[8 Septembre] La ruelle près de la librairie [Terminé]

Perdue dans ses pensées, la jeune Lounlyh marchait sans trop savoir où elle allait.

La réunion avec les enfants de Thémis avait bien parlé de cet incendie criminel au presbytère.
Le vénérable - c'est comme ça qu'il se fait appeler - lui a confié la mission d'enquêter. Elle devra rendre des comptes la semaine prochaine lors de la future réunion programmée dans la soirée du Vendredi. Comment allait-elle faire pour mener l'enquête ? Entre son travail et ses sœurs, difficile de trouver du temps pour cette mission.
Elle aurait bien évidemment demandé de l'aide à l'un de ses confrères mais son estime était trop fière pour ça.

Lorsqu'elle tourna dans une ruelle, elle vit la tête d'un jeune homme passer par l’embranchement de la rue opposée. Il ne regarda pas longtemps et retourna se cacher derrière le mur.

Intriguée par le comportement du jeune homme, elle décida d'aller voir ce qu'il manigançait.

Méfiante elle se rapproche du coin de mur et tourna la tête pour le voir.
Feignant de faire comme si de rien n'était, le jeune homme regarda à l'opposer et lissa sa chemise.
Lounlyh, déterminée à savoir ce qu'il cherchait à faire, lança la conversation.

"Tu espionnes cette librairie où te caches-tu pour le plaisir ?"

"Peut-être compte-tu la voler." Dit-elle en le regardant de haut en bas.

Elle analyse ses moindres faits et gestes pour distinguer le moindre tic ou la moindre crispation de sa part.

Devant son mutisme elle continua sur sa lancée sur d'elle et de ce qu'elle va dire.
Lounlyh sait très bien qu'il va de suite réagir après sa parole.

"Très bien. Je vais aller voir le propriétaire. Je suis sûr qu'il saura agir en conséquence."

Elle sourit de malice en voyant la réaction du jeune homme. Sa technique marche toujours même avec le Vénérable.

Les mains appuyées sur ses béquilles qui l'aidaient à soutenir son corps encore légèrement courbaturé de ses récentes épreuves, Alexandre tressaillit quand une jeune femme vint l'interpeler. Il resta quelques instants interloqué, paniqué même. Le cœur battant à toute allure, plusieurs interrogations s'agitaient dans son esprit. Que faire ? qui était-ce ? Allait-elle le dénoncer ? Aurait-il encore des ennuis ? Ses pensées le ramenèrent sur la funeste estrade et son teint blêmit affreusement. Son dos sentait encore les coups de baguette l'ayant tant meurtri.
Brusquement, à la mention de voleur, il sortit de sa réserve, paniqué :

"Non ! Pas voleur ! Non, je ne suis pas un voleur !"

Sa terreur se renforça en voyant que celle-ci voulait avertir son père de sa présence. Si celui-ci sortait, si celui-ci le découvrait... Il.. Cette fois, même les baguettes seraient une partie de palisir par rapport à son ceinturon.

"Non ! Je... je suis le fils du libraire. Mais n'y vas ! Pitié ! Si mon père... Si mon père me voit, il me tue "

Lounlyh tressaillit en voyant l'affolement du jeune homme.

Elle n'avait pas vu ses béquilles qui le soutiennent. Ce ne peut donc pas être un voleur.

Elle s'en voulait d'être la cause d'un tel affolement et voulut réparer son erreur.

Son expression change et se radoucit.

"Excuse moi, je ne voulais pas te mettre dans cet état. Ton comportement m'a portée à confusion. Mais dis-moi, pourquoi regardes-tu cette librairie en te cachant ? N'y travailles-tu pas ? As-tu besoin d'aide ?"

Alexandre ressentit un profond soulagement d'avoir persuadé la jeune femme de ne pas poursuivre son intention de le dénoncer. En même temps, il aurait dû y penser : attendre, tapi dans un coin, que son complice vienne occuper son père pour lui permettre de parler à sa mère, cela faisait hautement suspect. Sa profonde naïveté le fit rougir de honte. Si le père Thierry le voyait en cet instant, s'il surprenait de telles bêtises, il serait certainement navré par sa stupidité. Hier, il louait son intelligence, sa bravoure... Comme il déchanterait !

"Pardon. Oui, c'était pas très malin de me cacher comme ça/ Mais j'attendais un ami. Il devait venir m'aider, distraire mon père pendant que j'irai parler à ma mère. "

Le jeune homme marqua un temps de silence. Que révéler de son histoire ? Mentir sur sa condamnation ? Inutile. Tout le monde devait en avoir entendu parler. Mieux valait assumer.

"Mon père et moi sommes... brouillés. Je suis Alexandre Bellanger, le garçon qui a été condamnée il y a deux jours au pilori pour bêtise plus que bête. Mon père m'a renié. si je reparais devant lui, il... Mais j'aimerais au moins pouvoir parler à ma mère une dernière fois. Tu comprends ? C'est pourquoi j'ai besoin de quelqu'un pour occuper mon père à la librairie pendant je monterai à l'étage."

Il désigna de l'index une porte cochère vers le fond de la ruelle. Elle donnait dans l'arrière-boutique et lui permettait d'accèder à l'étage où vivait sa mère.

Lounlyh eut honte de son comportement vis-à-vis du jeune homme. Il veut juste parler à sa mère encore une fois. Elle refoula cette larme qui menace de couler le long de sa joue.

Elle repense à sa mère. Tous les soirs avant de s'endormir, elle rêve de pouvoir lui parler une dernière fois et de la serrer dans ses bras, lui dire que tout ce qu'elle n'entreprend ce que pour elle, la rendre fière de sa fille et qu'elle ne s'inquiète pas pour Mélina, Zinnia et May.
Oh oui ! Qu'est-ce qu'elle en rêve mais, malheureusement, elle sait bien que cela lui est impossible.

Lounlyh veut pouvoir l'aider à faire ce qu'elle n'a pas eu l'occasion de faire. Elle se dit qu'au moins lui a cette chance et qu'il ne faut pas être égoïste et penser que pour soi.
Alors, elle prit la décision de lui offrir son aide.

"Je souhaiterais vous aider à parler avec votre mère."

Ses yeux commencent à se brouiller et elle reprit une grande bouffée d'air pour continuer.

"Je n'ai pas eu l'occasion de lui dire au revoir et je n'ai pas eu, non plus, l'occasion de la rassurer pour mes sœurs. J'aimerais qu'au moins quelqu'un puisse le faire. Tu en as l'occasion et je veux t'aider. Ce sera une façon pour moi d'avoir pu le faire indirectement"

Elle se ressaisit, lisse ses jupes et baisse le regard en attendant la réponse du jeune Alexandre.

En apercevant les yeux de la jeune femme se remplir de larmes, Alexandre se mord les lèvres, regrettant de rappeler de pénibles souvenirs.

"Pardon. Je ne voulais vous causer de chagrin ou vous remettre de moments difficiles à la mémoire."

Il baisse al tête quand celle-ci évoque le souvenir de sa mère défunte sans avoir pu la revoir, de ses préoccupations pour les jeunes soeurs dont elle semble porter depuis la responsabilité. Quelle lourd poids à supporter pour une personne qui semblait à peine plus âgé que lui-même. Il sursauta cependant quand celle-ci lui proposa son aide et se mit à bégayer :

"Vrai... Vraiment ? Vous êtes sûre ? Vous allez vraiment m'aider ?"

Cette main tendue, sans attendre apparemment quelque chose en retour, le fit sourire. il se redressa, toujours appuyée sur ses béquilles.

"Vous pourriez entrer dans la librairie et seulement examiner les ouvrages alors ? Vous n'avez pas à parler si vous le voulez pas. Tant que quelqu'un sera dans la boutique, mon père ne la quittera pas."

L'ombre désarticulée de Lénius se dessina à l'autre bout de la rue et poussa le long des murs. Ses mains cabossées arrêtèrent le mouvement de ses roues lorsqu'il arriva au niveau d'une très élégante dame et du garçon aux béquilles dont Tristan lui avait parlé, l'avant-veille. Afin de prémunir l'un comme l'autre du risque de prendre peur à la vue de ses cloques, de ses dents pointues, de sa jambe plus courte que l'autre, l'homme difforme prit les devants d'une voix douce :

-- Je vous en prie, n'ayez pas peur...

Suivant les bonnes manières, il adressa une révérence distinguée à Lounlyh.

-- Madame.

Puis il se tourna vers Alexandre et l'observa avec un fond de tristesse. Ce pauvre malheureux, comment allait-il depuis son châtiment en place publique ? Lénius n'avait par ailleurs pas oublié la fureur de son père complètement ivre et le crachat qu'il lui avait adressé. Il rajusta ses lunettes, considéra les deux personnes et leur dit :

-- Veuillez m'excuser pour mon interruption soudaine. Mais l'affaire est sérieuse. Je me nomme Lénius, je suis troubadour. (à Alexandre) Tristan est mon meilleur ami. Il m'avait dit qu'il devait te voir aujourd'hui et c'est pourquoi je me permets de me présenter céans. Sache que ce n'est absolument pas le genre de Tristan de manquer des rendez-vous... et de loyauté. Il lui est sûrement arrivé un empêchement sérieux, moi non plus je ne l'ai pas vu depuis presque deux jours. Ainsi, je me permets d'être là pour que tu ne lui en veuilles pas, et si tu as besoin de quelque chose ?

Le gros homme tenta de dissimuler sa grande inquiétude pour l'absence de Tristan. Il adressa de nouveau un regard quelque peu désolée à la femme pour l'imposition de sa présence peu ragoutante, puis revint à Alexandre :

-- Comment vas-tu d'ailleurs ? Rétabli ?

Un homme fît son apparition auprès de Lounlyh, la faisant sursauter.

Elle regarda l'homme lui faire la révérence et le détailla.

Elle se demandait qui pouvait bien être cet homme. Il a une jambe plus courte que l'autre, ses doigts sont déformés mais le pire dans tout ça ce son ses dents. Elle réprima un haut-le-coeur et posa une main devant sa bouche pour qu'il ne puisse distinguer sa grimace. Certes elle respecte les personnes en situation de handicap mais elle n'avait jamais vu un tel personnage.

Elle décida de se mettre en retrait le temps de la discussion entre les deux hommes. Elle pourrait en profiter pour partir et rentrer à la boutique, sa sœur doit surement l'attendre mais elle ne peut laisser la chance d'Alexandre pour revoir sa mère et elle sait très bien de ce monsieur n'aillait pas pouvoir retenir le libraire aussi longtemps qu'elle. Le père d'Alexandre allait voir de suite qu'il ne pourrait pas acheter de livre et ce serait une perte de temps pour lui et surtout une perte de client. Qui voudrait rentrer dans cette boutique de livres avec cette personne difforme ?

Lorsqu'elle pensa à cela l'homme regarda de nouveau. Lounlyh se liquéfia sur place surprise de son regard. On aurait dit qu'il avait lu dans ses pensées.
Comment avait-elle pu penser d'aussi horribles choses ?
Certes, c'est malheureusement la dure réalité de la société mais elle n'a jamais pensé ça de quelqu'un.

En attendant, elle alla réfléchir sur sa manière d'aborder le père d'Alexandre.

A l'apparition inattendue de cette silhouette des plus particulières, Alexandre demeura plusieurs minutes interdit et contempla le bonhomme qui venait de s'adresser à lui. Il ne ressentait à cette vision aucune peur, uniquement une curiosité dévorante. Ses yeux s'attachaient à parcourir les moindres traits de ce visage boursoufflé ou de gros ventre. Il cherchait à l'analyser, à le comprendre... comme le garçon l'aurait fait avec un texte littéraire dont le sens résistait à sa sagacité. Des exemples lus dans quelques ouvrages scientifiques lui revenaient en mémoire, notamment ceux évoqués par ce célèbre médecin qu'avait été Ambroise Paré. Il se souvient de cette femme couverte de poils qu'on disait ressembler à un singe, d'une autre possédant une véritable queue d'animal... Tant d'exemples lui venaient en tête mais ils étaient restés jusque là de simples mots couchés sur le papier. Aujourd'hui, l'exemple prenait vie sous ses yeux et le fascinait. Quelle incroyable chose ! Il avait entendu dire que le Roi lui-même vouait une admiration pour ces invalides et comprenait en cet instant pourquoi. La sidération que celui-là exerçait sur lui était une authentique transe hypnotique.

Brusquement, des paroles sortirent de sa bouche, découvrant au passage de grandes dents pointues qui retenaient à leur tour son attention. Ses mots pour lui le firent rougir. Il se sentait soudain honteux de l'étudier comme un animal alors que celui-ci lui témoignait de la bonté.

D'une petite voix, il répondit :

"Oui, ça va même très bien. Par chance, le père Thierry est mon protecteur. Depuis mon arrestation, il n'a eu de cesse de se battre pour moi, de faire reconnaitre que mes crimes n'étaient point si lourds, qu'ils ne relevaient que de bêtises de jeunesse. Après l'exposition, il m'a conduit à l'église et m'a fait soigné. Je ne sais comment mais il s'est même débrouillé pour que les Monthoux dépêchent à mon chevet leur médecin personnel ! Eh eh, vous voyez, le père Thierry, c'est un peu mon ange gardien !"

Alexandre laisse échapper un rire un peu moqueur, terriblement amusé à l'idée de faire naitre une réputation de protecteur à laquelle le prêtre n'avait encore jamais eu à endosser. Il tiqua ensuite en entendant le nom de son ami Tristan puis celui de Lénius.

"Lénius... Cela m'évoque... Je crois que Tristan m'a parlé de vous mais... C'est brumeux. Je devais dormir ou en train de m'endormir. J'ai quasiment dormi une journée entière après l'exposition. Je ne sais pas moi non plus où il peut être. Il m'a effectivement promis de venir m’aider à rendre visite à ma mère.... C'est bizarre cette disparition.. Oh ! "

Un cri jaillit de sa poitrine. Le jeune homme en lâcha une de ses béquilles et se frappa le front.

" Quel idiot ! Hier soir, après la messe et le tumulte qu'il y a eu après, le père Thierry est venu me voir. Il m'avait dit que Tristan avait été engagé par un noble. Mais au matin.. Au matin, j'ai oublié. j'étais si pressé à l'idée de parler à ma mère, de al questionner que j'ai oublié que Tristan ne serait pas là.

Alexandre se força à rire dans le vain espoir de camoufler sa stupidité.

"J'ai vraiment l'air idiot, pas vrai ? je fonce dans tout, sans grand plan, sans m'assurer d'avoir un allié... "

En échange du salut que lui adressait Lounlyh, Lénius lui fit un léger sourire -- lèvres fermées, visant à dissimuler au mieux ses dents en chantier. Il nota la répulsion de la dame malgré la politesse de la main portée à sa bouche mais lui en voulut aucunement. Cela était une réaction bien compréhensible et Lénius s'y était habitué sous sa carapace. Il la vit reculer d'un pas pour le laisser causer un court instant à Alexandre.

Ce dernier justement observait l'invalide d'un des regard plus sidérés qu'il n'eut jamais croisés. Un mélange de curiosité là aussi bien normale, et d'observation analytique. Comme si le garçon cherchait à comprendre comment ce puzzle de chair et d'os pouvait être composé.
Enfin, Lénius entendit des mots quitter sa bouche. Et quelles paroles ! L'infirme eut du mal à croire à ce qu'il entendait et, pour retenir son rire nerveux, feignit de toussoter. Le père Thierry, un bienfaiteur ? Ce prêtre abject qui les avait molestés quelques jours plus tôt, lui et son ami ! Devait-il le dire à Alexandre ? Lénius arqua un sourcil et choisit de ne pas s'en priver :


-- Le père Thierry, vraiment ? Comme quoi ! Tout n'est jamais à jeter chez quelqu'un. Vous me le découvrez sous un jour bien différent de celui que j'ai eu le bonheur de voir, la fois où il nous a humiliés à cause de notre invalidité et traités d'inférieurs, Tristan et moi.


Après cette pique, sa voix se radoucit. En observant Alexandre, Lénius remarqua la discrète mais jolie petite médaille qu'il portait autour du cou. Elle était ornée de petites armoiries dont l'infirme ignorait la signification. Soudain, le garçon évoqua Tristan. L'homme difforme sursauta :


-- Tristan ? Tristan domestique chez un noble ? Oh... Je... Eh bien, grand merci pour le renseignement ! Je suis heureux qu'il ait trouvé un travail, mais... j'espère qu'il est bien traité par son nouveau maître. Qui est cet aristocrate qui l'a pris comme serviteur ? (Quand Alexandre demande pardon pour sa bêtise) Allons, allons, cela se comprend ! Tu étais dans un sale état. Un oubli de ce genre pourrait arriver à chacun.


Il regarda à nouveau en direction de Lounlyh et achève, pour Alexandre :


-- Mais je vais plutôt te laisser en bien meilleure compagnie ! Et à tes affaires. (très doux) Puisses-tu parler à ta mère et pouvoir t'éloigner de ton... charmant paternel. (à Lounlyh et Alexandre) J'espère avoir le plaisir de vous revoir très vite. Et succès à votre présente mission !

"Ne tant en fais pas, je vais en profiter pour acheter les ouvrages que je comptais acquérir depuis un moment. Je n'ai pas eu le temps avant de les acheter. Prends tout le temps qu'il te faut et ne t'en fait pas pour moi. Je vais longuement l'occuper. Préviens-moi quand même quand tu auras fini histoire que je sache. On se retrouve ici après."

Sur ces mots, elle partit en direction de ladite boutique. Une fois à l'intérieur, une petite cloche retentit, prévenant le gérant de son arrivée. Elle détailla les lieux et observa le nombre incalculable de livres posés et empiler. Après quelques secondes, elle ne vit, toujours, personne et commence à s’inquiéter.

"Eh, oh, il y a quelqu'un !"

Un homme d'âge mûr sort de son arrière-boutique et la regarda avec étonnement.

"Tiens ! Je ne m'attendais à de la visite et encore moins celle d'une très jolie demoiselle. Que me vaut cet honneur ?"

Lounlyh fit mine de ne pas relever cette première phrase.

"Je cherche un ouvrage. Je suis allée dans différentes boutiques mais aucunes ne le possédais."

Le libraire acquiesce de la tête en soutenant le regard de Lounlyh. Elle lui donna le nom de ce premier ouvrage. Il tiqua un peu et la regarde surpris avant de se diriger vers un rayon et chercher sur une étagère le bouquin. Il en sort sortir un vieux livre poussiéreux à la couverture en cuir usé et rongé par le temps. Il devait attendre là depuis des années que quelqu'un vienne le chercher. Ce livre a l'air d'être très lourd au vu des bras tremblant de l'homme.

"Le grimoire de la Wicca est un très bel ouvrage. Puis-je me permettre de vous poser la question sur la raison de cette acquisition mademoiselle ?"

Estimant qu'il n'a pas besoin de savoir les raisons qui la poussent à acheter un pareil livre, Lounlyh ne répondit pas. L'homme lui demanda alors si se sera tout mais elle n'a visiblement pas fini.

"Je cherche également un livre à la couverture rouge."

Le père d’Alexandre ricana et regarda autour de lui. Toutes les étagères possédaient minimum dix livres de cette description.

"Pouvez-vous être plus précise s'il vous plaît ? Des livres comme ça ne manque pas. Avez-vous un titre, un nom ou une référence sur lequel je pourrais m'appuyer ?"

Oui, elle aurait bien un renseignement mais celui-ci lui apportera surement des ennuis.
C'est un livre censuré qu'elle cherche et tout le monde sait, même le premier gueux venu, que posséder des livres censurés est passible d'une lourde peine.

Roooh, et au diable les ennuis ! Elle a vraiment besoin de se livre.

"C'est un livre est censuré." annonce-t-elle.

Le regard du libraire se posa avec étonnement sur elle. Il se demanda avec grand étonnement pourquoi une charmante demoiselle vient lui demander de tels ouvrages !
Et pourquoi souhaite-t-elle posséder un livre censuré. Si quelqu'un de la prévôté l'apprenait elle risque de gros ennuis.

Voyant la réticence du libraire à lui fournir ce livre elle décide de jouer le rôle de la froideur et de l'autorité.

"Écoutez-moi bien. Il me faut ce livre et je ne vous demande pas votre avis. Et au vu de votre réaction j'en déduis que vous le possédez. J'attend que vous me l'apportiez."

Pris de cours par ce changement soudain de ton l'homme blêmi et parti dans l'arrière-boutique.

Lounlyh jeta à nouveau un regard dans les rayons et sur les tranches des livres en attendant le retour de celui-ci. De nouveau face à elle, il posa le livre interdit sur le grimoire et la regarda de nouveau.

"Avec ceci, ce sera tout ?" s'enquit-il.

N'ayant pas de nouvelles d’Alexandre, elle ne veut pas prendre le risque de partir maintenant. Elle doit trouver autre chose pour occuper ce monsieur.

"Non, je souhaite un livre sur la cuisine, la pâtisserie plus précisément et un autre avec les pièces de théâtre de Théodore de Bèze."

Elle c'est dis qu'elle pourrait faire plaisir à ses deux jeunes sœurs en leur offrant un livre. May est un passionné de pâtisserie et souhaite en faire son futur métier. Elle veut suivre les traces de ses deux grandes sœurs. Quant aux pièces de théâtre c'est pour Zinnia.

Des plis sceptiques apparurent au front de Lénius devant le changement de ton et d'attitude d'Alexandre. Une clé ? Sans doute la signification de ce bijou et dont le garçon commençait presque à se vanter.


-- Tristan l'a deviné, dis-tu ? Voilà qui ne m'étonne guère.


Il ne demandera pas de détails, au cas où il serait imprudent d'exposer cette histoire en pleine rue, mais Tristan ne manquerait pas de lui en toucher deux mots quand il pourrait le revoir. Un froissement soucieux revint empeser le visage de la gargouille : où était son ami ? Le traitait-on bien ? Il essaierait de trouver le noble qui l'avait embauché. Pour l'heure, Lénius s'en revint à Lounlyh et Alexandre. Ce dernier parlait maintenant de chose qu'il fallait comprendre pour espérer la gentillesse du père Thierry. La voix de Lénius se fit plus sèche pour répondre :


-- Ainsi donc, la bonté de Thierry d'Anjou s'obtient sous certaines conditions ? A plus forte raison lorsqu'on est invalide. Je n'ai pas l'intention de la mendier. Mais je prends bonne note de ce que j'apprends.


Un petit sourire revint aux lèvres du troubadour, devant la détermination de Lounlyh à aider Alexandre. Celle-ci se préparait d'ailleurs déjà à entrer dans la boutique. Lénius conclut donc pour le garçon et la jeune femme :


-- Je ne retarde donc pas davantage votre mission. (D'une voix avenante) Au plaisir.

Il s'en retournera après une petite révérence.

A l'intonation agressive qui se dégage brusquement de la voix jusque là tranquille de Lénius, Alexandre prend conscience de s'être mal comporté. Il ne voulait pas blesser son interlocuteur, ni donner la sensation de frimer. Il voulait seulement un peu se moquer. Qu'avait-il dit de si maladroit ? En un instant, les traits insolents de son visage s'effacèrent et devinrent tristes, à al limite larmoyants.

"Pardon..."

Il ne savait bien de quoi mais le jeune homme sentait qu'il devait des excuses, qu'il avait d'une certaine amnière indigné son interlocuteur. Qui plus est, cet homme était ami de Tristan. Si ce dernier apprenait l'incident, il pourrait ne plus vouloir être son ami.

"Je suis désolé, vraiment.... "

Il remarqua alors que sa compagne s'était déjà éloigné et s'occupait de divertir son père. Il devait se saisir de la perche.

"Oh oui ! Je dois y aller ! Ne pas perdre l’occasion qu'elle donne. Je suis heureux, en tous cas de vous avoir rencontré, monsieur, et si vous voyez Tristan, transmettez lui mes salutations."

Le jeune homme avait parlé d'un ton rapide d'où perçait des hésitations puis il reprit ses béquilles et s'avança vers le fond de al ruelle. Il s'immobilisa devant al porte cochère, prit une logue inspiration puis poussa la poignée. Une importante rencontree l'attendait.

Pendant que l'homme partait chercher les livres, Lounlyh remarqua une silhouette à l'avant de la boutique. C'est Alexandre qui est de retour !

Voyant le libraire se retourner vers elle, et par conséquent vers Alexandre, elle se mit devant lui de façon à ce qu'il n’apercevait son fils renié.

"J'ai ces deux-là à vous proposer."

Elle acquiesce sans sourciller et suit le bonhomme vers son comptoir. Elle grimace à l'annonce du prix total mais elle avait besoin de ces livres.

L'homme remarquant sa grimace lui demanda "Un livre censuré et un grimoire aussi vieux que celui-là, ça ne court pas les rues alors évidemment cela coûte cher. Vous achetez toujours ?"

Lounlyh y laissa sa bourse, son contenu devait être un peu plus mais elle voulait pas s'attarder à compter et se dit que pour une ou deux pièces en plus il n'y est pas mort d'homme.

Elle repartit avec les bras chargés de livres. Néanmoins, elle ne veut pas prendre de risque avec le livre interdit il l'a caché dans son décolleter lorsqu'elle eut rejoint Alexandre au coin de la ruelle. C'est vrai que ce n'est pas un geste à faire en présence d'un homme mais elle considère que c'est justifiable, elle a un livre à cacher.

Lounlyh a bien vu le regard d'Alexandre dévier de leur position lorsqu'elle fît de geste. Cela lui arracha un sourire en coin.

Pour détourner son attention et son regard, elle lui demanda comment ça c'est passé avec sa mère.

Dès que sa complice eut repéré son signal, Alexandre s'empressa de disparaitre de la vue qu'offrait la vitrine pour retourner dans la ruelle. Quand elle revint vers lui, il lui adressa un large sourire et al remercia chaleureusement.

"Merci. Merci vraiment. Sans toi.. Sans toi, j'y serai jamais arrivé. Ouais, ça c'est bien passé. J'ai fait mes adieux. On a parlé aussi. C'est bon, tout est au clair maintenant. J'espère juste que le vieux ne la maltraiterait pas trop..."

Lounlyh voyant son inquiétude pour sa mère ne put avoir un pincement au cœur.
Une idée lui vient alors et ne peut s'empêcher de la proposer à Alexandre.

"Si cela te dit, on pourrait refaire la même chose comme par exemple une fois par mois ton père penserait que cela est devenue ma routine et toi tu pourrais continuer de la revoir et de t'assurer qu'elle va bien."

Devant le mutisme du jeune homme elle reprit :

"Cela ne me dérangerait pas au contraire savoir que je peux aider quelqu'un à faire ce que moi je n'ai pas pu faire à l'époque m'aiderai à aller mieux."

Toujours aucune nouvelle. Elle comprit qu'il réfléchit mais elle y voit tout de même des étincelles pétiller dans ses yeux. Plusieurs émotions s'imprimèrent sur son visage. Plus le temps passe plus elle se demande s'il ne va pas refuser.

Elle posa une main sur son épaule.

"Pense à elle, tu pourrais continuer à la revoir, cela sera votre petit rendez-vous en cachette." s'enquit-elle.

A la proposition inattendue de la jeune femme, Alexandre sursaute. Oui, rendre visite une fois par mois à sa mère serait effectivement plaisant. Néanmoins, l'enjeu méritait-il le risque ? Il avait eu une chance folle aujourd'hui que son père ne le remarque pas. Mais les autres fois ? Comment être certain qu'il n'y aurait un problème ? Or, si quelque chose survenait, son père courait vite et lui pas du tout. Il aurait vite de l'attraper et de claquer son ceinturon sur son pauvre dos. Cette pensée le faisait frisonner. Il secoua la tête d'un air grave puis la releva :

"Dans la vie, on ne peut avoir tout. Je ne l'ai compris que trop tard. Pendant que nombreuses personnes vivaient difficilement, moi, j'engraissais de bons et copieux repas chaque jour, sans avoir conscience de ma situation privilégiée. je jugeais les gens sans voir comment j'étais moi-même. Je n'étais encore qu'un enfant. J'ai récemment fait une bêtise qui m'oblige à quitter ce domicile mais je crois que c'est pour le mieux finalement. Il faut que j'apprenne enfin à vivre, à me débrouiller seul. Pas question de retourner en arrière ! "

Vers les dernières phrases son intonation était devenue forte, presque sonore.

"Mais je te remercie, c'est généreux de ta part, mais comme j'ai dit, je dois cesser d'être un enfant et avancer par moi-même sur mon chemin, sans plus compter sur personne."