[8 sept. Terminé] Interrogatoire [RP sensible]

Tristan se sentit tanguer, puis pendre de tout son poids. Son corps tirait à s'en fendre, sa tête valdinguait en tous sens alors qu'il était en proie à un début de folie. De la bave léchait son menton. Ses yeux exorbités ne voyaient qu'à travers un nuage l'agitation du médecin, des bourreaux, du seigneur de Fenn.
Ses hurlements repartirent à travers le pièce et il sentit ses forces l'abandonner. Il toussotait et suait. Ses fragments de pensée tentaient d'ordonner une réponse pas trop dangereuse. N'importe quoi, mais une réponse susceptible de faire que la douleur s'atténue ! Entre deux cris, il bégaya des phrases tout juste audibles. On devra s'approcher pour entendre :


-- Com... complice.... C'est... c'était... moi ! Oui, moi... j'ai... j'ai retenu le prêtre.... dehors pour qu'elle... Mais je savais pas ! Je savais pas ses plans ! Arrêtez, je vous en supplie.... pitié...


Il avait presque pleuré ces derniers mots. Des étourdissements lui claquaient la tête à l'infernale tension de ses bras. "Je ne savais pas, pour l'incendie", s'était-il retenu de préciser.

L'homme est satisfait de l'entendre à nouveau parler. Il hoche la tête et fait signe à ses sbires de détendre légèrement la corde : il ne faut pas que Tristan s'évanouisse ou tombe dans la folie si près du but. C'est d'une voix même sereine que le seigneur réclame alors :

"Parle-moi du lieu du vol de ce livre hérétique. Et d'autres concernés que toi par les affaires de cette femme."

Des larmes de soulagement labourèrent les joues enflammées de Tristan quand les douleurs cessèrent quelque peu. Il sentit sa tête rouler contre sa poitrine et une vague d'étourdissement paralyser tous ses membres. Pas un mot ne put sortir de sa bouche et il avait à peine entendu les paroles du châtelain. Sous les yeux alertés du médecin, le garçon perdit connaissance.

Le prisonnier défaille entre les mains du médecin et des bourreaux. Ils s'échangent un regard puis interrogent le seigneur de Frenn d'un coup d’œil. L'homme leur demande de détacher le garçon et de faire le nécessaire pour le ranimer. On l'allonge, on lui asperge le front d'eau fraîche, on essuie la bave à son menton. Un peu d'alcool et de petits vases aux odeurs d'éther viennent en renfort.
Quand Tristan rouvre faiblement les paupières, deux très légères tapes à la joue par un des sbires le rendent plus alerte. Dyonis croise les bras, le scrute. Il décide d'abandonner la piste du livre et demande, de façon plus générale, afin que Tristan fasse quelque dernière révélation avant d'être au bout du rouleau :

"Sais-tu d'autres choses des plans et victimes de Lucie ?"

Une dernière fois, on fixe ses jambes aux étaux et ses mains à la corde pour reprendre un lent étirement. La douleur étalée et posément croissante devrait faire chuter les dernières digues tout en ne risquant pas de le voir s'évanouir d'un coup.

Tristan revint à lui. La froideur du dallage lui dardait l'échine et ses pupilles brûlantes se rouvraient, tremblantes, sur ce cauchemar qui n'en finissait pas. On le redressa et le rattacha, à peine sa respiration et ses idées claires récupérées. La douleur lui parut plus lancinante encore. Il priait pour que cela cesse. Des gémissement crachotés quittaient sa gorge. Chaque vague de sa respiration, chaque sanglot, chaque hoquet intensifiait la douleur qui parcourait ses membres. Il aurait voulu mourir. Son souffle contrarié par l'écartèlement lui fit baver un petit filet de sang. Les paroles de Dyonis furent à peine comprises et sa bouche tremblante murmura des mots presque sans aucun sens au milieu de ses cris, de ses larmes :


-- Façonnent les tables deux hommes à percer sous... sous... ses soleils noirs... deux hommes... et sans brûlure être voyant, gardez-vous... gardez-vous... de tuer en coulisses... Je vois un silence de moine qui... il... il a jeté ses dés pour combien ? combien d'enterrés ? Regardez... le tranchant... des pierres... vous grignoter. Je vois les années en arrière qui sonnent et deux... deux noms à perdre dans... méandres... Gia... Giac.....


Son délire psalmodié d'une voix éreintée se perdit enfin dans un éclat de rire douloureux. De pleurs avec des trémolos. Il allait s'effondrer et perdre à nouveau connaissance alors que ses os commençaient à craquer dans ses épaules.

Dyonis a un mouvement de recul devant le flot de paroles semi-démentes qui sortent de la bouche du prisonnier. Ses sbires restent hébétés à attendre ses ordres. Le baron essaie tout de même de tirer un fond de cohérence du gloubiboulga de Tristan. Il y a deux hommes qui reviennent, des morts en perspective, et un nom que le jeune infirme tente de prononcer avant de sombrer définitivement dans la folie de la douleur. Il faut interrompre la question avant de le perdre complètement. Le noble ordonne :

"Suffit. Détachez-le."

La poulie grince et l'on dénoue la solide corde. Tristan s'effondre sur les dalles froides du sous-sol. Le médecin le rafraîchit et entreprend de le réconforter :

"C'est terminé. Tu as soulagé ta conscience. Et pas d'inquiétude, tu pourras tout à fait te resservir de tes bras et mains d'ici deux ou trois jours."

En effet, sur ordre du châtelain, il laissera pour Tristan quelque drogue susceptible de calmer un peu la douleur et l’inflammation. Après le sale travail, trois commis se voient chargés de remonter le garçon dans sa chambrette et de l'y laisser se reposer. Le docteur reçoit son dû, ira chercher les médications promises et s'en retournera. De son côté, le noble récupère les aveux transcrits par le greffier et quitte le sous-sol en réfléchissant à la suite à leur donner.

La quinte de rire de Tristan finit par s'étouffer et se disloquer dans l'air. Pleurs et sueur inondaient encore son visage tremblant. Une dernière secousse le parcourt au contact brusque des dalles, avant que son corps ne semble s'éteindre. Un tissu vint lui essuyer le tour de la bouche. Sa tête plongea en arrière et il se sentit délicatement soulevé. Les paroles que le médecin lui adressait restaient très floues à ses oreilles mais le garçon se raccrocha à leur cadence paisible, à leur timbre rassurant. Rassis dans son fauteuil, bien calé contre le torse d'un des hommes, porté à travers les escaliers... il comprit qu'on le reconduisait dans sa chambre puis perdit à nouveau prise avec la réalité. Ne compta plus que la douleur intense, quelques instants durant. Elle-même finit par s'évanouir.

[Hop, j'ai mis Tristan au repos par ici ]