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[4 janvier 1598] - Requiescat in pace [Terminé]

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Message par Coldris de Fromart Jeu 17 Déc - 13:55



Aujourd’hui je sais tout, je te vois, et j’embrasse
L’avenir qui n’est pas, le passé qui n’est plus,
Les temps qui doivent naître et les temps révolus.

 
Une âme devant Dieu, Alfred de Vigny



Ce matin de janvier, quelques petits flocons tournoyaient dans les airs sous un ciel d’un gris presque blanc. Coldris avait revêtu un épais manteau de fourrure noire pour se prémunir du froid ambiant. Sa voiture s’arrêta devant les immenses grilles du cimetière de Braktenn. Il descendit d’un pas alerte les quelques marches qui le séparaient du sol et s’engouffra dans les allées bordées de pierres et de pleureuses silencieuses. La neige enveloppait de son blanc manteau une large partie des tombes et des statues, mais cela n’avait aucune importance. Depuis deux ans qu’il parcourait les lieux, quasiment chaque mois sans exception, il ne craignait plus de s’égarer dans cette morte citée aux paisibles demeures.

Entre les travées bordées de cyprès blanchis, il prit la direction du quartier réservé à la noblesse. Là, d’immenses sculptures funéraires aux visages éplorées veillaient sur les tombeaux des Grands de ce monde. Parmi eux se trouvait Virgil d’Aussevielle, ancien Procureur du Roi et meilleur ami de Coldris. C’était auprès de lui qu’il venait chercher un soutien et un avis désormais absent. À défaut d’avoir de réponses, il avait au moins l’impression de confier ses états d’âmes à quelqu’un, tout en ayant parfaitement conscience qu’il ne restait de son ami qu’un vieux tas d’os rongé par les vers.

Il balaya de sa main gantée la neige qui s’était invitée sur son ultime demeure avant d’y déposer une couronne de laurier. Il contempla un long moment les lettres dorées gravées dans le marbre blanc :

Virgil d’Aussevielle
1541 - 1595

Il avait beau venir régulièrement, c’était toujours le même choc de lire cette inscription. Le même très exactement que lorsqu’on lui avait annoncé qu’il était tombé inanimé au milieu de son salon. Même après deux ans, il avait toujours du mal à croire à cette étrange réalité. Il était désormais seul.

Aurélia était partie.
Solange était partie.
Virgil était parti.

Il ne restait plus que Léonilde. Mais lui aussi, il finirait par partir avant lui, comme tous les autres. Qui pouvait le sermonner lorsqu’il outrepasser les limites du raisonnable désormais ? Personne. Ses garde-fous avaient tous péri les uns après les autres. Il ne restait plus que le fou. Seul, au milieu des macchabées.

- Comment vas-tu aujourd’hui, Virgil ? Je suis désolé de ne pas être passé le mois de dernier, le mois de décembre a été mouvementé. Je ne sais même pas par quoi commencer. Sarkeris est rentré. Il était là pour mon anniversaire. Je l’ai présenté à Alduis. Oui c’était houleux comme tu peux l’imaginer. D’ailleurs Alduis m’a cassé une côte. Mais j’ai enfin réussi à recoller les morceaux cassés après toutes ces années. Enfin je crois. J’ai utilisé son amant. C’est mal, je sais. Tu aurais réprouvé. Mais c’était la seule solution d’obtenir une véritable promesse de sa part. Tu sais… Tu sais que je l’ai retrouvé assis au bord de la fenêtre du vieux salon, celui qui est juste au-dessus de mon bureau ? Est-ce qu’il aurait sauté tu crois ?... Virgil… Je m’en veux tellement. Tu avais raison, je suis un idiot fini. J’aurais dû t’écouter, j’aurais dû t’écouter comme à chaque fois. Et le pire c’est que si tu étais là, tu ne te permettrais même pas de me dire « Je te l’avais bien dit », non tu te serais contenté de sourire en te disant que toutes tes prières pour moi avaient enfin été entendues. Tu sais que ce soir-là, il m’a dit qu’il m’aimait ? Et moi, je n’ai pas su voir qu’il allait si mal… Ce n’est pas toi qui devrais être là c’est moi. Tu n’avais pas le droit de me laisser alors que tu m’as sauvé. Désormais, je suis seul, fatigué et je m’ennuie. C’est cela ma punition pour tous mes crimes ?... Je ne sais plus quoi faire de plus. J’ai vécu pour retrouver notre fils, c’est désormais chose faite. J’ai vécu pour arriver au sommet et … Je ne crois pas que je pourrais aller plus haut que cela en réalité. Tu sais à bien y réfléchir, excepté la gloire du titre et de la position, je préfère ma place, nettement moins exposé et qui offre tout autant d’avantages, si ce n’est plus. L’ennui, c’est que je n’ai plus de but. Que fait-on Virgil, lorsqu’on a toujours voulu plus, mais qu’il n’y a plus rien à posséder de plus ? Tu vas me détester, mais j’en suis à proposer une réforme religieuse pour le simple défi que cela occasionne. La religion… Tu connais mon avis sur la chose. Tout cela, ce n’est qu’une occupation de plus pour me faire oublier, que parfois, j’aimerai fermer les yeux et ne plus les rouvrir.
Bérénice est rentrée pour les fêtes. Elle s’inquiète pour Démétrius. Il ne quitte plus le regard de sa fenêtre. Elle craint qu’il fasse une bêtise pendant son absence, heureusement il a hérité de ton amour de Dieu. Je vais l’inviter à Fromart. Je te dois bien cela. Une éternité ne suffirait pas à éponger toutes les dettes que j’ai accumulées à ton égard alors je peux bien m’occuper de ton fils en ton absence. Il sera sans doute mieux à la capitale, bien entouré que cloitré dans votre domaine provincial à se morfondre… Oui tu as raison c’est aussi pour redonner vie à Fromart qui devient gris et terne, je l’avoue… Mais je m’inquiète réellement pour lui, parce que… Je sais ce que c’est, d’être mort mais vivant. Je vais devoir y aller mon ami, mais je reviendrai vite.


Ses cheveux poivre et sel étaient désormais parsemés d’une multitude de petits flocons blancs qui s’étaient invités durant son recueillement, tout comme son manteau sombre. Il demeura un moment  immobile avant de faire ses adieux et de s’en retourner.

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Message par Éléonore de Fromart Jeu 17 Déc - 16:10

— Je m'étonne tout de même qu'oncle Eineld ait accepté, répéta Éléonore. Ce devait bien être la cinquième fois depuis que sa gouvernante et elle avaient quitté leur demeure.

— Au risque de me répéter, mademoiselle, c'était la volonté de vos parents.

— Qu'espéraient-ils ? Qu'on ne puisse jamais les visiter ?

— Si c'est pour dire ce genre de bêtises, mon enfant, vous devriez vous taire. Ce que je ne m'explique pas, c'est que venir vous recueillir n'ait pas été votre première initiative.

Éléonore fit la moue. Cela faisait presque un mois qu'elle était arrivée, et c'était la première fois qu'elle songeait à visiter la tombe de ses parents. Elle savait, Pourtant, que celle-ci était à Braktenn. Une part d'elle avait honte de ne même pas y avoir songé. À vrai dire, les seules tombes qui lui apportaient étaient à Tianidre. Tante Anne, Louis, et surtout Ariste. Ses parents étaient... des images bien lointaines que seuls les portraits conservés chez elle permettait d'identifier. Cela et les souvenirs lacunaires qu'Ariste en avait conservés. Ou bien, les explications que son oncle et Eltinne daignaient parfois lui donner. Hormis cela, Léontine et Charles de Tianidre étaient d'illustres inconnus.

Mais Eltinne lui avait demandé, la veille, combien de fois elle les avait visités. Elle s'était fait tirer les oreilles en avouant que l'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit. Elle ignorait même où se trouvaient leurs tombes. Elle en avait eu un peu honte et avait décidé d'y remédier le lendemain même. Et sa gouvernante de l'accompagner pour saluer sa vieille amie.

Et les voilà ce matin-là, à déambuler dans des robes et manteaux sombres – vert foncé pour Éléonore, car elle ne voulait pas se sentir accablée d'un autre deuil et que c'était la couleur favorite de sa mère. Elle avait mis, sans y penser plus de parfum qu'à l'accoutumée. Le romarin. Comme celui que sa mère faisait brûler quand elle était petite. L'un des rares détails qu'elle n'avait jamais oublié. L'une des rares choses qui lui restaient d'elle.

Éléonore avait peur. Peur de voir les sépultures et de ramener la douleur à son souvenir. Vivre sans Ariste était déjà suffisamment pénible sans qu'on ne lui rappelle qu'elle était orpheline. Mais après tout, qu'était-ce, "être orpheline", quand elle était déjà amputée de la plus grande partie d'elle-même. Rien du tout.

Puis, soudain, elle le repéra. Lui. Son regard s'attarda un instant dans sa direction, sans se faire repérer. Et la question qu'elle se posa alors chassa toutes ses autres préoccupations. Qui Coldris de Fromart venait-il visiter dans ce cimetière ?

C'est vrai, elle avait décidé de l'éviter. Ariste l'aurait détesté. Eltinne le détestait. Et Gabriel avait tenté de lui faire jurer de ne plus le voir, quand elle s'était confiée à lui par courrier. Et même si une part d'elle avait adoré ce moment, cette part était le goût de la déraison qu'Ariste avait nourri. Ce n'était pas elle.

Pourtant, il suffisait de l'apercevoir pour faire fondre ses résolutions. La partie n'était pas terminée. Et elle tenait le moyen de déterrer un de ses secrets – pas littéralement, bien entendu – elle ne profanait pas encore de tombes. Enfin, d'en apprendre plus sur lui.

Avant même d'y avoir réfléchi, faussant compagnie à Eltinne en prétendant avoir perdu son pendentif – qu'elle n'avait même pas emporté, puisqu'elle avait le poignard d'Ariste –, elle suivit discrètement le ministre jusqu'à la tombe qu'il venait visiter. Elle se dissimula derrière un caveau, à pas dix mètres de lui. C'était indiscret d'espionner ainsi une personne qui se recueillait. Elle l'épiait pourtant, à travers les doux flocons qui lui tombaient sur le nez.

Elle sentait de la douleur, au fond de lui. Le deuil, toujours. Pas étonnant dans un cimetière mais... Mais elle ne s'était pas attendue à ce qu'il laisse passer une once d'émotion sur son visage. Elle s'était trompée.

Enfin, il décida de repartir. Il semblait décidé à ne pas se retourner. Éléonore quitta sa cachette à pas de loup – elle ne devait pas faire attendre Eltinne plus longtemps – et se planta devant la tombe.

C'est drôle, elle se serait attendue à un nom de femme. Cette femme qui s'était si bien établie dans le coeur du ministre qu'il avait tout de suite su qu'Éléonore était en deuil. Elle resta pensive. Qui était-ce, alors, pour rendre presque sentimental un homme pareil ?
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Message par Coldris de Fromart Jeu 17 Déc - 18:26



Ses chaussures crissaient à chaque pas qui tassait un peu plus la neige. Dans l’allée, une multitude d’empreintes serpentaient entre les pierres tombales. Il ne neigeait pas suffisamment fort pour les recouvrir complètement. A certains endroits, elles étaient balayées par ce qu’il devinait être le glissement d’une robe. Il en était là de ses considérations triviales lorsque la bise mordit sa nuque et siffla entre ses oreilles. Il s’arrêta net comme s’il avait entendu quelque chose ou sentit une présence fantomatique.

Souvent, Coldris se prenait à espérer qu’une fois mort, les âmes immortelles flottaient quelque part à la frontière de ce monde, et qu’il les retrouverait tous dès lors que son heure serait venue. Mais son pragmatisme achevait toujours de le ramener à la froide réalité : après la mort, il n’y avait rien d’autre qu’un immense néant bien loin de toutes considérations spirituelles. Ceux qui étaient partis étaient partis, et c’était ainsi. Il se demandait même dans ce genre de moment pourquoi il se donnait la peine de parler au cadavre décomposé de son ami. Pourtant durant cette courte seconde où la bourrasque avait piqué sa peau à nu, il avait réellement eu l’impression de sentir une présence. Il était là, les pieds dans la neige, dans ce lieu qui n’était ni tout à fait vivant, ni complètement mort. Dans cette antichambre entre le monde des âmes et celui bien tangible des hommes.

Mu par son instinct, il se retourna  vers la tombe de Virgil, comme si les griffes qui avaient lacéré son cou l’y avaient obligé. A l’endroit où il s’était tenu quelques minutes plus tôt se trouvait désormais une femme qu’il reconnut aussitôt : Eléonore de Tianidre. Il eut un léger mouvement de recul dans sa surprise. Que faisait-elle là ? Depuis combien de temps ? L’avait-elle… Il fronça les sourcils sidérés par cet étrange hasard. Il rebroussa chemin à pas de loup. Elle ne connaissait certainement pas Virgil, alors la seule explication plausible était qu’elle l’avait surprise sur cette tombe. Elle était si concentrée, qu’elle ne l’entendit pas approcher. Il se pencha à son oreille et rompit le silence dans un quasi-murmure :

- J’ignorai que nous avions un ami commun, ma blanche brebis commenta-t-il avec un accent amusé dans la voix.

- À moins que vous n’ayez eu des déboires avec la justice ?

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Message par Éléonore de Fromart Ven 18 Déc - 0:13

Éléonore fut soudain arrachée à ses réflexions par une présence dans son dos. Et un début de mot dans son oreille.

— J'ign...

Éléonore n'eut pas le temps de reconnaître la voix, ni de retenir son geste qu'elle avait déjà dégainé le poignard d'Ariste…

— ...orais...

… s'était retournée...

— …que n...

… et avait arrêté son geste juste avant qu'il ne touche la gorge de l'inconscient qu'elle venait de reconnaître.

— …ous avions un ami commun, ma blanche brebis.

Elle expira profondément. Son cœur avait cessé de battre un instant. C'avait été... grisant. Mais elle se rendit compte de ce qu'elle avait failli faire. Son poignard. Les réflexes qu'elle avait trop aiguisés. Elle était sotte, tellement sotte ! Avait-elle seulement conscience du poste de la personne qu'elle venait d'agresser ?

Elle recula d'un pas et rangea son arme à la place qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Elle ouvrit la bouche pour s'excuser, mais il l'interrompit par une autre remarque.

— C'est si vous recommencez ça que je risque d'avoir des déboires avec la justice ! pesta-t-elle.

Enfin... Ce n'est pas une menace, c'est juste une constatation
Enfin... Je veux dire que vous m'avez effrayée et que...
Enfin...


Elle planta un regard courroucé dans le sien.

— Non mais vous avez perdu l'esprit ?! Quelle folie vous est donc passée par la tête ?!

Éléonore siffla entre ses dents.

— Mais qu'est-ce donc que cette famille ? Aucun de vous n'a donc de bon sens ? Juste un tout petit peu de bon sens ? Comme celui de ne pas... Vous arrive-t-il parfois de réfléchir avant de faire quelque chose de stupide ?!

Éléonore serra les dents. Elle avait envie de le gifler. Une très profonde envie de le gifler. Mais elle n'avait clairement pas besoin d'aggraver son cas face à un homme qui pouvait lui attirer tant d'ennuis. Et puis... Elle se rendit compte, contrite, qu'elle venait de lui faire une scène.

Quelle idiote ! Mais quelle idiote ! Pourquoi ?! Parce qu'elle avait craint de le tuer ? Elle n'aurait jamais su porter un tel poids... Elle se rendit compte qu'en réalité, elle aurait voulu le revoir, même si elle cherchait à se persuader du contraire. Et puis... Et puis outre sa mort même, c'aurait amené de lourdes conséquences. Et pas seulement pour elle... Elle songea à Alduis. Elle l'aurait certainement fort enfoncé si elle avait eu le malheur de ne pas retenir son geste...

Bon... Bah pour le revoir en bons termes, cette fois, c'était fichu. Il allait... Il avait définitivement vu qu'elle était pitoyable. Elle se détestait.

Elle tenta encore de s'excuser, mais encore une fois, ce fut de l'exaspération qui perça dans sa voix.

— Vous…
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Message par Coldris de Fromart Ven 18 Déc - 13:14




En l’espace d’une fraction de seconde, il se retrouva couteau sous le gorge. Coldris n’avait pas bougé d’un millimètre, il n’avait pour ainsi dire, même pas tressailli. Ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait dans cette situation. Alduis l’avait déjà menacé de la sorte lorsqu’il avait été pris par surprise. La première fois, il avait eu un mouvement de recul, puis plus rien les fois suivantes. C’était entré dans l’ordre habituel des choses. Cette fois-ci, il avait juste eu ce petit sourire en coin en constatant à quel point il aurait été ironique de mourir poignardé par une femme sur la tombe de son meilleur ami.

Elle rangea sa lame aussi vite qu’elle l’avait sortie et il ne fit aucun commentaire sur son agression.

— C'est si vous recommencez ça que je risque d'avoir des déboires avec la justice !

Ses commissures s’étirèrent dans un sourire amusé qu’accompagnaient ses prunelles bleues rieuses.

- Pas étonnant que vous n’ayez pas encore de mari si vous accueillez tous les hommes ainsi. Il va falloir que nous reprenions les bases. constata-t-il taquin

Loin de faire pénitence, il se régala de son délicieux petit regard parsemé d’éclairs de courroux. Il arquait légèrement les sourcils face à cette scène qu’il trouvait pour le moins divertissante. De toute évidence, elle s’était fait plus peur qu’elle ne l’avait effrayé, lui. Que craignait-elle ? Qu’il la traine à la Prévôté ? Pour si peu ? Elle n’avait jamais eu l’intention de réellement blesser, il le savait et c’était bien ce qui rendait la chose quasi drôle en cet instant. Il la laissa déverser toute sa colère (et sans doute une part de sa culpabilité), sur sa personne sans rien dire.

Vous arrive-t-il parfois de réfléchir avant de faire quelque chose de stupide ?!

Sers-toi de ta tête, Coldris, nom de Dieu ! Et range-moi cette impulsivité une bonne fois pour toutes !

Il avait du mal à retenir ce petit rire qui faisait frémir ses lèvres. Il avait l’impression d’entendre la voix de Virgil. A croire qu’il avait décidé de posséder l’esprit de sa jeune amie. Il jeta un coup d’œil rapide à l’épitaphe avant de reporter son attention sur la demoiselle de Tianidre qui semblait désormais confuse. D’un pas, il combla le peu d’espace qui les séparait et attrapa brièvement ses lèvres entre les siennes avant qu’elle n’ait pu commencer sa phrase. Leur tiédeur tranchait avec le froid ambiant.

- La prochaine fois, un « bonjour Coldris, ravi de vous revoir » sera suffisant. Il faut vraiment tout vous apprendre, mon petit agneau.

Coldris arborait toujours cet air mi-provocant, mi-ironique lorsqu’il marqua une courte pause avant de reprendre d’un ton nettement plus enjôleur

- Et si les mots vous manquent, embrassez-moi, cela réglera votre dilemme!

Il ne s’était pas imaginé ce matin-là que sa visite au cimetière prendrait cette tournure inespérée. Il aurait certainement dû la recontacter plus tôt, mais entre les fêtes et ses vilaines habitudes, les jours s’étaient enchainés sans qu’il ne s’en aperçoive réellement. Toujours était-il qu’elle était là, devant la sépulture de Virgil et que c’était là une plutôt agréable surprise.

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Message par Éléonore de Fromart Sam 19 Déc - 0:40

— Pas étonnant que vous n’ayez pas encore de mari si vous accueillez tous les hommes ainsi. Il va falloir que nous reprenions les bases

Pourquoi faisait-il de l'humour alors qu'elle l'avait agressé ? Il n'y avait rien d'amusant là-dedans !

Et... Reprendre les bases ! Non mais pour qui se prenait-il ?! Et cette pique sur le mariage… Si seulement cela se limitait a la gestion des réactions impulsives... Elle n'en avait jamais eu besoin. Et maintenant… Se marier. La bonne excuse pour troubler son oncle assez longtemps – le temps de faire ses bagages et partir – pour lui laisser du temps à la capitale. Ils savaient tous – c'était sans doute pour ça même qu'il l'avait laissée partir – qu'elle ne chercherait même pas. De toute façon, personne ne pouvait supporter une femme comme elle.

Tout ce remue-ménage dans son esprit l'empêcha de s'excuser, et à la place, elle fit une scène au ministre pour l'avoir approchée si bêtement.

Puis, elle se tut. Elle n'arrangeait pas son cas. Et lorsque son exaspération sortit à nouveau, il l'embrassa avant même qu'elle n'ait pu commencer sa phrase.

Elle ne l'aurait jamais reconnu devant qui que ce soit, mais ses baisers avaient effacés ceux qui les avaient précédés. Pas qu'ils aient été nombreux avant mais... Mais en tout cas, ils n'avaient rien provoqué de tel, elle en était persuadée. Elle n'avait jamais vraiment eu l'impression de jouer avec le feu, ni de... Ni d'y trouver d'intérêt. Mais il ne fallait pas qu'elle en fasse toute une histoire. C'était probablement juste parce que les précédents dataient d'une époque où elle ne vivait pas vraiment. Une époque meilleure où elle n'avait pas besoin de se comporter aussi bêtement – toutes les choses stupides qu'elle avait faites ne comportait pas vraiment de risque, puisqu'Ariste était là.

Mais même si ses lèvres ne réclamaient plus que ça depuis douze jours, elle dédaigna ce baiser. Tant pis s'il découvrait combien elle était ridiculement pathétique, elle ne se laisserait pas bâillonner si aisément. Elle était en colère, et les yeux les plus envoûtants de Braktenn – venait-elle vraiment de penser quelque chose d'aussi absurde ? – ne parviendraient pas à la faire taire. Elle le lui refusa, et retablit la distance entre eux pour évacuer ce qui lui restait de rage.

— Vous êtes irrécupérable ! Vous ne pourriez pas vous remettre en question, ne fût-ce qu'une seconde ? Moi, ça m'est égal, c'est pour vous que je le dis. Vous n'auriez pas pu juste faire l'effort de vous annoncer, histoire que j'évite de vous trancher la gorge ?!

Ses lèvres se pincèrent. Elle en avait trop fait. N'aurait-elle pas pu se contenter d'apprécier ce baiser et de se taire ? Son cœur se serrait à l'idée de s'être encore ridiculisée devant lui. Eltinne avait raison : cet homme n'apportait que des malédictions. Ce n'étaient juste pas celles qu'elle imaginait. Il vous ensorcelait tout en vous laissant parfaitement lucide sur sa personne. Éléonore en vint à se demander si son attitude avait fini par en pousser certaines au suicide. Combien en avait-il blessées en agissant ainsi ?

— La prochaine fois, un « bonjour Coldris, ravi de vous revoir » sera suffisant. Il faut vraiment tout vous apprendre, mon petit agneau.

Il suffisait de ne pas se laisser dépasser.

Elle lui lança un regard sévère.

Qui vous dit que je suis ravie de vous revoir ?
D'accord : "Bonjour Coldris, je suis ravie de vous revoir", cela vous convient ?
S'il vous plaît, embrassez-moi encore.
Enfin... Je voulais dire...


— Et si les mots vous manquent, embrassez-moi, cela réglera votre dilemme !

Elle n'y tenait plus. Douze jours. Certes, elle avait eu beaucoup à penser mais... C'était injuste ! Il l'avait probablement oubliée, et elle n'était pas parvenue à se le sortir de la tête. Alors tant pis si elle lui offrait cette victoire trop facilement. Elle voulait, et elle ne trouvait rien à dire. Alors si en plus il l'encourageait… Elle combla la distance instaurée par orgueil et se hissa à sa hauteur pour atteindre ses lèvres.

Quelle faiblesse de caractère ! Oh... Et si Eltinne surprenait ça... Alors, mieux valait en profiter maintenant.

Pourtant, il fallait bien que cela s'achève. Autant pour ne pas être surprise que pour ne pas laisser entendre au seigneur de Fromart qu'elle ne pouvait plus se passer de lui. Ce qui n'était pas encore vrai, heureusement, car il était fort probable qu'il se soit déjà lassé.

Éléonore se retourna vers la tombe. Depuis qu'il l'avait surprise, le cadre et la raison de sa présence lui avaient échappés. S'embrasser ainsi dans un cimetière… N'importe quoi.

Elle relut le nom, et chercha à le rattacher à quelque chose. Mais rien ne vint. Un ami, avait laissé entendre le ministre. Mais ami était un terme fort utilisé, dans leur milieu, pour qualifier tout le monde et n'importe qui. Pas seulement les gens sur la tombe desquels on se recueillait, affligé – car même sans être fort démonstratif, il ne l'avait pas vraiment caché – au moins deux ans après leurs décès.
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Message par Coldris de Fromart Sam 19 Déc - 14:42

 

Plus il faisait dans l’humour et plus ses deux charmants onyx fulminaient d’éclairs. Il avait fini par la faire taire d’un baiser volé dont il avait le secret, pour lui faire comprendre que tout cela n’avait strictement aucune importance et qu’il était bien loin de lui en vouloir pour sa réaction aussi déplacée que dangereuse. Elle ne le repoussa pas. Du moins pas dans l’immédiat et il ne comptait pas s’éterniser. Quoi que. Invité à paresser sur ses lèvres, il n’aurait sans doute pas rechigné bien longtemps.

Vous êtes irrécupérable ! Vous ne pourriez pas vous remettre en question, ne fût-ce qu'une seconde ?

Tu es incorrigible, Coldris! Tu ne changeras donc jamais ?!

Un nouveau sourire s’étira encore en guise de réponse. Oui il aurait pu s’annoncer. Et la prochaine fois, il commencerait sans doute par « Ma douce brebis » pour s’annoncer, mais cela ne l’empêcherait pas de sursauter lorsqu’elle sentirait ses mains se poser sur ses hanches ou ses lèvres dans son cou. Lorsque l’on voulait graviter autour de Coldris, il fallait être adepte des surprises -bonnes ou mauvaises- car il faisait rarement comme tout le monde. Et si à la cinquantaine engagée il n’allait plus s’amuser à escalader les murs et s’introduire par les fenêtres haut perchées, cela ne signifiait pas pour autant qu’il s’était rangé.
À ses lèvres pincées, il jugea qu’il valait mieux lui fournir une réponse, plus conventionnelle -ou coldrisienne, au choix-. Elle lui lançait toujours un de ces regards sévères qu’il adorait et lui donnait envie de l’embrasser sur le champ. Ces regards qui disaient « vous êtes un idiot… Mais je vous apprécie quand même ». Il aurait pu citer toutes les personnes qui lui avaient adressé ce type d’œillades sans une seule hésitation, et il n’avait pas besoin de la mémoire d’Alduis pour cela.

Lorsqu’elle combla le vide, il fut persuadé que c’était dans l’unique but de lui mettre ses prunelles en colère sous le nez, certainement pas de… l’embrasser à nouveau. Ce n’était pas lui qui allait refuser. Ses mains se déposèrent machinalement autour de ses hanches. Ce n’était ni un baiser timide ni un baiser prude. Au contraire, il semblait presque avide de combler tous ceux qui n’avaient pas eu lieu en douze petits jours. Sa main remonta jusqu’à sa joue et Coldris se laissa gagna par l’instant grisant de leurs lèvres qui s’entremêlaient.

Il ne l’aurait admis pour rien au monde -fierté oblige- mais il avait repensé bon nombre de fois à leur diner, à ses longs cheveux sombres, ses yeux brillants et ses paroles voilées de mystère et de défi. Il aurait pu -dû ?- la recontacter. Il ne l’avait pas fait, car il était ainsi, à aimer se faire désirer durant d’interminables journées. Il ne l’aurait pas plus admis, mais il appréciait également sa compagnie aussi apaisante que rafraichissante qui maintenait à l’écart ses plus sombres pensées. Il avait même réussi à rire innocemment l’espace d’un instant. C’était comme si une lumière s’était subitement allumée dans son monde quotidien de ténèbres avant de s’éteindre aussi brutalement qu’elle ne s’était enflammée.

C’était intense. C’était long. Et c’était trop court. À son initiative le contact fut rompu, car il était évident qu’il n’en aurait sans doute jamais eu assez. Quoi qu’il fasse, il en voulait toujours plus. C’était ainsi depuis des années et cela faisait partie des choses immuables de sa vie. Tout comme la sentir s’échapper de ses doigts lui donnait envie de venir la rattraper pour l’étreindre entre ses bras. Il la laissa pourtant se dérober dans cette étrange atmosphère qui s’était invitée. Il ne savait pas quoi penser de cette situation. Il ne savait pas non plus quoi penser de celle, qui pour lui, restait un mystère. Ils se tournèrent de concert vers la sépulture de son ami. Qu’aurait-il pensé ou dit, lui qui n’avait jamais manqué de lui dire ses quatre vérités, qu’elles soient plaisantes ou non ? Il aurait donné cher en cet instant pour entendre sa voix si sage et si honnête.

Une main se posa sur son épaule et il déclara sobrement :

- Vous espériez trouver une déesse ? Ne vous fatiguez pas, elle n’est pas à Braktenn

Ni même à Monbrina. Il avait souvent songé à la faire rapatrier à la capitale, mais s’était toujours ravisé, car elle aurait sans doute été contre. Il n’avait plus qu’à attendre de pouvoir la rejoindre. Virgil connaissait ses dernières volontés, mais il n’était plus. Léonilde également, mais qui savait combien de temps il vivrait encore ? Il n’y avait plus que ses deux fils pour assurer qu’elles seraient également respectées. Bérénice… Sa petite princesse serait si triste de le savoir parti si loin.

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Message par Éléonore de Fromart Sam 19 Déc - 20:21

Il ne semblait pas s’être attendu à ce qu’elle l’embrasse. Il fallait avouer que c’était tout à fait déraisonnable. Déraisonnable, mais irrésistiblement tentant. Elle ne savait décidément plus ce qu’elle faisait. Elle ne se comprenait plus. Elle se détestait d’être aussi stupide, mais ce baiser parvint à l’éloigner quelque temps de ses doutes.

Sentir ses mains sur ses hanches ne fit que la rapprocher. Elle aurait dû s’arrêter, le repousser, mais cette réserve se faisait piétiner par la chaleur qui l’envahissait malgré l’hiver. Elle devait vraiment ne plus savoir où elle en était pour succomber si aisément.

Qu’il était difficile de se séparer. Son inconstante folie n’était pas rassasiée mais… Mais il fallait. Cela n’aurait même pas dû arriver. Elle était lucide, pourtant. Elle savait qui il était. Comment il était. Elle savait que tout cela n'avait aucun sens pour lui, et ne devait pas non plus en avoir pour elle. Elle avait beau se poser la question, elle ne comprenait pas pourquoi une part d’elle tirait irrésistiblement vers lui. Cela n’avait aucune logique. Aucune des explications rationnelles qu’elle avait élaborées ne convenait. Il avait carrément tout pour qu’elle l’évite. Etait-elle donc vraiment tombée si bas ?

Après avoir mis fin au baiser et capté un instant son regard, elle se retourna vers la stèle qui lui posait question. Lorsque sa main se posa sur son épaule, elle dut résister au réflexe d’y ajouter la sienne. C’était lui qui portait un deuil. En principe, cela n’aurait pas dû la surprendre. Coldris de Fromart, comme tout le monde, avait subi des pertes. C’était on ne peut plus naturel. Et subir une perte vous marquait. Cela aussi, c’était on ne peut plus naturel.

L’écoutant affirmer que sa fameuse déesse ne reposait pas par ici, elle comprit. Elle se comprit. Plus ou moins, sans savoir mettre de mots sur ce qu’elle croyait avoir déterminé.

Finalement, elle ne put pas se retenir. Elle posa sa main gantée sur la sienne quelques secondes. Tant pis s’il la trouvait ridicule. De toute façon, il finirait bien par savoir qu’elle était gourde, ennuyeuse et inutile. Le baiser qu’ils venaient d’échanger n’était pas un si mauvais adieu.

— Dommage, commenta la jeune femme. J’étais curieuse de savoir qui avait su voler votre cœur.

Elle disait n’importe quoi ! C’était la stricte vérité : l’idée qu’elle telle personne ait pu exister l’intriguait beaucoup. Mais elle n’aurait jamais dû le dire. Aussi, elle se demandait si cette personne avait vraiment existé, ou s'il la faisait marcher. Mais quel intérêt avait-il à lui faire croire ce genre de choses ? Oh, et puis de toute façon, cela n'avait pas d'importance. Cela ne la concernait pas.

— J’aurais dû savoir que ce n’était pas un lieu pour une déesse.

Elle se tourna à nouveau vers lui, et désigna la sépulture du menton.

— Et lui ? Qui était-ce ?

Horriblement subtil, comme approche… Et elle ne s’attendait pas à ce qu'il réponde mais… Mais elle ne pouvait pas dire de pire ânerie qu’elle venait déjà de le faire, si ?
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Message par Coldris de Fromart Sam 19 Déc - 22:14




Il était toujours étonné, après toutes ces années et ces innombrables baisers, de constater que certains d’entre eux réussissaient à laisser un vide dès qu’ils prenaient fin. Et celui-ci en faisait partie. Il n’avait pas été particulièrement court et encore moins frustrant, mais c’était le cas. Il ne mourrait que d’une envie : c’était d’y retourner et de s’y perdre définitivement.

Mais il fallait croire que Virgil, même de là où il était, parvenait à modérer ses ardeurs, car tous deux se tournèrent vers la belle stèle de marbre blanc . Il devait sans doute bien rire dans sa tombe. Enfin… Sourire tout du moins. Il y pensait tellement fort, que Coldris souriait lui-même, comme une conversation silencieuse au travers des mondes. Sa main recouvrit la sienne et il posa dessus un regard mi-attendri, mi-amusé. C’était sans doute cette spontanéité qu’il appréciait tant chez elle. Lui qui vivait dans un monde ordonné, réfléchi, logique, calculé. Lui qui ne laissait jamais rien au hasard, qui cherchait toujours la meilleure option parmi toutes celles possibles. Lui qui anticipait les évènements comme personne. Il aimait cette fraicheur empreinte de pureté qu’elle dégageait, qui quelque part, l’apaisait.

- Ce qui est surtout dommage, ma curieuse brebis, c’est qu’il soit là où il est. Car il vous aurait sans doute renseigné. Vous pouvez toujours tenter de soudoyer Léonilde, cependant. Mais je doute qu’il ne lâche le moindre de mes secrets sans mon accord. Alors… il pencha la tête, l’air  malicieux il va falloir vous montrer persuasive !

Il quitta toutefois son épaule et s’agenouilla sur la dalle recouverte d’une fine couche de neige. Du bout de son doigt, il traça les lettres S et F puis se releva pour lui faire face.

- Vous aimez les énigmes n’est-ce pas ? Alors voici un indice. compléta-t-il avec espièglerie.

Il s’était bien gardé de mettre la particule, histoire de laisser planer le doute. Elle devait sans doute se demander s’il n’était pas en train de la mener en bateau. Et la pensée de cette simple métaphore lui arracha un large sourire, malgré le tragique écho qu’elle revêtait. Alors qu’elle lui demandait qui était le mystérieux habitant de cette sépulture, il la contourna pour se placer dans son dos. Ses deux mains sur ses épaules comme il aimait tant le faire, il s’approcha de son oreille.

- Vous ne m’écoutez donc pas ? Je vous l’ai dit : c’est mon ami.

Mais comme il se doutait qu’elle n’avait ni oublié, ni malentendu ce détail, il compléta avec une pointe de sarcasme

- Hé oui, même les horribles personnages de mon espèce peuvent avoir de vrais amis.

Enfin des amis… C’était peut-être beaucoup dire. Un ami. Virgil était son meilleur et son seul ami. Mais quel ami ! Il s’était toujours montré d’une franchise inestimable et d’une écoute absolue. Même dans les pires moments. Surtout dans ceux-là. Il y avait des dettes qui ne se payaient jamais et des êtres bien trop parfaits pour être ne serait-ce que jalousés.

Il y avait bien sûr eu Solange également. Solange. Solange faisait partie de sa famille d’adoption. C’était différent. Elle était un peu… Sa mère spirituelle, celle qu’il n’avait jamais connue et dont il se fichait éperdument au fond. Il avait souvent regretté de ne pas être son fils, avant de réaliser que… C’était très bien qu’il ne le soit pas.


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Message par Éléonore de Fromart Dim 20 Déc - 19:13

Coldris n’avait pas semblé s’offusquer lorsqu’elle avait couvert sa main, mue par sa pure empathie. Elle le sentait. Se rendait-il compte qu’il avait exposé sa faiblesse ? C”était presque effrayant.

Il se pencha ensuite sur la tombe, pour y tracer deux lettres. Un indice. Eléonore les rangea dans un coin de sa mémoire et acquiesça. Elle chercherait. Peut-être. Le défi le plus intéressant serait de lui faire livrer les informations à lui. Mais elle, elle ne jouait pas avec les gens, et encore moins avec leurs blessures. C’était loin, très loin de sa nature. Et avoir en face d’elle -- ou plutôt juste derrière, maintenant -- quelqu’un qui n’hésitait sûrement pas à le faire ne modifierait en rien ses principes.

Un ami, c’est la réponse qu’il répéta à son oreille. Si proche. Mais cela, elle l’avait déjà entendu. Ce qu’elle voulait, en fait, c’était qu’il confirme la valeur qu’elle pensait avoir perçu dans ce mot. Ami.


Quant à sa précision… Oh, elle n’était pas naïve. Elle savait comme il se jouait des gens et n’osait même pas imaginer le mal qu’il avait pu faire, ni un nombre de victimes.

Les mots de son oncle lui revenaient...

Pourris de l’intérieur, tous autant qu’ils sont.
Ils ne se hissent pas à des postes d’influence avec de bons sentiments.


Ceux d’Eltinne également…

Il détruit tous ceux qui ont le malheur de l’approcher.

Et elle ne doutait pas qu’ils aient tous deux raisons. Mais elle ne parvenait pas pour autant à le trouver si horrible. Et puis, de toute façon, si quelqu’un d’aussi faible, lâche, pathétique, ridicule, égoïste, incapable et insignifiant qu’elle avait pu prendre une telle place dans le coeur de quelqu’un d’aussi parfait que son Ariste… Eh bien tout le monde pouvait se faire apprécier.

Elle tourna la tête. Il en avait de ces manières, tout de même ! Comment conserver un contact visuel s’il s’obstinait à se placer dans son dos ?! Contact visuel, justement, qu’elle renoua, sévère. L’air de le contredire. Oui, elle savait. Ou du moins, elle l'imaginait très bien. Et alors ?

— Ce sont les gens blessés qui ont le plus besoin d’amitiés solides.

Elle n’avait pas voulu dire ça, mais c’était venu seul. Elle se dégagea. Sans brusquerie, sans empressement. Juste pour lui faire face et tenter de sonder son regard.

— À plus forte raison ceux qui se trompent quant à la manière de se remettre. Qui cherchent à atténuer les symptômes, persuadés qu’ils guériront ainsi. Que ça leur suffit. Alors que c’est faux, qu’ils sont juste profondément meurtris et incapables de trouver un véritable remède.

Idiote. Incapable. Maladroite. Il fallait qu’elle s’éloigne tout de suite. Qu’elle fuie son regard. Qu’elle le fuie. Qu’elle ne le voie plus jamais. Elle mourrait de honte. Elle venait de tout fiche par terre, comme d’habitude, mais cela valait sans doute mieux ainsi. Elle savait bien comment cela finirait si elle restait, s’il faisait quoi que ce fut qui puisse confirmer qu’elle avait tapé juste et qu’il s’était reconstruit de travers, en oubliant l’essentiel. Si c’était vrai, elle n’avait qu’une chose à faire : s’éloigner de lui le plus possible et étouffer sa culpabilité en réglant des problèmes qui étaient à sa portée.

De plus… Accepter son dîner, ç’avait été une erreur du même genre : faire n’importe quoi pour disperser ses tourments. Ce n’était pas ainsi que les choses allaient s’arranger. Ce n’était pas ainsi qu’elle allait s’en sortir. Ce genre de mécanisme, elle l’avait bien vu, n’avaient qu’un effet : ils rendaient un semblant de soulagement pour que la douleur revienne ensuite, plus virulente. Qu’elle demande toujours davantage d’excès pour la compenser.

Eléonore refusa de s’engager sur cette pente. Ce n’était pas ce qu’Ariste voulait pour elle. Il voulait qu’elle vive vraiment.

Elle déglutit avec difficulté et détacha brusquement son regard de celui de son interlocuteur qui avait sans doute déjà pris la pleine mesure de sa pathétique stupidité.

— Adieu, Coldris. C’est un plaisir de vous avoir revu, mais j’ai moi-même des affaires à régler et...

— Eléonore ! Puis-je savoir à quoi vous jouez ? Et qui… Eléonore !

La jeune femme se retourna pour apercevoir Eltinne au bout de l’allée. Qu’avait-elle vu ? Connaisssant sa gouvernante, elle n’aurait certainement pas résisté à l’envie d’intervenir immédiatement… Donc probablement rien. Mais qui savait ? De toute façon, elle saurait vite à quoi s’en tenir.

Mais elle n’avait jamais été aussi mal à l’aise. C’était encore plus humiliant que le reste. Coldris de Fromart pourrait se vanter d’avoir vu absolument tout ce qu’elle faisait de plus ridicule.

Elle lui jeta un regard d’excuses. Pour sa réaction, pour ses mots indiscrets, pour sa tentative de fuite, pour cette intervention importune. Un regard qui lui demandait -- le suppliait ? lui ordonnait ? -- de ne pas la trahir maintenant. Un regard malicieux, aussi, qui jurait qu’elle avait un plan. Qui prouvait surtout certainement qu’elle ne savait plus où elle en était. Savait-elle où elle en était ?

— Mon cerbère, précisa-t-elle simplement, l’air exaspéré.

Si Eltinne n’était pas arrivée, il aurait peut-être pu la rattraper et l’embrasser une dernière fois. Avec un peu de chance, l’intervention d’Eltinne pouvait lui avoir fait oublier ses derniers mots. Eléonore ne savait plus quoi penser.

— Je ne vous présente pas, je suppose, ne put-elle s’empêcher de dire, pour le plaisir de voir les traits d’Eltinne se crisper. Elle s’adressa justement à sa gouvernante. Je dois aller immédiatement à Fromart. Alduis y est souffrant et me demande.

C’était mal de se servir des gens pour éviter sa gouvernante… Mais Alduis était en quelque sorte un ami. C’était à cela que servaient les amis.

— Ne me...

— Son Excellence devait justement me faire prévenir. Quel heureux hasard que nous nous soyons croisés ici. J’arriverai plus tôt.

— Éléonore ! Il est hors de question que...

— Il va falloir rentrer immédiatemment et faire préparer le coche et…

Elle tenta de capter encore le regard du ministre.

Bon, d'accord, j'ai besoin de votre aide ! Dites quelque chose !
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Message par Coldris de Fromart Dim 20 Déc - 21:38



La vie d'un homme seul et sans amis étant exposée à des dangers, à des alarmes continuelles, la raison même nous porte à nous faire des amis ; et dès qu'on est parvenu à se les procurer, l'esprit tranquille et rassuré ne peut plus renoncer à l'espoir d'en retirer quelque volupté.
 
Des vrais biens et de vrais maux, Livre I- XX, Cicéron



Eléonore avait sans doute raison, les gens blessés étaient ceux qui recherchaient le plus une amitié solide. Etait-il blessé ? Non, il ne se considérait pas comme tel. Fissuré sans doute. Mais il ne l’aurait de toute façon jamais admis ouvertement. Cela ne la regardait pas. Cela ne regardait personne d’autre que lui. Coldris n’avait jamais cherché à combler le vide qui s’était créé. Il était là. Il faisait partie de lui. C’était comme un vaste trou sur la chaussée, il suffisait de l’éviter en marchant.

- Tout le monde à ses blessures ma brebis. Et qui vous dit le contraire vous ment ostensiblement.

Elle avait plongé son regard dans le sien, pour le sonder, pour y chercher son âme. Coldris lui adressa un sourire en coin.

- Virgil était ma conscience et non mon remède. avoua-t-il en toute honnêteté.

Pourquoi l’encre de ses yeux semblait-il subitement s’agiter ? Il pouvait sentir la nervosité la gagner jusqu’à ce qu’elle finisse par rompre le contact visuel qui s’était établi entre eux.

Adieu, Coldris. C’est un plaisir de vous avoir revu, mais j’ai moi-même des affaires à régler et...

Oh c’était donc ça ! Il allait répliquer qu’elle ne pouvait pas le quitter ainsi, mais une voix rageuse tonna dans la sérénité du cimetière. Il leva les yeux vers l’origine de la tempête et discerna une femme emmitouflée dans un épais manteau qui s’avançait dans leur direction. Dans l’âge de raison, il semblait, mais aigrie par les années qui passaient. Hormis cela c’était somme toute une femme quelconque sur qui il ne se serait pas retourné.

Il sentit le regard d’Eléonore se poser sur lui et se tourna instinctivement dans sa direction. Ses sourcils se soulevèrent légèrement en guise d’excuse. Il inclina discrètement la tête, signe qu’il n’y avait rien à pardonner. Elle le fixait toujours de ses deux onyx scintillants, qui passèrent de la supplication muette à la malice en un quart de temps. Il était curieux de la voir à l’œuvre. Surtout lorsqu’elle l’annonça comme étant son cerbère -chose qu’il avait deviné-

- Ne vous en faites pas. répondit-il d’un sourire confiant.

Ce que l’on pouvait aisément interpréter par « j’ai l’habitude de faire avec, vous imaginez bien ». En réalité, c’était surtout Virgil qui avait eu à faire à eux. Combien de fois avait-il fait diversion pour lui ? Bien trop souvent. Sans doute était-il à nouveau en train de sourire dans sa tombe en songeant à l’ironie de cette visite au cimetière.

Je ne vous présente pas, je suppose

Coldris fronça les sourcils en dévisageant le visage haineux qu’il percevait sous le capuchon de laine. Il n’aurait pas été contre des présentations, car de toute évidence, il avait du la mettre dans son lit, elle aussi. Quoiqu’à en juger par ses traits tirés et ses origines ce n’était clairement pas hier que cela avait pu arriver. Oh non. Sans doute dix ou vingt ans en arrière ? Allez savoir. Elle était peut-être jolie lorsqu’elle n’avait pas encore le visage ravagé de ces affreuses rides de colère.

Il garda le silence, imperturbable, tandis qu’Eléonore invoquait son cher fils. Souffrant donc. D’interrogateur, ses yeux passèrent à sévères. Il observait, les talents de sa petite brebis à esquiver les crocs de son cerbère avec adresse. Intérieurement, il s’en amusait. Puisque c’était finalement à lui d’intervenir, il allait s’en donner cœur joie.

- Ne vous a-t-on jamais signalé qu’il était mal élevé d’interrompre quelqu’un en plein recueillement ? lâcha-t-il de sa voix glaciale qu’accompagnait son éternel regard méprisant de circonstance.

- Venez Mademoiselle de Tianidre, je vais vous accompagner auprès de mon fils.

Il lui proposa son bras et poursuivit en s’éloignant.

- Vous n’imaginez pas à quel point, cela lui fera le plus grand bien de vous voir. Il est alité depuis hier et ne cesse de vous demander. Bonté divine ! Je ne remercierai jamais assez le Ciel de vous avoir rencontré dans cet endroit si insolite ! Nous allons pouvoir gagner un temps précieux, croyez-moi. J’ai hâte de voir son visage s’illuminer lorsqu’il vous verra.  

Coldris aurait pu continuer à jouer ainsi la comédie des heures durant. La vie n’était somme toute qu’une représentation perpétuelle comme il aimait à le penser si souvent. Et il ne s’amusait jamais autant que dans ces moments où il devait tromper son interlocuteur. Si en plus, il pouvait le provoquer un peu alors c’était parfait ! Il s’éloigna lentement dans l’allée, sous le crissement provoqué par leur pas.

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Message par Éléonore de Fromart Lun 21 Déc - 15:53

— Virgil était ma conscience et non mon remède.

Eléonore déglutit. Cette phrase et le ton sur laquelle elle avait été prononcée voulaient dire tant de choses. D’abord, qu’il lui restait autant de conscience qu’il restait de raison de vivre à la jeune femme : un tas d’os et un souvenir. Ensuite, le pire : la confirmation qu’il était définitivement perdu. S’il ne tenait pas à guérir, s’il préférait se noyer dans l’excès pour se laisser croire qu’il s’était reconstruit, eh bien… Comment osait-elle encore s’étonner qu’Alduis se remette si mal avec un père pareil ?

Il fallait qu’elle le fuit. Qu’elle l’évite à jamais, même si une part d’elle voulait rester. La part d’elle qui se demandait en quoi accumuler les actions stupides et se reconstruire était incompatible. Ne pouvait-on pas mener ces deux combats en même temps ?

Fuir avant de changer d’avis. De laisser le bon sens lui échapper encore. Voilà ce qu’elle s’efforçait de faire lorsqu’Eltinne apparut.

Etrangement, son intrusion ramena le regard de la jeune femme vers l’homme qu’elle avait décidé de fuir. Peut-être aurait-il mieux valu en profiter pour s’éloigner définitivement de lui. Rejoindre sa gouvernante sans faire d’histoires et, si elle lui posait des questions -- ce qui ne manquerait pas -- se plaindre de l’insistance du ministre. Prétendre qu’elle le trouvait presque inconvenant, qu’il était vraiment fâcheux de l’avoir croisé et qu’elle comprenait contre quoi son aînée la mettait en garde. Tout en taisant scrupuleusement ce dîner accepté, ce regard envoûtant et ces lèvres qui avaient marqué sa mémoire.

Mais si elle avait agi ainsi -- de manière raisonnable, donc --, elle aurait tout gâché. Gâché quoi ? Cette réponse-là ne lui revenait pas. Mais ce n’était pas ce dont elle avait envie.

Rassurée par la réaction de Coldris -- il semblait disposé à ne pas la trahir --, Eléonore invoqua un Alduis souffrant et un crochet inévitable par Fromart. Quelle idiote ! Pourquoi n’avait-elle pas trouvé d’excuses qui ne la contraigne pas à retourner dans le nid du serpent. Car lorsque d’un regard, elle lui demanda du renfort, il lui proposa de l’accompagner.

C’était faux, pas vrai ? Certes, Eléonore aurait volontier fait le chemin jusqu’à Fromart pour consolider son histoire -- et puis, cela lui aurait permis de vérifier qu’Alduis se porte bien --, mais elle n’avait pas anticiper qu’il propose de l’y conduire. Mais c’était dans la comédie, non ? Il avait probablement bien mieux à faire.

Tant pis. Pas le temps d’hésiter, ou Eltinne se douterait de quelque chose. Après tout, même si on avait vu bien plus lucide qu’elle, Eléonore la savait capable de percer son jeu.

Alors, Eléonore prit le bras qu’on lui présentait sous le regard foudroyant de sa mère de lait. Elle s’efforçait de ne pas se trahir par une physionomie trop amusée, et de ne pas la regarder dans les yeux, afin qu’elle n’y discerne pas cette lueur perdue depuis longtemps et qui l’aurait rendue soupçonneuse. Et pourtant, il fallait un fameux effort de volonté pour ne rien laisser paraitre tandis que le ministre en rajoutait.

— Mademoiselle ! Nous devrions rentrer. Vous...

— Il est souffrant, Eltinne ! Imaginez qu’il n’en réchappe pas, et que je n’ai même pas daigné lui rendre visite ! Vous savez bien que je ne me le pardonnerais jamais.

L’espace d’un instant, toute idée de rire l’avait désertée. Ses yeux s’embuèrent d’eux même, sous une douleur toujours présente, pour se planter dans ceux de sa gouvernante. Son coeur se serra, elle effleura la place où son poignard était de nouveau dissimulé. Ariste aurait-il approuvé qu’elle échappe à Eltinne de cette manière ? Ariste aurait-il réprouvé son manque de bon sens ? Elle ne parvenait pas à le déterminer, et cela la rendait malade.

— Après le mal qu’il vous a...

Ne pouvait-elle donc pas se taire ! Elle gâchait tout !

— Ce n’est pas parce que nous nous sommes brouillés que je vais l’abandonner. Ce serait mal me connaître.

Et elle venait d’admettre quelque chose d’encore pire. Quel boulet elle faisait ! Certes, ils s’étaient réconciliés mais… Elle savait qu’elle l’avait cruellement blessé et se le reprochait toujours. Elle était mauvaise, tellement mauvaise. S’il n’y avait pas eu de risque qu’Alduis l'interprète mal, la jeune femme aurait définitivement coupé les ponts. Elle n’allait, c’était évident, que le blesser en le fréquentant. Elle ne savait faire que ça. Elle était tellement incapable sans son Ariste.

— Je suis certaine que ce n’est...

Ils atteignaient la sortie du cimetière. Et Eltinne protestait toujours ! Elle ne renoncerait donc jamais.

— Écoutez, je sais ce que je dis. Je peux vous jurer sur la mémoire d’...

Avait-elle failli dire “Ariste” ? Elle s’en était retenue juste à temps. Quant au second nom qui lui venait, il fallait admettre qu’il avait un petit gout de provocation auquel Eléonore ne put pas résister :

— … de Louis qu’Alduis de Fromart n’a absolument aucune mauvaise intention me concernant. Cela vous convient ? Maintenant laissez-nous, vous voyez bien que je suis attendue !

La simple mention de son fils avait immobilisé la gouvernante. Eléonore s’en sentit légèrement coupable mais… Elle n’avait pas menti, et ne salissait aucune mémoire. Mais elle savait qu’Eltinne s’inquiétait sincèrement pour elle, et qu’elle avait de très bonnes raisons de s’en faire… D’autant que c’était plus grave qu’elle ne le craignait.
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Message par Coldris de Fromart Lun 21 Déc - 16:34




Après être intervenu, il garda le silence, l’escortant jusqu’aux grilles sous les houspilles permanentes de la gouvernante. Il ne manqua pas d’admirer, tant son talent à jouer la comédie que ses réactions aux différentes remarques. Comme celle concernant Alduis. Que s’était-il passé ou qu’avait-elle inventé ? Il serait toujours tant de lui demander. Simple curiosité paternelle. Le cerbère saucissonné dans son manteau leur courrait toujours après comme l’un des ces petits chiens de salon écervelés.

Ils franchissaient les grilles, lorsqu’elle hésita un court instant sur le nom à invoquer. Ce n’était pas Auguste. Elle avait donc donné un faux nom. Louis ? Il nota la réaction de la gouvernante, un nom qui lui parlait visiblement, mais peut-être pas celui qu’il cherchait. Quoi qu'il en soit, il nota l'information dans un coin de son esprit.

Devant les marches de sa voiture, où son cocher avait eu l’obligeance de patienter, il offrit sa main, pour l’aider à monter, puis la serra finalement entre les siennes. Son regard bleu quasi suppliant plongea dans le sien lorsqu’il déclara du ton de celui qui est soulagé :

- Par la grâce de Dieu, je vous remercie d’accepter de venir sur le champ à son chevet. Vous devriez le voir, ruisselant de la sueur des fièvres...

Il avait envie de lui sourire, mais il devait garder son rôle jusqu’au bout. Il ouvrit la porte dans son dos et l’invita à l’intérieur. Le cocher claqua le fouet et l’attelage partit aussitôt en direction de Fromart. Une fois à l’abri des regards inquisiteurs, il l’embrassa éperdument sur la banquette.

- Alors comme ça mon fils est malade ? finit-il par dire les yeux rieurs avant de reprendre un relatif sérieux.

- Vous savez, ce n’est que parce que vous me devez deux tercets, que je vous sauve de votre mégère tout juste apprivoisée.

Il pencha innocemment la tête contre le carreau, sans la quitter pour autant du regard.

- Et dire que vous avez failli partir sans vous acquitter de votre dette.


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Message par Éléonore de Fromart Lun 21 Déc - 18:56

Eléonore se laissa guider jusqu’à la voiture. Elle s’arrima à son regard brillant d’une reconnaissance parfaitement simulée pour ne pas craquer. Il n’y avait qu’Ariste et Gabriel, en général, pour lui donner une telle assurance. A qui elle aurait fait assez confiance pour jouer avec le feu. Il fallait croire qu’en leur absence, elle ne faisait vraiment plus rien comme il fallait.

— Mais c’est tout naturel, voyons ! Ne me remerciez pas ! le “rassura”-t-elle en montant dans le véhicule.

Dès que la porte fut fermée, l’expression affligée et compatissante d’Eléonore se brisa en un sourire hilare. Mais parce qu’elle n’était pas seule, même si ses joues en étaient douloureuses, elle contint son euphorie. Ou plutôt, elle la noya dans un baiser qu’ils méritaient tous deux amplement pour leur performance théâtrale.

Comment avait-elle osé envisager de s’en priver ? Pour ta sécurité ? Par bon sens ? Pour ne pas lui laisser gagner d’emprise sur toi ? suggéra sa conscience. Mais n’y avait rien à y écouter. Elle avait l’âge de se comporter bêtement et de quoi la relever si cela se terminait mal… Et si elle finissait par lui laisser -- comble de malheur -- une prise pour briser son coeur… Eh bien au moins, elle se serait amusée avant de replonger dans le désespoir.

Pourquoi cela devait-il toujours se terminer ? Non, plutôt : pourquoi cela ne lui suffisait-il jamais vraiment ? Elle n’en laisserait rien paraitre. Devant lui, elle serait presque devenue orgueilleuse. Que c’était paradoxal !

Elle ne put tout à fait contenir son rire lorsqu’il releva l’excuse bancale qu’elle avait fournie à Eltinne.

— Vous aviez une meilleure idée, peut-être ? L’équilibre parfait entre le plaisir de la faire enrager et… l’empêcher de se douter de quoi que ce fut.

Elle était incorrigible ! Pourquoi débitait-elle de telles énormités ? Comme si sa conversation avec Eltinne n’avait pas déjà fait assez de dégâts ! Oh, et puis, qu’espérait-elle, au juste ? C’était cette question-là qu’elle devait se poser. A quoi pensait-elle ? Elle devait se ressaisir. Le jeu ne pourrait pas durer. Il s’en lasserait très vite, quoi qu’elle fasse. Au fond, au plus elle le prolongeait, plus elle en souffrirait à la fin, elle le savait. Il n’y avait que plus à perdre dans son obstination, dans la faiblesse qui la retenait de mettre fin immédiatement à cette folie.

Elle tâta son poignard à travers son manteau. De toute façon, elle souffrait déjà. Alors un peu plus ou un peu moins…

Il était fou de voir combien la présence de l’homme parvenait à la fois à occulter le deuil et les doutes, et à les faire revenir décuplés. Etait-ce donc cela qu’il enclenchait chez elle ? Un terrible conflit intérieur ? C’était pénible ! Pourquoi se l’infligeait-elle ? Et pourquoi pensait-elle tant alors que la situation était si limpide : elle faisait seulement n’importe quoi, la seule chose qu’elle savait faire d’elle-même, en somme.

Sa remarque la ramena à la réalité après de très brèves secondes d’égarement. N’importe qui aurait juste dit qu’elle imaginait un autre moyen de tromper la vigilance de sa gouvernante. Elle espéra que pour une fois, le seigneur de Fromart s’en contenterait.

Il eut droit à une moue boudeuse qui cachait tellement plus. D’abord, une part d’elle était reconnaissante qu’il lui rappelle ô combien leur relation était insignifiante. Elle avait presque honte d’avoir besoin de se l’entendre dire… Et puis, une part d’elle en riait. Une part de cette cynique autodérision qui lui reprochait d’être totalement inconsciente, l’autre d’une moquerie bon enfant qui disait : “Tout ça pour deux tercets. Vous ne lâchez vraiment rien !”

— Et dire que vous avez failli partir sans vous acquitter de votre dette.

— Je ne pensais pas que m’endetter m’apporterait tant ! remarqua Eléonore avec un sourire. Mais vous n’allez tout de même pas m’en vouloir pour si peu ?

Bien… Elle aurait dû penser à régler cette histoire de dette avant de le quitter, c’était vrai. Mais tant pis. Ou… Ou tant mieux ? Elle ne savait plus qu’en penser.
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Message par Coldris de Fromart Lun 21 Déc - 22:48



Coldris s’était bien amusé à prendre part à cette petite mascarade improvisée. Et à en juger par ses commissures qui se redressaient de manière incontrôlée, son espiègle petite brebis aussi. Il se sentait aussi léger que lorsqu’il avait couru autour de la table pour lui échapper. L’espace d’un court instant, tous ses problèmes, toutes ses pensées envahissantes s’étaient envolés. Et c’était presque pour la remercier qu’il l’avait embrassée une fois la voiture mise en route.

Il l’observait un brin amusé répondre à son énième provocation sans pouvoir se retenir de rire. Un rire bien trop communicatif pour s’empêcher à son tour d’y succomber légèrement tandis qu’il lui répondait :

- Je ne suis que l’humble acteur de cette pièce. Je serai bien mal placé pour juger les choix du dramaturge.

Il pencha légèrement la tête de côté avant d’ajouter sourire en coin

- Je suis ravi que vous reveniez à Fromart… Voir mon fils bien sûr.

De toute façon, elle lui devait deux tercets. Et Coldris était du genre à endetter son entourage. Surtout lorsqu’il était charmant et de bonne compagnie. Une dette devait toujours être payée. Et une dette vous obligez à revenir. C’était bien pour cela qu’il avait récité les deux dernières strophes du fameux sonnet. Il était certes un amoureux des jolis mots, mais rien ne valait les lèvres qui les prononçaient à son oreille. Il s’appuya contre la fenêtre -si froide- et constata l’ensemble des émotions qui la traversèrent en l’espace d’une petite seconde. Il y eut tout d’abord « Merci je savais bien que c’était purement intéressé ! » puis le « vous étiez vraiment obligé de me le faire remarquer ?! » suivi de celle qu’il aimait tout particulièrement: « Et en plus tu te fais avoir à chaque fois de bon cœur » qui allait de pair avec « tu es complètement folle !». Mais sa préférée était incontestablement la dernière : « tout ça pour ça ? Vous détestez perdre à ce point ? ». Celle-ci lui faisait toujours pétiller le regard de cet air malicieux qui répondait « bien entendu, juste pour ça. »

Mais « ça » contrairement à ce qu’elle imaginait, c’était bien plus que quelques alexandrins bien arrangés. Elle le confirma elle-même en répondant à son ultime provocation : cela lui apportait. Et il en était ravi.

- Pourquoi est-ce que je vous en voudrais ?

Il avait ce regard typique qui disait qu’il avait clairement une idée derrière la tête.

- Nous allons être obligés de nous revoir, voilà tout. répondit-il de manière détachée avec un sourire qui trahissait son implication et puis vous me devrez des intérêts bien entendu, Eléonore. Je vous apprécie, mais les affaires restent les affaires, vous comprendrez !

Surtout les affaires qui lui apportaient tant. Si elle pouvait  ajourner à chaque fois le paiement de sa dette, il ne s’en trouverait que plus heureux ! Il se mit à rire joyeusement et laissa son regard voguer vers les silhouettes enneigées de Braktenn. Ils avaient du temps à occuper jusqu’à Fromart, alors autant discuter un peu.

- J’ai découvert que ma brebis pouvait être un bélier lorsque la situation l’exigeait. il tourna la tête vers elle, soudainement sérieux je suis sincèrement navré que vous ayez assisté à cela...


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Message par Éléonore de Fromart Mar 22 Déc - 10:29

L'homme rit. D'un rire léger, mais qui avait le mérite d'exister. Et Éléonore ne pouvait nier que cela lui faisait du bien. C'était cela, de ressentir énormément à travers les autres – bon comme le mauvais, mais heureusement le bon n'était pas en reste. Elle en vint à se demander si ce n'était pas cela qui avait changé l'opinion qu'elle avait de lui : l'avoir entendu rire. Ou bien était-ce parce qu'autour de cette table, pour la première fois depuis qu'un pressentiment pernicieux avait broyé son cœur, une émotion positive avait vraiment effacé son malheur ? Elle n'arrivait pas encore tout à fait à croire que cela était possible. Pourquoi un tel miracle s'était-il déroulé en présence d'un homme pareil ?

Elle devait demeurer lucide. Ce qu'elle n'était plus tout à fait ce soir-là. Elle avait beau se répéter qu'elle était loin d'être ivre, c'était la seule explication satisfaisante qu'elle trouvait à son comportement. Quand à aujourd'hui… Là, il n'y en avait pas.

— Vous ? Humble ?! releva-t-elle incrédule. "Allez-y, répétez ça. Juste pour être sûre", complétait son sourire. C'était presque attendrissant.

Revenir à Fromart. Il fallait l'entendre pour qu'Éléonore réalise. Non, il n'allait pas la laisser descendre une fois hors de vue. Il comptait vraiment la conduire jusque chez lui... Voir son fils ? Étrangement, cela ne semblait pas être sa motivation première. Oui, c'était vraiment démesurément surprenant, plaisantait la jeune femme pour elle-même. Mais il restait la nécessité de faire le chemin avec lui... Ce qui était vraiment surprenant, c'était qui l'idée l'en réjouisse. Au fond, il lui avait manqué. Mais elle ne l'aurait jamais avoué, pas même à elle-même.

— Je commence à passer trop de temps chez vous…

Mais quelle gourde ! Elle ne cesserait donc jamais ?! Son esprit bourdonnait de "Enfin, je voulais dire..." qu'elle retint. Au fond… Elle n'y était allée que deux fois depuis leur rencontre… Ce n'était pas tant que ça, à bien y penser.

— Mais je suppose que je ne vous apprends rien.

Rappel à l'ordre : il l'avait aidée uniquement pour s'assurer le payement de sa dette… Et quelle dette ! Une dette imaginaire, en quelque sorte… Plongée dans le regard de son interlocuteur, Éléonore savait que sa moue boudeuse ne le trompait pas. Et il semblait presque s'en amuser.

Elle n'était rien qu'une petite sotte, voilà tout. Il jouait à ce petit jeu depuis bien plus longtemps qu'elle et elle ne l'y prendrait jamais. Quand on ne pouvait que perdre davantage, pourquoi s'obstiner à mettre davantage en jeu ? Pourquoi continuer alors que ça ne pouvait, à terme, n'apporter que le pire ? Si elle faisait arrêter la voiture maintenant, et choisissait de ne plus jamais le revoir, elle serait frustrée. Si elle poursuivait, elle finirait horriblement blessée. Parce qu'elle se connaissait : elle était horriblement faible. Et... Prétendre connaître Coldris de Fromart aurait été présomptueux, mais ce qu'elle savait, c'était qu'elle serait la seule affectée.

Alors pourquoi la mention d'intérêts... D'être obligés de se revoir… Pourquoi cela s'assemblait dans son esprit comme le moyen idéal de prolonger cette parenthèse. De le garder le plus longtemps possible, avant qu'il ne comprenne combien elle était incapable, ennuyeuse, inutile. Elle pouvait tant qu'elle voulait jouer les Shéhérazade et grappiller des jours – peut-être des semaines. Oserait-elle envisager des mois ? – mais cela finirait tôt ou tard par lui revenir en pleine figure. Et si Coldris de Fromart ne tuait certainement pas ses conquêtes – la preuve, elle devait supporter Eltinne –, cela ne l'empêchait pas de les briser – et on pouvait, à cela, fournir le même exemple. Non, on ne l'executerait pas au petit matin, mais cela ne changeait rien. Elle payerait son inconscience au prix fort. Le prix de son jeu égoïste, et la somme de ses dettes, voilà ce qui la perdrait.

Mais si cela pouvait lui rendre un tout petit peu l'impression de vivre, fût-ce pour quelques jours, fût-ce pour quelques semaines… Et puis, de toute façon, cela ne nuirait à nul autre qu'elle-même.

Elle glissa sur la banquette, jusqu'à se retrouver contre lui. Elle ne parvenait de nouveau plus a quitter ses prunelles. Oui, il s'en jouait bien, lui aussi. Au fond, c'était rassurant de savoir qu'elle n'aurait aucune chance de le blesser. D'autant plus rassurant que si son cœur s'était déjà ouvert, il s'était définitivement scellé. Il n'y avait aucun moyen d'enfreindre ses principes, elle pouvait agir aussi bêtement qu'elle le voudrait sans rien risquer pour quiconque d'autre. C'était tout ce qui comptait.

Elle superposa ses mains sur l'épaule de l'homme, puis y posa son menton.

— Parlez-moi donc de ces intérêts, souffla-t-elle. Elle

Ils étaient trop proches, et elle en était la seule à blâmer. Elle voulait... Non. Ce n'était pas grave. Il suffisait qu'elle se souvienne qu'il n'y avait pas de véritable danger – hormis celui de finir brisée, mais cela, elle l'était déjà.

Avant qu'elle n'ait pu songer à remettre entre eux une distance décente, elle sentit une main passer dans son dos, et fut renversée sur la banquette avant de recevoir sa réponse… Réponse dont seule l'idée passa, noyée dans son regard si bleu et la tornade de sensations qui vrillait la jeune femme dès qu'il en était proche. N'empêche… il ne fallait pas qu'elle se laisse faire ainsi. Il allait finir par voir qu'elle était juste trop faible, trop sotte. Et puis... Et puis... Oh, elle verrait ça plus tard.

Plus tard... Par exemple, après qu'il l'ait lâchée, alors qu'il relançait la conversation sur le dernier sujet qu'elle pensait voir aborder. C'était maladroit, surtout après ce qu'il venait de faire. Maladroit ? Avait-elle oublié de qui elle parlait ? Que cherchait-il en évoquant cet épisode – car elle devina tout de suite ce à quoi il faisait référence – et surtout, qu'en savait-il ?

— Détrompez-vous, je n'ai assisté à rien, le contredit-elle soudain.

Elle ne voulait pas se souvenir du temps qu'elle avait passé à ne rien faire. De sa cruelle faiblesse. De la honte que l'en poursuivait. Elle avait été lente, faible, inutile, lâche. Tellement lâche ! Elle s'en voulait cruellement, mais il était hors de question que quiconque sache combien elle avait été pitoyable.

— J'ai agi, et ce sont deux choses bien différentes, précisa-t-elle sans laisser à son interlocuteur le temps de la contredire.

Oui, elle avait agi... Trop tard. Juste à temps pour éviter le pire alors qu'elle aurait pu tout éviter.

— Je ne suis probablement pas aussi fragile que vous sembliez le croire.

Non, elle l'était bien plus encore. Détruite, brisée, les éclats dispersés au quatre vents. L'ombre de ce qu'Ariste faisait d'elle à l'époque où sa vie avait un sens. En revanche, elle saurait se défendre s'il tentait quoi que ce fut qu'elle n'approuve pas. Cela, elle saurait le faire. Oui, elle maîtrisait parfaitement la situation. Cela aussi, ç'avait quelque chose de rassurant.

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Message par Coldris de Fromart Mar 22 Déc - 12:49




Eléonore se moquait de sa répartie. À juste titre, tant l’ironie en était saisissante. L’humilité ne faisait pas partie de sa vie. C’était l’évidence même. Cela ne l’empêcha pas pourtant de lui retourner son sourire faussement scandalisé «Et bien quoi ?! ».  Trop de temps chez lui ? A vrai dire, oui, on lui avait vaguement rapporté qu’elle était venue voir Alduis durant quelques-unes de ses absences. C’en était presque vexant que ce ne soit pas lui qu’elle soit venue chercher, mais après tout qui savait réellement de quoi il en était ? Elle avait peut-être espéré le croiser par hasard ?

- A force, vous allez finir par emménager à Fromart commenta-t-il avec un brin de charmante provocation

Sans y croire un seul instant. Il voyait mal comment ce serait possible. Se jeter dans la gueule du loup était une chose, s’installer dans sa tanière en était une autre. Elle trouverait sans doute bien rapidement, une compagnie plus agréable -et moins dangereuse- que la sienne. Il l’espérait dû moins. Ou… En fait, il ne savait pas vraiment. Car la perspective de ne plus la revoir du jour au lendemain l’ennuyait profondément. Et qu’il n’était pas du genre à baisser les bras là-dessus, mais de là à l’accueillir à Fromart, il y avait un gouffre infranchissable. Il chassa ses pensées en évoquant plutôt cette fameuse dette qu’il s’était inventé comme un mobile pour être sûr de la revoir.

Un son feutré accompagna le rapprochement d’Eléonore qui s’appuya sur son épaule pour lui demander des précisions. Il esquissa un sourire en admirant toutes les nuances de bruns autour de ses iris. Elle était si proche qu’il n’avait guère de distance à combler pour se saisir de ses lèvres. C’était… Terriblement tentant. Il s’approcha aussi près qu’il put, puis passa une main dans son dos et la renversa sur la banquette, entre deux cahots de la route. Regard malicieux, au-dessus d’elle, il déclara
- Voyons, tout le monde sait que le montant total des intérêts se calcule lorsque la dette est soldée, pas avant !

Il s’écarte aussitôt en l’aidant à se relever. Il en profita pour changer complètement de sujet. Pourquoi celui-ci en particulier ? Sans doute, car son audace spontanée avait réveillé les souvenirs de cette discussion houleuse avec Thierry.

- Pour agir, il faut être témoin. C’est l’évidence même. rétorqua-t-il en l’attirant entre ses bras

Non elle n’était pas aussi fragile, mais il ne l’avait jamais vu fragile. Candide, oui. Mystérieuse aussi. Secrète. Joueuse. Et de bien des manières… Surprenante. Lovée entre ses bras, il profitait de la chaleur de son corps. Il déposa un baiser sur le sommet de son crâne où la neige avait fondu depuis un bon moment désormais.

- La prochaine fois que l’on vous cause des ennuis, venez me trouver immédiatement, d’accord ?

Il caressait distraitement son bras – ou du moins la laine de son manteau – lorsqu’il finit par reprendre la parole.

- Cela n’a rien d’agréable, mais vous allez devoir me dire ce qu’il s’est passé. Cette affaire n’en restera pas là et d’une façon ou d’une autre je risque d’y être mêlé, j’aimerais donc savoir quels sont les faits.

Parce que quand ça sentirait le roussi, Thierry viendrait ramper en l’implorant de l’aider. Il lècherait chaque pierre de Fromart avec dévotion pour peu que Coldris lève le petit doigt en sa faveur. Chose qu’il n’avait jamais manqué de faire. Mais cette fois-ci les choses étaient différentes. Il s’agissait de la fille de Dyonis. Quoi que leur relation puisse être, il y avait des limites à respecter et celle-ci avait été enfreinte et violée. Et il commençait à se dire qu’il n’y avait pas que les limites qui avaient subi ce sort. Auquel cas, Thierry ramasserait sa merde avec ses ongles. Il était hors de question de se voir associer à ce genre de méfaits. La débauche cela passait évidemment, le viol certainement pas.

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Message par Éléonore de Fromart Mar 22 Déc - 19:25

— A force, vous allez finir par emménager à Fromart.

Eléonore sourit, amusée par la remarque. Elle savait que la proposition n’en était pas une. Quand bien même eut-ce été le cas, elle ne l’aurait pas accepté.

— Seulement si notre pauvre Alduis insiste pour que je reste à son chevet. Mais à mon avis, il sera remis d’ici notre arrivée.

Parce qu’ils y allaient vraiment. Et Eléonore se rendit compte d’une chose affreuse : si elle arrivait à Fromart et qu’Alduis s’y trouvait, il risquait de savoir… De savoir quoi, exactement ? Cela, elle avait du mal à le déterminer. Qu’y avait-il à savoir ? Qu’elle avait décliné le dîner d’une manière toute personnelle ? Que son père l’avait embrassée ? Que… Le père d’Alduis. Et celui de Louis, en prime. Se le rappeler rendait la situation vraiment étrange. Dérangeante, même.

Mais cette problématique s’envola dès lors que Coldris la relança, sur cette affaire de dette. Elle s’envola si loin, et les autres se turent si bien qu’Eléonore se permit de s’approcher, et de s’appuyer sur son épaule pour demander des précisions quant aux fameux intérêts liés à la dette qu’elle l’avait laissé lui inventer. Son attitude était peu convenable, elle le savait… Mais tant pis. Elle se perdit avec plaisir dans son regard, se demandant un instant comment il réagirait.

Question qu’elle n’eut pas longtemps besoin de se poser, d’ailleurs. Et réaction à laquelle elle aurait pu s’attendre. Réaction, peut-être, qu’elle aurait dû parer… Tout cela n’était pas fort décent. Qu’était-ce, déjà, la décence ? Était-ce moins décent que de simuler une grossesse ? Que de jouer les lézards des murailles pour fuir sa chambre ? Que d’affoler les clochers et réveiller tout le château en plein milieu de la nuit ? Que de cacher une oie dans les appartements alloués à cette mégère d’Adélaïde de Diéron ?

Elle souriait de se souvenir lorsque Coldris l’aida à se relever. Puis, elle souriait aussi de la perspective que ces soi-disants intérêts l’empêchent de se lasser trop vite. Certes, s’il avait subsisté en elle le moindre bon sens, elle l’aurait fuit… Mais il était ardu de demeurer lucide en sa compagnie. Elle comprenait que tant s’y soient perdues… Son aura n’était pas que de danger… Elle était bien plus irrésistible que cela.

Si bien qu’aborder un fâcheux souvenir ne brisa pas totalement le charme. Souvenir qu’elle était plutôt bien parvenue à éluder ces deux dernières semaines. Elle ne pensait pas qu’il put encore lui faire tant d’effet. L’impuissance, la faiblesse, la honte, la culpabilité. Tout ça enfoui bien profondément, piétiné par tous ses autres tracas -- ce qui n’avait, à sa décharge, pas manqué -- revenait à la surface de sa conscience. Douloureusement.

Assisté. Elle ne voulait pas avoir assisté. Elle avait agi. Elle devait se convaincre qu’elle avait agi. Oui, mais si elle avait agi plus vite, Lavinia n’aurait même pas eu besoin de s’inquiéter. Elle aurait été un peu ennuyée, sans doute… Mais… Eléonore espérait sincèrement qu’elle avait su se faire pardonner sa lâcheté.

Elle entendit à peine les mots de Coldris quand il l’attira contre lui. Une petite voix -- sa lucidité -- lui souffla : “Tu vois, ce n’était pas maladroit. Il connait parfaitement son jeu. Tu es entrain de te laisser avoir.” Oui, il savait sans doute ce qu’il faisait. L’affliger, pour la consoler, que ce fut volontaire ou improvisé. Gagner, miette à miette.

Mais Eléonore occulta cette pensée. Elle le laissa faire. Au fond, même si cela revenait à lui laisser gagner du terrain, elle aimait l’idée de se laisser cajoler. Tout en affirmant, comble de mauvaise foi, qu’elle n’était pas fragile. Le plus surprenant était qu’il parvienne presque à la réconforter. Tant pis, il savait déjà qu’elle était faible, ennuyeuse et inutile. Et elle, elle n’avait pas la force d’échapper à ses bras. Alors, s’il ne la lâchait pas…


— La prochaine fois que l’on vous cause des ennuis, venez me trouver immédiatement, d’accord ?

Eléonore fronça les sourcils et releva légèrement la tête pour planter un regard sévère dans le sien. Il la rendait orgueilleuse. Cruellement orgueilleuse !

— Vous avez bien plus important à faire que de me sortir de l’embarras, déclina-t-elle. Puis… Par caprice, pour lui rappeler qu’elle n’était pas idiote, ou par pur orgueil, elle ajouta : Vous ne vous en sortiriez pas si toutes vos conquêtes venaient vous chercher au moindre désagrément. Je sais assumer mes actes.

Oui, elle aurait pu l’assumer. Si cette vermine avait décidé de lui attirer de graves ennuis, sa seule préoccupation aurait été de l'entraîner dans sa chute. Pas par vengeance, mais par simple justice. Comme les ennuis qu’elle méritait, non pas pour avoir “levé la main sur un homme de Dieu”, mais bien pour ne pas l’avoir arrêté plus tôt. Cela, en revanche, elle ne l’assumait pas.

Eléonore se serait bien laissée bercer des heures par le cahot, dans les bras qui la retenaient. De là, elle percevait les battements réguliers de son coeur, et c’avait quelque chose d'étonnamment apaisant. Mais évidemment, cela ne pouvait pas durer. Parce qu’il avait mieux à faire que de porter ses chagrins ou frictionner son bras. C’était cruel : l’espace d’un instant, elle avait oublié que ce n’était qu’un jeu. La preuve, probablement, qu’il était entrain de gagner.

Mais de là à lui demander de raconter… Eléonore ravala courageusement les larmes qui lui venaient. Elle n’avait pas le droit de se lamenter ! Elle n’avait pas le droit de se trouver, d’une quelconque manière, victime de la situation. Il ne lui était rien arrivé. Elle avait juste été lâche. C’était de sa faute.

Une part d’elle voulait, envoûtée par la tendresse, tout raconter. Faire confiance. Mais si elle racontait ce qu’elle avait vu, elle devrait avouer qu’elle était restée pétrifiée. Qu’elle était faible. Il le savait déjà ! Ils le savaient tous les deux. Si elle avait été forte, elle ne se serait jamais blottie contre lui. Elle n’aurait même pas accepté ce dîner. Si elle avait été forte, elle se serait transpercée de cette fichue lame, peu importe la volonté d’Ariste.

Puis, quelque chose la perturba. Pourquoi avait-il besoin qu’elle lui raconte ? Elle savait sans mal d’où il tenait ce qu’il savait déjà et… en y pensant, elle fut prise d’un frisson de dégoût. Elle se dégagea, et avant de comprendre ce qu’elle faisait, elle était assise dans le coin opposé, sur la banquette d’en face.

Puis, du ton le plus maitrisé qu’elle put composer, elle demanda :

— C’est à vous qu’il a demandé de le venger, c’est ça ? Trop lâche pour me confronter tout seul ? Sa parole ne suffira pas à m’attirer des ennuis ? Ou bien, a-t-il juste trop peur que l’on apprenne les circonstances de mon geste ?

Elle n’avait pas peur. Elle était juste… en colère. Qu’il la manipule pour l’attirer dans ses bras, c’était une chose. Cela faisait partie du jeu. Mais pour la pousser à se trahir et quoi ? Essayer de l’intimider pour qu’elle se taise ? De l’amadouer ? Si la personne concernée -- la seule qui avait voix au chapitre dans cette affaire -- voulait qu’elle parle, elle le ferait. C’était le moins qu’elle puisse faire pour réparer son erreur. Elle baissa les yeux un instant.

Un tremblement de rage la saisit. Bref. Et son regard remonta, déçu et accusateur, dans celui de Coldris. Non, visiblement, ce n’était pas ça. Ou peut-être ne savait-il pas tout.

Idiote ! Tellement idiote ! Pourquoi réfléchissait-elle tant si ce n’était jamais pour agir correctement ! Cette fois, elle avait vraiment tout gâché !

— Enfin… Je… Pardonnez-moi, je m’emporte.

Gourde ! Tellement gourde ! Pour la peine, pour atténuer le poids de ses accusations, elle aurait tout raconté… Seulement, un détail la chiffonait : avait-elle le droit d’en parler ? Elle ne pouvait pas salir comme ça la réputation d’une autre, d’autant qu’elle ignorait à quel dessein Coldris demandait ces informations.

— Ce que vous me demandez est… beaucoup plus que désagréable , admit-elle. Une demi-seconde d’hésitation. Comme elle n’avait plus rien à perdre, elle décida de jouer franc jeu : Le moindre des égards envers la personne concernée serait de ne pas répandre des rumeurs. La personne concernée. La seule dont l’opinion ait de l’importance dans cette affaire. Le ministre comprendrait bien tout seul que la jeune femme ne se souciait pas instant de salir le père Thierry. J’aimerais, avant de dire quoi que ce fut, savoir à quel dessein vous emploierez ces renseignements et… savoir ce dont vous êtes déjà informé.

Et s’il n’était pas content, ce serait le même prix. Elle ne dévoilerait pas de nom s’il ne le connaissait pas déjà et surtout, elle ne dirait rien s’il avait l’intention de retourner ses informations contre Lavinia. Et tant pis s’il s’en fâchait. Tant pis si, pour ses principes, il la rejetait. Elle se fichait même pas mal de prendre un coup ou de rentrer à pied. Ce serait selon ses conditions ou rien, et qu’il ne s’avise pas de lui mentir.
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Message par Coldris de Fromart Mar 22 Déc - 22:45




Curieuse discussion que celle-ci. Insolite même. Mais il ne manqua pas de remarquer l’usage du possessif.

- Notre? De toute évidence vous ne comptez pas seulement emménager chez moi… remarqua-t-il sourire en coin avant de rire

Parce que soyons honnête, c’était encore plus improbable que de venir vivre à Fromart. Ce n’était pas demain la veille qu’il se remarierait. Ça n’arriverait sans doute jamais. Il avait assez donné pendant sept ans, c’était bien assez. Bien assez long et douloureux pour lui rappeler que tout s’était joué à si peu… Il détestait les mariages, ces bouts de papier indispensables pour avoir un héritier. Il aurait préféré qu’Alduis épouse quelqu’un qui l’aimait, mais ce jour n’arriverait jamais, alors il se contenterait de celle qu’il aurait choisie. Mais pour l’heure toutes ces affaires de mariage lui importaient finalement peu en regard des dettes que la jeune femme avait acquises et dont les intérêts commençaient déjà à s’accumuler. Ca et les nouvelles que Thierry lui avait fièrement données.

Il avait placé Eléonore dans ses bras, la tête quasiment posée sur la sienne. Les cahots de la route le bercer autant qu’ils le maintenaient éveillé. Il la sentait détendue et lui aussi s’abandonna à ce fugace moment de calme qui le gagnait peu à peu. Il avait blessé sa fierté en lui proposant son aide. Il eut un simple sourire à sa remarque et embrassa son front.

- Où avez-vous entendu que je proposais cela à toutes mes conquêtes ? Mais libre à vous de visiter la Prévôté. répondit-il avec son habituelle ironie.

Elle demeura encore un instant dans ses bras, sans qu’il sache dire qui appréciait le plus ce moment. Instant éphémère qui vola en éclat dès qu’il lui demanda des précisions. Un silence s’étira avant qu’elle ne l’accuse d’être là pour venger Thierry en se dégageant de ses bras. Si elle avait pu s'éloigner que l'autre bout de la banquette, elle l’aurait fait. Il s’appuya dos à la fenêtre pour lui faire face. Comme toujours, on doutait de lui. Il ne pouvait même pas lui en vouloir. C’était le prix à payer avec cette réputation qu’il avait façonné année après année, il l’assumait pleinement. Quelque part, cela le blessait un peu. D'autant plus que pour une fois, ce n’était pas pour défendre Thierry bien au contraire.

- Vous l’avez dit vous-même : j’ai sans doute plus important à faire que de venger un prêtre dépravé qui a lui-même décidé de se venger sur la fille du Premier Conseiller. J’ai déjà bien assez de mes propres ennemis pour ne pas m’embarrasser de ceux des autres, croyez-moi.

Il quitta son regard pour le laisser vagabonder vers les alignements douteux d’immeubles à colombages de la cité.

— Enfin… Je… Pardonnez-moi, je m’emporte.

Il acquiesça silencieusement sans pour autant se tourner dans sa direction. Il voyait sans vraiment regarder toutes ces petites scènes du quotidien se dérouler sous ses yeux : des fruits qui tombent d’un panier du retour du marché, un garçon farceur qui jetait une boule de neige…

— Ce que vous me demandez est… beaucoup plus que désagréable

Sa tête pivota lentement et s’appuya sur le montant de la vitre pour écouter la suite. Il croisa les bras sur sa poitrine. Elle doutait toujours de sa bonne foi. Quoi de plus normal ? Dans d’autres circonstances, il aurait en effet pu chercher à se renseigner.

- Lorsque j’ai besoin de renseignements pour d’obscurs projets, je m’y emploie différemment.

Il eut un discret sourire sur son visage soudainement redevenu sévère. A vrai dire, s’il avait voulu défendre Thierry, il aurait simplement fermé les yeux et les oreilles. Il n’avait pas besoin de la moindre information pour cela.

- Je vous l’ai dit cette affaire est loin d’être close et je vais y être mêlée. Le prêtre en question viendra m’implorer de faire adoucir sa peine, voire de le sortir de ce mauvais pas. J’en suis persuadé. Je ne vous cache pas que c’est quelqu’un je connais. Mais plus je repense à notre discussion, plus je doute que la fille de Dyonis ait émis le moindre consentement. il posa son regard sérac au fond de ses prunelles pour déclarer avec dureté et c’est parfaitement inacceptable. J’ai besoin d’avoir votre version, car si tel est le cas, je refuse de l’aider d’une quelconque façon et encore moins de voir mon nom y être associé. J’ai beau être séducteur, débauché, immoral, manipulateur et tout ce que vous voulez d’autre, je respecte tout de même certains principes basiques.

Il n’avait rien de plus à dire. Si cela lui convenait, elle parlerait. Sinon il aviserait en son âme et conscience de la conduite qu’il adopterait durant le procès qui ne manquerait pas d’arriver un jour ou l’autre. Coldris se demanda soudainement à combien de femmes il avait pu forcer la main dans sa paroisse. Les séduire et les culbuter était une chose -il n’avait pas été en reste d’ailleurs-, les violer en était une autre. Ses mâchoires se serrèrent.

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Message par Éléonore de Fromart Mer 23 Déc - 3:03

— Notre ? De toute évidence vous ne comptez pas seulement emménager chez moi…

Éléonore se sentit presque rougir, avant de se rendre compte qu'il n'y avait pas de raison. Que c'était justement parfait pour clarifier les choses.

— Notre, confirma-t-elle. Votre fils et mon... Elle hésita. Le mot qu'elle voulait employer lui semblait léger pour décrire ce lien si particulier qui s'était tissé grâce à Ariste. Mais user de superlatifs aurait été mensonger, car tous deux avaient déjà un meilleur ami. Même si Éléonore s'était éloignée du sien, qui n'était pas vraiment tout a fait le sien. Soit, elle employa le mot le plus simple, car après leur conversation au cimetière, il saurait qu'elle n'employait pas ce mot à la légère. ami. Un ami auquel je tiens énormément, se sentit-elle obligée de préciser.

Et l'ultime amour d'Ariste. Et celui auquel elle devait la vie – ce pourquoi elle demeurait reconnaissante, si douloureux fût-ce. Et... Même ce qu'il avait fait ne changeait rien. C'était cette fichue maladie qui avait tué son tout, même si Alduis avait abrégé le supplice.

Et surtout, un ami qui passait bien avant cette relation futile qui n'avait de débouché qu'une cruelle peine de coeur ou, a la rigueur, de la frustration. Car Éléonore n'était pas si naïve : tout cela ne finirait pas par un beau mariage, et un coeur reconstruit. Pas avec lui, en tout cas. Aucune chance, même si... Même s'il prenait de plus en plus de place dans ses pensées.

Alduis, lui, c'était une relation solide. Malgré ce qui s'était passé – ou peut-être même grâce à ça. Elle se sentait proche de lui. Elle ne se sentait plus gourde, avec lui, même si elle l'était. Parce qu'ils étaient amis. En fait… oui, à bien y penser, elle se reconstruisait. Lentement mais sûrement. De manière beaucoup plus concrète – bien que moins exceptionnelle – que ce qui s'était produit le 23, lors de ce fameux dîner, ou ce jour-là, dans cette voiture.

Ce délicieux torrent d'émotions qui menaçait de la ravager. Ce qui la parcourait en réalisant que Coldris cherchait – au moins autant qu'elle – des excuses pour la revoir. Puis... Cette tendresse, aussi surprenante qu'agréable, avec laquelle il l'a gardait dans ses bras. Sans doute n'était-ce qu'un jeu, sans doute la fin de la partie serait-elle amère – douloureusement fracassante, même – mais en attendant, elle se sentait bien.

Même cette piqûre dans son orgueil ne suffit pas à réellement troubler la paix.

— Seulement à celles que vous voulez endetter, alors ? s'enquit-elle.

Était-elle vraiment entrain de plaisanter sur le nombre incalculable des idiotes qui l'avaient précédée et qu'elle surpassait ainsi dans l'idiotie ? Le fait d'y sembler indifférente amputait-il le peu d'estime qu'elle méritait ? Elle ne voulait pas se poser la question.

Quoiqu'elle ait certainement été moins pénible que celle qui l'arracha des bras dans lesquels elle s'était pourtant sentie si bien. Qui la poussa à s'éloigner de lui le plus possible, répugnée par des soupçons infâmes qu'elle ne manqua pas d'exprimer – la seule chose qu'elle manquait vraiment, c'étaient les excellentes occasions de se taire ! Pauvre gourde !

Même après qu'il les aient détournés – elle voulait le croire : près tout, ses arguments tenaient la route ; et puis, elle savait reconnaître quelqu'un qui lui voulait du mal –, elle ne put se résoudre à tout lui expliquer. D'accord, il ne cherchait pas à l'atteindre elle, mais une seule personne aurait pu lui confier cette histoire, et ce n'était certainement pas pour se faire condamner.

Il remplit sans discuter – mais visiblement blessé par ses accusations – les conditions qu'elle avait posé. Éléonore ne s'en sentit que plus coupable. Il semblait… sincère. Elle avait beau chercher la duplicité, elle n'y était pas. Et, par dessus le marché il savait déjà qui était impliqué... Bien. Elle avait dit qu'elle parlerait, et puisqu'elle ne pouvait pas causer plus de tort à son amie en s'expliquant qu'en se taisant, elle devait remplir sa part du contrat. Mais avant…

— Je vous demande pardon. Vous... Je n'avais pas le droit de vous accuser de cette manière.

Il allait la trouver ridicule. Elle ne faisait que démontrer sa faiblesse de caractère. S'excuser devant quelqu'un qui s'assumait débauché, immoral, manipulateur et tout le reste... Ç'avait quelque chose de... Pitoyable. N'empêche, elle ne parvenait toujours pas à le trouver aussi horrible qu'il aurait fallu. Il était très rare qu'elle se focalise sur les défauts des gens. L'empathie avant tout. Il suffisait de ne pas commencer par briser en elle toute envie de compatir comme l'avait fait un certain curé qui, au mieux, pourrait lui inspirer une amère pitié.

Elle se rapprocha très légèrement du ministre, penaude. Malgré tous les torts dont on pourrait l'affubler lui, aujourd'hui, c'était elle qui était en faute. Une pensée fugace lui rappela combien elle avait été infecte avec Alduis, lorsqu'il avait voulu être honnête avec lui. Elle était tellement minable.

Incapable. Ennuyeuse. Faible. Égoïste. Inutile. Lâche. Et même mauvaise, maintenant ! Elle se dégoûtait. Ariste aurait honte d'elle, s'il la voyait.

Elle prit une grande inspiration. Il fallait maintenant qu'elle trouve la force de tout raconter. Elle aurait pu se contenter d'un "alors, vous ne l'aiderez pas". Mais… Une part d'elle avait cruellement besoin de se confier. Et puisque tout était perdu avec lui, qu'elle n'avait plus rien à gâcher...

— J'avais rencontré Lavinia a peine quelques minutes plus tôt. Elle... Elle avait laissé tomber un gant et...

Mais quel boulet ! Ne voulait-elle pas aussi préciser le nombre de pas qu'elle avait fait avant d'entrer dans l'église, la forme des nuages et ce qu'elle avait mangé ce jour-là ?!

— Nous avions à peine échangé quelques mots (après tout, la partie confidence ne le concernait en rien et elle n'avait pas le droit de les mentionner) lorsque le... Le père Thierry est venu à notre rencontre.

Bientôt, elle aurait besoin de préciser que son oncle adorait les paons pour commenter la météo ! Pitoyable ! Pourquoi racontait-elle ça ?! Il voulait juste savoir si oui ou non il y avait eu tentative de viol. Et a sa réaction, il devait déjà connaître la réponse. Et pourtant… Le besoin de parler était trop fort.

Sans qu'elle ne s'en rende compte, sa main avait glissé au niveau.de.son poignard, qu'elle devinait à travers son manteau.

— Je sais repérer la duplicité. Et je sais repérer quelqu'un qui a de mauvaises intentions.

Elle venait seulement d'intégrer la première défense de son interlocuteur. Avait-elle entendu "vengeance" ? Se venger en... Soit

— Il a fait semblant de...

…la confondre avec sa mère.

Non, cela non plus, cela ne le concernait pas. Pas du tout. Non seulement, elle partageait le deuil non abouti donné en confidence. Mais en plus, vu la piètre qualité de la comédie, elle aurait remis en cause l'intelligence de son amie... Hors, ce n'était certainement que le voile du deuil qui avait engourdi sa lucidité.

Elle lui a exprimé la raison de sa venue, et j'ai jugé qu'écouter était indiscret. J'ai préféré m'éloigner... Je me méfiais, pourtant. Je savais qu'il se passait quelque chose... Vous allez trouver cela fort futile, mais j'ai trouvé ses mains fort baladeuses. Et cela ajouté à la mauvaise impression que le... le père Thierry m'avait laissée...

En fait, elle n'expliquait pas du tout la situation. Elle était égocentrique, comme d'habitude. Elle racontait ses petits tracas alors qu'à cause d'elle, une femme avait failli se faire violer ! En plus, elle parlait de son pressentiment ridicule comme si son instinct était fiable. Elle avait tapé juste une fois, elle n'avait pas de quoi être fière.

Tu as déjà tout gâché. Tu n'as plus rien à perdre. Au moins, tu l'auras dit.

— Quand il lui a décidé de l'emmener dans son bureau, j'ai eu peur. Pas pour moi, évidemment. Mais... Je le sentais venir. Alors je les ai suivi. Je...

Allait-elle prétendre qu'elle n'était pas indiscrète,en général ? Qu'était-ce pour un mensonge ! Elle ne faisait que se mêler des affaires des autres ! Comme quand elle avait lu le mot d'Alexandre, comme quand elle avait, le matin-même, suivi le ministre jusqu'à la tombe sur laquelle il venait de recueillir. Sa curiosité était malsaine. Mais là... Là, c'était différent.

— Il n'avait pas pensé a fermé la porte. J'ai juste jeté un coup d'œil, pour m'assurer que tout allait bien. Et l'attitude du... du père Thierry était déplacée. Si... Si cela n'avait pas incommodé la dame, j'aurais estimé que tout cela ne me concernait pas. Seulement… Je voyais bien qu'il la mettait affreusement mal à l'aise. J'aurais dû agir à ce moment-là...

Maintenant qu'elle était lancée, elle avait besoin de tout dire. Tant pis si cela tombait dans l'oreille d'un débauché immoral et manipulateur. Tant pis si, une fois son histoire racontée, il l'abandonnait sur le bord de la route. Tant pis s'il se servait en suite de ses aveux pour lui nuire. C'était sans doute ce qu'elle méritait pour avoir été lâche et égoïste. Qu'il la regarde de travers, la moque, et salisse sa réputation. Elle se détestait. Au fond, elle voulait payer. Payer pour ça. Payer pour tout le mal qu'elle faisait autour d'elle. Peut-être que si elle lui disait combien elle avait été gratuitement odieuse avec Alduis, il lui ferait payer assez violemment pour qu'elle n'ait plus à s'en sentir coupable. Pourquoi Alduis lui avait-il pardonné ? Comment osait-il se sentir en tort ?

Et Lavinia ? Pourquoi lui avait-elle pardonné ? Pourquoi la prenait-elle pour sa sauveuse alors que tout ça était de sa faute ?

Chez eux tous, elle reconnaissait les qualités d'Ariste. Cette bonté. Cette volonté de voir quelque chose de bien en elle.

Égocentrique Éléonore. Hypocrite Éléonore. Détestable Éléonore. Stupide Éléonore. Lâche Éléonore.

— Elle a protesté. Elle le trouvait inconvenant. La jeune femme déglutit. Je n'ai rien fait, ne put-elle s'empêcher de préciser. Mais le p... le père Thierry n'avait pas l'air de s'en soucier. Elle essayait de mettre de la distance entre eux. Il l'a acculée contre son bureau. Je n'ai rien fait. Ses gestes se sont faits fort insistants. Il... Il lui a invoqué la volonté du Christ et affirmé que.. Éléonore grimaça. Était-elle vraiment entrain de raconter une telle horreur ? Le dire rendait les choses plus vraies encore. Elle se souvenait de son impuissance, en écho à celle de cette nouvelle amie qu'elle ne faisait rien pour aider. De la détresse qui avait afflué en elle, presque comme si c'avait été elle qu'on agressait. Elle était faible, inutile, fragile, stupide, pathétique.

Pathétique, mais elle avait besoin qu'on la rassure. Elle n'avait pas le droit de se plaindre. Ce n'était pas elle, la victime. Elle, elle était la lâche égoïste qui avait presque laissé les choses dégénérer. Qui aurait pu la convaincre du contraire, sinon celui que la mort lui avait enlevé. Celui qui lui aurait donné la force de réagir plus tôt.

— Il a affirmé que tout allait bien se passer. Elle résistait. Ses gestes se faisaient de plus en plus... Il était sur le point de… C'est là que je suis sortie de ma torpeur et suis intervenue, comme j'aurais dû le faire bien plus tôt.

Avait-elle prononcé le mot "torpeur" ? Décidément, elle n'en manquait vraiment pas une !

— Je suis entrée, me suis précipitée. J'ai saisi l'épaule du ce cet espèce de... de... J'ai saisi son épaule pour le faire reculer. Pour qu'il arrête. Il... Vous rendez-vous compte ? Loin de s'en soucier, il a insisté pour que je lui fiche la paix.

Plus que la culpabilité, ou le doute, c'était une rage froide qui perçait maintenant dans la voix et le regard de la jeune femme. Elle avait rarement détesté quelqu'un. En fait… à bien y penser, elle n'avait jamais su mépriser quiconque de cette manière. Même Antoine, lorsqu'il avait tenté de la tuer, elle ne l'avait pas tant haï. Même Adélaïde de Fléron, qui était pourtant d'une compagnie insupportable, elle ne la détestait pas. Même Alduis, lorsqu'il avait avoué avoir tué sa seule raison de vivre…

— Je sais quelle impression j'ai pu vous donner tout à l'heure, mais je ne suis pas quelqu'un de violent. Cependant… Il entendait que je le laisse faire ! Que je le laisse violer une femme qui... Ma main est partie toute seule. Plus violemment que je ne me serais jamais permis de le faire. Je crois que cela signifiait que je n'étais pas d'accord.

Mais même si elle ne tirait pas la moindre satisfaction ce coup, c'était l'une des seules choses qu'elle ne regrettait pas. Parce qu'il était mille fois mérité. Pour le mal qu'il causait. Pour cette absence de remords.

— Il m'a alors accusée d'un blasphème grave. Avouez que c'était culotté. Et m'a dit qu'il m'enverrait sur le bûcher. Il s'est senti obligé de préciser qu'il m'aurait...

Pourquoi disait-elle tout cela ? Pourquoi ramenait-elle tout le temps tout à elle ?! Il avait sa réponse depuis longtemps : pourquoi s'obstiner à lui donner des détails futiles et surtout… surtout humiliants. Mais Éléonore ne baissa pas les yeux. Il fallait qu'elle le dise. Il fallait que ça sorte. Même si elle n'aurait pas dû avoir le droit de se lamenter – au moins, son ton n'était pas celui d'une plainte, c'était déjà ça – il fallait qu'elle le dise. Maintenant que le souvenir avait rejailli, si elle le gardait en elle, il le rongerait. De toute façon, elle en avait déjà assez dit pour s'humilier mille fois. Coldris de Fromart avait gagné même plus que son cœur : il l'avait poussée à raconter l'un des épisodes les plus dévalorisants de sa vie, sans en effacer des erreurs et sans rejeter la faute sur les autres.

— Qu'il m'aurait trouvée adorable en chemise de pénitente en train de rejoindre mon bourreau, cracha-t-elle. Son regard était… Et ce rictus sur son visage. Il a répété son ordre. Je devais les laisser. Les laisser ! Je vous assure que je ne suis pas violente, mais je pense que ma deuxième gifle était plus puissante que la première.

Il n'y avait aucune fierté dans son ton tandis qu'elle narrait. Il n'y avait pas de quoi être fière. Rien pour se réjouir.

— Je lui ai fait comprendre que ses menaces n'avaient pas la moindre prise sur moi. J'ai répété qu'il était hors de question que je me rende complice de ses crimes. J'aidais, a ce moment, la dame de Kergemont à se relever. Puis je l'ai entraînée dehors et... Et puisque que j'avais plus urgent à régler que ses menaces, je lui ai proposé de l'accompagner à la prévôté dès la première heure le lendemain… Étrangement, cela ne l'intéressait pas. Quand il a compris que Dame Lavinia lui avait échappé, il s'est répandu en excuses. Il a prétendu que si son comportement avait eu quoi que ce fut de déplacé, cela n'était pas voulu. Il a même eu le toupet de le jurer. Inutile, je crois, de préciser que cela ne m'a absolument pas convaincue. Mais comme je le disais, j'avais d'autres priorités.

Éléonore soupira. La partie pénible était terminée. Mais si elle était allée jusque là, elle irait jusqu'à la conclusion. Mais d'abord… Éléonore n'avait jamais été medisante, mais cette ordure ne méritait pas que l'on néglige, dans ce récit, les détails humiliants pour lui.

— J'ai emmené la dame hors de sa portée. C'était le moins que je puisse faire. Et j'aimerais pouvoir prétendre que, d'une certaine manière, elle a pris sa revanche. Elle a désigné un rat et de ce que j'en ai pu voir, son équivalent anthropomorphe a été particulièrement effrayé. De là à nous supplier de l'en protéger. J'aurais aimé être disposée à en rire.

Elle déglutit. La conclusion.

— Je... En ce qui concerne les suites de cette affaire… Je n'ai pas l'impression que madame de Kergemont soit disposée à ce que cette histoire se répande. À vrai dire, je pense qu'elle préfèrerait... Que cela soit tu.  Bien sûr, je n'ai pas voix au chapitre. Mais je pense que si elle préfère croire que... Que c'est un malentendu, ce n'est ni à vous ni à moi d'intervenir. Et... Je ne voudrais pas avoir trahi sa confiance en clairifiant la situation. Même si, si tout ça ne tenait qu'à moi, cette espèce de... Pardonnez-moi. Vous m'avez demandé des faits et je me suis éparpillée...

Je sais que mes tourments n'avaient pas à s'inviter dans mes explications.
Allez-y, maintenant, riez !
Et si vous voulez me nuire, je vous en prie, je ne suis vraiment plus à ça près.
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Message par Coldris de Fromart Mer 23 Déc - 17:10




Coldris avait du mal à dissimuler ce petit sourire de fierté en la voyant discrètement rosir à ses propos. Dehors, dans le froid ambiant, cela serait passé inaperçu. Mais à l’abri des éléments, sa discrète teinte églantine ne laissait pas de place au doute. Alduis avait donc une amie. C’était… Etonnant. D’une part, car il ne lui connaissait pas d’ami tout court et d’autre part, car il fuyait les femmes comme la peste, mais au fond, c’était plutôt bon signe qu’il ait désormais des amis. Et dans l’état dans lequel il se trouvait, c’était sans doute même salutaire.

Lorsqu’il avait proposé à Eléonore, de l’avertir en cas de problème -et très sincèrement-, il ne s’était pas attendu à ce qu’elle rejette son offre, par pure fierté. Mais au fond, cela ne lui plaisait que plus, car lui-même avait cet horrible défaut de refuser toute assistance.

— Seulement à celles que vous voulez endetter, alors ?
- Vous commencez à me connaitre. répliqua-t-il aussitôt charmeur.

Le charme de cette étreinte pleine de tendresse fut soudainement rompu par l’arrivée impromptue d’un sujet sensible qu’il avait lui-même invoqué. C’était typiquement ce genre de moment où il se disait qu’il aurait sans doute pu attendre encore un peu… Mais poussé par son esprit sans cesse en ébullition, il lui avait fallu obtenir des réponses tout de suite. Bien entendu, il fut accusé de duplicité et bien entendu, il accepta ses excuses d’un hochement de tête puis prêta une oreille attentive à son récit.
Elle avait rencontré Lavinia à l’église en même temps que Thierry qui avait eu les mains baladeuses. Somme toute rien d’anormal avec cet animal. Il l’invita à poursuivre d’un discret signe du chef. Il connaissait déjà cette partie. C’était la suite qui l’intéressait. Et il ne fut pas déçu : comme il le pressentait, la fille de Dyonis ne s’était pas « offerte » à lui, loin de lui. Son regard bleuté s’assombrit, en même temps qu’il percevait la gêne mêlée de culpabilité d’Eléonore dont le flot de paroles ne semblait pouvoir se tarir que lorsque tout son fardeau aurait été partagé. Il glissa sur le banc pour venir à ses côtés et lui prendre la main tandis que de l’autre il se massait les tempes d’un air excédé. Il aurait préféré s’être trompé sur toute la ligne, mais elle venait de confirmer ses craintes. Il avait failli violer la fille du baron. Et désormais la seule chose à laquelle il pensait c’était « combien y’en avait-il eu avant ?». Il avait beau avoir une liste impressionnante de conquêtes, il n’en avait jamais forcé aucune et ne le ferait jamais. Mais lui, combien de fois avait-il usé et abusé de son pouvoir en ce sens ? Une sourde colère se répandit dans ses veines.

Ma main est partie toute seule. Plus violemment que je ne me serais jamais permis de le faire.

Il caressait le dos de sa main de son pouce sans la quitter du regard. Dans d’autres circonstances, il aurait ri aux éclats de savoir Thierry remis à sa place par une femme. Mais en cet instant il n’avait pas envie de rire tant les faits étaient graves. Il soupira d’ailleurs lorsqu’elle lui parla des menaces qu’il avait invoquées et de ses plates excuses lorsqu’il avait compris qu’il n’aurait pas ce qu’il voulait. C'était ce maudit curé tout craché. Coldris secoua lentement la tête, puis, lorsqu’elle fut arrivée au terme de ses confidences la serra spontanément dans ses bras pour la rassurer -et aussi égoïstement pour retrouver ce contact qui avait été rompu.

- C’était très courageux et altruiste de votre part d’avoir agi ainsi. Bien peu d’hommes auraient osé s’interposer et encore moins de femmes.

Ou bien c’était totalement téméraire, voire inconscient. Mais qu’importe, son geste forçait le respect, et plus encore, car elle n’avait pas battu en retraite aux premières menaces de mort. Lui-même l’aurait-il fait ? Face à Thierry sans aucun doute. Face à un autre homme, cela aurait sans doute dépendu de la situation…

- Vous n’avez pas à vous en vouloir de quoi que ce soit. Bien au contraire. Pour ce qui est des suites. Je ne compte pas m’en mêler outre mesure. Ce ne sont pas mes affaires, mais d’expérience, ce genre de secret est rarement conservé, alors je ne serai pas étonné que son père l’apprenne rapidement. Peut-être est-ce même déjà le cas. Je vous remercie de m’avoir fait confirmer dans mes hypothèses.


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Message par Éléonore de Fromart Jeu 24 Déc - 1:16

Alors c'était cela. Cette saleté de manipulateur – c'est ainsi qu'elle l'appela en pensées, avec un sourire presque attendri – s'efforçait de l'endetter encore davantage. Alors, peut-être aurait-elle encore l'occasion de se laisser aller contre lui...

Se dégager. Mettre le plus de distance possible entre eux. L'accuser à tort de vouloir couvrir les agissements de ce prêtre ignoble... Elle regrettait sincèrement cette troisième erreur, et présenta se excuses. Comme d'habitude, elle faisait n'importe quoi ! Ce qu'il devait être borné, tout de même, pour ne pas encore avoir renoncé à elle. Ajouter son nom sur son tableau de chasse ne valait tout de même pas l'ennui qu'elle devait lui inspirer. Poursuivre ses objectifs – même lorsqu'ils n'étaient pas forcément admirables – était une preuve de caractère. S'obstiner lorsque ce qu'il y avait à gagner était aussi inutile que le combat était lassant, c'était de la mauvaise foi.

Elle raconta tout. Elle en avait besoin. Elle songeait avec une pointe d'amertume – allègrement voilée par l'ombre du mauvais souvenir – que son récit bancal achèverait de le lasser de sa compagnie.

Quand il se rapprocha, elle sentit sa colère. Mais à la manière dont il lui prit la main, elle comprit que ce n'était pas dirigé contre elle. Visiblement, la cruauté de ce qu'elle rapportait l'avait empêché de voir combien elle avait été minable, combien elle l'était toujours, et combien elle était, surtout, indigne d'intérêt.

Même alors qu'elle embrayait sur son intervention bien tardive et carrément misérable, il ne lui reprocha rien. Il s'était mis à caresser sa main avec douceur, comme si c'était elle qui avait besoin de réconfortée.

Certes, elle en avait besoin. Mais elle n'avait pas le droit d'en avoir besoin. On ne lui avait rien fait. Enfin... Ce n'étaient que des mots qui, même dépourvus de valeur, l'avaient ébranlée. Oui, c'était cela : elle était tellement fragile depuis la mort d'Ariste qu'un rien l'atteignait. Des menaces en l'air, quelques mots humiliants.. Et cela suffisait à l'affliger. Quelle égoïste ! Comment osait-elle se plaindre de quelque chose d'aussi futile alors que son amie avait échappé de justesse au pire...

Oui. Elle agissait bêtement, et un rien l'atteignait. Un rien de méchanceté comme un rien d'attention. Et ce alors même qu'elle savait pertinemment que l'attention en question lui était dispensée par quelqu'un qui ne se souciait pas vraiment d'elle. Qui n'agissait ainsi que pour pouvoir la mettre dans son lit et revendiquer une conquête de plus. Elle était tellement sotte qu'en dépit de cela, elle avait accepté de dîner à sa table. Elle l'avait embrassé. Elle avait trouvé en lui quelque chose de touchant, bien plus attirant que d'analyser les rouages de ses manipulations. Elle avait, pendant quelques minutes, ri et réellement oublié sa douleur – tout en se comportant de manière parfaitement indécente, certes.

Elle avait pensé à lui. Ses baisers la marquaient encore, et ses lèvres avaient réclamé son retour. Oui, elle avait pensé à le revoir. Elle avait rejeté l'idée, bien entendu, car elle savait que ce désir n'était que L'expression de son trouble : elle ne savait plus où elle en était depuis longtemps. Sans cela, ce peu d'attention ne l'aurait pas tant marquée. Elle n'aurait pas été finalement heureuse de le rencontrer par hasard. Ni si apaisée dans ses bras.

Et ce qu'elle n'aurait certainement pas fait, c'est y retourner lorsqu'il l'étreignit. Ses paroles étaient rassurantes, elle avait tellement envie d'y croire. Tellement envie de penser qu'elle était réellement courageuse et altruiste – comme Ariste l'avait été – et son cette espèce d'incapable égoïste et lâche qu'elle était en réalité.

Et qui réfléchissait trop, juste pour se pourrir la vie.

Voilà, tu vois : il mène encore le jeu. Il fait mine de te flatter, de te réconforter, de s'intéresser à toi pour que tu sombres plus facilement. Et toi, sotte que tu es, même si tu le vois, tu ne t'y opposes pas.
Faible, si faible. Tu lui prouves que tu n'as aucun caractère, voilà tout. Heureusement pour toi, il ne doit même pas compter les pauvres gourdes qu'il a eues a ce jeu-là.


Mais après tout, si c'était si agréable, quel mal y avait-il à le laisser gagner. Il savait bien qu'elle était faible, inutile et lassante. Elle n'avait même plus d'image à sauver devant lui.

Oui, quoi qu'elle fasse, il l'aurait. C'était une question de temps. C'était après, quand il la jetterait, que les dégâts seraient terribles. Alors autant profiter de l'avoir tant qu'il était là.

Tant qu'il lui disait qu'elle n'avait rien à se reprocher – elle ne voulait même pas entendre ce qu'il présageait pour cette sombre affaire. Elle se blottit contre lui. Elle y était si bien. Juste leurs respirations lentes. Juste ses bras réconfortants autour d'elle. Juste la paix, comme elle l'a trouvait rarement. Si se laisser berner par un séducteur immoral, débauché et manipulateur permettait, même brièvement, de se sentir si légère… Eh bien alors, elle ne regrettait pas d'être si faible de caractère. Ni qu'il ait le talent et la patience de parvenir à ses fins si, pour cela, il lui procurait tant de réconfort.

Combien de temps aurait-elle pu rester tranquille dans ses bras ? Combien de temps s'était-elle réellement oubliée contre son épaule ? Sans être assaillie par ses doutes. Une trêve accordée par sa souffrance perpétuelle – une véritable trêve, pas une vulgaire mise en sourdine – négociée et obtenue par Coldris de Fromart.

Éléonore sentit un moment ses paupières s'alourdir. Il fallait dire qu'elle dormait trop peu. Et rarement d'un sommeil agréable. Mais, sans que la sérénité n'éclate tout à fait, elle reprit une part de ses esprits. Dont cette part d'orgueil. Elle ne pouvait tout de même pas s'endormir dans ses bras ! Ne fût-ce que par respect pour elle-même. Enfin... N'avait-elle pas cessé de se respecter au moment où elle avait essayé de se tuer ? Puis, encore une fois, quand elle s'était rendue à ses baisers ?

Il pouvait être fier de lui : il la tenait. Elle était perdue, et l'idée l'en fit presque sourire. Il devait vraiment être très doué pour la piéger ainsi, et lui rendre agréable l'idée même de le voir triompher.

Elle tourna légèrement la tête, et libéra délicatement son bras pour que sa main puisse remonter jusqu'à la joue de Coldris. Elle se plongea dans son regard avec un sourire serein.

— Vous savez : c'est très déloyal de votre part de profiter ainsi de mon trouble, déclara-t-elle dans un reproche simulé avant de l'embrasser.

Merci, Coldris. Vous vous en fichez, et vous ne pouvez pas comprendre... Mais merci.
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Message par Coldris de Fromart Jeu 24 Déc - 10:07




Depuis quand, lui, Coldris de Fromart réconfortait-il quelqu’un ? Elle avait placé sa tête contre son épaule, et lui, la sienne sur ses cheveux bruns. Son regard se perdait vers le paysage mouvant qui défilait au travers de la vitre. Une douce langueur commençait de nouveau à l’envahir, chahuté uniquement par les tressautements intermittents de la voiture. Pourquoi personne ne comblait-il donc ces foutus trous sur la chaussée ? Apaisé par l’odeur de romarin et bercé par le grincement cyclique des roues, il se laissa aller à fermer ses paupières.

Depuis quand réconfortait-il quelqu’un ? D’abord Alduis. Maintenant elle. Que se passait-il donc ces derniers temps pour faire voler en éclats toutes ses certitudes ? Depuis deux ans, toute lumière avait disparu de son monde. Il cheminait dans l’obscurité la plus totale, sans voir où il mettait les pieds ni où il allait. Combien de fois s’était-il égaré de sa route sans s’en rendre compte ? Et puis il y avait eu le diner. Le diner où subitement, tous les chandeliers soufflés s’étaient rallumés, illuminant de nouveau les alentours, pour un bref instant, avant de les replonger dans les ténèbres. Mais lorsqu’elle était là, il y avait toujours cette petite lueur, quelque part. C’était comme… Il eut un sourire. Assurément ce nouveau surnom ne manquerait pas de lui plaire.


L’amour rend faible, Coldris


Il l’était déjà. Faible. Fragile. Plein de fissures et de failles qui ne cessaient de s’agrandir un peu plus chaque jour. Il allait finir par se briser. Ce n’était qu’une question de temps désormais. Un peu plus ou un peu moins… Ils étaient tous partis les uns après les autres le laissant seul pour affronter ce profond vide qui s’étendait en lui depuis deux ans. Ce vide qu’avait laissé Virgil durant cette foutue année 1595. Cette foutue année où son ami l’avait quitté sans même un adieu ni une ultime remontrance, cette foutue année où c’était un fantôme qui était revenu à Fromart, tout juste un cadavre recouvert de chair à l’œil morne et aux paroles acerbes.

Il y avait toujours cette fragrance de romarin qui flottait, apaisante, sous ses narines et le ramenait sans cesse à son propre parfum aux accents méditerranées mêlées d’agrumes et de cèdre. Une simple coïncidence. Pourtant ils partageaient plus qu’un simple végétal en commun. Il l’avait compris ce soir-là, lors du diner : elle avait aussi sa blessure qui se prénommait « Auguste » -ou quelque soit son nom. Ils avaient beau être bien différents, ils se ressemblaient à bien des égards. Comme leur parfum, ils étaient deux flacons ébréchés.


Quand on est deux, on est plus fort, parce qu’on accepte de partager des faiblesses,
et si l’un complète bien l’autre, alors ces faiblesses s’annulent.


Mais que se passait-il lorsque l’on partageait les mêmes faiblesses ? Et elle n’était même pas là pour lui répondre. Elle aussi l’avait abandonnée. A qui pouvait-il désormais confier ses doutes, ses craintes, ses récits et ses multiples questions ? Qui pouvait lui ouvrir les yeux ? Qui pouvait lui dire ses quatre vérités avec autant d’adresse ? Qui pouvait lui redonner le courage d’avancer ? Personne. Il était seul désormais. Il devrait trouver ses réponses, seul. Il se rattachait à l'unique certitude qu'il avait: sa compagnie était une douce chaleur qui comme un cataplasme d’argile apaisait ses plaies. Pourquoi s'en serait-il privé?

Entre ses bras, il la sentit bouger et ouvrit instantanément ses paupières attrapant de justesse ses jolies prunelles aussi sombres que ne l’était sa propre âme, mais intensément plus lumineuse. Sa main, encore bien chaude de leur étreinte, remonta jusqu’à sa joue.

— Vous savez : c'est très déloyal de votre part de profiter ainsi de mon trouble

Il n’eut pas le temps de répondre par autre chose qu’un sourire que déjà ses lèvres l’emportaient dans un baiser plein de tendresse qu’il ne pouvait -et ne voulait- refuser.

- Vous voulez toujours m'accompagner au théâtre ? J’irai la semaine prochaine. Votre compagnie est la bienvenue, ma petite luciole.

Oui, c’est ce qu’elle était lorsqu’elle était présente : une petite luciole qui voletait au-dessus de son chemin, la seule petite étincelle dans un monde d’obscurité. Une luciole qui de temps à autre se muait en feu follet et inondait de lumière les alentours.

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Message par Éléonore de Fromart Jeu 24 Déc - 14:41

Elle l’avait embrassé. Parce qu’elle s’était sentie bien. Puis, elle avait reposé la tête contre son épaule. Elle était épuisée. Terriblement lasse de lutter contre la souffrance. De lutter contre la mort qui lui murmurait des mots doux, et lui rappelait encore qu’il serait beaucoup plus facile pour elle d’abandonner.

La paix qui l’avait envahie était certes bien moins définitive, mais elle n’était pas moins agréable, au contraire. Et elle n’impliquait pas de trahir Ariste en bafouant sa dernière volonté. C’était alors certainement un bon compromis.

Mais si elle se posait ce genre de question, c’était bien que cette légèreté l’avait déjà abandonnée. Ses réflexions harcelantes revenaient à l’assaut. Se rendait-elle compte de ce que représentait son attitude ? Elle laissait un inconnu la réconforter. Elle laissait devant lui transparaître sa cruelle faiblesse. D’accord, elle agissait bêtement, ces derniers temps. Mais ça…

Pourtant, elle ne pouvait nier qu’elle appréciait sa présence. Elle percevait en lui une sorte… d’écho. C’était insensé.

Depuis qu’Ariste l’avait abandonnée, elle s’en remettait à n’importe qui. D’abord, la manière dont elle s’était confiée à Alduis… Mais cela, encore, cela pouvait se justifier. Car il l’avait connu. Parce qu’Ariste l’avait aimé, et que cela leur faisait un lien. Mais cette fois…

— Vous voulez toujours m'accompagner au théâtre ? J’irai la semaine prochaine. Votre compagnie est la bienvenue, ma petite luciole.

Luciole. Curieux. Mais attendrissant. Alors, c’était comme ça qu’il allait parvenir à ses fins ? Avec quelques mots doux ? C’était avec cela, qu’elle allait succomber ? Des surnoms touchants ?

Sa main glissa de la joue de l’homme, et atterrit, par hasard, contre son coeur.

Elle hésita un peu, pour se donner bonne conscience. Parce qu’après tout, cela impliquait concrètement de le revoir… Mais surtout, de le revoir ouvertement. Après ça, il tiendrait sa réputation. Après ça…

— Je viendrai.

Qu’importe quand était-ce précisément. Qu’importe ce qu’il faudrait inventer pour échapper à la vigilance d’Eltinne. Qu’importe que cela finisse par s’apprendre. La semaine prochaine… Cette fois, elle ne prendrait pas le risque de passer douze longues journées sans le voir. Pas alors que son séjour à la capitale filait.

Mais… Elle ne savait plus quoi faire. Ni quoi dire. Elle voulait juste rester contre lui. C’était injuste, tout de même ! Comment faisait-il ? Et elle ! Incapable ! Inutile ! Alors ? Combien de temps la tolèrerait-il ainsi avant de comprendre qu’elle ne l’intéressait pas ?

Le plus longtemps possible, se surprit-elle à espérer.
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Message par Coldris de Fromart Jeu 24 Déc - 22:12




Coldris suivi du regard cette main qui glissa de sa joue jusqu’à sa poitrine. Là. Juste sur son cœur qui battait paisiblement. Allait-elle accepter ? Il avait toujours d’autres arguments à avancer pour la convaincre d’accepter le cas échéant. Il scrutait ses deux onyx patiemment en attendant le verdict.

- Parfait. Je vous ferai parvenir l’horaire

Sans préciser s’il s’agirait d’un billet -en clair ou peut-être codé- ou encore d’une information qui lui arriverait par un autre biais. Son esprit fourmillait déjà d’idées aussi diverses que variées. Il ne montait plus aux fenêtres, mais cela n’entachait en rien sa créativité, notamment lorsqu’il s’agissait de tromper les cerbères. Certes, sans complice c’était moins évident, cela n’en demandait que plus de réflexion. Et qui disait réflexion, disait divertissement.

Si son regard voguait toujours au travers des vitrages, là où la cité s’estompait de nouveau peu à peu pour laisser place aux faubourgs plus dégagés qui indiquaient que l’on se rapprochait de Fromart ; son esprit lui égrainait déjà l’ensemble des possibilités à disposition, les unes après les autres, jugeant tant de leur efficacité que de leur style. Sans vraiment se rappeler par quel enchainement de pensées il en était arrivé là, il se souvint d’un coup qu’elle avait évoqué s’être disputé avec son fils. Oh ce n’était qu’un mensonge. Ou peut-être pas. Car elle était déjà en train de mentir sur le reste, or tout le monde savait que les meilleurs mensonges avaient une part de vérité pour assurer leur crédibilité.

- Alors comme ça vous vous êtes brouillé avec Alduis ? demanda-t-il avant d’ajouter d’un ton moqueur C’est parce qu’il sort en chemise en plein hiver ou parce qu’il se rend plus souvent à l’église qu’il ne mange ?

Il étouffa un petit rire. Aujourd’hui cela réussissait à l’amuser, mais avant qu’il n’assiste à sa tentative de suicide, cela n’aurait fait que l’agacer un peu plus d’avantage. Ca et ce nombre incalculable de provocations dont il pouvait faire état. Heureusement depuis ce jour, leur relation -sans être bonne- s’était nettement améliorée et surtout apaisée.

Il réalisa en même temps qu’il venait de la poser que cette question allait peut-être de nouveau mettre fin à ce paisible moment qui s’était installé. Mais tout avait une fin n’est-ce pas ? Depuis quand se plaisait-il ainsi à grappiller quelques secondes supplémentaires ? Plus rien ne tournait décidément rond ces derniers temps…

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