[30 janvier 1598] - Un nouveau poussin à Frenn [Terminé]

Ce matin, Claire-Marie avait reçu une mission très importante. Elle devait accueillir un jeune garçon que son maître avait accepté de prendre sous son aile sous la recommandation d’Alexandre. Elle avait trouvé amusant de faire une nouvelle rencontre par le biais de son frère. Madame Lucinde devait l’amener, alors elle avait bien tout préparé. Libérée de ses obligations avec sa maîtresse pour le moment, elle avait repris ses vieilles habitudes. Un bain chaud, les plus beaux draps qu’elle avait pu trouver, un matelas douillet… Elle espérait qu’il serait à son aise.

Claire entendit alors de petit pas et posa une serviette sur le lit avant de se rendre près de la porte. Elle était prête quand ils entrèrent. Claire fit une petite révérence.

- Bonjour, madame Lucinde. Et bonjour Sébastien !

Elle se pencha un peu vers lui en espérant le mettre à l’aise. Il avait l’air jeune mais très gentil. Elle hocha la tête quand il se présenta puis l’invita à venir après avoir approuvé Lucinde.

- En effet, c’est moi qui vais t’aider. J’ai déjà préparé ta chambre !

Elle la lui montra en souriant.

- Est-ce qu’elle te plait ?

Le petit garçon semblait timide, un peu comme elle quand elle était arrivée ici, alors elle se promis de l’aider au mieux à se sentir à l’aise. Elle releva d’abord les yeux vers Lucinde et hocha humblement la tête.

- Merci, madame Lucinde. Au revoir.

Elle lui souffla par un regard qu’elle s’occuperait de Sébastien aussi bien qu’elle l’avait fait jusqu’ici ! Elle avait l’air très soucieuse du bien être des autres et elle l’admirait pour cela. Elle attendit qu’elle fut partie puis allait proposer de prendre un bain à Sébastien quand il lui posa une question. Claire sourit. Il lui ressemblait un peu, elle se souvenait de sa réaction en découvrant sa chambre. Elle pensait tellement que c’était impossible.

- Bien sûr ! Et c’est le seigneur lui-même qui l’a demandé. Tu verras, tu seras bien ici.

Claire-Marie l’encouragea à poser toutes les questions dont il avait besoin. Elle lui sourit.

- Tu sais, Alexandre connait bien le seigneur et le baron de Frenn est très gentil. Il ne t’aurait jamais laissé dehors ! Je ne pense pas qu’Alexandre ait une dette quelconque, ne t’inquiète pas pour ça.

En tous cas, il lui avait dit de ne pas s’inquiéter… Elle espérait que ce soit vrai, elle n’ignorait pas qu’il pouvait parfois lui cacher des choses… Claire sentit ensuite la panique du petit. Elle s’agenouilla près de lui et prit ses mains.

- Mais non, c’est different. Je te l’ai dit, le baron est très gentil ! Et puis tu n’es pas responsable si notre père déçoit quelqu’un, voyons.

Là encore, elle ne savait pas grand-chose, uniquement le strict minimum, Alexandre n’avait pas voulu en dire plus. Juste qu’elle ne pouvait pas encore voir leur père pour lui poser des questions et qu’elle devrait prendre soin de Sébastien. Après tout, si c’était grave, il le lui aurait certainement dit… Alors elle essayait de ne pas trop s’en faire. Après tout, elle avait maintenant quelqu’un sur qui veiller et elle le protégerait, comme sa famille d’adoption l’avait fait pour elle.

Ravie de sentir Sébastien plus à l’aise, Claire-Marie sourit plus largement. Elle l’écouta attentivement, soucieuse de mieux le connaitre pour ne jamais rien dire qui le rende triste ou lui fasse penser à un mauvais souvenir. Elle fut sincèrement peiné quand il lui dit qu’il avait surtout grandi tout seul. C’était affligeant… Même elle, elle avait eu la chance de ne jamais être tout à fait seule.

Claire-Marie sourit quand il parla de l’ogre. En effet, un enfant devait bien penser à un conte de fées en voyant un château…

- J’imagine qu’il voulait faire une plaisanterie mais c’est certain que pour toi, ça ne devait pas être drôle… Ce n’est pas ta faute, tu devais avoir peur.

Elle pensa non sans un peu de honte qu’elle aurait pu croire certaines de ses histoires à une époque… Heureusement que maintenant, tout le monde lui expliquait tout bien. Et elle pouvait aussi se faire ses propres idées, comme le disait Lénius ! Claire frotta le bras de ce petit garçon touchant.

- En tous cas, elle avait l’air gentille cette Lucie, tu devais être content de l’avoir. Je te promets que j’essayerai d’être aussi prévenante qu’elle !

Après tout, le seigneur lui avait confié une mission, elle tenait à l’honorer convenablement. Alors qu’elle allait enfin lui proposer d’aller au bain, il posa de nouveau une question. Il semblait très curieux et cela l’attendrissait. Cependant, elle rosit rapidement avant de rire.

- Oh non, pas du tout ! Je suis un peu trop jeune et puis de toute façon, je n’ai pas le droit.

De toute façon, qui viendrait la demander en mariage ? Elle n’était peut-être plus aveugle mais elle boitait et encore faudrait-il que son maître l’y autorise, même si elle ne doutait pas que si elle le souhaitait, il le lui accorderait. En tous cas, encore fallait-il attendre un candidat si seulement il venait un jour…

Claire haussa les épaules en souriant.

- Tu as raison, je crois que j’aurais fait pareil au fond… Et puis c’était totut à fait logique !

Elle poussa un peu Sébastien vers la salle de bains en souriant puis toucha l’eau pour voir si elle n’était pas trop chaude. Elle continua à l’écouter très attentivement puis hocha la tête en souriant.

- Il y a des gens qui sont comme ça… Parfois, il en faut aussi !

Elle pencha ensuite la tête, tout aussi perplexe que le petit.

- Ah, oui… On m’a dit qu’il y avait un problème avec ça aussi mais on n’a jamais voulu me dire ce que c’est. J’imagine que c’est une bêtise et qu’il ne faut pas le faire. Heureusement, je n’ai pas de mari ! mais si j’en avais un, je serai sûre qu’il m’expliquerait bien !

Alors qu’elle allait lui proposer de l’aider à se déshabiller, elle n’en trouva pas le temps. Elle pencha la tête avant de rire.

- oui, mais je suis une esclave. Les esclaves ne se marient pas, ou seulement avec l’accord du maître. Et puis, qui voudrait de moi ? Je ne sais pas si je suis très jolie et je boîte. Je crois que personne ne me « courtise » si j’ai bien compris le mot… Je l’ai entendu plusieurs fois mais je ne suis pas sûre de savoir ce que c’est…

Elle rougit à son compliment. Ah bon, elle était belle ? Comme les musiques de Lénius ?

Claire considéra la réponse de Sébastien puis approuva, la trouvant pleine de sagesse.

- Tu as tout à fait raison, je suis d’accord !

Alors qu’elle observait l’eau, elle médita sur ses paroles. Elle fronça les sourcils un peu plus perdue.

- Ah bon… Eh bien, je ne vois pas très bien comment ça se fait et où… Mais je ferai attention ! Merci à toi pour me l’apprendre!

Il sembla soudain triste. Claire vint près de lui pour poser une main sur son épaule.

- Tu sais, si quelque chose te tracasse, tu peux m’en parler, je suis là pour ça ! Nous pouvons être amis si tu veux.

Elle pencha ensuite la tête à sa question et sourit doucement.

- C’est comme ça… Je devais avoir ton âge. Notre région a été conquise par des soldats du roi. Ils nous ont emmené et nous sommes devenus esclaves. Dame Rose m’a expliqué que c’est pour… euh… « asseoir la position du vainqueur ». Pour qu’il montre son pouvoir au pays qu’il a conquis, en résumé… je crois que c’est ça. Et donc c’est pour ça qu’il y a des esclaves dans le pays, ils viennent souvent de pays qui ont été conquis, comme Eldred par exemple : Tu le verras ici, il est très gentil. Et puis, parfois, c’est parce qu’on a commis une faute… Un peu comme Alexandre. C’est mon frère, je crois que tu le connais, non ?

Elle hocha ensuite la tête face à sa définition. Elle rougit en pensant Lénius. Lui aussi lui disait souvent des choses gentilles quand il la voyait. Elle secouait la tête. Mais non… Elle n’était certainement pas assez jolie pour ça et puis elle était esclave alors ce n’était pas possible. Elle sourit.

- Oui, je me souviens ! Et je crois que je comprends mieux. Tu expliques très bien ! Et tu as l’air de savoir beaucoup de choses, c’est bien.

Elle vit qu’il avait besoin d’aide et déboutonna alors son pantalon pour le retirer. Elle alla ensuite plier ses vêtements puis bien les ranger sur une chaise avant de le prendre.

- Allez, au bain !

Elle le déposa dans l’eau chaude doucement puis regarda sa réaction pour voir si tu allait bien et si l’eau n’était pas trop chaude.

Alors que Claire s’interrogeait encore un peu sur les propos de Sébastien mais demeurait surtout concentrée sur le bain, elle se retourna vers lui à sa remarque de conclusion. Elle sourit.

- Oh, mais c’est très simple alors !

Son sourire diminua un peu alors qu’il lui expliquait ce qui semblait le rendre triste. Elle lui frotta doucement le dos.

- Oh, je vois… Tu sais, mes parents non plus ne devaient pas m’aimer parce qu’ils m’ont laissé sur une plage. Mais ce n’est pas pour ça que c’est grave !

Elle hocha la tête quand il évoqua sa belle nouvelle vie. Elle aussi avait eu de la chance alors tout allait bien. Même si la famille n’était pas toujours là, il restait les amis et tout le reste autour qui pouvait être un cocon de bienveillance. Elle vit bien qu’il était cependant plus sceptique à la suite. Elle pinça les lèvres face à ses incohérences. Claire ne devait pas avoir assez de culture pour savoir… Lénius saurait sûrement lui… Mais elle ne l’avait pas sous la main, alors elle devrait se débrouiller.

- Eh bien… je crois que l’église les y autorise mais je crois que je ne sais pas trop pourquoi… Il y a une histoire de livre mais je ne me rappelle plus bien… Peut-être qu’on ne sait peut-être pas tout, ils doivent avoir des raisons…

Elle pencha la tête en souriant ensuite.

- Oui ! Oh non, pas depuis longtemps. Son père m’a reconnue comme sa fille… Et j’avais rencontré Alexandre un peu avant, pendant qu’il était puni. C’est comme ça qu’on s’est trouvé.

Elle lui sourit ensuite en retour avant de le mettre dans l’eau. Elle commença ensuite à le nettoyer un peu avec une petite éponge puis le regarda jouer en riant. Il était décidément très gentil et mignon !

Alors qu’elle lui partageait son histoire puisqu’il avait partagé la sienne. Elle baissa les yeux puis haussa les épaules.

- Ils ne m’aimaient pas, c’est comme ça. Parfois, les parents n’aiment pas leurs enfants, surtout quand ils ne servent à rien. Moi je ne voyais pas, alors je n’étais pas utile.

Elle disait cela comme détachée, sans être triste ou en colère. C’était comme ça. Elle se rappelait comment Dame Rose le lui avait expliqué. Simplement. Sans fioriture ou ménagement. Juste comme marchait le monde, avec ses cruautés et ses horreurs. Elle lui avait montré comme s’adapter et savoir simplement pour avancer.

Alors qu’elle était déçue de ne pas pouvoir converser avec lui en bonne et due forme à propos de l’esclavage, elle l’approuva quand il parla d’Alexandre.

- Oui, tout à fait, il pourra nous expliquer !

Il avait lui, il savait donc des choses autrement qu’en les entendant. Cela, c’était signe d’une grande sagesse. Elle ressentit son silence, mais sans savoir comment l’interpréter. Il finit tout de même par conclure, d’une façon qu’elle trouvait bonne alors elle sourit.

- parfois, la vie est compliqué, c’est pour ça qu’il faut aimer les choses simples.

Claire le nettoya un peu et arriva à ses bras. Elle tâchait d’être douce et de le mettre à l’aise.

- Tu n’as pas trop froid, ça va ? Est-ce que je fais bien ?

Claire sourit à Sébastien, comprenant que cette partie de l’histoire était sans doute bien compliqué à comprendre.

- Oui, alors… En fait, quand je suis née, je ne voyais pas… j’étais aveugle. Et les enfants aveugles ne servent pas à grand-chose pour des parents pauvres, c’est Dame Rose qui me l’a expliqué. Alors ils m’ont laissé. Mais ensuite, il est arrivé un miracle.

Elle frissonna un peu d’en reparler, ses souvenant de l’odeur des chevaux apeurés, de la sensation horrible de la roue sur sa jambe, le son du craquement, la sensation de perdre pied… Elle recroquevilla un peu les épaules.

- J’ai été renversée par une voiture… A cause de ça, j’ai eu très mal au pied et à la tête parce que je suis tombée. Du coup, c’ets pour ça que je boîte maintenant mais je vois quand même ! Alors tu vois, c’est un peu compliqué mais tout va pour le mieux maintenant !

Claire sourit à sa réponse suivante mais rougit un peu aussi.

- Oh, tu es gentil… Je suis contente que nous soyons amis en tous cas.

C’est vrai qu’elle se faisait beaucoup d’amis en ce moment et c’était si formidable ! Ca ne lui était pas arrivée depuis bien longtemps… Elle se demanda d’ailleurs ce que devenait Anne-Marie et Jérémie. Ils devaient sans doute être bien occupés et elle doutait de pouvoir un jour les revoir… C’est dommage, elle aurait aimé leur raconter tout ce qui lui était arrivé et savoir comme eux aussi allaient.

Claire hocha la tête ensuite.

- C’est très bien alors et tu vas être tout propre. Bientôt je pourrais te sortir de là et te mettre des vêtements bien chauds, tu verras !

Voyant qu’elle attristait un peu Sébastien, elle n’en dit pas davantage et se contenta de le laisser réfléchir. Il y avait quelque chose qui lui semblait le perturber mais elle n’osa pas lui demander quoi que ce soit. Quand elle lui parla de son miracle, elle rougit de son commentaire.

- Oh, c’est gentil… Oui, je pense que c’est ça… Dieu a été très bon et je lui en suis vraiment reconnaissant !

Elle battit des mains quand il lui dit être son ami aussi.

- Oui, tu resteras sans doute très longtemps, j’en suis sûre !

Alors qu’elle finissait de le frotter, elle rit à sa question.

- Non, bien sûr que non ! Je trouve que tu sentais d’ailleurs très bon ! C’était juste pour te réchauffer et pour que tu te sentes bien dans tes nouveaux vêtements ! Ne t’en fais pas, tu es très propre.

Elle lui présenta alors la serviette qu’elle remit sur une petite chaise avant de le reprendre pour l’essuyer avec douceur.

- Te voilà Presque prêt pour ta nouvelle vie !