[1er janvier 1598, après la discussion avec Alexandre] Assumer les conséquences de ses bêtises [Solo]

Nehalan avait quitté Alexandre requinqué et rassuré quant à ses questions sur la sexualité, et c’était plutôt confiant qu’il rentrait à l’hôtel de Torienel. C’est en poussant la porte que l’ensemble des transgressions qu’il venait d’effectuer lui revinrent en mémoire, et que la perspective d’un affrontement s’imposa de toute son aura terrifiante. Il referma derrière lui la boule au ventre, attendant de voir à quel moment il allait se manifester.

Cela ne tarda guère. Il venait de pendre son manteau quand un raclement de gorge lui fit tourner la tête. A quelques mètres de lui, son précepteur attendait, les poings sur les hanches, les sourcils froncés. Le regard de Nehalan s’arrêta sur sa main droite tremblante de colère, qui renfermait une liasse de papier froissé. Ce ne pouvait pas être… Non…

- On avait envie de se promener jeune monsieur ?

Il ne laissa pas le temps au jeune homme pour répondre et poursuivit, ponctuant chacune de ses phrases par un pas de plus, jusqu’à ce qu’il se trouve nez à nez avec son élève.

- Vous croyez-vous au-dessus de toute nécessité d’apprentissage ? Pensez-vous que votre naissance vous donne le droit de faire tout ce qui vous chante petit impertinent ? Je ne suis qu’un serviteur qu’il faudrait châtier n’est-il pas ? L’humilité n’est que l’apanage des timorés et des pleutres pourtant ! Ou bien est-ce que vous avez appris à garder l’esprit aussi critique qu’ouvert en toute chose ? Avez-vous bien dormi cette nuit, jeune monsieur ? Et vos prières à l’église ? Ont-elles porté leurs fruits ? Quels autres mensonges ou vérités cachées y a-t-il derrière cette tête de nœud ?

A mesure que monsieur Retmer avançait vers lui, Nehalan se décomposait. Comment avait-il pu trouver son courrier ? Il l’avait pourtant bien dissimulé sous son matelas, au côté du livre licencieux qu’il avait déniché à la bibliothèque et dont il voulait châtier le propriétaire.

- Alors ? Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
- Je… ce n’est pas… c’est que…bredouilla le jeune homme tout en reculant d’un pas.
- Vous n’avez pas eu le temps de développer votre personnalité et vos qualités oratoire ?

Sans lui laisser le temps de répondre, le vieil homme entraîna son élève tout penaud jusqu’au bureau où ils étudiaient.

- Je vous écoute. Expliquez-moi cette correspondance.

Il jeta les lettres du ministre et les brouillons défroissés des siennes sur la table.

- Cet homme est dangereux bon sang Nehalan ! Vous êtes un benêt !

Le jeune homme n'osait plus bouger d'un poil, la boule au ventre. C'était à peine s'il osait respirer.

- A quoi pensiez-vous, en lui donnant mon nom ? Vous auriez tout aussi bien pu lui donner l'arc pour m'abattre et tracer une cible dans mon dos ! Vous saviez qu'il est ministre, nom d'une pipe ! Vous connaissez l'étendue de son pouvoir ! Qu'avez-vous fait, espèce d'imbécile ?

Nehalan déglutit tandis que Monsieur Retmer passait une main tremblante dans ses cheveux grisonnants. Qu'il ne lui soit encore rien arrivé tenait du miracle.

- Alors ? J'attends.
- Je - Pardonnez-moi maître… J'eu mieux fait de vous en parler… Je - je pensais qu'il avait quelque grief à votre encontre et que… que je pourrais essayer d'apaiser sa colère ?

Paul s'appuya de tout son poids sur la table, prenant de grandes respirations, sans un regard pour son élève qui avait timidement relevé la tête. Il devait se comporter de façon exemplaire. Même si l'envie lui démangeait de lui infliger une bonne correction, il ne pouvait se permettre un écart pareil. Pour peu que ce scélérat aie écrit au paternel, il risquait sa place.

- Vous êtes un imbécile Nehalan. Heureusement pour vous, votre honnêteté tend à rattraper l'affligeante naïveté dont vous faites preuve. Mais l'honnêteté ne rachète en aucun cas la désobéissance ou les mensonges et stratagèmes honteux dont vous avez usé ces derniers jours. Vous serez châtié.

Le jeune homme baissa la tête. C'était normal d'être châtié quand on était un bon à rien comme lui. Il accepterait la sentence sans discuter. Il la méritait entièrement, quelque soit sa nature.

- Je vais écrire à Monsieur votre Père afin de décider de ce qui convient le mieux. En attendant vous ne quitterez votre chambre sous aucun prétexte et vous étudierez autant que je le jugerais nécessaire. Vous êtes curieux des affaires de lit à ce que j'ai cru comprendre ? Et bien vous me rédigerez un essai sur le sujet, en vous aidant des ouvrages à votre disposition dans la bibliothèque et de tout ce que vous ont enseigné les putains de Fromart. Je suis certain que la grande expérience que vous avez acquise hier soir vous permettra de disserter de longues heures durant. Au lit maintenant ! Et ne songez pas à dîner. Vous ne mangerez que demain matin.

Nehalan se mordit la langue de toutes ces forces pour ne pas pleurer. Il le méritait. Il le méritait. Il tendit la main vers les feuillets éparpillés mais le précepteur l'en dissuada d'une tape sur les doigts. Il ne lui restait plus qu'à suivre ses instructions, la tête basse.