[18 décembre 1597, matin] Mauvais chien, mauvais maître ? [RP sensible - Terminé]

Trigger warning:

Encore une sale besogne qui les attendait ce matin. L'arrestation d'un vulgaire esclave estropié, dénoncé pour pratiques sexuelles inversées, n'aurait rien fait aux soldats de la prévôté... si ledit esclave n'appartenait pas au Cardinal Cassin. Oh certes, les agents ne faisaient que leur travail. Ils redoutaient toutefois ce qui allait bientôt leur tomber dessus. Le groupe se demandait si les offices de l'ecclésiastique étaient si efficaces que cela, pour que l'une de ses propriétés ait de ces pratiques infectes, interdites par la Bible ! Mauvais chien, mauvais maître... Quelle situation serait la plus à redouter ? Que l'homme d'Eglise soit dans le déni et s'emporte contre les soldats venus arrêter le fautif - ou qu'il ne soit tout simplement pas informé des goûts de son esclave et s'en prenne aux représentants de la loi, croyant à une machination ? Si le Cardinal ne se montrait pas coopératif, la diplomatie devrait être de sortie.
Le chef de la brigade inspira, frappa à la porte. Ce serait sans doute non pas Son Éminence qui se présenterait en premier, mais un domestique dévolu à l'accueil des visiteurs à l'hôtel particulier du religieux. Aussi l'homme se permit-il un sec :

-- Au nom du Roi, ouvrez !

Il attendra qu'on informe le Cardinal de sa venue. Quand ce dernier se présentera, le commandant inclinera profondément le buste avant d'entamer avec la plus grande déférence :

-- Votre Éminence. Vous me voyez navré de vous déranger de si bon matin. Mais il s'agit là d'une décision de justice. Je suis dans l'obligation de demander à voir sur le champ votre esclave Alexandre.

Et dire qu'il y avait seulement douze jours de cela, un autre caporal-chef et sa brigade avaient accompagné Matthieu au Lupanar pour investiguer au sujet d'un sorcier. Le militaire missionné en ce jour garda bien pour lui le constat de cette savoureuse ironie.

En ce début de matinée, Alexandre s'occupait d'épousseter les étagères de al chambre de son maître. Parallèlement, son esprit beaucoup plus loin et réfléchissait à son roman. Il écrivait dans as tête les phrases qu'il coucherait, quand il le pourrait sur le papier. Son héroïne prenait de plus en plus en vie dans son imagination et il aimait s'interroer dans de petits moments du quotidien sur comment celle-ci réalisait dans telles situations. Même ses tâches serviles lui seraient utiles. Dans une partie lointaine, il comptait la développer recluse dans un monastère, éloignée de sa famille pour adultère, peut-être séparée de son nouveau-né, il n'était pas encore certain de lui donner ou non tout de suite un premier enfant. Son intrigue se construisait encore bien lentement. Le doute revenait le prendre ? Saurait-il aller au bout d'un projet aussi ambitieux ? Pourrait-il même écrire ? Avec une heure de liberté par jour, cela lui laissait si peu de temps pour se consacrer à l'écriture.

C'était si frustrant.

Mais les choses finiraient par évoluer. Alexandre n'en doutait pas. Après ces épreuves, le Christ saurait le récompenser de as patience et lui accorder la liberté ou un meilleur maître qui l'autoriserait à avoir plus de répit pour ses travaux d'écriture. Le jeune homme se prit à rêver que ses amies de Monthoux se décident à le racheter. Si elles connaissaient son projet littéraire, elles lui permettraient de s'y consacrer correctement. Elles étaient si bonnes.

Brusquement, des coups secs frappés à la porte le sortirent de ces pensées. Intrigué, Alexandre rejoignit l'entrée, lentement, appuyé sur ses béquilles, et vit que son maître avait déjà ouvert. Des soldats conversaient en sa compagnie. Le jeune homme pâlit de revoir ces visages inquiétants, eux qui l'avaient déjà arrêté à deux reprises. Cette fois, ce ne serait pas loin. Il ne faisait plus de bêtises. Ils devaient discuter avec le cardinal de cette histoire de sorcier.

Un sorcier...
Cela lui rappelait la sorcière muette.
Elle n'en était pas une. Les pouvoirs magiques n'existaient que dans les contes. Et de ce qu'il avait pu entendre, le suspect de son maître serait un avorteur. Lors de son retour du lupanar, il avait longuement tempêté sur ce point. Alexandre n'était pas si catégorique mais n'avait naturellement rien dit. Pourtant, des prostituées qui veuillent réguler les naissances, dans leur situation, cela lui paraissait normal et cela lui paraissait plus sain que tuer l'enfant né ou de le déposer dans un orphelinat.

Soudain, il entendit les paroles du soldat.
Alexandre se figea.
Ses mains lâchèrent ses béquilles qui tombèrent dans un fracas au sol.
Ses jambes tremblaient.

"J'ai... j'ai rien fait."

Pourquoi devait-il avoir encore des ennuis avec la justice ? Il n'avait plus refait une seule bêtise. Il se conformait aux lois de ce royaume. Alors pourquoi ?

Des larmes commençaient à couler.

Il se sentait perdu.
Il sentait à nouveau la corde revenir, approcher de lui.

"J'ai rien fait ! J'ai rien fait !"

Ses jambes se dérobèrent et il s'écrasa dans un grand bruit au sol.

Cecilia lisait une adaptation d’une ancienne pièce de théâtre. Quelles horreurs on y voyait ! Une femme qui tuait ses enfants et la future épouse de son mari… Mais le mari en lui-même était assez ingrat, il fallait bien le reconnaître, et la femme ne manquait pas de panache, même si elle était monstrueuse. À la fin de chaque scène, elle levait les yeux vers Alexandre qui était occupé à son écriture. Elle avait hâte de le lire ! Cela semblait si bien ! Et puis, de ce qu’elle avait lu, il y aurait un passage dans un couvent alors elle pourrait se rappeler le sien !
 
Elle sursauta en entendant frapper à la porte, avant d’écarquiller les yeux en entendant la voix du garde. Qu’est-ce que le roi pouvait bien leur vouloir ? Elle porta la main à sa bouche en entendant le garde. Alexandre… Mais qu’avait-il fait ? Elle se signa et formula une prière muette.
Misericordia, Signor, il ragazzo é innocente, fai che le guardie si sbaglino…* Elle demeura figée, livide, aussi stupéfaite qu’Alexandre. Derrière lui, elle ne voyait pas ses larmes mais elle les entendait dans sa voix…
 
Elle retrouva sa capacité de mouvement quand il s’effondra. Aussitôt, elle se précipita vers lui mais ne put pas le retenir à temps. Elle passa toutefois sa main sous sa tête pour la soutenir.
 
« Alessandro! Come va? Di' qualcosa, per favore! »
 
Elle secoua la tête pour se remettre les idées en place. Elle était trop abasourdie pour que son monbrinien lui revienne facilement…
 
« Dis quelquose, par pitié ! Sono… Je suis ici, ça va aller… »
 
Elle releva en même temps le regard vers les gardes, inquiète, et vers le cardinal.


_______

*Par pitié, Seigneur, le garçon est innocent, fais que les gardes se trompent...

Ses deux jeunes gens occupés, l'un à épousseter, l'autre à lire, Matthieu avait tout le temps de se concentrer sur ce qui l'obsédait en ce moment : la recherche du sorcier. Les gardes du guet lui avaient assuré que les analyses se poursuivaient et que les preuves apparaissaient de plus en plus accablantes. Quand il trouvait leur homme, ce serait sans doute fini avant même que le procès ait commencé. Seulement voilà, encore fallait-il le trouver. Il suivait quelques pistes qui l'avaient mené tout d'abord vers la forêt où il n'avait rien trouvé. Il avait ensuite tenté de se renseigné auprès des personnes dénoncées au Lupanar mais là encore sans trop de succès. Il n'osait pas vraiment prendre Cassandre entre quatre yeux pour l'interroger, surtout qu'il ne voulait pas croire qu'elle soit impliquée là-dedans et Louise était muette comme une tombe du fond de sa goële. Il soupira en revoyant ses papiers.

Où aller à présent ? Il commençait à se dire qu'il n'avait pas encore suivi un nom, celui de la fameuse Phaïdée. De ce qu'il savait et par un hasard cocasse, elle avait atterri récemment chez le grand ami de feu son beau-frère, Don Juan. Et elle avait également fait en premier lieu un séjour à Monthoux. Tout l'esprit de Matthieu se tendit alors dans cette direction. Si le sorcier avait des relations intimes avec elle comme l'avait laissé sous-entendre la prostituée et s'il était épris d'une passion dont seuls les hérétiques dans son genre pouvait faire preuve, peut-être s'était-il risqué là-bas, rien que pour la voir. Quelqu'un l'aura alors forcément vu et sa présence maléfique aura forcément retenu l'attention de quelqu'un. Il sourit. Oui, voilà, il la tenait sa piste sérieuse ! Il se résolut d'aller dès l'après-midi, voire dès qu'il aurait enfilé un manteau au château.

Cependant, des coups bien impromptus à la porte coupèrent tout son enthousiasme. Il fronça les sourcils. Serait-ce encore Bélyl qui voudrait apporter des romans à Cecilia ? Non, elle n'avait pas le poing aussi lourd et ne viendrait pas de si bon matin. Il alla ouvrir lui-même puisqu'Alexandre mettrait un moment à atteindre la porte et que ce n'était pas la tâche de Cecilia. Matthieu entendit alors un ordre sec et plissa davantage les yeux. Si c'était les soldats du guet, ce n'était certainement pas pour lui rapporter le résultat des analyses, certainement pas avec ce ton...

Il leur ouvrit et fit les salutations habituelles, formelles puisqu'ils ne semblaient pas là en amis et alliés cette fois. Il resta ensuite un moment abasourdi par l'annonce. Il demeura figé, incapable de dire quoique ce soit. Il retrouva un peu ses esprits quand il entendit le bruit d'Alexandre et l'inquiétude de Cecilia. il se retourna vers eux et se râcla la gorge avec autorité.

- Un peu de calme, voyons !

Il se retourna vers les gardes.

- messieurs, je vous invite à entrer, je ne ferai pas obstruction à la justice, cependant, j'apprécierais que quelqu'un m'explique ce qu'il se passe et de quoi Alexandre est accusé.

Qu'est-ce qu'il avait pu encore bien faire ou en tous cas dans quel guêpier s'était-il encore fourré... Il lui aurait vraiment tout fait celui-là. Il croisa les bras dans une posture d'autorité, attendant une réponse, de l'une ou de l'autre partie.

L'annonce froide des militaires déclencha un torrent dans la maison. L'esclave en question apparut : il n'était manifestement pas bien loin. Assez proche pour entendre et aussitôt s'écrouler à terre, en lâchant ses béquilles. Le malheureux se mit à pleurer. A le voir ainsi, tellement frêle, un des gardes s'étonna que ce petit bout d'invalide puisse être un coupable... Les documents de la prévôté attestaient cependant du contraire et le capitaine des gardes devait faire son travail.
Entre temps, une jeune nonne venait de faire son apparition. Une italienne. Elle se figea, entoura Alexandre de toute sa tendresse et eut des paroles dans sa langue d'origine... des supplications. Les militaires ne comprirent pas tout, mais devinèrent vaguement qu'elle peinait à croire ce qui arrivait. Le plus courtoisement et compatissant possible, un des gens d'armes courba la tête devant la religieuse et souffla un :

-- Ma Sœur. Nous sommes désolés mais... la description est formelle. Ce garçon doit nous suivre.

Le chef de la brigade de son côté répondit au Cardinal après l'avoir salué de tout son respect :

-- Il est accusé de sodomie. Rien n'est encore confirmé mais il nous faut le conduire à la prévôté en attendant d'instruire l'accusation comme il se doit. Par ailleurs, de fortes suspicions traînaient déjà dans ce sens au sujet de votre esclave, depuis son premier passage en justice. (Un temps, grave) Votre Éminence, avec votre permission...

Sans terminer sa phrase, d'un simple geste vers Alexandre il fit comprendre qu'il était temps de les suivre. Les autres militaires cernèrent le petit esclave et attendirent la réaction du maître.

Alexandre était abasourdi par la présence des gardes venus pour l'arrêter.
Que s'était-il encore passé ?
Il n'avait rien fait. Strictement rien.

Perdu dans ses pensées, Alexandre perçut la voix de Cécilia, au moins aussi confuse que lui, qui parvenait à ses oreilles. Elle le prenait dans ses bras et cherchait à lui procurer du réconfort. Il se ressaisit légèrement quand son maitre demanda du calme mais trembla encore. Il écouta les explications des soldats et resta un peu plus interdit.

Qui avait pu le dénoncer pour sodomie ?
Peu importait ses rencontres avec Alduis, ils fermaient toujours la porte. Personne n'avait pu les apercevoir. Il ne s'agissait que d'un faux témoignage, alimenté par les charges que le seigneur de Frenn avait énoncées lors de son procès. Mais il n'y aurait aucune preuve possible. Et puis...
Et puis, il avait Alduis.
Alduis qui le protégerait et le sortirait de sa cellule.
Il avait échappé quelques mois plus tôt à la corde : il échapperait aussi au bûcher.

Reprenant ses béquilles, Alexandre se releva et s'avança avec courage vers les soldats.

"Je ne sais de quoi il est question, messieurs, mais je vous suivrai sans résistance. Je n'ai aucun crime sur la conscience et aucune raison de redouter la justice."

Alexandre réprima un sourire.
Certes, l'homosexualité était pour cette société un crime mais lui ne le considérait pas comme tel. Par conséquent, il ne leur mentait pas. Le jeune homme poussa même l'audace vers son maitre et reprit avec humilité.

"Je vous jure, maitre, sur les évangiles, n'avoir rien fait avec une de ces pratiques diaboliques."

Ce qui s'avérait là aussi entièrement vrai là : l'homosexualité n'avait rien de diabolique.

Cecilia se figea à l’ordre du Cardinal. Elle déglutit et hocha frénétiquement la tête.
 
« Sissignore, mi scu… Excusez-moi… »
 
Elle sursauta en entendant un soldat et se mordit la lèvre en hochant la tête, silencieusement. Elle s’effraya de la réponse du chef de la brigade. Alexandre ? Coupable ? Lui qui était si pieux… Elle n’eut toutefois pas le temps d’y réfléchir car l’encerclement des gardes, si grands par rapport à elle, à genoux, occupa tout son esprit. Elle aida Alexandre se relever et se rapetissa sur elle-même. En le regardant s’avancer et parler, elle fut impressionnée par sa bravoure et osa lever un regard inquiet vers le garde gentil qui lui avait parlé.
 
« Pardonnez-moi mais que va-t-il lui arriver ? Va-t-on lui faire du mal ? »
 
Inquiète quant à la réponse elle regardait aussi le jeune homme en espérant lui transmettre du courage.

Matthieu se retourna brièvement à la réponse de Cecilia et faillit la rassurer mais s'abstint. Il avait demandé le calme, il s'y tenait, bon sang ! Qu'est-ce que cette petite pouvait lui faire penser comme sottises parfois... D'ailleurs, un garde semblait très bien s'en charger. Il prit une grande inspiration en se recentrant bien vite sur les explication - il n'attendait que cela.

La réponse le fit tomber des nues. Ses yeux s'agrandirent et il dut décroiser les bras.

- Je vous demande pardon ?

Mathieu secoua la tête. Alexandre, l'un des garçons les plus pieux de cette ville en dépit de son infirmité, ce qui était tout à son honneur ? Certes bavard, agaçant, trop envahissant et prétentieux sur les bords mais sodomite ? En ce cas, il n'était pas cardinal ! Non, vraiment, quelque chose clochait là-dedans. il reprit cependant ses esprits et croisa de nouveau les bras.

- Je vois... mais il me semble que son procès l'avait justement absout. Puis-je savoir, si vous le voulez bien, qui a proféré de tels accusations ?

On aurait très bien pu vouloir lui nuire, ce ne serait pas la première fois. Cependant, il n'était pas à Rome et il doutait que même ses rivaux les plus revêches aient tenté quelque chose de là-bas, surtout que la plupart étaient italiens donc ignoraient tout de l'instruction de Monbrina. Quelque chose clochait... Cette accusation n'avait aucun sens mais il ne parvenait pas à lui trouver de motifs valables ou de sous-objectifs évidents. Mais alors quoi, c'était à Alexandre qu'on en voulait ? Pour quelle raison ? Il plissa un peu les yeux alors qu'il les tournait vers son esclave. Celui-ci venait de se relever et affirma haut et fort ne rien savoir de tout cela. Matthieu haussa un sourcil mais son ton lui paraissait sincère. Il se retourna alors vers le capitaine. De toute façon, il était hors de question de les empêcher de l'emmener.

- Eh bien soit, faites votre travail, messieurs. Je compte sur vous pour tirer cette affaire au clair.

Il alla ensuite se planter devant Alexandre avant qu'il ne le prenne.

- Je te crois mais tâche avant tout de te conduire en homme de bien, selon les Évangiles. Dieu saurait reconnaitre que tu es innocent et te sortir de la geôle.

Il laissa alors le champ libre aux gardes et ne put s'empêcher de se placer près de Cecilia et de pencher la tête vers elle.

- Allons, ma fille, point de de raison d'avoir peur. Dieu saura faire éclater la vérité et l'épargnera s'il est innocent.

A la bonne surprise des soldats, l'esclave ne fait pas l'enfant. Il se leva avec courage, s'appuyant sur ses béquilles, et s'annonça disposé à les suivre sans la moindre résistance. S'estimait-il réellement innocent ou bien ne cherchait-il qu'à le faire croire ? La suite de l'enquête le dirait. Mais en attendant, la garde pouvait se réjouir car au moins, l'arrestation n'aura pas été compliquée du tout... contrairement à celle qui suivait et qui promettait, à Monthoux, d'être beaucoup plus remuante. Cocasse situation que de venir arrêter l'esclave de cet ecclésiastique avant d'aller, en son nom, poursuivre les recherches en vue de la capture d'un sorcier estropié.
Après avoir écouté le serment d'Alexandre à son maître, et sur autorisation de ce dernier, les militaires encadrent le jeunot. Il semble docile. Inutile de lui passer les fers : il a bien assez de ses béquilles déjà pour l'encombrer. L'un des gens d'armes, celui qui avait adressé une parole bienveillante à la malheureuse nonne, répondit franchement mais avec douceur :

-- Impossible encore de dire ce qui lui sera fait, Ma Sœur. Pour l'instant, cet esclave va seulement être clos au cachot, pendant que nous continuons d'instruire l'enquête et organisons son procès. Ce qu'il subira dépendra des suites de l'investigation et du comportement de l'inculpé.

De son côté, le capitaine resta ferme devant le cardinal, évidemment éberlué par les accusations. Malheureusement, tel était bien le contenu de la plainte déposée il y a peu. Penchant la tête par respect, le supérieur répondit :

-- Je n'ai malheureusement pas le droit de révéler l'auteur des accusations. Secret professionnel. Mais apparemment, en dépit de la première audience, les suspicions de sodomie demeurent et appelle la ré-ouverture de l'investigation.

Enfin, l'ecclésiastique laissa les gardes faire leur travail, puis adressa ses derniers mots à Alexandre. Un instant, le capitaine des gardes espéra que le Cardinal ait raison quant à l'innocence de son esclave. Cela vaudrait bien mieux pour sa réputation de Cardinal, et évidemment pour l'esclave lui-même. Il acquiesça pieusement aux mots que Matthieu Cassin adressa à sa novice : Dieu ferait éclater la vérité.
Sans davantage de formalités, quatre gardes s'emparèrent du malheureux Alexandre et s'éloignèrent avec lui à travers les rues de Braktenn. Deux d'entre eux se montraient précautionneux, prêts à le soutenir dans la pénibilité de sa marche au cas où. Heureusement la prévôté n'était pas trop loin. Le reste de la troupe demeura auprès du Cardinal ainsi que de Sœur Caecilia - et allait très bientôt être rejointe par des renforts équipés d'un fourgon : la visite à Monthoux les attendait et à la clé, espéraient-ils, une interpellation de choix.

La figure de Matthieu resta pincée, notamment ses lèvres. Il espérait que rien de cette affaire ne lui porterait préjudice. il regarda la troupe partir d'un œil froid, mais malgré tout partiellement inquiet. Il se redressa à la réponse du capitaine et s'efforça de garder une figure impassible.

- Bien, je vois. Eh bien, je vous souhaite de tirer tout cela au clair le plus vite possible.

Il les laissa partir avant de se reporter sur le reste, pour retrouver un peu de bonne humeur et de sérieux. Il se redressa et inspecta d'un regard inquisiteur la troupe avant de se tourner vers Cecilia.

- Mlle Candore, préparez-vous. Nous partons pour Monthoux, nous avons enfin une piste pour retrouver ce sorcier. Vous allez enfin pouvoir voir l'enquête sur le terrain.

Il avait voulu être ferme mais avait tout de même été plus doux, pour ne pas la brusquer, elle qu'il voyait tétanisée. cependant, elle était aussi là pour apprendre. Cela allait être l'occasion. Il prit une grande inspiration.

- Bien... Dès que tout le monde sera près, en avant !

Cecilia écouta la réponse du garde à sa question. Elle hocha la tête, inquiète, tout en espérant qu'Alexandre ne fasse pas de difficulté et que, surtout, que la fameuse enquête joue en sa faveur. Elle le remercia d'un signe de tête.

« Je vous rends grâce pour vos réponses, Monsieur, et... que Dieu vous garde, vous et vos compagnons. »

Elle releva la tête quand le cardinal vint près d'elle et la hocha mécaniquement avant de prendre une grande inspiration.

« Vous avez raison, Éminence. Je suis persuadée que tout ira bien, selon la volonté de Notre Seigneur. »

Elle regarda son ami partir, tout de même sincèrement inquiète, avant d'écouter les instructions du cardinal. À l'entendre, il ne plaisantait pas et elle hocha vigoureusement la tête, remotivée. Trouver enfin cet être diabolique dont ils parlaient tout le temps aiderait à la sérénité des paisibles catholiques de Braktenn. C'était pour cela qu'elle était là. Elle se ressaisit intégralement, bras croisés dans le dos, même si elle avait tout de même peur au fond d'elle, pour Alexandre et pour elle, face à l'horrible sorcier.

« Pour ma part, je suis prête, Éminence. Nous pouvons aller traquer ce sorcier. »