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[8 janvier 1598] D'un alcool faire fleurir demain ¤ Ft. Coldris de Fromart [Terminé]

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Message par Dyonis Howksley de Frenn Mer 7 Avr - 14:03

Le chemin retour se passe en silence. Les horreurs ont été encore bien trop présentes dans les tripes du baron, le sang tapissant sa gorge, les os brisés d'Édouard lui semblant pulser entre ses propres côtes, et son regard enfoncé dans le sien, pour qu'il soit parvenu à décrocher une seule parole. Pour la première fois depuis tant d'années, Dyonis a même passé un trajet sans lire le moindre courrier, le moindre rapport, ni dicter quelque réponse. Ce carrosse a été silencieux et clos comme un cercueil. Sépulcre de bois noir. Le seigneur a fait tirer les rideaux sur leurs visages encore marqués. Mais pas complètement : garder de l'air. De la vie. Un œil ouvert sur le monde défilant, un peu comme celui de Dieu sur le fautif Caïn. En attendant le châtiment. Observer par moments le paysage - quoique sans y prêter vraiment attention - a quelque peu apaisé Dyonis alors que les voilà passant le pont-levis de Frenn.
La flopée des palefreniers se déplace aussitôt. Un serviteur ouvre la porte et s'étonne de voir descendre un autre très grand seigneur en compagnie de son maître. L'ensemble des domestiques présents s'inclinent profondément. Pas un mot. Regards fuyants. Tous devinent que quelque chose de très grave est arrivé pour que le baron ramène cet hôte avec lui et que l'atmosphère soit si pesante autour d'eux. Dans un respectueux mutisme, on emporte l'attelage, les chevaux. Le baron s'arrête seulement devant un huissier à qui donne rapidement des ordres de service, puis se retourne entièrement vers le vicomte de Fromart. Il entrouvre un bras devant lui, désignant la haute porte d'épais bois, garnie de ses dentelles de fer forgé, qui se déploie devant eux. Malgré les circonstances, il souffle malgré tout - car c'est la première fois qu'il accueille son congénère en son fief :

"Bienvenue."

Il traverse les longues allées de ce style si à l'image du propriétaire des lieux : élégance austère et militaire. Mélange de valeurs antiques et médiévales. Une rangée de croisées d'ogive au-dessus de leurs têtes. Les rangs d'armures et d'écussons derrière lesquels luisent les armes croisées. Quelques tentures ornent des panneaux de bois sombre, quand ce n'est pas la pierre elle-même, à nue, épaisse mais polie, qui borde leur trajet.
Les deux hommes entrent dans un petit salon illuminé d'un grand feu dansant dans la cheminée. Son crépitement pour seule musique se répercutant aux parois de la pièce. Des fauteuils damassés les attendent autour d'une table carrelée tel un plateau d'échec : cases noires d'ébène, cases blanche de marbre nerfé. Une domestique fait son entrée, s'incline, dépose devant eux un plateau d'argent avec ses deux verres et son aiguière où luit le doré d'un excellent whisky. Elle fait le service. Pour avoir observé son collègue en diverses occasions déjà, Dyonis sait que cette boisson est au nombre de ses panacées. Aussitôt que les voilà de nouveau seuls, le seigneur retrouve miette à miette l'usage de la parole, après qu'il aura laissé Coldris se désaltérer en premier.

"Je serai honoré d'apporter tout le soutien administratif et financier nécessaire à l'élaboration de l'hôtel des vétérans." engage-t-il pour commencer quelque part, et ému par un tel projet. Il déglutit. Le soldat Édouard aurait été immensément heureux de voir de ses yeux l'institution se concrétiser. L'idée alors lui vient : "Que diriez-vous de le baptiser du prénom de notre guide ?" Il soupire : "Je ne sais même pas encore son nom de famille... Et vais m'empresser de faire collecter toutes les informations que nous pourrions trouver en vue d'une sépulture digne de ce nom."
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Message par Coldris de Fromart Jeu 8 Avr - 11:34


Silence de mort dans la voiture du Premier Conseiller. Ses côtes donnaient toujours l’impression d’emprisonner ses poumons. De l’air, il aurait voulu de l’air. Il regrettait de ne pas être venu à cheval. Il aurait voulu sentir l’air frais et vivifiant fouetter son visage et bruler sa trachée à chaque inspiration. Il aurait voulu sentir la bise transpercer son pourpoint désormais privé de manteau et piquer sa chair dans une glaciale caresse. Il aurait voulu sentir les rayons du soleil rasant d’hiver réchauffer le velours noir de son dos avec douceur. Il aurait voulu sentir la vie galoper sous ses cuisses entre deux expirations haletantes de sa monture. Il aurait voulu quitter les morts pour se sentir vivant. Au lieu de cela, il était lui aussi cloitré dans une boite tout juste plus grande que celle d’Édouard. Tout autant en bois que la sienne, bien que nettement plus riche. Il y faisait tout aussi sombre que dans la sienne et il étouffait. Il n’y avait qu’un mince filet de monde extérieur qui lui parvenait entre les rideaux tirés. Il s’asphyxiait mais n’en montrait rien, le regard rivé vers les silhouettes urbaines qui se dessinaient avant de disparaitre aussitôt du cadre, avalées par les foulées régulières des chevaux se dirigeant sans tarder vers Frenn.

Il inspira profondément en descendant finalement les marchettes de la voiture du baron. Brièvement, il leva les yeux vers le ciel d’un bleu immaculé ce jour-là, permettant un court instant à l’astre solaire de raviver sa carcasse gélive. Frenn. Il observa les alentours tandis que l’on s’affairait à emporter l’attelage. Coldris inclina subtilement la tête à son accueil emboitant le pas de son hôte. Une architecture à son image austère et rigide, solidement ancrée dans le passé et sans la moindre fantaisie. Ils entrèrent dans un petit salon à peine plus confortable. Il y avait cette petite table qui lui rappelait un échiquier. Jeu qu’il appréciait tout particulièrement. Il n’eut pas le temps de s’appesantir sur ses loisirs que l’on déposa sous ses yeux un plateau. Il sentait d’ici les effluves tourbés du whisky dont on lui servit un verre. Il ne manquait qu’une chose pour parfaire la boisson. Quelques gouttes de laudanum. Il savait qu’elle était là. Dans le repli de son veston, cette petite fiole pleine de rêves et de promesses. Mais Dyonis ne cessait de le fixer, l’empêchant d’y accéder. Il dut se résoudre à le boire tel quel. Dieu ce que cela faisait du bien ! S’il avait été à Fromart, il aurait descendu le verre cul sec avant de s’en resservir un second dans la foulée qu’il aurait finalement apprécié à sa juste valeur. Il se contenta d’une gorgée de lave aux accents de terres et de caramel sec.

L’hôtel des vétérans. Il acquiesça.

— Je ne l’ai pas ici, mais j’ai établi une liste de propositions quant à son installation. Quelques abbayes dont les dépendances sont à l’abandon depuis plusieurs années déjà ainsi qu’un ancien domaine royal, inusité par notre souverain. L’Hôtel sera administré par un gouverneur issu de nos vétérans. J’envisage de confier cette tâche à mon beau-fils. C’est un homme droit et intègre. Nous financerons l’établissement d’une part grâce aux bénéfices de l’Hôpital Général et d’autre part en prélevant sur les décimes reçues.

Il se rinça le palais d’une nouvelle gorgée tout en validant sa suggestion d’un signe de la tête et même d’un discret sourire.

— Saint Édouard. Ce sera parfait.

Saint-Edouard-de-L’Ardoise aurait-on pu le nommer même. Dans d’autres circonstances, il aurait sans doute partagé son mot d’esprit avec son collègue, mais il n’était guère d’humeur à rire, ni même à l’asticoter. C’était dire. Quant à la sépulture, oh eh bien…

— Les Champs-Elysées. déclara-t-il sans autre précision en levant son verre pour appuyer ses propos et y replonger aussitôt.

Enfin, la glace contenue dans ses veines semblait fondre sous l’effet de l’eau-de-vie… Quel alcool aurait pu mieux porter son nom ?


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Message par Dyonis Howksley de Frenn Mer 21 Avr - 22:31

Les yeux clairs de son confrère s'arrêtent un instant sur la table en damier. Voilà qui n'étonne guère Dyonis, qui connaît l'intérêt du vicomte pour le jeu d'échecs. Mais aussitôt il s'assied aux côtés du baron et le whisky leur est servi. Il le laisse déguster de premières gorgées et le suit. Le Premier Conseiller ne boit d'ordinaire que très peu d'alcool en journée, ne se l'autorisant qu'à la fin de ses heures de travail - ou lors des réceptions comme c'est actuellement le cas. Aujourd'hui tout particulièrement, sentir le brûlant titiller son palais et inonder sa gorge lui est salutaire. Et sans doute n'en faut-il pas moins à son collègue après leur descente aux Enfers.
Après avoir dégusté ses lampées de whisky, le seigneur écoute le détail des propositions du ministre. Celui-ci a apparemment déjà beaucoup réfléchi au projet. Il hoche lentement la tête à la mention du sieur d'Aussevielle, son beau-fils.

"Je n'ai aucun doute quant à l'honnêteté et à l'efficacité avec laquelle il tiendrait un tel établissement. Il me semble tout indiqué pour une mission comme celle-ci." Des échos que Dyonis a pu avoir du marquis avant son accident, il le voit comme un homme digne et droit. Plus encore, en tant que premier concerné - vétéran, estropié de guerre - il lui apparaît comme une certitude que Démétrius prendra grand soin d'un lieu consacré à des camarades d'infortune. "Lui en avez-vous déjà parlé ? Pensez-vous qu'il s'engagerait à la direction de ces instituts ?" Le baron n'est pas sans savoir que le beau-fils de Coldris est loin de la Cour depuis des années. Que d'après les "on dit" qui circulent à Braktenn, il est comme un ermite et ne s'est moralement jamais tiré des mélancolies générées par sa situation. Bien sûr, Dyonis ne se permettra pas de poser des questions dans ce sens, mais il espère qu'un jour Démétrius se porte mieux - et qu'un projet comme celui de l'institut des vétérans pourrait l'intéresser. Voire qu'un jour il aurait pourquoi pas le plaisir de le rencontrer.

Tous deux partagent alors un sourire au nom sur lequel ils viennent de s'entendre. Saint-Édouard. Oui. Un hommage qu'il n'a pas volé. Et alors que le baron songe déjà à financer une sépulture dans la commune natale d'Édouard, à le renvoyer à son pays de jeunesse dès qu'il se serait suffisamment renseigné - le vicomte déclare comme une évidence les Champs-Elysées. Regard et gestes suspendus entre deux gorgées de son whisky, Dyonis réagit très vite : "Les Champs-Elysées... Oui, c'est je le crois le meilleur des choix qui se puisse faire. J'avais d'abord envisagé de rendre Édouard à sa famille et région, mais vous avez raison : avec ce que nous avons découvert, il doit devenir un symbole. Un symbole de ce nous allons devoir faire changer dans le traitement de nos soldats, de nos infirmes et de nos pauvres." Sans parler de la vaillance de leur guide lors de leur visite et même au cours de ces dix-sept années d'enfermement, de ce qu'il avait eu le temps de voir de lui. "Sa sépulture serait l'occasion d'annoncer la mise en œuvre de votre hôtel pour vétérans. Quant à moi, j'entends travailler à des propositions de loi à soumettre au roi - pour prendre en main l'assistance aux nécessiteux de cet Empire. Et aux invalides. Qu'ils ne soient plus exploités sous des dehors de charité comme nous l'avons vu. L'Église doit reprendre sa place dans cette tâche. Les établissements doivent aussi être sous tutelle d'état - non entre les mains de financiers - et subir de très régulières inspections. Quant aux infirmes, il serait grand temps que nous pensions au bien-être pas uniquement de ceux qui font partie de la petite galerie de Sa Majesté. Que partout dans le pays, l'on incite à les embaucher." Mais pour l'instant il en reste là : il n'est pas temps, dans ces circonstances, de se lancer à exposer le détail des mesures qu'il commence à avoir en tête. Dyonis termine plutôt son verre.

"Quand verriez-vous une cérémonie pour l'entrée d'Édouard aux Champs-Elysées ? Le temps peut-être de nous documenter sur lui, d'informer sa famille... à moins..." Il s'interrompt. Ses yeux plongent dans le trouble ambré de son verre. Ses paupières se ferment un temps sur les hésitations qui le traversent. La famille d'Édouard... Quelle situation sera la pire pour elle ? De rester dans la croyance en la mort de leur fils ? Ou pire ! Dans l'incertitude. Ou finir par apprendre que celui qui les avait quittés si jeune... avait tant perdu d'abord sur le champ de bataille - puis tant perdu une seconde fois par dix-sept ans de maltraitances dans l'abject Hôpital Général ? Le baron se pince la lèvre. Il doit décider. Si Édouard est érigé au rang de héros et martyrs de l'Empire par une inhumation aux Champs-Elysées, la moindre des choses serait que ses proches en soient informés. Il serait fort peu glorieux pour le gouvernement que la famille finisse par l'apprendre sur un hasard, sans communication officielle de la part des représentants de Monbrina. "d'informer sa famille." reprend-il sa phrase pour la terminer. "Si vous êtes d'accord, je peux me charger de lui faire écrire dès que nous l'aurons trouvée. Et de mettre ce qu'il faut en place pour sa venue à la cérémonie s'ils le souhaitent. J'ai conscience que ce sera terrible pour eux. Mais il me semble que l'honnêteté et la logique impliquent que nous les invitions."

Avec un regard beaucoup plus ombrageux, le Premier Conseiller se redresse contre son dossier - au point d'en être raide comme la statue de Justice. Son visage a cependant quelque chose de complice, et sa voix un fond de cynisme froid, quand ses prunelles rencontrent celles du vicomte pour proposer : "Tant que nous en sommes aux invitations, quelque chose me dit que le procès des bourreaux d'Édouard sera vite expédié. Après cela, et après un certain temps passé dans les geôles de la Prévôté, ils seront mûrs pour être cordialement invités à assister eux aussi aux obsèques. Qu'en pensez-vous ?"
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Message par Coldris de Fromart Lun 26 Avr - 13:56

Après une gorgée réconfortante de whisky, Coldris lui fit part de quelques menus détails sur son projet d’hôtel des vétérans, dont notamment, la volonté d’y laisser à la direction à son beau-fils, ce que le Premier Conseiller semblait approuver.

— Je l’ignore. Je dois lui écrire prochainement afin de l’inciter à venir séjourner chez moi en compagnie de ma fille et de mon petit-fils. J’ose croire qu’il y sera mieux entouré et  que l’effervescence de la capitale l’aidera à trouver de quoi surmonter les épreuves. Je ne vous cache pas que c’est également la raison qui me pousse à lui confier cette direction. J’espère qu’il y trouvera là de nouvelles motivations pour sa vie.

Le nom de l’institut tomba en revanche comme une évidence pour l’un et l’autre.  De même que la nécessité pour le ministre des Affaires étrangères de le faire inhumer en martyre aux Champs-Élysées.  Quoi qu’il en dise, Coldris vit bien qu’il a envisagé une solution nettement plus modeste, mais c’était là l’occasion inespérée de faire passer un message politique. Ce que son collègue comprit bien rapidement en développant sa pensée tandis qu’il sirotait son whisky.  Il ne vaudrait jamais celui de Sarkeris, mais il n’en était pas moins mauvais pour autant. Il acquiesça à ses déductions. Il pensait, lui développer. Il n’avait pas pour habitude de s’étendre en paroles et aujourd’hui plus que d’ordinaire, il comptait chacun de ses mots. Il savait combien le soutien du peuple était important pour maintenir un empire et les mots d’Édouard étaient toujours gravés dans son esprit avec sa craie. Si cela en valait le coup ? Au fond quelle importance ? Tout ce qu’il fallait, c’était que tout un chacun en soit persuadé jusqu’au plus profond de son cœur. C’était ainsi qu’il enracinerait l’empire pour les siècles à venir. Le corps d’Édouard n’était pas encore refroidi qu’il pensait déjà à tout ce qui allait suivre et notamment à l’importance de discours qui viserait directement le petit peuple. Ce serait lui qui serait à l’honneur, ce serait lui qui porterait fièrement ses soldats, oui… C’était cela qu’il voulait… Il se fichait bien de l’exploitation ou non des infirmes, après tout, on avait bien des esclaves en quoi cela était pire ? Tout ce qui comptait c’était de montrer que l’Empire était le serviteur de son peuple autant qu’il le servait lui dans sa grandeur. Cependant l’ultime phrase, lui arracha un rictus sarcastique.

— Bien sûr, mon cher baron. Dès qu’ils cesseront d’être accusés de diablerie. À moins que vous n’ayez, vous aussi, finalement prévu de réformer notre Église? commenta-t-il avec ironie, noyant son rire soufflé dans son verre.

Façon de lui rappeler qu’hier encore on jugeait l’un de ces infirmes pour sorcellerie -et d’autres broutilles-.  Pour ce qui était de la cérémonie, il fallait en effet se renseigner sur l’homme, mais cela devrait être relativement rapide. Pour ce qui était de la famille -problème épineux, il fallait en convenir-, il resta suspendu à ses lèvres, inclinant la tête dans l’attente de la suite, mais Dyonis semblait perdu dans la contemplation des reflets ambrés de son whisky. Il arqua les sourcils, un brin étonné, mais sa main s’engouffrait déjà mécaniquement dans le repli de son veston. D’un geste discret, il déboucha la fiole dont il déversa quelques gouttes avant de la remettre à sa place. Voilà ce qui manquait. Du laudanum. La simple anticipation de la douce langueur qui allait s’inviter prochainement dans son esprit et y faire taire tout ce polluant murmure et les sombres images qui l’accompagnaient suffisait à y faire revenir un bref sourire soulagé. Le baron reprit et il acquiesça, vidant le fond de son verre. Oui, ce serait sans doute terrible. Édouard était mort deux fois et sa famille en porterait deux fois le deuil. Il n’y avait plus qu’à prier pour qu’ils soient tous morts et enterrés. Ce serait mieux pour tout le monde.

— Une dizaine de jours, si cela vous semble réalisable ? Pour le reste, faites comme bon vous semble.

Alors qu’il se penchait en avant pour déposer le cadavre contenu dans sa main sur l’échiquier, son collègue sembla au contraire se raidir. Il avait ce sourire étrange qu’il ne lui connaissait guère, mais qui éveillait déjà sa curiosité. Leurs regards se croisèrent et la proposition qu’il avait à lui faire était pour le moins… déroutante venant d’un homme tel que lui. S’installant de nouveau dans le fauteuil, ses prunelles embrasées de malice, ce fut de son habituel ton caustique qu’il déclara sobrement :

— Tout compte fait, nous allons peut-être pouvoir faire quelque chose de vous.

Un léger sourire, un brin moqueur, s’invita sur ses lèvres jusque là solidement closes par les effroyables événements. C’était de bonne guerre et sans doute ne lui en tiendrait-il pas rigueur. Sur cette petite pique, il acquiesça, ses yeux soudainement bien plus polaires.

— Je ne peux qu’approuver une idée que j’aurais moi-même pu avoir. Quelques jours au carcan, comme aperçu de leur ultime châtiment avant de les inviter à cette magnifique cérémonie.

Un sourire carnassier s’étira. Un bel exemple de ce qu’il en coûtait de s’opposer à l’empire. Avec un peu de chance, ils écoperaient même de quelques cailloux savamment lancés. De quoi leur donner non pas un, mais quatre ennemis à haïr.

—Puisque nous parlons réjouissances, je désire qu’ils soient accrochés au mur des condamnés. Il faut bien nourrir les corbeaux, quand bien même la viande en serait avariée.

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Message par Dyonis Howksley de Frenn Lun 10 Mai - 22:13

Prothèses croisées devant lui sur la table, Dyonis écoute et ne peut qu'approuver les souhaits du vicomte pour son beau fils. Le savoir en ermite dans un domaine si loin de sa famille ne laisse augurer rien de bon quant à son moral. Sa mélancolie d'ailleurs ne manque pas de se savoir à la cour. Rompre ce cycle peut passer par un retour vers la société et des desseins tels que celui dont il est question en ce jour.

"J'espère moi aussi que Braktenn et ses environs, couplés à un projet comme celui-ci et à la présence de sa famille, sauront lui ouvrir de nouvelles perspectives. Or notre capitale ne manque jamais d'affaires dignes d'occuper l'esprit." Il sait du reste son épouse cultivée, mondaine, énergique. En sa compagnie et dans le cadre de la fourmillante cité, puisse le sieur d'Aussevielle revivre. Le baron accompagne ses mots d'une brève levée de son verre, façon sobre d'associer Démétrius à ce moment et de porter sincèrement ses souhaits.

S'engage alors plus en détail la réflexion concernant la cérémonie due à Édouard. Peu enclin à parler dans un tel contexte, le ministre formule très brièvement ses pensées - auxquelles Dyonis s'accorde : il faudra que cette sépulture marque les conscience et soit pour plus d'un un urgent rappel aux devoirs. Envers les soldats. Envers l'honneur de l'Empire. Ce qui ne peut pas se cultiver si les plus humbles vassaux sont traités avec une indignité pareille à celle qu'ils ont découverte à l'Hôpital Général - entre autres. Le seigneur de Frenn se sent alors pressé par une urgence tragique. Ses tripes sont encore lourdes des horreurs de la matinée. Sa manière de riposte pour se tenir à flots est donc de parler. De réfléchir à haute voix, presque comme lors des réunions gouvernementales. Arrive donc inéluctablement le sujet de la considération des invalides. Et avec lui, dans la réplique acerbe du seigneur de Fromart, le souvenir de ce procès intenté au guérisseur Hyriel. Le baron y associe automatiquement tant d'autres sinistres exemples. Les imbécilités du libraire Bellanger sur Alexandre. Les obsessions de trop de membres du Haut-Clergé. La cruauté systématisée à l'encontre des estropiés - que lui-même a dû jadis essuyer dans une moindre mesure.

"Je n'ai jamais prétendu qu'elle était blanche comme neige ni caché mes critiques, répond-il, sobre, quant à l'Eglise. Il me tient à cœur de la rappeler à certains fondamentaux. Et d'attirer l'attention du roi sur la question des invalides."

A ce sujet par exemple, les Evangiles sont pourtant claires. Nul péché ni diablerie de la part des estropiés. Ni plus ni moins que chez les bien-portants. L'exigence de fraternité. Pourquoi donc ces persécutions basées sur les plus anciens textes ? Il va falloir cesser de ponctionner dans le Livre ce qui arrange sans considérer sa chronologie. Pris dans ses réflexions et sirotant son breuvage, Dyonis n'en prête nulle attention aux gestes et à la dégustation de son congénère. Enfin, il acquiesce quant au délai proposé par Coldris pour l'organisation de la sépulture.

"Ce me sera suffisant. Dès cet après-midi, l'Etat-Major aura reçu un courrier contenant tous les ordres nécessaires."

Il s'y attellera dès le départ du ministre. Que l'on trouve en urgence tout ce qui peut être su au sujet d'un Édouard, engagé dans la campagne d'Hô-Yo, revenu sans mâchoire. Cela ne devrait pas être si difficile et le Premier Conseiller pressera l'administration au besoin. Pour ce qui est des bourreaux de leur guide, la proposition du baron irrigue le regard de son collègue d'une lumière tranchante et lui vaut une remarque ironique à laquelle Dyonis sourit - certes quelque peu crispé, mais sourit tout de même, bon joueur. Il est lucide quant à sa naturelle raideur allant de pair avec son manque de goût pour la parole cynique. Mais il faut croire que ce jour n'est pas un jour comme les autres. Que les événements du matin ont éveillé d'assez rares penchants chez Dyonis, comme ce 13 septembre où l'usurpateur de Rottenberg l'avait poussé à bout aux abords du Lupanar. Il reçoit donc sans susceptibilité la pique du vicomte et répond lui-même d'un retroussement de lèvres.

"A mon âge, j'y compte bien. Et il me reste j'espère quelques belles années pour apprendre."

Le baron fronce les sourcils et hoche gravement la tête au rappel des sanctions qu'il a édictées à l'Hôpital Général : le carcan, la cage. Non, cela ne lui ressemble pas. Situation extraordinaire appelle traitement et colère extraordinaires. "Cela aussi peut se faire, quand bien même il s'agit du sort protocolaire des esclaves." appuie le baron après un bref temps de réflexion. Il ne voit lui non plus pas le moindre problème à ce que ces criminels soient exposés au mur des condamnés. "Il sera aisé de faire en sorte que le Tribunal prononce cette sentence à titre exceptionnel. L'offense a été grande : l'Empire a été lésé en se jouant de rien moins que de deux membres du gouvernement." Et au fond de son cœur, il n'oublie pas que la principale victime en reste le vétéran Édouard - et à travers lui ses frères de misère. Malheureusement, ce ne serait pas en faisant valoir cela devant l'administration qu'une peine extraordinaire serait obtenue.

"J'espère avoir très prochainement l'occasion d'exposer un certain nombre de nouveaux conseils à Sa Majesté." confie-t-il par association d'idées. La réévaluation du rapport aux infirmes - qui ne se ferait pas sans une solide ré-information préalable. Les calculs de la balance coûts-bénéfices d'une réinsertion des invalides dans la vie active. Faire en sorte qu'en embaucher fasse certes dans un premier temps perdre un peu en aménagements, mais ensuite gagner en pécune et en bonne réputation aux entreprises. Et tant d'autres lignes encore à creuser non pas pour favoriser, mais simplement offrir les mêmes billes de départ au plus grand nombre : change ensuite à chacun de les bien employer, d'être méritant et travailleur.
Dyonis Howksley de Frenn
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Message par Coldris de Fromart Mar 11 Mai - 15:03




Il ne pouvait qu’espérer que le changement d’air saurait le tirer de la torpeur dans laquelle il s’était installé. Or, il ne savait que trop bien à quel point il était difficile d’en sortir pour être lui aussi passé par une situation si désespérée, bien que différence. La seule divergence résidait dans le fait qu’il était impossible pour lui d’attenter à ses propres jours comme Coldris avait pu le faire à plusieurs reprises.

Peu loquace d’ordinaire, les mots refusaient de franchir ses lèvres, la seule chose qu’il rêvait de faire était de leur faire franchir la pointe de sa plume, de transformer le pourpre du sang en noir d’encre et de déverser sur le papier toutes ces obsédantes pensées qui le parasitaient. Certaines en vers, d’autres en prose ou encore en images.

À sa répartie sur les invalides, il se contenta d’un vague hochement de tête. Qu’il rappelle donc à ces sourds ce qu’il voudrait, il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre. Quant au roi, il avait déjà les yeux rivés sur ses invalides, oh oui, il ne se cessait de les admirer sous toutes leurs coutures. S’il avait pu les disséquer pour voir comment ils fonctionnaient, il l’aurait sans doute fait. Pour ce qui était des autres, il se régalait d’avance de la discussion qui ne manquerait pas d’être animée.

Puisque l’affaire était entendue, il ne lui restait plus qu’à songer à cette cérémonie dont le baron avait une idée des plus réjouissantes. C’était dans ce genre de fugaces moments, où il parvenait presque à se dire qu’il appréciait son cher collègue de travail. Il lui rétorqua donc sur le même ton de sympathique provocation :

— L’avenir nous dira si vous êtes bon élève.

Il était en outre ravi que le Premier Conseiller, partage son avis au sujet de la sanction requise et ne put que constater qu’il apprenait à tirer les bonnes ficelles plutôt que les belles ficelles pour y parvenir. Il appuya donc à nouveau ses propos, le laissant parvenir seul aux déductions de ses phrases aussi concises qu’acérées. À la mention des conseils, il laissa échapper un petit rire soufflé, dont l’opium devait commencer à abreuver tant son sang que son esprit.

— N’allez pas assommer notre brave souverain de quarante dossiers cette fois-ci. Je souhaiterais le conserver quelques années encore.

D’autant plus que l’empire n’était encore ni parachevé ni stabilisé. Il était hors de question de le déposer entre les mains du dauphin dans cette situation. C’était courir à la catastrophe. Il recentra rapidement son esprit qui s’échappait et ajouta badinement :

— Vous devriez songer à vous divertir de temps à autre, Votre Excellence.

Et quel meilleur divertissement que celui qui l’attendait d’ici peu ? Cette simple idée suffisait à réchauffer cette âme gelée par la morbide matinée qu’ils avaient traversée. Instinctivement, ces prunelles accrochèrent les aiguilles ciselées du pendule qui battaient la mesure depuis le tablier de la cheminée. Coldris vida le fond de son verre, puis se leva.

— Je vous remercie de votre hospitalité dont j’aurais sans doute un peu plus abusé, mon cher baron, si je n’étais pas attendu d’ici deux heures d’autre part. Vous m’excuserez donc de prendre congé si brutalement, mais je viens de constater que le temps ne m’attendait pas.

Il inclina la tête puis se laissa raccompagner jusqu’au perron, le temps d’évoquer quelques menus détails supplémentaires et rentra à Fromart grâce à la voiture dépêchée par Dyonis. Un bain. Il rêvait d’un bon bain pour se défaire de toute cette crasse, de toute cette mort qui lui collait à la peau. Si seulement Léonilde avait pu faire chauffer de l’eau. Un bain et de quoi écrire. Il était exclu d’arriver au théâtre dans cet état physique et moral.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

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