus indigents, il s'en était souvent fait la plaisanterie, lorsqu'il cheminait seul à travers de grands paysages vides. Qu'il n'était pas si pauvre que ça.

"Une question ? Attends... J'y réfléchis. Il faut une question intéressante."

D'abord, il avait envie de s'amuser. Il pouvait s'amuser avec Sylvère dans les parages, ils étaient deux animaux des bois, pas vrai ? C'était tellement étrange, comme situation, il fallait qu'il en explore les limites. Jusqu'à maintenant, le peu qu'il avait tenté n'avait attiré aucune représaille. Quelque chose lui disait qu'il avait encore de la marge. Mais pour en être certain, il fallait essayer. Il était l'apprenti d'un architecte à présent, et jamais son avenir ne lui avait paru aussi paisible et aussi sûr, bien qu'il ait encore des difficultés à imaginer que ça dure.

En détachant son foulard, Augustin se suspendit en cochon pendu sous sa branche, tendit les bras, et referma ses mains sur la branche du dessous. Le foulard s'y enroula solidement. Il n'avait pas l'intention de se brûler les paumes. Pour ce qu'il comptait faire ensuite, il valait mieux que l'écorce soit couverte.

"Regarde !" lança-t-il soudain en se laissant glisser, dépliant une jambe puis l'autre. Tout son corps bascula et tomba, de toute la longueur de son grand corps, puis à nouveau la même, jusqu'à ce que ses mains le retiennent. La tête de l'arbre en fut secouée, c'était un coup de chance, mais tout résista. La branche, et la poigne d'Augustin, solidement accrochée à son nouveau perchoir, sous lequel il se balançait comme un singe, heureusement sans rien heurter. Son rire fut la seconde surprise ; il ne dura pas, mais il s'était surpris lui même.

Ses pieds s'agitèrent dans le vide. Et maintenant ? Oh, il n'était pas mal installé. Il regardait autour de lui les feuilles détachées par le choc tomber en petit nuage, et il se sentait léger.

"Je sais. Tu avais des frères et soeurs ?"

Tout le monde n'avait pas envie de parler de ça. C'était une petite prise de risque. L'ambiance pouvait se déteriorer tout à coup. Rares étaient les fratries qui se développaient intactes et libres de drames, jusqu'à l'âge adulte. Mais avec Sylvère, le risque n'était pas bien haut, celui-là en tout cas ; au pire, il disparaîtrait dans les feuillages et irait se distraire ailleurs, lassé d'un échange qui ne prenait pas une direction appréciable.

Ce serait dommage. Augustin avait réellement envie de savoir. Il aimait imaginer l'enfance de Sylvère. Tout son comportement était parfaitement adapté à cette période ; il était un petit lutin dans l'âme, un changelin échappé des bois et jeté parmi les mortels pour leur jouer des tours, et en rire. Leurs âges auraient rendu cela impossible, mais il aurait aimé le connaître "à l'époque", quand ils avaient tous deux encore accès à cette même innocence.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Sam 9 Jan - 17:34

Augustin réfléchissait. Une question intéressante à poser. Il n’y en avait pourtant aucune qui soit totalement absurde, au fond. Une question restait une question, quel qu’en soit le sujet. Du moins, à ses yeux. Il le laissa réfléchir sans intervenir, simplement en laissant ses yeux se perdre parmi les cimes des arbres.

Plus loin, il distinguait la silhouette de plus en plus petite de l’architecte qui continuait de progresser avec sa mule entre les troncs. Un bonhomme tout de même grognon. Il haussa des épaules exagérément, pour lui-même. Il était passé pour un fou, comme de nombreuses autres fois. Il n’était même pas certain que son interlocuteur présent le prenne sincèrement au sérieux. Que dire, au fond, d’un homme qui vivait au milieu des arbres, dans une grotte humide, et qui s’était autoproclamé Roi de la forêt ? Pas grand-chose, certes, sinon qu’il devait manquer quelques lumières aux recoins les plus alambiqués de son esprit. Soit.

— Regarde ! fut l’affirmation qui lui refit tourner la tête.

Pour découvrir un Augustin suspendu tête en bas, mains en place sur la branche inférieure. Aussitôt après avoir obtenu son attention, une jambe se déplia, suivie de la seconde. Le long corps du vagabond tomba dans les airs, souplement, et fut retenu par la branche qu’il tenait. Une fois immobilisé, accroché à sa branche, la cime agitée par le choc, il rit. Et Sylvère ne put s’empêcher d’en faire de même.

À bien y penser, il n’entendait pas souvent rire Augustin. Ce ne devait être que la première fois… Ou peut-être la deuxième. Mais guère plus. Il ne savait ce qui lui valait une telle bonne humeur, aujourd’hui. Le retour du printemps ? ou bien, la trouvaille de ce poste d’apprenti auprès du vieux grincheux ? ou simplement, le fait qu’ils n’en étaient plus à leur première discussion ? Sylvère n’en savait rien. Toujours était-il que cette joie était là et qu’il n’allait pas la chasser.

Il sembla qu’Augustin avait finalement trouvé une question à poser.

— Je sais. Tu avais des frères et soeurs ?

Sylvère secoua la tête avec un grand sourire et il répondit spontanément, sans hésitation.

— Aucun. Mes parents étaient verriers et auraient certainement voulu que je reprenne leur suite.

Mais le verre, c’était leur passion. Il préférait de loin jouer les acrobates dans les arbres, quitte à passer pour un hurluberlu.

— Si j’avais eu des frères et sœurs, je peux te dire que je leur aurais appris plein de bêtises ! Et qu’on aurait bien ri !

Et pourtant, des bêtises, il n’avait pas eu besoin de frères et sœurs pour en inventer toutes sortes et pour en faire voir de toutes les couleurs aux pauvres parents Zellers.
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Message par Augustin Carpentier Lun 18 Jan - 18:44



"Si tu étais mon frère, on s'équilibrerait."

Le raisonnement était très clair dans son esprit, mais Augustin le déploya un peu pour le rendre accessible à son interlocuteur. Quoique, ainsi de part et d'autre d'un tronc, chacun pesant dans sa direction propre sur une branche différente, le propos s'illustrait de lui même.

"Tu serais fou pour deux, et moi, raisonnable pour deux. On se supporterait quand même, je crois."

C'était une hypothèse comme une autre. Mais cela valait la peine de la tenter. Dans un sens, Augustin aurait simplement voulu revivre en liberté ; et la liberté était partout ici. Si il avait simplement pu revivre parmi les animaux ! Combien plus simple auraient été son existence et son trépas ! Combien plus adaptés à sa nature... Il jeta un coup d'oeil au bandit. Il n'arrivait plus à le considérer comme une menace. C'était un homme paisible et joueur, qui se pendait dans un arbre et lui faisait regretter de n'avoir point connu les joies d'une famille unie. Il y avait, dans ce monde, des choses et des gens qui ne le menaçaient pas.

Ils arrivaient même à parler, et ce, sans qu'il s'excuse à tout bout de champ. C'était très particulier. Comme l'accent d'une langue étrangère. Mais il faudrait qu'il s'y entraîne, car cette langue, il allait devoir la parler en qualité d'apprenti ; il aurait une dignité qu'un domestique n'avait pas. Il gagnait en noblesse, en passant de chiffon à tout faire au rang d'outil spécialisé.

"Pardon, je ne devrais pas parler comme ça. C'est mal. Ça va contre la volonté de Dieu..."

Une étincelle d'amusement avait brillé dans son regard. La volonté de Dieu était très loin de leurs considérations, et au fond, de ce qu'ils étaient capables d'atteindre. Alors pourquoi se fatiguer ? Là était peut-être le secret de la liberté. Ils n'étaient que des chiens errants, à qui tout le monde aurait jeté la pierre... Les chiens ne s'embarrassent pas de questions existencielles. Mais ils ploient l'échine devant les lois à respecter, songea Augustin en cherchant à apercevoir, par delà les cimes des arbres, la ville à l'horizon.

C'est là qu'il allait. Et c'est là qu'il reprendrait son errance métaphysique. Ses blessures n'étaient pas de celles que l'on guérit, elles étaient de celles que l'on porte. Il se mordit la lèvre et se balança sur sa branche... ou alors il aurait pu tomber et mourir. S'envoler comme un oiseau. Mais non, il restait fermement accroché. Lui, on ne l'y pousserait pas. Ses pensées s'orientèrent tout naturellement vers les souvenirs toujours grondants au fond de sa tête, comme un orage prêt à tout obscurcir.

"A toi," dit-il en se recroquevillant légèrement. "Pose une question. Mais pas sur le jour où on s'est rencontrés, s'il te plaît."
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mer 27 Jan - 14:46

Peut-être que dans une autre vie, ils auraient pu être frères. Pourquoi pas. Si l’un avait été un peu plus jeune, et l’autre un peu plus vieux, aussi… D’un autre côté, pourquoi attendre ce que la vie n’avait pas fait ? Il suffisait de le décider de soi-même. Combien de fois Sylvère l’avait dit et répété, à tous ceux avec qui le sujet avait fini par venir sur le tapis ? Trop pour les compter. Il en fit de même cette fois-ci.

— On a la famille que l’on nous a donnée, et celle que l’on veut avoir. Celle que tu choisis peut-être aussi importante que celle où tu as vu le jour.

Aussi importante… sinon plus encore ! Une chose était sûre, ils se seraient certainement équilibrés, effectivement. Quant à se supporter… Il y avait au final assez peu de gens qu’il ne supportait pas. Il en fallait beaucoup, à vrai dire, pour provoquer chez lui une telle réaction. Il attendait de voir celui qui y parviendrait. Peut-être ne serait-ce jamais le cas, au fond ?

Quand certains se méfiaient de tous, sans distinction, d’autres ne se méfiaient de personne. Qu’est-ce qui faisaient la différence ? À bien y réfléchir, certainement pas grand chose. Une vie plus dure qu’une autre, peut-être… Quoi qu’il en soit, Sylvère ne croyait pas aux prédispositions naturelles, ni au pouvoir de Dieu dans ce domaine. Il haussa les épaules à son évocation.

Ah, Dieu ! Un pauvre homme qui devait bien rire ! C’était en tout cas ce que ferait Sylvère à sa place…

— Tu vois savoir ce que je pense de Dieu ?

Il ne connaissait pas grand chose des croyances de son interlocuteur. Mais puisqu’ils en étaient à discuter, il ne fut pas long à ajouter :

— Si j’étais le roi d’un paradis comme on dit qu’il est, je me ficherai pas mal de ce qu’il se passe en bas, crois-moi ! Et quand bien même il se soucie un temps soit peu de ce qu’il se passe, il devrait veiller sur plusieurs milliers de personnes simultanément, puisqu’il est apparemment tout seul… Tu sais quoi ? Ça doit être fatiguant, d’être un dieu en fait !

Il haussa des épaules.

— Je crois qu’aucune croyance n’est plus stupide qu’une autre ! Tant qu’on a le courage de se lever le matin, je ne vois pas pourquoi il faudrait en établir une hiérarchie. Et quand bien même ce serait le cas, pourquoi ne pas chercher des explications dans notre environnement proche, plutôt que d’aller chercher si haut dans le ciel ?

Mais c’était à son tour de poser une question. Sa demi-demande le surprit néanmoins. Que c’était-il donc passé qui mérite d’être gardé sous silence le jour de leur rencontre ? Rien qui n’ait sincèrement marqué Sylvère. Il haussa des épaules mais hocha la tête. Il respecterait sa demande, bien sûr. Il chercha quelque chose à aborder, qui ne le fasse pas se refermer. Il finit par se décider. Puisqu’il venait d’expliquer son point de vue…

— Et toi, alors ? Qu’est-ce que tu penses de Dieu ?

Était-ce une question qu’il avait le droit de poser ? Il verrait bien d’ici quelques secondes.
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Message par Augustin Carpentier Mer 31 Mar - 13:04

C’était une tentation périlleuse, l’imagination. Pas celle de ce qui pouvait arriver ; celle de ce qui ne pouvait pas arriver, mais qui, dans une autre vie, dans un autre monde, se serait profilé sur l’horizon des possibles. Attirer l’impossible dans le possible, c’était aussi criminel que de rappeler les morts pour leur poser de ces questions qui ne tourmentent que les vivants. Il fallait résister. De façon générale en tout cas, dans la vie de tous les jours, il le fallait.

Mais aujourd’hui, ce n’était pas la vie de tous les jours. Alors, dans le secret de son âme perdue, Augustin se prêta à l’exercice douloureux, étirant des ailes qu’il contraignait sous un corset de fer chaque matin au réveil. Il n’était pas forcé de s’imaginer une famille avec quelqu’un pour partager son lit, charnellement parlant. Il pouvait se contenter de se figurer des parents et des enfants, des oncles et des cousins, ce genre de famille auxquelles les villages perdus loin de tout finissent par ressembler, quand tout le monde a la même tête. Ou les villages errants des troubadours et des bateleurs de foire, plus proches sans doute de ce qu’imaginait son saltimbanque de détrousseur. Ils s’étaient bien davantage choisis, ceux-là. Et ils se séparaient quand ils ne s’entendaient plus. Un modèle qui semblait bien plus agréable que le mariage traditionnel, si on lui demandait son avis.

Personne ne le lui demandait.
A cet instant, la question du bandit le fit presque sursauter. Il aurait pu en tomber de l’arbre. Tiens, ça aurait eu le mérite de répondre à la question de Dieu. Mais pas besoin d’aller le trouver pour s’en faire une opinion, il suffisait juste de ne pas la dire trop haut, en trop mauvaise compagnie. Etait-elle mauvaise, celle-là ? Elle le poussait sciemment au péché. Pour un homme comme lui, parler de Dieu à coeur ouvert, parler de la famille qu’il se composerait s’il l’osait un jour, c’était comme lui proposer d’accomplir un sacrifice sanglant aux forces obscures : il y avait de quoi éveiller dans l’air un parfum de soufre.

« Tu penses que Dieu est loin, qu’il a mieux à faire, moi je pense qu’il... »

En se rapprochant, il chuchota à l’oreille de son ami, comme si les arbres avaient des oreilles.

« Je pense qu’il est l’un des masques que portent de mauvaises gens pour tyranniser leur monde. S’il existe, il n’a aucune puissance, car ils l’utilisent à leur gré. Mais que cet avis s’ébruite, et je suis mort. J’ai vu ce qu’on leur fait. Je suis le fils de ma mère, et... »

Il avala sa salive, se rencognant contre l’écorce du bois comme s’il essayait d’y rentrer. Les souvenirs frappaient à la porte de son crâne et y faisaient un vacarme étourdissant. Oui, peut être était-il temps de redescendre avant de faire une mauvaise chute.

« Disons que ce n’était pas une femme décente. Je ne me souviens pas clairement, mais je crois que c’était une sorcière ou quelque chose comme ça. Je ne veux pas le savoir, tu comprends ? Mais ce n’est pas étonnant que j’aie ces… idées en tête... »

Rien n’avait été dit clairement au sujet de ces fameuses idées, rien qui puisse éclairer ce qu’il entendait par là ; les allusions fines et les dessins de ses mains dans l’air ne peignaient pas un portrait clair. Uniquement celui d’une fragmentation, d’une coupure entre les sentiments et les actes, infligée par chaque instant qui passait. Et pour qui ne partageait pas ses terreurs, ce n’était pas suffisant pour déchiffrer. Oh, et puis, que la création aille au diable ! Littéralement. Parler de sa mère lui avait rappelé que lui-même, dans une enfance pas si lointaine, s’était dit sincèrement que le parti du diable ne pouvait pas être le plus mauvais.

« ...J’ai été marié mais ça ne m’intéresse pas, à chaque fois je me suis sauvé. »

Un regard en coin, interrogateur. Était-ce assez clair ainsi ? Devait-il insister ? Ou descendre de l’arbre ? Quelque chose lui disait que, s’ils remettaient pied sur la bonne terre ferme du bon Dieu, cette conversation ne serait plus possible. Eh bien, c’était le mieux à faire sans doute… non ? Non, il demeura sur place à se balancer légèrement, perdu entre les deux directions qui s’offraient à lui. Se taire avait toujours été plus simple, plus apaisant. La proximité de quelqu’un qui ne lui faisait pas peur changeait complètement la donne. Il lui en voulait presque. D'exister, d'être là, de lui parler, de l'écouter. De le laisser parler, alors qu'il creusait si visiblement une fosse pour son âme. Oh, ça ce n'était pas le problème ; mais on lui arracherait son corps sans le ménager, pour accéder à cette âme transfuge.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Lun 12 Avr - 13:14

Bon, je tire les dés pour savoir si Sylvère-le-Psy-Forestier comprend quelque chose dans les semi-propos d'Augustin ? ~ et je répondrai dans les jours prochains.

1 à 25 ; Il lui en faudra un peu plus pour comprendre.
26 à 50 ; Il voit bien qu'il y a quelque chose, mais il ne saurait dire quoi.
51 à 75 ; Il comprend à demi, mais n'est pas sûr de lui.
76 à 100 ; On parle du roi de la forêt, voyons 8) Bien sûr qu'il comprend.
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Message par Fatum Lun 12 Avr - 13:14

Le membre 'Sylvère d'Aiguemorte' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


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Message par Sylvère d'Aiguemorte Ven 30 Avr - 14:53

Spoiler:

Ils étaient là, perchés à plusieurs mètres du sol, à parler de Dieu. Sylvère balançait distraitement ses jambes dans le vide, comme un enfant, tandis que l’on se penchait à son oreille pour lui offrir son opinion. Il hocha la tête et répondit en haussant des épaules.

— Bah ! On va tous mourir, un jour. C’est le destin de toute vie. La tienne, la mienne. Il n’y a pas de quoi en faire tout un plat, au fond. Ce qui est bien, dans cela, c’est que le monde ne s’arrêtera pas de tourner sans nous. Alors pourquoi s’en faire ?

Lui ne s’en inquiétait pas. Il aimait la vie, oui, mais la mort ne l’inquiétait pas pour autant. Elle serait là à un moment, mais en attendant, il n’y était pas arrivé. Son ami semblait subitement mal à l’aise. Ce fut tout à fait naturellement que le jeune homme posa sa main sur son épaule en guise de soutien.

Décent, qu’est-ce que cela voulait dire ? C’était quelque chose qui avait été inventé par la société. Sylvère haussa les épaules pour répondre.

— C’était sûrement une femme très bien à sa manière. Elle vivait simplement comme elle le voulait et pas comme on lui demandait de le faire.

Un peu comme lui, en somme. La suite, néanmoins, l'interpella davantage. Ces idées ? quelles idées ? Il sentait bien qu’il y avait là-dessous, sous ce mot en apparence innocent, un lourd secret. Ce même secret qui devait peser sur le cœur de son interlocuteur et qui lui donnait soudainement cet air effarouché. Sylvère attendit. Il sentait bien que la suite allait arrivée, dans une conscience que le moment s’y prêtait et que la confiance régnait, d’une certaine manière, entre eux. Peut-être pas une confiance comme la société l’aurait entendue, elle était différente, moins conventionnelle, mais elle demeurait présente. Et comme pour le prouver, le silence se brisa de nouveau.

— … j’ai été marié mais ça ne m’intéresse pas, à chaque fois je me suis sauvé.

Le mariage n’avait jamais intéressé Sylvère non plus - et puis quoi encore ? - mais il savait, d’instinct, que ce n’était pas pour les mêmes raisons. Et c’était cela même que venait prouver le regard interrogateur qui lui fut lancé, qui disait muettement : tu comprends ?

Quelles idées pouvaient désintéresser du mariage ? Voilà la question. Quelles idées qui puissent être liées à l’indécence ? Il n’eut pas à réfléchir longtemps. La réponse s’imposa soudainement à lui, en se repassant une nouvelle fois ses mots, comme un explorateur tente de résoudre quelque mystère. Il ne la prononça pas, se contenta simplement de lui rendre son regard et d’hocher la tête, pour le lui faire comprendre. L’idée ne l’avait jamais dérangée. Ce n’était pas plus idiot, ou étrange, que de vivre seul dans une forêt avec des cloportes pour amis.

Très sérieusement, il se pencha en avant et appuya ses coudes sur ses genoux pour regarder l’horizon. Ses jambes ne se balançaient plus dans le vide. Il demanda simplement :

— Alors tu ne l’as jamais dit à personne ?
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Message par Augustin Carpentier Mar 11 Mai - 13:30

Dieu, s’il avait prêté l’oreille, s’il avait été tel qu’on le conte, n’aurait eu qu’une petite poussée à donner dans le dos de ces deux mécréants pour leur faire exécuter un vaste vol plané, le temps de réfléchir un peu sur leurs fautes passée et projetées. Mais il avait sans doute mieux en réserve, à supposer qu’il partage réellement leur univers. Stelian retournait cette pensée lugubre derrière ses paupières closes, appuyé contre l’écorce de l’arbre, comme contre l’épaule d’un ami, lui qui n’aurait pas osé un pareil geste. C’était sans doute pourquoi il aimait tant les arbres, la nature perdue, l’éloignement des lieux civilisés, et qu’il y revenait invariablement. Il était de la route, bien davantage qu’il n’était de nulle part en particulier.

Il fallait mourir. On vivait comme on voulait, en trichant plus ou moins habilement, mais un jour on mourait comme on avait vécu. Le bandit trouvait moyen de considérer cet événement avec insouciance, comme s’il n’y avait que le plongeon inconséquent et le reste de la vie des autres ensuite. C’était beau de se sentir lié ainsi à tout ce qui existait, sans doute. Assez pour se projeter dans tout ce qui continuerait une fois qu’on aurait disparu. Voilà un homme qui n’avait pas besoin de se marier ou de laisser des descendants pour porter son nom. Que des fleurs poussent, que des oiseaux chantent, et son âme était satisfaite. Mais les morsures de la flamme dans sa chair, il n’y songeait donc pas ? N’avait-il pas peur de souffrir ? Non seulement les douleurs nerveuses, mais celles du coeur, à voir ceux qui auraient dû être des amis, des fils, des pères, des bien-aimés, retourner contre soi toute la vindicte et la cruauté des chiens de chasse. Comme on a vécu… Stelian s’était tourmenté des années durant, au cours de promenades solitaires, en essayant d’imaginer ce qu’on lui ferait subir à l’instant de sa mort ; s’il parvenait à s’éteindre simplement comme un animal oublié dans un fossé, rongé par les insectes ou le givre, il estimerait avoir volé à la société le divertissement macabre que lui devaient ses péchés. Une dernière esquive. Il n’y croyait qu’à moitié, cela dit.

« Tu vois, si je vivais à ma volonté, je te l’aurais dit, à toi. Tu peux l’entendre. On n’est que des animaux des bois parmi les autres, ça n’a pas de conséquences. »

Encore deux jours plus tôt, alors que les abords de la forêt se dessinaient seulement sur la crête des collines, il avait observé au petit matin, comme deux fantômes dans la brume, de ces daims qui s’aventurent prudemment dans les pâtures humaines pour chercher leur pitance. Et il en avait vu batifoler qui… étant donné leur conformation physique, auraient plutôt dû se battre. Des concurrents qui s’entendaient trop bien, aurait-il pu dire pour évoquer le spectacle pudiquement. Les chiens, le bétail, jusqu’aux grenouilles sur le bord des ruisseaux, et aux oiseaux dans les branches, la nature entière se moquait royalement des lois qu’elle semblait pourtant avoir instaurées ; il y avait toujours l’occasion inattendue où un amour absurde se substituait à la guerre de bon ton. De ça non plus, Stelian ne parlait pas. Autant se coudre le mot « sorcier » en fil noir au travers du front. Mais il savait que son interlocuteur avait été parfois témoin des mêmes errances animales. La forêt était son catéchisme, sa place du marché, et son spectacle de baladins.

« Mais non. Je ne l’ai jamais dit, pas clairement. Il y a une ou deux personnes qui l’ont deviné. Je n’ai pas nié, c’est tout. »

Et ça s’était passé un peu de la même façon. Un échange distrait entre deux tâches quotidiennes, une prise de conscience soudaine, et ce sérieux qui s’était emparé de l’autre, alors que son esprit sondait soudain du regard l’abîme qui s’étendait dans l’âme de son voisin. Et lui, partagé entre mille sentiments violents et contradictoire, l’instinct de fuite, et celui qui ordonnait de feindre d’avoir gardé son calme ; le soulagement souverain d’être interprété avec exactitude, la terreur de décevoir et de perdre tout ce qu’il avait pu représenter ; et la timide joie presque infantile de savoir que, s’il demeurait apprécié, ce serait désormais pour lui-même… Et en fond, une faiblesse intense qui s’abattait sur lui comme un orage de chaleur, alors qu’il relâchait une tension maintenue dans tous les autres moments de sa vie. Il continua, en tâchant de masquer par un bavardage anodin la violence des tourbillons qui se déchiraient son esprit :

« Une des personnes à qui j’ai été marié. Elle n’est plus en vie. Tu vas être le seul à savoir. Je devrais peut-être te tuer, » sourit le vagabond en secouant ses cheveux emmêlés, toujours de cette voix hésitante et à peine audible qui était la sienne dans les moments de calme. Il plaisantait, mais qui sait ? Etait-il capable de tuer pour son secret, comme les bêtes poursuivies au fond de leur terrier et forcées de jouer des griffes pour prendre la fuite ? Il trouvait amusant de laisser planer le doute, parce qu’au fond, la question ne se poserait jamais, n’est-ce pas ?

« Il faut que tu dises quelque chose là-dessus, parce qu’en ce moment, je suis en train de mourir de peur, » conclut-il enfin. Il ne pouvait pas vraiment maintenir l’illusion. Ses épaules cherchaient à se recroqueviller, et des frissons à remonter son échine en mettant en péril son équilibre vis à vis de l’arbre. Tout ça allait très mal finir, s’il ne révélait pas un peu de son angoisse. Elle le doublerait par surprise, dans un moment qui n’y serait pas du tout approprié.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Jeu 3 Juin - 8:57

Ils étaient toujours perchés en hauteur, là où plus rien ne semblait les atteindre. L’architecte que suivait son ami était plus loin, il avait presque atteint la lisière de la forêt. En attendant, Sylvère était là, à écouter des mots qui n’avaient jamais été confiés à personne. Stelian ne l’avait pas clairement dit, seulement à demi-mots, mais Sylvère sentait comme … un besoin de se délivrer de ce fardeau qu’il portait seul.

Devait-il se sentir flatté d’être témoin de ces confidences ? C’était en tout cas le cas et il hocha la tête pour accueillir ce secret. Quel intérêt aurait-on pu trouver à le détruire ? C'était là tout la magie d'un secret, le silence, le partage… Dès lors que plusieurs personnnes étaient mises au courant, il perdait de sa saveur. Néanmoins, il se trompait sur une chose …

— Bien sûr que si, ça a des conséquences, répliqua-il. Tout ce qu'on dit, tout ce qu'on fait. Tout a des conséquences. Mais personne n'a dit qu'elles devaient être forcément négatives. Au contraire. Si j'ouvre un pot de confiture, je pourrais le manger. C'est une conséquence.

Et Sylvère aimait les conséquences. Elles faisaient partie d'une vie au même titre que les choix, puisque c'était justement ces mêmes choix qui les entraînaient. Une chose était sûre, Stelian pouvait compter sur lui pour garder le silence. La seule conséquence réelle qui existerait, ce serait qu'il n'aurait plus besoin de porter ce secret tout seul.

— Je devrais peut-être te tuer, remarqua le vagabond alors, au gré de ses mots.

C'était une plaisanterie, évidemment. Et pourtant, les choses restaient sérieuses. Sylvère sentait son angoisse cachée derrière ces paroles et elle fut confirmée peu de temps après alors que les épaules se voûtaient, comme si le poids de l'air devenait subitement trop lourd à porter.

— Tu n'as pas à t'en faire. Je serai aussi muet que les arbres sur le sujet, conclut-il alors. Et puis, si tu me tuais, qui pourrais-tu prendre pour un fou à ma place ?

Et pour illustrer ses propos, il se laissa tomber en arrière, pour se retrouver suspendu par les jambes. Ce fut dans cette position peu commune qu'il reprit.

— Tu es déjà tombé amoureux ?

Puis aussitôt, il enchaîna :

— Attends avant de répondre ! Comme tu m'as confié un secret, dit-il, je vais t'en confier un aussi.

Il n'en manquait pas non plus. Il réfléchit une seconde avant de se décider.

— Mon vrai nom, c'est Ysengrin. Et depuis que je suis ici, je ne l'ai jamais dit à personne non plus.

Où on aurait pu rajouter « désertion » à la longue liste de crimes qu'on lui attribuait déjà joyeusement.
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Message par Augustin Carpentier Jeu 10 Juin - 16:03

La forêt n'était plus pareille tout à coup. Le soleil avait dû tourner. Il y avait une sorte d'ombre bleue sur tout ce qui croisait le regard de Stelian. Une sorte de halo. Il se demanda sérieusement s'il était tombé de l'arbre et était mort. Sa prise se referma sur l'écorce, qui marqua légèrement sa peau, et il se dit qu'il était toujours vivant. Il en détacha un petit morceau et le regarda, réfléchit, et le rangea dans sa poche. Il en aurait besoin dans l'avenir pour s'assurer que tout ça était bel et bien arrivé.

Le vent se leva et s'infiltra entre les branches, l'arbre se balança légèrement du haut de son immense stature, et l'air se promena sur les visages des deux bavards, comme pour les encourager à poursuivre leur échange. C'était un air pur et parfumé à toutes les fleurs des bois, qui se respirait librement. La vérité avait bon goût.

"Ysengrin. C'est un beau nom... C'est un nom de chevalier."

Il imagina un masque de fer plaqué sur le visage de l'esprit des forêt, et eut une grimace comique. Non, quelle idée ! Les noms de chevaliers allaient aux traîneurs de sabres, pas à tous les braves gens, et c'était un brave homme qu'il avait en face de lui. Cette mythologie n'y collait pas davantage qu'une feuille morte à la façade d'une église. Sylvère était chaleureux, lumineux, ses traits étaient souples et mobiles, la froideur sombre et lourde du métal n'avait rien à voir avec l'homme qu'il était à présent. Si elle avait davantage convenu à son passé, alors il n'en portait pas une trace.

"Mais ça ne te va pas. Tu n'as pas une tête d'Ysengrin. Merci de me l'avoir dit, mais je m'en souviendrai en riant."

Un autre aurait pu se vexer d'une telle réaction. Bah, à vrai dire, Sylvère aurait pu se vexer d'une telle réaction. Mais ce n'était plus si grave. Rien n'était grave, pas vrai ? Ils pouvaient toujours discuter et se raccommoder. Soudain, Stelian se sentait en pleine forme, et il avait faim. Il fouilla dans le revers de son vêtement, et en sortit un sachet de cerneaux de noix et de noisettes séchées, qu'il s'était bien gardé de montrer au moment du cambriolage. Il y piocha avec appétit puis le tendit à son voisin de branche. Dans le mouvement, il dérapa un peu et se rattrapa juste à temps, avec un rire ; quelques noisettes échappées retrouvèrent le chemin des racines, où sans doute, elles feraient le bonheur des petites créatures des bois.

"Quant à ta question... Je ne sais pas trop. Peut-être. Je me suis déjà attaché à des gens. Mais je me suis détaché sans trop de difficulté... ou la vie m'en a détaché, enfin, je ne crois pas que j'ai déjà ressenti de la passion, comme les poètes en parlent."

Amoureux, ça n'avait aucun sens, ce mot-là, de toute façon. Pour les uns, c'était l'habitude qui rend désagréable le spectacle d'un lit vide et froid ; pour les autres, une flamme qui dévorait les coeurs et les regards, et vous entraînait au fond des Enfers ; parfois c'était un besoin de possession, parfois un besoin d'évasion ; un jour c'était donner, le lendemain c'était prendre... Il était à peu près sûr que ses parents ne s'étaient pas aimés, par exemple ; et l'avaient-ils aimé, il n'aurait pas parié sa vie sur cette information. D'où, probablement, sa facilité à se détacher d'autrui. Ça ne les avait pas empêchés de se supporter et de le produire, lui et d'autres. Mais ce n'était pas une ambition à laquelle il aspirait, dans tous les cas. On ne mourait pas d'en être privé, donc c'était un besoin secondaire.

"Ce n'est pas plus mal. J'aime mieux les relations tranquilles. La passion, c'est une couronne d'épines," décréta-t-il avec légéreté. "Ou alors, disons que je suis amoureux de ma tranquillité et que je veux passer ma vie avec elle. Et toi ?"

Il leva un index malicieux à son tour :

"Attends, ne dis rien, je vais deviner ! Tu es amoureux de ta forêt. Et tu ne la quitterais pour les beaux yeux d'aucune princesse."
Augustin Carpentier
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