[22 Novembre 1597] Le pélérinage en ville du curé de la forêt

Peu après leur conversation complice dans l'église, Cassandre s'était finalement calmée. Elle guidait avec naturel le faux curé dans les rues de Braktenn pour le mener à la boutique la Roza Azul.

"Vous avez voyagé depuis tant de jours, mon père. Vous ne pebsez qu'aux pauvres âmes, à leurs souffrances... Il est temps pour une fois de penser à vous et de vous asseoir à une bonne tache, avec plein de bonnes choses à manger."

En arrivant dans la rue du magasin, les badauds commençaient à la reconnaitre et la saluaient. Ils devenaient ensuite humbles en apercevant le faux curé derrière elle et s'inclinaient en se découvrant. La fillette étouffait le rire qui revenait lui tordre le ventre. Quels idiots ! C'était vraiment beaucoup trop facile de les tromper. Ils arrivèrent finalement devant la porte de la boutique et Cassandre entra sans prendre la peine de farpper. Elle s'était habitée à considérer à présent que c'était sa maison.

"Coucou ! Je suis rentrée !"

Au matin, pendant le petit-déjeuner, elle avait prévenu de son absence en expliquant rencontrer des amis en ville avant de partir retrouver Sylvère dans la forêt. Elle contempla la pièce et remarqua avec satisfaction qu'aucun client n'était tout de suite présent. Parfait ! Elle sourit à Dame Irène qui se tenait derrière le comptoir et semblait encore fatiguée par la fin de sa grossesse. L'approche de l'accouchement qui arriverait fatalement l'angoissait de plus en plus mais elle faisait de son mieux pour masquer sa peur. Grace ne devait pas le sentir. Elle devait la protéger. C'était son rôle de grande sœur.

"J'ai rencontré un curé itinérant sur la grande place et je lui ait proposé de venir manger à la maison !"

Elle s'empressa de fermer la porte et tourna la clé. Pas question de laisser quelqu'un entrer qui verrait alors la véritable identité de ce curé.

"C'est un curé, dame Irène, des plus singuliers."

Sur cette phrase, la fillette se sut se retenir longtemps et pouffa.

"D'ailleurs... D'ailleurs, il a quelques courses à faire, vous savez, hein, mon père ?"

Elle pouffa encore, ayant de plus en plus de mal à garder son sérieux.

Cassandre n'avait pas été très longue à retrouver son sérieux. Il fallait dire, d'un autre côté, que la situation – bien que dangereuse par de nombreux aspects – n'en demeuraient pas moins cocasse. Encore davantage maintenant, tandis qu'il la suivait docilement à travers les rues en écoutant son monologue, qui s'adressait bien plus aux badauds dont les oreilles traînaient qu'à lui-même.

Toujours caché sous sa capuche pour éviter les regrettables accidents qui auraient consisté à le reconnaître, il marchait donc à sa suite, sans pouvoir réprimer un petit sourire. Cassandre avait un talent d'actrice indéniable. Une preuve de plus que pour faire avaler n'importe quel mensonge, il suffisait d'avoir l'air sûr de soi et les braves gens, ceux qui ne mentaient point, avalaient le tout sans ciller.

Comme ils progressaient de tournant en tournant et se rapprochaient de leur destination finale, les passants étaient de plus en plus nombreux à saluer Cassandre aimablement, avant de s'incliner avec déférence devant lui, le curé qui la suivait. Il devait se mordre les joues pour ne pas rire. Il y avait un côté grisant à être adulé de cette manière, surtout en pensant que tous ces gens seraient les premiers à se précipiter pour voir son exécution. Mais pour le moment, il lui suffisait de marcher et ils lui dégageaient le chemin.

Enfin, Cassandre s'arrêta devant une porte et entra aussitôt, en lançant un appel à la ronde. Sylvère la suivit : la pièce était vide. Il n'y avait aucun danger. De derrière son comptoire, dame Irène était ici, le ventre encore plus imposant que la dernière fois. Son accouchement devait sérieusement approcher du terme, maintenant. Toujours la tête couverte, il lui adressa un hochement de tête en signe de bonjour, sans ouvrir la bouche.

Tandis que Cassandre justifiait sa présence, il jeta un regard autour de lui. Il réalisa alors qu'en y pensant bien, cela faisait cinq ans qu'il n'avait pas mis les pieds dans une maison. Cinq ans qu'il ne s'était pas assis sur une chaise. Les choses semblaient tellement grosses, dites ainsi, mais il n'y avait guère de chaises dans la forêt. Mais le pire dans tout cela, c'était que cela lui avait pas manqué une seule seconde. Il aimait davantage sa vie entre les arbres que toutes celles, plus rangées et sûrement plus confortables, qu'il aurait pu avoir s'il avait choisi de rester. Peut-être même serait-il riche à l'heure actuelle.

Cassandre referma la porte et tourna la clef dans la serrure. Précaution pour éviter qu'un intrus ne risque d'entrer quand il serait là. Elle précisa alors :

- C'est un curé, dame Irène, des plus singuliers.

Ça pour être singulier ! Un brigand déguisé en prêtre, il y avait de quoi le dire. Et d'ailleurs, la fillette pouffa aussitôt après. Sylvère enleva alors sa capuche puisque désormais, il n'y avait plus besoin de se cacher. Cassandre avait de plus en plus de difficultés à garder son sérieux. Il ébourriffa ses cheveux et se tourna finalement vers Irène pour demander :

- Ça ne vous dérange pas, si je reste quelques temps ?

Avant toute chose, la moindre de toutes était quand même de lui demander son avis – ce que Cassandre n'avait pas encore fait. Il ne serait pas bien longtemps ici, quelques heures grand maximum, mais tout de même. Il pouvait arriver de nombreuses choses en quelques heures – même s'il souhaitait que rien de tout cela n'arrive. C'était une chose de se mettre en danger, après tout, il avait l'habitude. C'en était cependant une autre d'y mettre les autres. Il savait que quiconque serait trouvé à l'héberger risquait gros.

Aussi ne s'agissait-il pas là d'une formule de politesse quelconque, mais bel et bien d'une question sincère. Et si elle répondait négativement, il ferait demi-tour sans une hésitation.

Grâce était à la sieste, Cassandre était dehors, Irène avait tout le temps de se consacrer à ses comptes. Il lui semblait qu'elle ne les avait pas fait depuis une éternité. Elle s'étonna même des chiffres qui grossissaient à vu d'oeil. Évidemment, elle aurait dû y penser, les dépenses de la reine d'Espagne l'aidait grandement. La jeune reine était enthousiaste à ce qu'on lui présentait et était toujours très généreuse. Irène sourit en commençait à placer le total. Avec le peu qu'ils mettaient dans la nourriture tant les gens de la maison n'étaient pas des ogres, il y avait de quoi mettre de côté. Elle compta une nouvelle fois et note qu'il y avait du superflu. Il pourrait servir. Il sourit en songeant qu'elle devrait sonder ses filles pour savoir ce qui leur ferait plaisir. Après l'accouchement et pendant l'hiver, elles en auraient bien besoin.

Elle leva la tête en entendant quelqu'un entrer. Elle vit Cassandre et garda le sourire. Elle s'inquiétait maintenant chaque fois qu'elle sortait, sachant qu'elle pouvait se mettre en danger à tout moment. Fréquenter des brigands, certes au grand coeur, mais un peu inconscient sur les bords, cela lui faisait peur. Elle était aussi sa petite fille après tout et elle ne pouvait s'empêcher de parfois craindre le pire.

Elle fronça les sourcils en voyant qu'elle était accompagné par un curé. Qu'est-ce qu'elle faisait avec lui . Pourquoi le ramener ici ? Elle posa sa plume et se leva, certes lentement, mais tout de même avec assurance.

- Bonjour...

Cassandre pouffait et cela ressemblait à une curieuse farce. Elle haussa un sourcil et chercha à voir le visage de ce fameux curé, pour trouver quelle fourberie se cachait là-dessous. Elle remarqua d'ailleurs que Cassandre tournait la clé dans la serrure. Elle mit ses mains sur ses hanches, toujours avec un air suspicieux.

- Que se passe-t-il encore ?

Jet de dés :

1 - 2 : Irène remarque que ce visage lui est familier mais n'arrive pas à le remettre.
3 - 4 : Irène reconnait Sylvère et casse tout de suite le tableau
5 - 6 : Irène reconnait Sylvère mais continue à jouer le jeu.

Le membre 'Irène d'Aubeville' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

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'Dé à 6 faces' :

Irène vit le jeu des deux et, dès qu'il ôta sa capuche poussa un gros soupir.

- Oh, Seigneur, Sylvère, mais quel est cet accoutrement ? Partez-vous donc au charivari ? Ce n'est pas vraiment la saison...

Elle soupira une nouvelle fois avant de secouer la tête, l'air souriant mais malgré tout fatigué.

- Non, bien sûr que non, vous pouvez rester autant qu'il vous plaira. Mais que faites-vous ici ? Il est arrivé quelque chose ?

Elle fronça les sourcils en sentant qu'il y avait peut-être anguille sous roche. Elle attendit ses réponses avant de passer à la suite.

Alors que Cassandre terminait de jouer la clé dans la serrure, elle se retourna à la question de timide de Sylvère qui venait de se découvrir. Dame Irène l'avait immédiatement reconnu. Elle haussa les épaules.

"Ben pourquoi tu pourrais pas rester, Ys ? T'es de la famille !"

Elle pouffa sur la remarque de Dame Irène au sujet du charivari.

"On a organisé notre propre charivari ! C'était drôle ! Et trop facile ! j'ai volé une soutane du curé de Saint-Eustache ! C'est votre ami, non ? Vous devriez lui dire de mieux prendre soin de ses affaires ! Ses soutanes sont toutes sales ! Et y en a deux avec du vomi ! Enfin avec ça, Sylvère a joué au gentil curé itinérant qui faisait la quête pour les malades et incitait à donner pour le salut de l'âme ! Toutes ces bêtises que les curés racontent pour endormir les gens !"

Cassandre riait seule des bonnes plaisanteries jouées sur la grande place. Et encore ! Dame Irène ne connaissait pas la meilleure ! Mais celle-là, elle préférait ne pas la dire. Elle tourna la tête vers Sylvère eut un sourire espiègle. Il allait faire une bonne cible de diversion.

"Au fait, vous savez quoi ? Dans quelques mois, je vais avoir un filleul ! Ou une filleul !"

Là-dessus, elle laissa l'information remonter au cerveau parfois un peu lent de Sylvère et courut, toute pressée, vers les escaliers en oubliant que c'était l'heure de la sieste pour Grâce.

"Grâce ! Grâce ! Tu viens ? Allez, viens ! Y a mon grand frère ! Allez, tu descends ? Si tu descends pas dans cinq minutes, je monte !"

Impatiente, la fillette tapait du pied en bas des marches.

En les voyant entrer, Irène avait eu un froncement de sourcils. Parfaitement justifié quand on partait du principe qu'il ne devait pas y avoir beaucoup de curés qui passaient dans sa boutique, encore moins en suivant Cassandre. Laquelle était très fière de sa plaisanterie et riait beaucoup.

Ce fut donc prudemment, et tout à son honneur, qu'Irène le salua. Les mains sur les hanches, l'air hautement soupçonneux, elle semblait attendre des explications de la part de la fillette. Explications qu'il coupa en laissant retomber la capuche de la soutane. Inutile de continuer à tenir cette couverture maintenant, alors que la porte était fermée à clef et que Cassandre riait à tel point que plus rien ne tenait debout.

La réaction d'Irène ne se fit, dès lors, pas attendre. Elle le reconnut aussitôt et poussa un soupir. Il baissa alors les yeux sur la soutane et haussa des épaules.

- C'est un déguisement comme un autre, répondit-il simplement. Les gens ne s'imaginent pas un seul instant que je puisse être... moi ?, sous ce genre de costume. Plus c'est osé et moins le danger est.

Il eut un regard contrit. Il comprenait bien qu'elle devait se demander ce qu'il se passait. Pour ainsi dire, pas grand chose et surtout : rien de grave. Ce fut avant tout pour cette raison qu'il posa sa question suivante. Il ne s'agissait pas de la déranger, ni de la mettre en danger.

La question sembla étonner Cassandre malgré tout. Sylvère sourit et passa la main dans ses cheveux affectueusement. Elle le surprendrait toujours, en fin de compte. Parfois, elle avait cette maturité inexplicable et ce pragmatisme inimitable. D'autres fois, elle était encore tellement innocente...

- Je ne veux causer aucun souci, à personne, Cassy. C'est tout.

Ce n'était pas une question de faire partie de la famille ou non. C'était une question d'avoir sa tête placardée partout sur les murs. Si on le prenait ici, ce ne serait pas seulement sur lui que tomberait les retombées. Et s'il ne rechignait pas à prendre des risques pour lui-même, ce n'était pas la même chose que d'en faire courir aux autres.

Alors il attendait tout de même la réponse d'Irène avant de faire quoi que ce soit. Il hocha la tête d'un mouvement relativement raide quand elle accepta qu'il reste. Il n'eut même pas le temps de répondre aux questions suivantes, Cassandre s'en chargeait déjà. Et de quelle manière. Quand elle eut terminé, il haussa des épaules une nouvelle fois, quelque peu gêné, et ajouta :

- On peut dire les choses ainsi. Il faut bien des faits d'armes pour justifier ce joli portrait.

… qui n'avait de joli guère autre chose que le nom. Si Cassandre riait très fort – et seule, soi dit en passant – il était beaucoup moins certain qu'Irène apprécie la plaisanterie. Mais s'il avait été gêné par les précédents propos, quelque peu, ce ne fut rien à côté de la suite. Cette fois-ci, il vira carrément à l'écarlate, tandis qu'elle lançait à qui voulait l'entendre qu'elle serait bientôt marraine.

Elle était quand même … rapide à aller en besogne. Il y avait beaucoup de paramètres qui entraient en ligne de compte – vraiment beaucoup – avant qu'elle ne soit effectivement marraine. Il se râcla la gorge et chercha du soutien du côté d'Irène, avant de répondre :

- Cassandre... Tu ne peux pas dire ça ainsi à tout va et à n'importe qui... – il se tourna brièvement vers Irène et ajouta, pour éviter les quiproquo : Non pas que vous soyiez n'importe qui, n'est-ce pas ? Simplement, c'est assez... délicat.

Il suffisait de réfléchir. Kalisha était une comtesse et lui, un brigand dans une forêt. Délicat était un doux euphénisme pour décrire la situation exacte. Mais Irène en avait certainement déjà conscience.

Cassandre se précipita ensuite au pied des escaliers, pour appeler la petite Grâce. Assez fort pour la réveiller si elle dormait. Il retint un soupir et l'interpella alors :

- Cassandre, arrête. Si elle dort, ça ne vaut pas de la réveiller pour moi, enfin.

Irène leva les yeux au ciel. Oui, bien sûr, mais quelle idée... Elle soupira de nouveau.

- Je vois...

Irène sourit à la remarque de Cassandre mais apprécia la tempérance de Sylvère. Pas aussi simple d'esprit qu'il ne pouvait le laisser paraître. Elle lui sourit avec reconnaissance et s'avança un peu en resserrant son châle autour de ses épaules.

- C'est gentil à vous, Sylvère mais effectivement, Cassandre a raison, vous êtes le bienvenu ici.

Elle écouta alors les explications de Cassandre et grimaça un peu. Thierry risquait de ne pas être content mais elle trouvait bien à se faire pardonner. Elle écouta à peine la suite. Elle se sentait si lasse. Et même une bonne plaisanterie ne parvenait pas à vraiment l'égayer. Elle s'inquiétait surtout de savoir ce qu'il arrivait à Sylvère et pourquoi ce déguisement et cette escapade en ville était nécessaire. Cependant, comme elle voyait qu'il esquivait ses questions, elle n'insista pas.

Irène fronça les sourcils à l'affirmation de Cassandre. Un filleul, mais que... Ou... Kalisha était-elle enceinte et donc de... Elle leva des yeux ronds vers Sylvère.

- Donc... vous allez être parent... (soudain désabusée) Où est-ce une autre plaisanterie ?

Elle leva la main vers Sylvère pour lui signifier que ce n'était rien et qu'elle comprenait, surtout dans une situation aussi... délicate oui, il n'y avait pas d'autres mots. Toute à cette pensée, elle retint trop tard Cassandre d'un geste de la main.

- Non, attends, elle...

Elle entendit un petit bruit, comme des petits pas et comprit que c'était trop tard. Elle poussa un soupir.

- ... dormait.

A l’étonnement de Cassandre, Sylvère se montrait calme et discutait avec Dame Irène de manière posée Comme si c'était un adulte ! Elle l'observa, un peu inquiète. Le soleil n'avait pas pu chauffer si fort. Ou alors il était encore sous l'effet d'avoir vu sa belle reine ? Eh bien, l'amour, ça allait vraiment finir par le rendre fou ! .

Alors que ces deux adultes conversaient et opinaient dans le même sens Sylvère réagit enfin à sa pique. Et Dame Irène aussi ! Elle avait quand même l'air de bouter un peu ! Et Sylvère qui rougissait de sa révélation. Elle rit fort.

"Ben quoi ? C'est la vérité ! Et puis, tu as entendu : tu es en famille ici ! Et en famille on partage les bonnes nouvelles ! A moins que la nouvelle de ton premier enfant, finalement, ça soit pas une bonne nouvelle ?"

Cassandre riait, fière de lui avoir damé le pion, puis se tourna vers Dame Irène, toujours aussi pétillante.

"Mais non ! C'est pas une blague ! Enfin.. Il est pas vraiment encore là.. Mais ça va pas tarder ! Sylvère a dit qu'il voulait avoir plein d'enfants avec grande sœur ! Moi, je dis que quand notre petit frère fêtera son premier anniversaire, j'aurai aussi un filleul !"

Satisfaite de ces explications logiques dans son esprit enfantin, elle poursuivit vers l'escalier et continua à appeler Grâce. Dame Irène lui rappela alors que celle-ci devait dormir. Cassandre eut une petite mine navrée durant un court instant puis retrouva vite son espièglerie.

"Oh ! C'est pas grave ! Grâce me disait au matin qu'elle dormirait pas aujourd'hui ! Alors, je l'ai pas réveillée ! Pas du tout !"

Comme pour le prouver, des pas résonnaient sur le plancher.

"Vous voyez bien ? Elle dormait pas ! Pas du tout ! Pas du tout !"

Là-dessus, la fillette chantonna ce petit refrain, tute heureuse et espiègle.

Il était le bienvenu, c'était ce qu'Irène lui assurait. Sylvère hocha alors la tête, reconnaissant. Irène avait bien conscience des risques que cela lui faisait prendre, après tout, et c'était sa décision à elle que de l'accueillir — ou non — chez elle. Quoi qu'il en soit, l'idée de contester, d'une façon ou d'une autre, le verdict final ne lui serait pas venue à l'esprit. Il n'avait pas son mot à dire là-dedans.

Et comme il avait conservé le silence pour cela, Irène ne chercha pas à en savoir plus sur cette opération de charité qu'il venait de mener sur la Grand'Place. Ce dont il lui était gré. Ça aurait été un moment terriblement gênant pour lui de devoir expliquer le discours à double-sens ou bien, encore pire, la confession bien peu orthodoxe...

Mais Cassandre, elle, ne semblait pas du même avis. Et voilà qu'elle remettait sur la table cette histoire d'enfant et de filleul. Pourquoi avait-il parlé de cela avec elle, déjà ? Pourquoi avait-il accepté qu'elle en devienne la marraine ? Des questions qu'il se posait tout à fait légitimement avec le recul.

- Ma parole, mais tu es obsédée par ça ! Tu n'as que cela à la bouche... ronchonna-t-il pour dissimuler sa gêne qui teintait ses joues, en imaginant ce qu'un enfant impliquait.

Irène, elle, demeurait perplexe. Les yeux ronds qu'elle leva vers lui ne l'aidèrent pas à être moins gêné. Non vraiment. Il faudrait trouver un moyen de dire à Cassandre que les choses qui touchaient à ce genre de sujets ne se disaient pas. Ou pas à tort et à travers comme elle venait de le faire.

Il aurait aimé répondre, pour temporiser les propos du petit génie des bois, mais il n'en eut pas le temps. Cassandre fut plus rapide.

- Sylvère a dit qu'il voulait avoir plein d'enfants avec grande soeur !

Désespéré, il secoua la tête.

- Non ! … enfin, si ! C'est vrai, j'ai dit ça... mais pas de cette manière, et puis... Cassandre ! Tu peux pas dire des choses comme ça !

Et lui était terriblement, affreusement, gêné. D'autant plus que cela lui rappelait avec une précision accrue que leur situation n'était vraiment pas enviable et qu'ils marchaient sur des oeufs à chaque instant. Et que, quand bien même il aurait des enfants, ils pouvaient vite se retrouver orphelin de père. Il avait échappé aux autorités cinq ans... mais encore combien de temps avant qu'il ne se fasse prendre ?

- Si nous pouvions changer de sujet... ça m'irait aussi bien, déclara-t-il alors.

Mais Cassandre l'avait déjà fait, en se précipitant au bas des escaliers pour crier après Grâce. Ce qui termina de mortifier Sylvère. Il adressa un regard sincèrement désolé – et totalement impuissant – à Irène, en guise d'excuses, tandis que des petits pas résonnaient à l'étage.

Cassandre, elle, ne se démontait pas. Sylvère ne remarqua rien. Il avait abandonné pour aujourd'hui. A quoi bon quand, de toute manière, vous parliez à des oreilles moins receptives qu'un mur ? Il attendait de voir apparaître la petite frimousse de Grâce. Il lui devrait des excuses, parce qu'il se souvenait bien de leur première rencontre, qui n'avait pas commencé sur de bonnes bases. Mais il comptait bien se faire pardonner.

Irène sourit à Sylvère. Elle savait bien que c'était dangereux mais le bandit avait fini par faire fondre ses défenses et, au fond, malgré son grand respect de l'autorité, elle ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'ils ne le trouvent jamais et le laisse en paix. Quoi qu'il ait fait... Elle espérait que ce ne soit rien de trop grave et que la maréchaussée puisse l'oublier.

Irène se frotta un peu l'oeil devant l'enthousiasme de Cassandre. Elle ne le faisait pas exprès mais cela la vidait toujours de son énergie. Elle écouta à demi et comprit que Cassandre mettait simplement la charrue avant les bœufs. Elle accorda un regard compatissant à Sylvère qui semblait lui aussi épuisé. Elle comprenait aisément pourquoi. Peut-être trouverait-elle bientôt un moyen de la distraire et de laisser le pauvre Sylvère tranquille. Elle secoua la tête quand il tenta de se justifier et lui fit signe que ce n'était pas grave. Elle avait très bien compris.

Irène soupira lorsqu'elle réveilla Grâce et ce fut au tour de Sylvère de l'apaiser par un regard. Elle sourit de sa gentillesse avant de secouer la tête à la remarque de Cassandre en marmonnant.

- Moi, j'aurais bien aimé qu'elle dorme...

Elle se résigna cependant alors que Cassandre commençait à chanter. Irène se massa les tempes, craignant d'être en proie à une migraine.

- Cassandre, Cassandre, pas si fort, s'il te plait...

Grâce quant à elle descendit en baillant et en se frottant les yeux. Encore un peu endormie, elle se dirigea vers sa mère.

- Que se passe-t-il, maman ?

Irène lui sourit en lui caressant les cheveux.

- Tout va bien mon ange, tout va bien, nous voulions te présenter quelqu'un.

Elle se tourna un peu vers Sylvère. Grâce plissant les yeux, reconnaissant la soutane mais pas le père Thierry. Lorsqu'elle leva les yeux vers le visage, elle afficha une mine surprise et se cacha aussitôt derrière sa mère. Irène tenta de la rassurer mais sourit à Sylvère pour l'inviter à le faire lui-même.

Cassandre riait, toujours plus amusé par la gêne extrême dans laquelle son grand frère se noyait. Elle finit cependant par se calmer en apercevant que Dame Irène semblait avoir mal à la tête. Elle se rappelait du bébé qui attendait dans son gros ventre et qui al fatiguait de plus en plus. Elle s'en voulut soudain de son exubérance en ne pensant qu'à son plaisir à embêter Sylvère. Elle baissa la tête, attristée.

"Pardon..."

Penaude, la fillette marcha vers Dame Irène et toucha le ventre dans lequel se cachait le bébé.

"J'ai fait mal à notre petit frère ? Pardon..."

Elle savait bien que c'était à Dame Irène qu'elle avait fait mal, qu'elle l'avait fatigué avec ses cris, mais elle n'arrivait à le dire. Alors la fillette préféra entourer le gros ventre puis déposer un baiser dessus, au travers des vêtements.

"Désolée, petit frère..."

Grâce descendit à ce moment-là et rejoignit sa mère. Elle observa le visiteur puis se cacha derrière le dos maternel. Cassandre fronça les sourcils, embêtée, et essayer de tirer vers elle sa petite sœur.

"Allez, Grâce, c'est mon grand frère. Tu ne crains rien. Allez, t'as plus confiance en ta grande sœur ? Tu sais bien que je te mettrai jamais en danger. Allez viens."

Cassandre s'"exprimait d'une voix douce et compatissante, sa main serrée autour de celle de la petite fille.

Irène lui adressa un regard compatissant, ce dont il la remercia. Il se sentait un peu moins idiot ainsi, avec son soutien. Elle avait l'air de comprendre, en tout cas, mais cela ne faisait pas trop de doute. Il lui sourit, tandis que Cassandre criait au bas des escaliers – pour finir de réveiller Grâce.

Ce qui termina de fatiguer Irène, qui se massa les tempes, en demandant de parler moins fort. Ce qui la fit enfin réagir. C'était bien parce que c'était Irène qui le disait. Il était sûr que s'il avait ouvert la bouche pour dire exactement la même chose, Cassandre se serait fait un plaisir de crier encore plus fort.

Ce fut alors qu'une petite forme apparut, encore à demi-endormie et se frottant les yeux. Il jeta un regard équivoque à Cassandre l'air de dire : tu vois ? Elle dormait.. La fillette se dirigea vers sa mère, laquelle lui caressa les cheveux en la rassurant.

- Nous voulions te présenter quelqu'un.

Alors, Grâce se tourna vers lui. Elle mit quelques secondes à le reconnaître. Il le sut, puisque quand elle le fit enfin, elle se cacha derrière les jupes de sa mère d'un air effarouché. Sylvère lui adressa un sourire rassurant. Même s'il avait conscience que cela ne suffirait pas et qu'il faudrait être plus convaincant. Ce qu'il avait bien l'intention de faire.

Il comptait bien se faire pardonner, et c'était ce que le regard d'Irène lui indiquait de faire. D'un air embêté, Cassandre quant à elle, tentait de ramener Grâce au devant. Sans grand succès. D'un côté, il comprenait la petite Grâce. Tout ce qu'il avait fait, c'était prendre son médaillon de baptême dans la forêt. Ce n'était clairement pas de bonnes conditions pour se rencontrer.

Il adressa un sourire à Cassandre pour lui dire que ça allait, qu'elle pouvait la laisser se cacher. Doucement, il fit trois pas vers elle et s'accroupit en restant à distance cependant. Pour ne pas lui faire plus peur.

- Bonjour, Grâce. Je m'appelle Ysengrin.

Autant ne pas mentir. Et puis, depuis cette première rencontre avec Irène et la remontée de souvenirs de Cassandre, ce n'étaient plus un souvenirs pour la mère. Quant à Grâce, elle ne représentait pas de danger.

- Je sais que je n'ai pas été très gentil la dernière fois, avec ta Maman et toi. Je te demande pardon, je ne voulais pas te faire peur. Regarde, j'ai amené ça pour toi.

Il glissa sa main à son poignet, qu'il avait veillé à cacher par les manches de la soutane et retira le fin bracelet d'or que Kalisha lui avait donné en guise d'impôts, lors de leur toute première rencontre. Elle les lui avait laissés, elle ne lui en voudrait pas qu'il le donne à une petite fille pour se faire pardonner. Il sourit et le tendit dans sa paume ouverte.

- Je passais en ville, tu veux bien que je reste un peu avec vous ? murmura-t-il ensuite.

Après tout, elle aussi avait le droit de choisir et c'était là une question tout à fait sincère. Et comme pour Irène, un non était un non. Il n'aurait pas été à l'encontre de cette réponse, quelle qu'elle soit. Il lui sourit et ajouta alors, en faisant un nouveau petit pas en avant, sans aller trop loin, pour voir sa réaction :

- Ta robe est très jolie, tu pourrais me la montrer, s'il te plaît ?

Irène soupira de soulagement quand Cassandre se décida à comprendre. Elle hocha la tête en acceptant ses excuses. Elle sourit en voyant qu'elle allait aussi s'excuser auprès du bébé. Elle lui dit avec douceur :

- Tu sais, je ne sais pas encore si ce sera une fille ou un garçon.

Elle caressa tout de même les cheveux de Cassandre pour lui faire comprendre que tout était pardonné. Elle apprécia aussi les regards de Sylvère qui lui redonnait un peu d'énergie. Quand Grâce descendit, elle tâcha de la rassurer au mieux, même si la petite fille ne semblait pas très encline à coopérer. Grâce n'était pas très certaine de vouloir sortir. Elle regarda sa grande sœur. Bien sûr qu'elle lui faisait confiance, mais elle gardait un si mauvais souvenir de cette première rencontrer. Même si Cassandre, quand elle parlait de son grand-frère, lui disait qu'il était très gentil... Que devait-elle faire alors ? Elle consulta sa mère du regard qui l'encourageait avec douceur. Irène passa une main dans le dos de sa petite fille pour lui faire comprendre qu'elle n'avait rien à craindre. Elle se rapprocha un peu tout en restant accrochée à la robe de sa maman. Irène laissa faire Sylvère et sourit lorsqu'il lui donna son vrai nom. Grâce sembla plus intéressée et moins effrayée. Avec un nom, les choses paraissaient tout de suite moins effrayantes, plus réelles, plus humaines.

La petite fille pencha la tête. Alors il s'excusait ? Il n'était pas un méchant ? Elle garda son air un peu craintif mais réussit à sourire quand il lui présenta un joli bracelet.

- C'est vraiment pour moi ?

Elle sourit en regardant sa mère et prit un peu vite le bracelet mais avec reconnaissance. Elle sourit.

- Merci... Tu es gentil finalement.

Elle osa alors s'approcher un peu plus et déposa un baiser sur la joue de son nouvel ami. Dans la foulée, elle hocha la tête pour qu'il reste. Irène sourit.

- Bien, je crois que nous pouvons donc sans problème t'inviter à dîner.

Grâce battit des mains, contente d'avoir un nouvel ami. Un nouvel ami très gentil qui complimentait en plus sa robe. Elle tourna avec plaisir pour montrer sa jolie robe. Celle-ci fit voleter ses volants avec un grand sourire.

Cassandre releva la tête,la mine légèrement espiègle, quand Dame Irène lui fit la remarque qu'ils ignoraient naturellement le sexe du bébé.

"Non. Moi, je sais que ça sera un petit frère. Je l'ai demandé à Sainte-Zita. Et puis, j'ai déjà eu deux grandes sœurs, j'en ai encore une et j'ai une petite sœur... Les sœurs, ça va bien, quoi. moi, maintenant, je veux frères."

Lorsque Grâce arriva vers elles et s'effraya de la présence de Sylvère, Cassandre se sentit gênée. Elle n'avait pas envie que sa petite sœur ait peur de son grand frère. il était gentil. Bête mais gentil. Elle cherchait un moyen de la mettre en confiance mais rien ne lui venait. La fillette se sentait perdue. Cette sensation qui régnait dans cette pièce était embarrassante et étouffante. Sylvère vint se mettre à genoux pour se présenter et tenter de détendre Grâce. Il se montrait étonnamment prévenant, doux et sensible. Il lui offrit même un bracelet magnifique. Cassandre l'observa, surprise, et se demanda à quelle noble il avait pris cet impôt-là. Grâce se laissa peu à peu conquérir. Cassandre sourit, finalement apaisée de ce dénouement heureux.

"Finalement, Ys, t'es moins bête que je croyais."

Sur ce, elle lui tira la langue, effrontée, puis se tourna vers Grâce.

"Dis, je peux te confier une mission importante ? Mon grand frère, il est venu en vile pour acheter un cadeau superbe pour sa femme. Car il a une femme, oui, et c'est la plus belle femme au monde. Et très gentille. Et sensible. Et intelligente. Alors, tu penses que tu pourrais l'aider à choisir le meilleur cadeau qui soit pour elle ?"

Elle accompagna sa requête d'un baiser sur front de sa cadette.

"Moi, pendant ce temps, je prépare le souper."

S'éloignant d'un pas rapide, Cassandre commença à préparer la soupe aux champignons e n coupant un à un les légumes pour les ajouter rapidement à la préparations. Ses gestes étaient délicats et précis. Elle adorait ça cuisiner, surtout maintenant pour nourrir sa famille et ses amis. Tout à sa confection du repas, la fillette tournait la tête de temps en temps pour observer comment se passait entre Sylvère et la petite Grâce. Elle surveillait aussi si Dame Irène ne semblait pas trop fatiguée et lui jetait un regard d'interdiction si elle aurait approchée pour l'aider. Dans son état, ce n'était pas sa place d'être là à s'agiter. Et puis, elle savait faire seule.

Pendant que la soupe mijotait, Cassandre commença à mettre la table et plaça les plus belles assiettes. Ils avaient un invité ! Alors il fallait faire une présentation magnifique. C'était sa grande sœur Agathe qui lui avait appris cette règle : toujours faire bonne figure devant les gens, quitte à paraitre plus riches ou important que l'on ne l'est réellement.

En retournant fouiller ans les placards, Cassandre chercha de quoi faire un dessert et ne découvrit que de la brioche et de la confiture. a quatre pattes sois une étagères, la fille éclata de rire à cette idée de servir ça out à l'heure à Sylvère.

Grâce s'était rapprochée un peu timidement, en restant collée à sa mère et accrochée à sa robe. Elle avait esquissé un timide sourire quand il avait tendu le bracelet dans sa paume ouverte, signe qu'elle se trouvait un peu rassuré et qu'il touchait au but.

- Bien sûr que c'est pour toi ! Je te le donne, en cadeau d'amitié. répondit-il alors. Tu l'aimes bien ?

Le geste vif qu'elle eut pour le prendre parlait de lui-même et un sourire sincèrement amusé se peignit sur les lèvres de Sylvère. Elle le remercia alors et il haussa des épaules :

- Tout le plaisir est pour moi, jeune fille. Je suis content qu'il te plaise. Ça te dit de faire comme si c'était la première fois qu'on se rencontrait, toi et moi ?

Grâce s'approcha alors, pour déposer un petit bisou sur sa joue. Ce qui le laissa surpris une petite seconde, le temps de réaliser qu'il s'était effectivement fait pardonner. Et qu'il avait l'autorisation de rester manger avec eux. Il y était même... invité. Eh bien, c'était un jour spécial aujourd'hui !

Mais ce qu'il releva alors, ce fut surtout le tutoiement qu'adopta alors Irène pour lui parler. Et il ne lui en fallait pas plus pour abandonner lui-même les conventions de la société.

- C'est gentil à toutes les trois ! Merci beaucoup.

Grâce battit des mains, toute heureuse, en faisant tournoyer sa petite robe pour la lui montrer. Ça marchait à chaque fois, pour détendre les tensions. Et puis, elle était réellement adorable, la petite Grâce. Tout en élégance, déjà. Elle portait bien son nom !

Il tira la langue en réponse à Cassandre qui remarquait qu'il n'était pas si idiot que cela.

- Je sais me tenir quand il le faut vraiment, petite princesse !

Mais s'il n'y avait plus besoin et qu'ils laissaient tomber les politesses de base. Cassandre s'était déjà tournée vers Grâce, pour lui donner une mission importante. Une mission qui le fit sourire.

Oui, Kalisha était la plus belle. La plus gentille, la plus sensible, la plus intelligente. La plus merveilleuse. Ce n'était pas sa femme, loin de là, mais Cassandre ne démordrait pas de cette idée. Autant l'accepter. Par ailleurs, il avait bien besoin d'aide pour lui trouver un cadeau.

Cassandre ayant filer préparer le repas, il se tourna vers Grâce et la souleva dans ses bras sans hésitation, tout à fait spontanément. Après tout, s'il était le grand frère du petit génie cuisinier et qu'elle même était la grande soeur de Grâce... ils étaient un peu frère et soeur par alliance, non ?

- Alors, à ton avis, jolie fée, qu'est-ce qu'il faut que je lui offre, à ma belle reine ?

Il fit une pause, sourit et ajouta :

- Tu es d'accord pour être ma petite fée ? Les fées, c'est mignon, ça a de jolies robes et ce sont les meilleures pour trouver les plus beaux cadeaux.

Irène s'amusa de la réponse de Cassandre.

- Peut-être, mais j'ai déjà un garçon et une fille et que des frères de mon côté... Ça manque un peu de fille. Enfin, seule la Vierge le sait pour l'instant, ne verrons dans quelques semaines.

Elle regarda ensuite la scène adorable entre Grâce et Sylvère. La fillette sourit à Ysengrin.

- Merci, merci ! Je l'adore !

Il avait l'air vraiment gentil... Elle hocha vigoureusement la tête à sa question.

- C'est d'accord ! Alors enchanté, Ysengrin, moi c'est Grâce d'Aubeville.

Elle esquissa une adorable petite révérence qui fit sourire sa mère. Sylvère aussi semblait heureux alors tout allait bien. Grâce riait doucement et Cassandre semblait heureuse, bien qu'elle se moque un peu de son frère. Grâce sembla alors décidée à prendre sa défense.

- Oh non, il n'est pas bête. Il est très gentil !

Elle écouta ensuite Cassandre avant de revenir à Ysengrin.

- Ah bon, tu as une amoureuse ? Et elle est jolie ? Et veux lui offrir un cadeau ?

Elle sourit à la possibilité de l'aider, encore plus quand il l'appela "jolie fée". Elle eut un large sourire.

- Oui, d'accord, je veux bien être ta fée ! Et si c'est ta reine, il faudrait lui faire une belle robe de bal !

Irène restait en retrait mais sourit à l'idée de sa fille et se permit d'approcher.

- Ça pourrait être une bonne idée, surtout que je pourrait lui en faire une sur mesure et avec des motifs de son pays, comme j'ai appris à les faire. Elle est bien drejdane ?

Cassandre avait finalement quitté assez vite le reste de sa famille pour se concentrer sur la préparation du repas. Alors que la soupe mijotait lentement, elle alla mettre la table et écouta la conversation. Les propos de Grâce sur le fait que Sylvère ne serait pas idiot l’amusèrent et lui donnèrent envie de taquiner ce grand faire un peu bêta. Tout en continuant à aligner les couvertes, elle commenta :

"Tu sais, Grâce,il est très bête, oh si ! Si je ne suis pas là pour lui rappeler, il attaque les honnêtes gens. Alors qu'on ne doit attaquer que les nobles, ceux qui ont de l'argent à pus savoir quoi faire. Il ne souvient jamais des règles. C'est quand même très bête !"

Son regard se posa sur une assiette qui lui parut un peu sale. Elle la frotta avec un torchon afin de al rendre plus propre tout en continuant à discourir.

"Et si tua vais vu nos répétitions pour jouer notre pièce du curé ! Il était d'un pénible ! Un gamin de cinq ans immature ! Et encore, toi, t'es plus mâture que lui ! Il arrêtait pas de me dire que ça allait, qu'il savait son rôle... Sauf qu'au moment de réciter, il disait comme j'avais expliqué. Une vraie cervelle en l'air !"

Ravie d'avoir savonné la planche de son grand frère, Cassandre s'éloigna, satisfaite de sa table dressée, et s'arrêta devant la marmite. La soupe cuisait bien et l'odeur alléchante se répandait dans la pièce. Elle touilla la préparation puis retourna dans le placard où se cachait la brioche. Elle ne voulait pas que Sylvère voit tout de suite sa surprise pour le dessert. Dissimulée par la porte, la fillette découpa la brioche en belles tranches fines puis les enduisit de confiture de mûres. Cela allait être délicieux ! Elle referma la porte puis tourna la tête. Dame Irène se mêlait à présent à la conversation. Cassandre souriait. Les choses allaient parfaitement bien ici.

Grâce le salua très dignement d'une élégante révérence. Décidément, oui, elle portait bien son nom, cette petite. Et elle était si mignonne... Il se redressa d'un bond, ravi de savoir que le bracelet lui plaisait, et il s'inclina devant elle à son tour. Mais de sa manière bien à lui, comme s'il saluait quelque public imaginaire. Le mouvement était là, mais tout était bien trop exagéré pour que cela puisse faire autre chose qu'un salut.

- Eh bien, dans ce cas, mademoiselle Grâce d'Aubeville, je suis très heureux de te rencontrer. Tu peux m'appeler Ys, si tu veux. Ysengrin, c'est beaucoup trop officiel, tu ne trouves pas ?

Et il lui adressa un sourire. Sourire qui s'aggrandit quand elle prit sa défense face à Cassandre qui ne loupait pas une occasion de se moquer. A force, cela ne le surprenait même plus, il s'y était fait. Pourtant, l'intervention de la petite fée le toucha sincèrement. Mais Cassandre ne se laissait jamais démonter, et elle trouva bien moyen de rétorquer. Et au lieu de la détromper, il haussa des épaules.

- C'est important d'être un peu bête, des fois.

Il savait bien qu'elle attendait qu'il rentre dans son jeu avec cette histoire de répétitions... et c'était une manière comme une autre de l'embêter que de ne pas rebondir du tout. D'autant que comme on abordait le merveilleux – même si compliqué – sujet de Kalisha, il n'avait pas le temps pour le faire. Parce que Kalisha primait sur toute autre chose.

- Oui, j'ai une amoureuse, répondit-il alors en se baissant pour la prendre dans ses bras.

Il n'aurait pas cru que ce soit si facile de le dire ainsi. Mais il fallait dire que si Grâce s'était appelée Cassandre – ce qui heureusement, n'était pas le cas – il aurait hésité à deux fois avant de le dire si simplement.

- Et c'est la plus jolie de toutes les reines, alors, il lui faut un cadeau très beau ! J'ai même un secret à te dire... – il baissa la voix pour ajouter avant de reculer d'un air complice : C'est même elle qui m'a offert le bracelet, tu sais ?

Il sourit encore une fois et ne tarda pas à compléter de nouveau :

- Mais chut, c'est un secret, d'accord ?

Et la petite fée réfléchit dès lors à quel cadeau on pouvait offrir à une reine. Une belle robe de bal. Ses yeux se mirent à pétiller malgré lui. Davantage à l'idée d'offrir un cadeau à Kalisha que pour le cadeau en lui-même. Même s'il serait si parfait pour elle. Irène s'approcha alors et Sylvère se tourna vers elle, sans reposer Grâce sur le sol.

Durant une folle seconde, en reposant les yeux sur le ventre rond d'Irène et en se disant qu'il aimerait tellement avoir des enfants, son esprit ne put s'empêcher de s'imaginer Kalisha enceinte... avant qu'il ne secoue la tête pour se concentrer sur le présent. Il avait loupé le début de l'explication, mais il n'en laissa rien paraître. Il préférait ne pas avoir à dire ce qui l'avait distrait.

- Elle est djerdanne, c'est cela, confirma-t-il, en recalant Grâce dans ses bras, qui glissait. Elle serait sûrement enchantée par les motifs de son pays... Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez faire cela. Combien je vous devrais ?

Ce n'était pas comme s'il pouvait demander à n'importe qui, lui, Sylvère d'Aiguemorte, de faire une telle chose. Au moins, avec Irène, les choses demeuraient sans danger.

Grâce rit un peu des acrobaties d'Ysengrin. Il était si drôle. elle hocha la tête.

- Ys. Ys, c'est si joli ! On dirait la ville engloutie dont papa me racontait l'histoire !

Irène sourit. Elle se rappelait de cette histoire que Grâce réclamait toujours à son père et qu'il lisait toujours avec le même plaisir. Grâce tourna la tête vers Cassandre et l'écouta avec une petite moue. Elle pencha la tête puis regarda Sylvère.

- Quand même, je ne te trouve pas bête moi. Parfois, on oublie des choses. Maman le fait aussi !

Irène sourit. En effet. Elle soupira pour sa part alors que Cassandre semblait bien décidée à embêter le pauvre Ysengrin. Elle laissa courir en espérant qu'elle ne relance pas trop. Elle avait toujours si mal à la tête...

Au moment où il prit Grâce dans ses bras, la petite fille comme la mère sourirent. La première rougit même un peu. Pourtant, elle se sentit vite à l'aise. Ça lui avait beaucoup manqué, un contact comme ça, quelqu'un qui la porte; Son papa le faisait tellement souvent, avant... Elle renifla et papillonna des paupières. Elle ne devait pas pleurer, elle avait promis d'être joyeuse en y pendant. Elle sourit donc plus largement, surtout quand il se mit à parler de sa reine. Elle agrandit les yeux et hocha la tête.

- Oh, c'est super alors !

Elle baissa un peu la voix à son secret et chuchota à son tour.

- D'accord ! Je serai fière de le porter alors !

Irène vit que son idée plaisait et en fut ravie. Elle remarqua d'ailleurs son regard et eut un petit sourire. Petit impatient... Il n'était pas mieux que Grâce visiblement, même s'il le cachait bien. Elle sourit cependant en hochant la tête puis en se retournant.

- Parfait ! Une idée de sa taille ou de sa couleur favorite ?

Elle tourna de nouveau la tête vers Sylvère - au prix d'une nouvelle migraine qui faillait la faire grimacer - lorsqu'il parla de prix. Elle leva les yeux au ciel.

- Grand Dieu, tu ne me dois rien, c'est un cadeau, naturellement.

Après sa petite taquinerie faite à son grand frère, Cassandre laissa la petite famille affairée aux soins de choisir le plus beau cadeau qui soit pour Kalisha. Comme elle allait être contente ! La fillette s'appliquait, à genoux, dissimulée derrière la porte du placard pour ne pas qu'on aperçoive la surprise du dessert, à tartiner de la bonne confiture sur la brioche qu’elle avait préalablement découpée en tranches. De temps en temps, elle se léchait les doigts. Comme elle était délicieuse cette confiture ! Sylvère avait raison de dire que c'était la meilleure au monde.

Une fois le dessert terminée, la jeune cuisinière retourna inspecter la soupe aux champignons qui continuait de mijoter et qui embaumait la pièce entière. Cassandre était remplie de fierté de servir son propre repas à Sylvère et avait hâte d'apercevoir son visage ravi.

Le repas était presque prêt.
Le couvert était mis.
Rien ne semblait manquer.
Parfait !

Cassandre se rapprocha alors de l'animation et sourit qu’ils préparent une belle robe pour Kalisha. Sylvère n'allait peut-être pas pouvoir répondre sur sa couleur favorite. Elle ferma les yeux e se rappela de la garde-robe. la fillette prit alors la parole.

"Je pense que grande sœur aime beaucoup le bleu. Et puis, le bleu, c'est la couleur de la gentille Saine-Vierge alors c'est encore plus parfait pour elle."

Grâce était une enfant vive et mature, pleine d'une intelligence qui pétillait dans le fond de ses prunelles. Il avait déjà dit à Cassandre qu'il aurait aimé avoir des enfants, mais désormais, il était encore plus sûr. Il fallait qu'il ait des enfants un jour ! C'était tellement merveilleux, de faire rire un enfant, de le regarder grandir. C'était comme contempler, et aimer, un petit bout du futur.

Grâce, en tout cas, était si mignonne, à tenter de le défendre contre Cassandre. Mais la petite princesse des bois était plus têtue qu'une mûle, et il doutait qu'elle lâche le morceau si facilement. Au contraire. Elle n'était pas exactement du genre à se déclarer perdante, cette chipie. Il commençait à la connaître et à pouvoir prévoir, à quelques choses près, ses réactions.

- Parfait ! Une idée de sa taille ou de sa couleur favorite ?

Sylvère revint vers Irène qui venait de prendre la parole. Sa taille ou sa couleur préférée. Il n'en avait pas la moindre idée, et il s'en sentit stupide. De quoi avait-il l'air, de ne même pas pouvoir dire la couleur préférée de sa belle reine ? Il fouilla dans sa mémoire pour y trouver un quelconque indice mais il n'en vit pas.

Ce fut Cassandre, revenue de la cuisine, qui intervint pour donner son opinion à ce sujet – et lui sauva la mise, il fallait le dire.

Le bleu.
La couleur du ciel.

Il eut un sourire, tandis que Cassandre poursuivait, en comparant – pour la deuxième fois de la journée – Kalisha à la Sainte-Vierge. Comme c'était un sujet qui pouvait très vite dériver vers des choses beaucoup plus dérangeantes, il préféra répondre à la question sur la taille de Kalisha, pour détourner la conversation :

- Je ne saurais dire en détails mais elle n'est pas beaucoup plus petite que moi...

Et comme il comptait bien payer Irène, qui semblait décidément fatiguée par sa grossesse, il l'interrogea sur le prix. Ce à quoi elle argua que c'était un cadeau et qu'il ne lui devait rien. Certes mais... il secoua la tête en cherchant ses mots, toujours en tenant Grâce dans ses bras. Il finit par dire :

- Écoutez, c'est déjà si gentil à vous de m'accueillir pour manger, alors que vous avez déjà une bonne petite tablée à nourrir...

D'autant plus quand on pensait aux risques que cela représentait, d'accepter de s'asseoir autour de cette table. Les risques d'être surpris étaient mesurés, mais ils demeuraient présents. Et pour ne rien arranger à l'affaire, elle semblait tellement épuisée... Il ne pouvait pas la laisser faire cela gratuitement, avec tout ce qu'elle faisait déjà à ce jour.

- Vous avez raison, on ne paye pas un cadeau, dut-il reconnaître. Mais celle à qui il est destiné ne le paiera pas ! En attendant, laissez-moi le faire, s'il vous plaît. Je refuse d'abuser de votre hospitalité, vous faites suffisamment de choses ainsi pour moi...

Grâce et Irène attendaient la répondre Sylvère avec impatience, chacune pour se figurer ce qu'elle pourrait faire. Cassandre soumit alors une idée en revenant. Irène posa une main tendre sur ses cheveux.

- C'est une excellente idée. J'ai reçu un très beau tissu bleu nuit il y a quelques jours. Avec des ombres, ce sera parfait.

Elle observa Sylvère pour voir si cela lui conviendrait puis hocha la tête lorsqu'il évalua sa taille.

- Très bien, nous devons donc bien faire la même taille. Je me débrouillerai avec mes mesures et au pire, nous réajusterons. Je pourrais aller lui remettre sa tenue en personne afin que tout soit parfait.

Quand vint l'épineuse question de l'argent, Irène secoua la tête.

- Ysengrin, comme l'a dit Cassandre, tu es de la famille, alors c'est un plaisir de t'avoir.

Grâce hocha vigoureusement la tête pour appuyer sa maman, ce qui la vit sourire.

- Oui, tu es de la famille aussi et tu seras toujours le bienvenue !

Elle lui fit un câlin qui attendrit Irène. Cette dernière secoua la tête.

- Ne te préoccupes pas de cela, Ysengrin. Si ce sont mes comptes qui t'inquiètent, tu peux les regarder toi-même, je t'assure qu'ils vont très bien. Et tu n'abuses de rien du tout, je le fais en toutes connaissances de cause et en pleine possession de mes moyens.

Ce disant, elle dut se rattraper un peu à une vitrine à cause d'un coup de pied assez intense Elle grimaça un peu avant de sourire de nouveau.

- Enfin, plus ou moins...

Cassandre écoutait avec plaisir Dame Irène qui se réjouissait de al couleur choisie et prévoyait déjà le travail qui allait devoir être fait. Elle lui avait même donné une gentille caresse dans les cheveux et la  fillette lui rendit un sourire amical. Sylvère avouait ne pas bien connaitre les mensurations de Kalisha. Elle ferma les yeux et se remémora de la silhouette de sa grande sœur. Dans sa tête s'établit rapidement un calcul d'une personne habituée aux travaux de couture.

Peu après, les nombres bien en tête, Cassandre s'éloigna pour aller chercher derrière le comptoir et s'assit sur le tabouret pour se mettre à écrire. A voix basse, elle murmura les syllabes une à une pour essayer de tracer une à une les lettres qui traceraient les différents mots.

TAILLE :    164
TOUR DE POITRINE :  84
TOUR DE TAILLE :   67
TOUR DE BASIN :  69
TOUR DE BRA :   33

Très appliquée, Cassandre revérifiait ses mesures qui lui étaient venues grâce au souvenir de ses observations et refaisait ses calculs. il lui semblait que c'était correct. Elle se leva et apporta la feuille à Dame Irène.

"Je crois que ça doit faire ça. J'ai calculé en essayant de me représenter grande sœur. j'espère que je ne me suis trompée nulle part."

Cette idée la rendait nerveuse. Et si elle se trompait quelque part ? Et si la robe était raté à cause d'elle ?

"Sinon.. Je peux aller voler discrètement une robe à grande sœur ! Comme ça, on serait sûres !"

Soudain, elle entendit Sylvère qui faisait encore de la résistance et essayait de payer son cadeau. Il ne semblait pas vouloir écouter Dame Irène qui souhaitait le faire gratuitement. Elle fronça les sourcils et posa les mains sur les hanches.

"Bon, ça suffit, Sylvère, tu arrêtes de faire le gamin et tu nous laisses faire. Si on te dit que c'est un cadeau, c'est un cadeau et tu discutes pas. Non mais quel gamin insupportable tu peux être !"

A cet instant, Dame Irène eut une faiblesse et faillit tomber. Immédiatement, Cassandre poussa une chaise et l'amena vers la mère de famille épuisée.

"Il faut vous reposer maintenant. Et puis, si vous avez besoin, vous savez que je peux aider à coudre. Et je serai encore plus motivée que d'habitude c'est la robe pour grande sœur !"

Cassandre venait de gagner le comptoire et de tirer un tabouret, pour écrire quelques mots. Pendant un bref instant, il se tourna vers elle pour l'observer. Murmurant les syllabes pour reconnaître les lettres concernées, elle les traçaient ensuite sur la feuille qu'elle avait prise. Il ne put retenir le sourire qui lui vint aux lèvres. Il était si fier d'elle !

Finalement, Cassandre se releva et vint apporter ses mesures – car il s'agissait de cela : des mesures de couture – à Irène. Il passa la main dans les cheveux de sa petite princesse, pour les ébouriffer comme il le faisait souvent, d'un geste affectueux. Quand bien même elle aurait fait une petite erreur quelque part, il n'y avait là rien d'irréparable. Et puis, tout de même ! On parlait de Cassandre, n'est-ce pas ? Le petit génie des bois. Alors il lui faisait entièrement confiance.

Il ne releva pas l'idée d'aller voler une robe de Kalisha. Il ne doutait pas une seconde qu'Irène s'y opposerait. Et de manière bien plus efficace que lui, vu l'autorité – ou en l'occurence, le manque d'autorité – qu'il avait sur elle. Il ne doutait pas une seconde qu'elle soit capable de se glisser à Monthoux sans se faire voir mais s'il fallait prendre des risques pour vivre, il fallait au possible éviter les risques inutiles.

Irène ne semblait en tout cas revenir sur sa décision de ne pas lui faire payer la robe. Et s'il fut touché qu'elle lui dies aussi naturellement qu'il faisait partie de la famille – encore plus par l'étreinte spontanée de Grâce – il aurait tout de même aimé pouvoir payer le travail qui serait fourni pour réaliser ce cadeau. Cela n'avait rien à voir avec ses comptes ! Il allait le lui dire quand sa petite princesse forestière posa les mains sur ses hanches avec sévérité.

- Bon, ça suffit, Sylvère, tu arrêtes de faire le gamin et tu nous laisses faire.

Pris de court, il se tourna vers elle et eut un geste d'incompréhension. Il n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche pour se défendre, qu'elle poursuivait déjà, toujours aussi furibonde. Mais bon sang, il aurait juste voulu payer, cela représentait-il réellement motif à sermon ? Il eut un haussement d'épaules rempli d'impuissance.

Pouvait-on encore seulement dire que c'était un cadeau de sa part, quand il n'avait strictement rien fait dans la réalisation de ce même cadeau – même pas l'acheter ? Ce n'était pas un cadeau pour lui, bon sang de bonsoir, mais pour Kalisha ! Mais comme il ne trouva rien à répondre à Cassandre, il ne protesta pas davantage.

D'autant plus qu'Irène venait d'avoir un mouvement de vacillement et qu'elle s'était rattrapée à la vitrine. Plus rapide que lui, Cassandre poussa une chaise vers elle pour qu'elle s'y assoit. Il hocha la tête pour appuyer les propos de la fillette.

- Cassy a raison. Si je fais partie de la famille, alors inutile de se comporter comme si j'étais un invité de marque... Asseyez-vous, je vous en prie. Peut-être pourrions-nous passer à table ?

Il se tourna vers Cassandre pour guetter son assentiment, puisqu'elle était la petite cheffe cuisinière de la journée.