[Juillet 1589] Des sœurs contraires

par **Cassandre Velasquez** Dim 17 Oct - 22:19

[Juillet 1589] Des sœurs contraires Sophie10

[Juillet 1589] Des sœurs contraires Cassan41

Agathe Velasquez, 17 ans
Sophie Velasquez, 16 ans
Cassandre Velasquez, 5 ans

Comme chaque jour au sein de la petite ferme Velasquez, le père et le fils s'étaient levés de bonne heure pour se rendre dans leurs vignes et soigner les ceps durant les dernières semaines avant le commencement des vendages. Agathe se réveilla une heure après eux de mauvaise humeur et descendit à la cuisine pour travailler à la confection des pâtés. Ses pensées s'agitaient et s'orientaient vers les jeunes filles de son âge qui sortaient plus facilement qu'elle clouée dans cette maudite maison depuis le décès de sa mère. Sophie la rejoignit vers sept heures, aussi gaie qu'à l'accoutumée, accompagnée de la benjamine qui sautillait dans les marches. L'aînée se retourna et la fusilla du regard.

"Cassandre, tu arrêtes ! On marche dans une maison ! On ne court pas !"

"Ben, je cours pas, je saute !"

Sur cela, la fillette répliqua en tirant la langue, fière de sa répartie, et continua à sautiller dans la cuisine.

"Cassandre, ça suffit, j'ai dit !"

Sophie intervint pour prendre l'enfant dans ses bras et lui murmurer quelque chose à l'oreille. Elle se calma immédiatement et avança d'un pas léger pour prendre sa poupée restée près de la cheminée. L'aigreur remonta en Agathe. Comment sa cadette parvenait-elle à se faire obéir de cette peste ? C'était censée être l'aînée, la responsable après leur mère. Leur mère... Elle aussi savait se faire obéir de Cassandre sans que celle-ci ne rechigne ou ne boude. Qu'est-ce qui lui manquait ? Qu'est-ce qu'elle faisait mal ? Agathe rejoignit la benjamine et indiqua du doigt la boîte à couture.

"Tu vas quand même pas jouer ! Tout le monde travaille ici ! Et tes robes deviennent trop petites ! Alors, tu vas coudre ! Tout de suite !"

Cassandre, qui berçait sa poupée, releva la tête et soupira. Elle savait que dans cet état Agathe ne supportait pas d'être contrariée. Il fallait jouer plus finement. Elle se leva docilement et alla s'installer près de la boîte à ouvrage pour commencer à coudre. Son regard suivait en même temps son aînée qui retournait à la préparation des pâtées, aidée par Sophie. Elle attendit quelques minutes, puis demanda d'une voix qui se voulait innocente :

"Dis, Agathe, pourquoi mes robes deviennent trop petites ?"

"Parce que tu grandis."

La réponse était mécanique mais calme.

"Ah oui... Mais pourquoi je grandis ?"

Sophie éclata de rire.

"Bah, tu vas quand même pas rester petite toute ta vie, si ?"

"Ah bon... Alors si je grandis, c'est pour devenir adulte, c'est ça ?"

"Voilà. Maintenant travaille !"

"Oui, oui... Mais pourquoi on devient adulte ?"

Agathe poussa un long soupir dabs lequel s'entendait le désespoir.

"Parce que ! Suffit maintenant ! Travaille !"

Tout en continuant à coudre, Cassandre redressa la tête, avec une innocence qui se voulait toujours naturelle, et demanda d'une petite voix :

"Pourquoi tu t'énerves, Agathe ? j'ai dit quelque chose de mal ?"

"Parce que tu es énervante, Cassandre !"

"Moi ?"

"Oui, toi !"

Sophie saisit le bras de son aînée et lui jeta un regard de travers. Agathe souffla, de plus en plus aigrie. Derrière son air innocent, Cassandre ne perdait rien du spectacle. Cela touchait au but. Elle aurait bientôt gagné. C'était même trop facile.

"Et si tu laissais Cassandre sortir ? A son âge, on a besoin de beaucoup de dépenser."

"Pendant que nous on travaille ?"

"A son âge, maman nous laissait sortir. C'est elle qui causait et réparait nos vêtements. On a jamais participé aux tâches ménagères, sauf l'hiver."

"Eh bien, moi, j'ai décidé qu'elle resterait ! Je ne suis pas maman !"

Cassandre se releva et s'approcha, dévoiler un sourire de carnassier.

"C'est vrai. Maman était gentille, elle."

Sophie poussa un long soupir, découragée.

"Oh non..."

"Je ne te permets pas me juger, toi !"

"Si tu me laisses sortir aujourd'hui toute la journée, demain, je ferai tout ce que tu me demandes sans me plaindre. tu en dis quoi ?"

"Je ne négocie pas avec une gamine !"

"D'accord. Mais pourquoi tu négocies pas ?"

"Je ne répondrai pas, Cassandre !"

"Pourquoi ?"

"Cassandre !"

" Oui, Agathe ?"

L'aînée ferma les yeux, excédée, et grogna.

"Ca suffit ! Dégages ! Sors ! Je ne veux plus te voir !"

Cassandre esquissa un sourire de triomphe, puis secoua la tête.

"Non."

"Quoi ? Mais tu as demandé à sortir !"

"Oui, mais tu as refusé ma première négociation. Alors, il en faut une seconde. Alors, si tu veux que je sorte, je veux trois jours de liberté et après je ferais une journée de travail sans me plaindre."

Agathe poussa un grognement rauque et éclata de colère.

"Eh bien, prends une semaine, vas y ! Je m'en fiche ! Dégage ! Disparais !"

Cassandre pouffa, fière de sa réussite, et s'empressa de quitter la maison, pressée d'aller enfin jouer. Agathe claqua les poings sur la table, furieuse, alors que Sophie, sans la moindre jugement, vint entourer les bras autour de ses épaules.

"Il faut que tu arrêtes de vouloir tout contrôler, sœurette. Tu ne peux pas vivre comme ça."

Agathe se redressa, drapée de sa fierté, et lui adressa un regard méprisant.

"Je suis qui je suis et je vis parfaitement de cette manière."

Sur cela, elle retourna à la préparation des pâtés, sévère, alors que Sophie la contempla quelques instants, les yeux remplis de tristesse, peinée de ne plus trouver le chemin du coeur de son aînée.

FIN