[14 Septembre 1597] Enfin à l'abri ? [Terminé]

Sylvère était posté en haut d'un arbre, l'un des plus haut de la forêt, depuis pratiquement une heure. C'était un poste de guet idéal pour lui : il était dissimulé derrière l'épais feuillage et en même temps, il voyait à des lieues autour de lui grâce à la hauteur. Rien ni personne ne pouvait lui échapper.

Et il n'avait pas manqué l'intrus qui venait d'entrer dans la forêt - sa forêt.

Au début, il ne bougea pas d'un millimètre et il se contenta de le suivre des yeux. Il ne le jugeait pas très dangereux : un homme seul, qui avait la démarche légèrement titubante d'une personne fatiguée et blessée, ne devait pas représenter grand risque. Par ailleurs, à la manière dont il ne cessait de faire des détours, Sylvère jugeait qu'il tâchait de brouiller les pistes.

Du haut de son perchoir, il le regarda rejoindre une petite cabane abandonnée, dans laquelle il entra et disparut. Sylvère eut un sourire narquois, quand bien même personne ne pouvait le voir...

Fallait-il être un imbécile pour se réfugier dans une cabane - même abandonnée ! C'était une cachette beaucoup trop évidente et ce serait là que, qui que soit cet individu, ses poursuivants le chercheraient en premier. Car il n'avait pas trop de doutes sur ce point-là au moins : cet homme avait des ennemis qu'il fuyait...

Pour toutes ces raisons, Sylvère prit tout son temps. Il resta encore une dizaine de minutes perché sur sa branche à observer d'un oeil envieux la cabanette dans laquelle avait disparu le bonhomme. Il n'était pas pressé : maintenant, l'intrus se sentait sûrement en sécurité et ne devait pas se douter que quelqu'un l'avait vu faire tout son petit manège ridicule... En soi, c'était à peu près sûr qu'il allait se coucher.

Oh oui, Sylvère n'avait aucune raison de se dépêcher, sinon peut-être son ventre qui criait famine et qui souhaitait être rempli.

Ce fut ce qui le décida à se redresser et à s'étirer langoureusement. Puis, il entreprit de rejoindre le sol. Quand il arriva aux dernières branches, il se laissa tomber et se réceptionna parfaitement. Il épousseta son long manteau et repoussa les pans avant de se redresser et de filer droit vers la maison, d'un bon pas.

Cette forêt était la sienne, et on ne venait pas y dormir en tout impunité, bon sang ! Cet homme était sur ses terres. C'était lui, le seigneur de la forêt d'Aiguemorte...

En arrivant devant la petite maison branlante, Sylvère sortit discrètement son poignard - une belle arme qu'il avait pris à une femme - et poussa doucement la porte.

A l'intérieur, il régnait un tel capharnaüm qu'il en resta un moment surpris. Il y avait en grandes parties des provisions et des déguisements. D'un court regard, Sylvère vérifia si le bonhomme dormait effectivement.

Très bien. Alors il allait se servir. On n'était jamais aussi bien servi que par soi-même, c'était son dicton préféré. Il ramassa quelques sachets de sucreries qui traînaient ici et là, ainsi que tout ce qui logea dans ses poches et la petite besace qu'il avait sur lui.

Quand il jugea son dû pris - ou, dit différement, qu'il n'avait plus de place pour en prendre plus - il se tourna vers sa proie, qui continuait de roupiller. Il s'en approcha d'une démarche souple  et posa la pointe de sa dague sur son cou, juste sur la carrotide.

- Holà, l'ami, clama-t-il avec un sourire ironique. C'est l'heure de se lever...

L'humour dont fit preuve le bonhomme était très moyen. Du moins, du point de vue de Sylvère. Après tout cet homme avait son couteau sur la gorge et il se permettait de plaisanter... Qu'importe que ce soit la troisième fois de la journée ! Cela restait une arme pointée sur lui, qui pouvait lui ôter la vie si Sylvère le décidait, et on ne pouvait pas rire avec cela... Aussi resta-t-il parfaitement impassible

Le léger rire qui sortit de la gorge de l'individu prouva cependant qu'il en avait conscience aussi. Bien, il n'était peut-être pas si idiot que cela, même si sa cachette était décidément bien ridicule pour un fugitif. Sylvère ne bougea pas d'un pouce et il le laissa parler, sans rien montrer.

- Je ne suis pas un brigand, répliqua-t-il malgré tout.

Sans retirer le couteau de la gorge de l'homme, il fit mine de s'incliner - d'une manière quelque peu comique avec la main sur le coeur, comme s'il était pris de bonnes intentions :

- Je suis Sylvère d'Aiguemorte, Roi de la Forêt...

Il lui laissa digérer ses paroles. Après tout, sa tête était mise à prix, alors il devait sûrement en avoir entendu parler. Pourtant, il ne se faisait aucun souci : c'était lui qui avait le dessus pour le moment, et non l'inverse. Alors qu'est-ce que le bonhomme pourrait bien faire ?

- Tu vas bien m'écouter, l'ami...

Il fit une pause, appuya un peu plus fort sur la lame, juste assez pour lui piquer le cou sans le blesser et ajouta :

- C'est moi qui ait mon arme sur ta trachée et tu es chez moi. Alors je parle, et toi, tu la fermes. Pigé ? Sinon, je n'hésiterais pas à appuyer plus fort et à te perforer ta jolie gorge.

Il ne relâcha pas la pression sur la lame en attendant une réponse affirmative - évident qu'il n'en accepterait aucune autre... - puis reprit :

- Bien, maintenant, dis-moi ton nom.

L'espèce de glapissement qui venait de franchir les lèvres de l'homme quand Sylvère avait appuyé plus fort sur sa lame lui avait au moins prouvé que ce dernier craignait pour sa vie. D'un autre côté, Sylvère n'avait encore jamais eu le cran d'appuyer réellement - il s'était toujours débrouillé autrement.

Mais si cela suffisait à faire comprendre à l'autre qu'en l'instant, il fallait mieux entrer dans ses bonnes grâces, tant mieux. Au moins, il comprenait vite qui était le maître de cette forêt... Sylvère ne tolérerait aucun adversaire, d'aucune sorte.

Sylvère relâcha légèrement la pression sur la gorge de l'homme - mais il ne la retira pas pour autant. Du moins pas encore, parce que ce début d'histoire l'intriguait tout de même beaucoup. L'incendie qui avait emporté le domaine des Rottenberg, avec toute la famille ? Bien sûr, il en avait entendu parler.

Cela faisait dix ans, s'il en croyait les dires de ce type... A l'époque, il avait 15 ans et bien qu'il était surtout porté à l'époque sur ses problèmes avec la justice et ses vols pratiquement quotidiens - qui ne s'étaient jamais vraiment arrêtés depuis - il n'avait pas vraiment pu échapper aux rumeurs qui parcouraient les rues au sujet de cet affreux accident.

Alors la voilà, la vraie histoire ? Hum, c'était tordu et un peu difficile à croire. Or, même lui qui savait inventer toutes sortes d'histoires n'aurait pas pensé à celle-ci. D'ailleurs, qui irait mentir sur une chose pareille ? Et qui irait rire pareillement en déclarant avoir assassiné une famille entière ? Qui que soit ce type - Urbain Chapelier, du petit nom qu'il venait de se donner lui-même -, il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez lui.

Peut-être aurait-il fallu appuyer effectivement sur la lame et de lui transpercer définitivement la trachée, pour être bien sûr que rien n'arrive ? Ce serait sûrement plus prudent... Pourtant, Sylvère n'avait jamais été prudent et cette fois comme les autres, il décida de repousser la voix de la sagesse dans un coin de son esprit. Il eut un sourire un brin narquois et recula enfin, pour le laisser respirer.

Il ne rangea pas pour autant sa lame. Il ne s'agissait pas non plus de se faire éventrer. Il tira un vieux tabouret qui traînait là, le releva et, posant son arme sur ses genoux, se pencha en avant. Il ne dit rien pendant un long moment, comme s'il réfléchissait. Un roi devait se donner des airs pour être crédible !

Finalement, il demanda simplement, en plissant les yeux :

- Tu as parlé d'immenses fortunes, tout à l'heure...

Parce que s'il y avait bien une chose à laquelle Sylvère ne savait pas résister, c'était l'or... Et le mot fortune avait une sonorité bien trop agréable à ses oreilles.

A peine Sylvère avait-il reculer pour laisser Urbain respirer que ce dernier se redressait dans son lit avec une rapidité à en couper le souffle. Sur le moment, tous les muscles de son corps se crispèrent et il se tint prêt à se défendre si jamais le bonhomme se risquait à bondir en avant pour l'attaquer. Mais il ne se passa rien.

Urbain resta assis sur le lit, avec un air... heureux, sur le visage. Oui, c'était même plus que cela. Euphorique. Que se passait-il dans la tête de cet étrange personnage ? Sylvère était intimement persuadé que cela était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. Un baron, rien que cela. Nommé récemment Premier Conseiller, de surcroit. Fallait-il être fou pour prévoir quelque chose de cette envergure !

Mais si cela signifiait invariablement danger, il ne pouvait nier la certitude qui naissait dans son esprit : oui, un baron était forcément riche. Et oui, il y aurait forcément un joli pactol à se mettre dans les poches ensuite.

Il se pencha en avant, presque machinalement, une manière de signifier son intérêt pour le projet.

- Un baron ? rien que cela ? Tu vois les choses en grand, toi, non ?

Mais un roi devait toujours voir les choses en grand. Et lui, il était le roi de la forêt. Il se pencha davantage en avant et déclara enfin, avec un sourire, comme s'il faisait une bonne action :

- Bien, j'accepte de te donner un abri dans ma forêt. Mais ici, c'est moi le roi. Tu sais ce que cela veut dire, n'est-ce pas ?

C'était lui qui commandait. Et il n'allait pas tolérer d'insurrection.

Non, décidément, Sylvère n'arrivait pas à se décider sur Urbain. Était-il un homme ambitieux ou simplement un fou à lier qu'il valait mieux tuer ? Peut-être un mélange des deux... Il semblait se croire immortel, plus puissant que tous. Une chose était sûre au moins, Sylvère préférait se dire que l'homme comptait parmi ses alliés, plutôt que parmi ses ennemis. Parce qu'il avait une conscience accrue d'une chose : une forêt prenait facilement feu.

Il ne dit rien pendant un long moment, comme s'il réfléchissait. Et en soi, c'était vrai. Avant de s'engager dans cette affaire, il voulait n'avoir aucun doute. Habituellement, il ne prenait jamais autant de temps pour réfléchir mais pour une fois, il allait faire une entorse à son réglement. On ne volait pas un baron sans un plan détaillé, de cela, il en était certain.

Finalement, il se releva, poignard toujours à la main, et répondit avec un sourire narquois :

- La justice n'est rien qu'une affaire de point de vue.

Il se baissa, ramassa un sachet de sucreries qu'il ouvrit et dont il huma la bonne odeur. Il en prit une entre ses mains et la jeta dans sa bouche. Il la laissa fondre un moment sur sa langue puis la croqua deux fois avant de l'avaler. Ce n'était pas si bon qu'il l'aurait cru. Trop... sucré.

Il jeta le sachet à Urbain.

- Les lois sont faites pour être transgressées, n'est-ce pas ?

Il eut un petit ricanement et ajouta ensuite, en faisant tourner son poignard en l'air avant de le rattraper par le manche, après un tour complet, sans même le regarder :

- Je suis ici chez moi. Je connais cette forêt comme le dos de ma main. Des cachettes, j'en ai des plus que tu ne pourras jamaus imaginer... Prends tout ce que tu peux porter et suis-moi.

Et sans attendre la réponse, il ouvrit la porte d'un grand coup et sortit dehors.

Oh oui, la justice n'était qu'une question de point de vue. Il croyait à cela dur comme fer. Il suffisait de se mettre dans la peau de n'importe qui d'autres pour que la justice prenne une autre teinte... Alors comment pouvait-on juger ce qui était juste ou ce qui ne l'était pas ? Et puis, à quoi pourraient bien servir les règles si on ne pouvait pas les transgresser ?

Sylvère ne perdit pas de temps à l'intérieur, ni sur le pas de la porte. Une fois dehors, il repoussa les pans de son manteau, repassa la dague à sa ceinture - de toute manière, Urbain aurait les mains prises, alors il ne pourrait rien tenter contre lui - puis, il s'éloigna à grands pas vers un arbre au tronc large, contre lequel il s'appuya. Il ne doutait pas qu'Urbain allait le suivre d'un instant à l'autre. Il suffisait d'attendre que ce dernier sorte, avec tout ce qu'il pouvait prendre.

Sylvère patienta comme il pouvait. Décidément, le bonhomme n'était pas pressé ! Peut-être que les quelques blessures qu'il avait le ralentissait ? Allez savoir ce qu'il trafiquait là-dedans ! Ce n'était pas pour autant que Sylvère allait se déplacer pour aider. Non mais. Un roi n'allait tout de même pas s'abaisser à porter les affaires de ses sujets.

Quand enfin Urbain sortit de la maison, déguisements et sacs de sucreries dans les mains, Sylvère se décolla de son arbre avec un grognement mécontent :

- Eh bah ! pas trop tôt ! Bouges-toi !

Et sans attendre de réponse, il partit droit vers l'est, à grands pas, sans attendre Urbain. Il fallut près d'un quart d'heure de marche pour rejoindre la nouvelle cachette. Il s'agissait d'une fosse qui disparaissait sous la terre, dissimulée par des rochers qui se trouvaient là. A moins d'en connaître l'entrée ou de la chercher vraiment, il était pratiquement impossible de la voir.

Si la cabane possédait un confort encore relatif, avec un lit et quelques chaises, cette caverne souterraine n'avait plus grand chose du minimul vital. Sylvère descendit d'un bond et malgré le terrain accidenté, il s'aventura plus en avant sans aucun problème. Il connaissait chaque relief par coeur. Sans une hésitation, il alluma toutes les bougies qu'il avait installées là pour éclairer l'endroit - d'ailleurs, il y en avait plus beaucoup, il faudrait penser à refaire un tour en ville très bientôt pour se réalimenter...

Puis, une fois qu'Urbain eut une pleine vision du lieu - humide et froid, avec une couchette réglementaire à même le sol - il s'inclina ironiquement et déclara :

- Et voilà votre nouveau palace, monseigneur !

Oh bien sûr, Sylvère avait d'autres cachettes plus agréables mais celles-ci, il préférait les garder pour lui. Il s'appuya contre la paroi, croisa les bras et ajouta d'un air grave :

- Et maintenant, discutons.

Sylvère s'était attendu à beaucoup de choses de la part d'Urbain en découvrant la cabane. Si ce dernier disait la vérité, il avait vécu comme un noble les dix dernières années, autant dire que ce confort plus que moyen - carrément inexistant, même - était sûrement très loin de ce à quoi il avait l'habitude. C'est qu'on prenait vite goût au luxe ! Pourtant, il devait bien reconnaître qu'il ne s'était pas attendu à une telle colère.

Une colère qui n'était pas dirigée contre lui alors qu'il s'était pourtant moqué quelques secondes plus tôt. Mais enfin. Tant mieux. Même si dans l'instant, il remettait sérieusement en doute sa décision de ne pas l'avoir tué quand il en avait eu l'occasion. Dieu, ses questions de morales inutiles allaient finir par l'avoir !

Quoiqu'il en soit, il se trouvait bien bête, à l'entrée de sa grotte, à côté de ses bougies allumées qui jetaient des ombres sur les parois de la caverne. Mais surtout, Urbain risquait de les faire remarquer... Si quelqu'un se trouvait dans les parages, il allait forcément entendre ces hurlements. Et s'ils étaient dignes d'une bête, ce n'étaient clairement pas ceux d'un animal, il n'y avait pas à s'y tromper.

Et cette cachette devait rester secrète, par tous les moyens. C'était l'une des meilleures dont il disposait et personne ne viendrait chercher Urbain ici. Si celui-ci la lui faisait perdre, il allait le... Il serra les dents à s'en faire mal.

Alors au lieu de le laisser se calmer seul, il le rejoignit en deux pas rapides. Sa première réaction aurait été de lui envoyer un coup de poing en plein dans le nez pour le faire taire mais il n'était pas assez fou pour frapper cet homme. Pas quand il était dans cet état, du moins.

Avec rudesse, il l'attrapa par les épaules, le plaqua contre le mur et le foudroya du regard :

- Imbécile ! siffla-t-il entre ses dents serrées, littéralement furieux, en enfonçant ses doigts dans les bras d'Urbain, à l'endroit exacte où cela permettait de l'immobiliser. Tais-toi, idiot ! Tu vas nous faire repérer !

Heureusement pour lui, Urbain eut la présence d'esprit de se calmer. S'il avait continué à hurler comme un fou à lier, Sylvère n'était pas totalement certain de sa réaction. A vrai dire, il était à peu près sûr qu'il aurait perdu sa maîtrise de lui-même - déjà bien entamée par les événements.

Cette cachette était une de ses meilleures. S'il la perdait, Sylvère en tiendrait pour responsable Urbain. Il avait intérêt à se calmer, celui-là, et à ne pas recommencer. Ou alors il allait le livrer lui-même au baron, si tel était le cas. Cela lui rapporterait autant que de le voler, et ce serait nettement moins dangereux ! S'il recommençait ses infantillages, Sylvère n'aurait aucun remord à le faire !

Il ne le lâcha pas pour autant immédiatement. Il attendit d'être vraiment assuré que sitôt libéré, Urbain ne reprendrait pas son raffut. Juste avant de reculer, il serra ses doigts encore plus fort et, en plantant ses yeux dans les siens, siffla entre ses dents :

- Ne refait jamais ça ! C'est clair ? Ou je te pète l'autre poignet.

Sans un mot, il attrapa le poignet droit d'Urbain pour en constater les dégâts. Effectivement, il était bien amoché, c'était peu de le dire. Mais vu les coups furieux qu'il venait de donner à la paroi de la grotte, le baron n'était pas le seul responsable en cause. Finalement, il le lâcha et recula :

- Je ne soigne pas. Et estime-toi heureux que ce ne soit pas le cas.

Il fit une pause et ajouta ensuite avec un demi-sourire amusé :

- Mais je sais qui pourra le faire. Attends-moi ici et ne fais pas de vagues, cette fois-ci.

Il lui jeta un regard d'avertissement et sans rien dire de plus, il se hissa dehors. Il s'éloigna à grands pas vers l'ouest.

Hum, oui... Finalement, cette histoire allait peut-être enfin lui permettre de se mettre dans la poche le sorcier qui habitait sa forêt.

Spoiler:

Sylvère eut un sourire amusé.

- Sa Seigneurie est disposée à fournir toutes les cordes dont son modeste médecin aurait besoin.

Il fallait reconnaître, cependant, qu'il n'avait pas pensé à ce détail. Après tout, lui-même était parfaitement valide. Comment cela aurait-il pu lui venir à l'esprit, que son nouveau complice ne pourrait certainement pas sauter dans le trou avec ses jambes ? Cette idée ne lui avait pas effleuré l'esprit.

Ce ne fut pas ce qui l'empêcha de descendre cependant - et de la même manière que d'habitude.

Quelle ne fut pas sa surprise de trouver Urbain en... prière ?! Il manqua d'éclater de rire mais il se retint à temps. Ainsi donc, Monsieur-le-cul-doré était croyant. Il avait certainement une manière de voir la religion originale - avec tout le carnage qu'il avait été si enthousiaste à lui raconter quelques temps plus tôt !

Il fallait dire que Sylvère n'avait pas pour habitude de trouver un homme les mains jointes dans une de ses cachettes. Il n'était pas vraiment l'exemple le plus pieux du royaume. Ce fut absolument sans douceur qu'il s'approcha d'Urbain, sans se soucier de le couper dans ses prières.

- On se réveille, l'ami. Regarde qui j'ai ramené avec moi. De quoi te remettre sur pieds. J'espère que tu as de quoi payer. Les consultations sont payantes, tu comprends.

Il eut un demi-sourire et, en s'asseyant nonchalamment sur un rocher pour laisser Hyriel faire sa partie du marché, il observa ses ongles. Puis, tout d'un coup, il releva la tête, appuya son coude sur son genoux dans la position la plus décontractée du monde et demanda avec un sourire mielleux et conspirateur :

- Dis-moi, Urbain, ce baron dont tu me parlais tout à l'heure... Quel est son nom ? Sur le trajet du retour, j'ai beaucoup réfléchi à notre entreprise de le voler. Je dois me faire une réelle idée de ce à quoi je me risque. Voler une petite fortune pareille, il faut bien le préparer.

Il se tourna brièvement vers son complice et ajouta, toujours à l'intention de Urbain :

- Tu peux lui faire confiance, il est dans notre camp et il ne dira rien à personne. N'est-ce pas ?