17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]

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Message par Éléonore de Fromart Mer 6 Jan - 20:00

Eléonore avait perdu le contrôle de ses mots. Elle s’épanchait, incapable de se taire. Elle ne savait jamais se taire. Jamais dire des choses intelligentes. Mais de toute façon, à quoi servait de contrôler ce que l’on disait alors qu’on n’était même plus sûr de vouloir vivre ?

Eldred faisait des efforts pour la rassurer. Elle le dérangeait, comme elle avait toujours dérangé tout le monde. Parce qu’elle était trop fragile. Elle avait toujours été un poids. Un poids récalcitrant qui refusait de simplement se laisser protéger. Parce qu’Ariste croyait en elle. Ariste avait toujours cru en elle. Il avait toujours été le seul qui la fasse réellement exister.

Alors comment croire l’esclave quand celui-ci affirmait qu’elle s’accrochait à la vie toute seule,et que ce n’était pas Ariste qui l’y enfermait ?

— Vous avez le droit de vivre et non le devoir.

Alors… Alors elle avait le droit d’abandonner ? Elle pouvait ? Elle secoua doucement la tête. Si ce n’était pas Ariste qui la maintenait en vie, elle n’avait aucune raison d’y être. Aucune raison de continuer à être un poids pour tout le monde. Aucune raison de continuer à souffrir.

Mais alors… Que faisait-elle encore là ? Avait-elle renoncé à la mort seulement par lâcheté ? Lâche. Elle avait toujours été lâche, puisque tout son courage venait d’Ariste. Même si celui-ci prétendait le contraire. Même si celui-ci était persuadé qu’elle lui donnait toute sa force. Il était le seul qui avait réussi à l’aimer vraiment et à la voir autrement que comme un poids. Comment quelqu’un de si parfait avait pu l’aimer autant ?

— Toute seule, je n’ai pas la force, contredit-elle d’une toute petite voix.

Ces huit mois à se complaire dans son malheur -- comme disait Eltinne -- n’en étaient-ils pas la preuve ? Pas assez forte pour vivre. Pas assez forte pour mourir. Le premier qui avait eu l’air de comprendre cela, c’avait été Alduis.

Quans il revint dans la conversation, tamponnant ses paupières chargées de larmes, Eléonore ne put s’empêcher de sourire légèrement. Alors, c’était possible de devenir ami avec quelqu’un du jour au lendemain, comme ça ? C’était incroyable… Ils se fréquentaient depuis si peu de temps ? Cela paraissait invraisemblable, eut égard à cette complicité qu’elle avait vue la semaine précédente, à l’église.

— C’est ce qu’on croirait, oui, murmura-t-elle. Et elle ne put, toutefois, s’empêcher de poursuivre. Elle l’ennuyait. Pourquoi l’ennuyait-elle ainsi ?

Elle réfléchissait trop, oui. Elle réfléchissait sans s’arrêter, toujours très vite. Des pensées. Des pensées. Des pensées. Tout le temps. Encore plus depuis la mort d’Ariste. Ariste tempérait ses pensées. Pourquoi aurait-elle eu besoin de se poser des questions quand l’autre moitié d’elle-même y avait réponse ? C’était à cela que ça servait, de faire aveuglément confiance à quelqu’un. Il n’y avait pas ce bourdonnement incessant. Ni ce vide. Ni cette souffrance qui ne se taisait jamais vraiment.

Elle réfléchissait trop, oui. Tout ça pour ne jamais agir correctement. Elle était stupide, tellement stupide. Elle savait, pourtant. Elle voyait toujours presque toute la palette des possibilités, presque toute la palette des conséquences. Et elle ne faisait quand même rien de bien.

Elle acquiesça à ses paroles, sans pour autant être convaincue. Elle ne voyait pas vraiment pourquoi il disait cela… Elle n’était pas dure, c’était juste que… Que… Elle ne savait plus.

Quant à revenir lui parler… Il ne voulait pas la blesser, c’était tout à son honneur, mais elle n’était pas dupe. Même s’il devait probablement encore y avoir plus désagréable qu’elle en dépit de ce qu’elle venait de faire, ce n’était pas pour autant qu’il pouvait accepter de la revoir… D’ailleurs, elle n’allait pas le déranger plus longtemps. Elle oubliait trop souvent que certaines personnes avaient mieux à faire que d’inventer des bêtises ou relire les mêmes lettres en boucle...

— Merci, souffla-t-elle. Pour l’autre fois, et… Pour maintenant. Je… Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je… Je donnerai la broche à Alduis la prochaine fois que je le verrai.

Oui, il fallait qu’elle parte. Et au fond, il devait avoir raison. Si Alduis acceptait de la voir, s’il lui demandait de ne pas l’abandonner… Ce n’était pas son genre de faire des manières…

Puis, autre chose, aussi. Parfois, il fallait simplement accepter. Laisser les choses arriver. C’était bien cela qu’il avait dit ? Alors… Alors il y avait peut-être autre chose qu’elle devait laisser arriver… Un certain dîner qu’elle n’avait pas encore accepté.

Elle avait envie de se changer les idées. De se laisser porter par l’inconscience. A défaut d’une tourelle du lion à escalader, il fallait bien qu’elle trouve autre chose de dangereux. Elle ne pouvait pas continuer de se laisser enfermer dans une zone de confort de plus en plus exiguë.
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Message par Eldred Kjaersen Jeu 7 Jan - 10:33

Dépasser le sentiment de vide après une perte n'avait rien de facile ou d'évident, il était bien placé pour le savoir. On essayait de le combler avec tout ce qu'on trouvait de plus ou moins intelligents. Il pencha doucement la tête, compatissant.

- Vous n'êtes pas toute seule puisque vous avez Alduis et que vous pouvez compter sur mon aide aussi. Vous ferez sans doute d'autres rencontres. On ne sait jamais de quoi la vie est faite.

La discussion se poursuivit sans qu'il ne parvienne à réellement la convaincre ou la réconforter, mais c'était comme tout: il fallait laisser le temps à l'idée de faire son chemin, jusqu'au jour où de ce sol dévasté naitrait une petite pousse d'espoir vigoureuse.


- Ne me remerciez pas pour ça, je vous l'ai déjà dit.

Il acquiesça à sa remarque sur la broche et la regarda disparaitre. Il allait bien devoir trouver de quoi la remercier à son tour, aussi modestement cela soit-il...
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