[1 - 9 janvier 1598] A la source de la foi

Cardinal Matthieu Cassin, 31 ans

Les y voilà…

L’immensité.

L’inconnu.

Cela aurait dû lui faire peur, pourtant Matthieu se sentait soudain revigoré par cette sensation de vide. Il respira une bonne goulée d’air frais. Certes, il faisait bien froid mais les bottes bien chaudes que Cecilia leur avait dégottées lui faisait oublier tout désagrément. Il n’avait plus qu’une idée : marcher ! Allez tout droit, vers la source de Sainte-Bélyl. Vers la source qui lui donnerait, il l’espérait, des réponses à ses questions.

Il avait l’impression de marcher comme au jour de sa communion à la rencontre de sa foi, aujourd’hui perdue. Si Dieu souhaitait qu’il poursuive sa route, il lui enverrait sans aucun doute un signe. En tous cas, il l’espérait au plus profond de lui.

Il redressa son sac bien chargé sur ses épaules et descendit de la motte de terre sur laquelle il était monté pour observer le chemin. Le sentier du pèlerinage était encore bien tracé. Ils n’auraient aucun mal à le suivre, même dans la neige !

Souriant, il se retourna vers Cecilia.

- Tout va bien ? Alors, comment trouvez-vous cela pour le moment ?

Cecilia n’aurait jamais cru vivre cela un jour. Tout cette nature, pour elle qui ne connaissait pratiquement que le centre de sa Rome natale, c’était impressionnant ! C’était eux, les étrangers, comme les buissons sauvages en pleine rue, même si, à l’instar de ceux-ci, ils semblaient se fondre dans le paysage en quelques sortes.
C’était en tout cas particulièrement le cas pour la jupe de Cecilia, qui pesait à cause de l’humidité de la neige, mine de rien. Heureusement, celle-ci ne remontait pas tant et ne l’empêchait donc pas d’avancer et de s’émerveiller face au paysage. Et puis ce n’était qu’un détail, elle n’allait pas se focaliser là-dessus ! Le plus important était que le cardinal soit heureux et il en avait bien l’air ! Elle était ravie de le voir ainsi et ne doutait pas que ce serait encore mieux quand ils seraient à la source.

Quand il s’arrêta pour observer leur chemin, elle s’autorisa à poser son sac pour se reposer un instant les épaules et s’agenouiller. Elle n’avait pas l’habitude de la neige et le peu qu’elle en avait vu était boueux ou ramassé sur les côtés par les véhicules et les chevaux. Là, elle la voyait intacte et magnifique. Elle en prit une boule dans ses mains, ravie d’avoir pris des gants chauds, et se releva quand le cardinal s’adressa à elle. Elle acquiesça vivement, un immense sourire aux lèvres.

« C’est merveilleux ! Toute cette nature et toute cette neige ! Et c’est d’un calme ! C’est vraiment magnifique ! Et vous, tout va toujours bien pour vous ? »

Cardinal Matthieu Cassin, 31 ans

Les jupes de Cecilia semblaient bien mal s’accorder avec le temps hivernal mais la jeune femme ne se plaignait guère, ce qui forçait l’admiration de Matthieu. Elle semblait s’en sortir bien mieux qu’il ne l’aurait fait lui-même. En même temps, avec sa maladresse, il aurait été bien mal avisé de naître femme, quoique c’eut pu lui épargner des ennuis. Dans un couvent, au moins, il n’aurait certainement pas condamné de braves gens à une mort horrible.

En y repensant, son cœur se serra mais il se força à ne plus y penser en offrant sa main à Cecilia pour lui venir en aide. Il la vit surtout s’émerveiller de la poudreuse et ne put que s’en attendrir. Il sourit en formant lui aussi une petite boule.

- Oui, en effet… C’est certainement là que nous voyons le mieux la beauté que nous a offert à voir le Tout-Puissant. Ma mère disait souvent que la Nature était la plus grande preuve de Ses bienfaits…

Il se releva et regarda autour de lui avant de prendre la carte qui résidait dans une de ses poches.

- Absolument ! Je ne me suis jamais senti aussi bien et aussi vivant ! Alors… Selon la carte, nous devons encore marcher un peu et nous arriverons dans un village charmant, avec une très belle chapelle. Il est conseillé de s’y restaurer et d’aller prier Christophe, le saint patron de la chapelle en question pour notre voyage.

Cecilia ne put cacher sa surprise à l’offre d’aide du cardinal mais elle ne cracha pas dessus. Elle aurait été bien mal avisée d’assurer n’avoir pas besoin d’aide, vu comme elle peinait à avancer dans cette neige. Elle saisit donc sa main en soufflant un timide remerciement et continua à avancer avec lui.

Quand ils s’arrêtèrent, son sourire s’étira encore en le voyant lui aussi former une petite boule de neige, un peu plus grande que la sienne toutefois mais ses petites mains ne pouvaient contenir mieux. Elle observa de nouveau les alentours en l’écoutant.

« Je ne peux qu’être d’accord avec elle. C’est si beau… »

Elle ne cacha pas non plus sa joie en quand il lui confirma qu’il se portait au mieux et, si elle n’avait pas eu sa petite boule de neige entre les doigts, elle en aurait battu des mains. Elle avisa plutôt la carte avec lui et hocha la tête en essayant d’imaginer le village.

« Parfait, continuons alors ! Au milieu de tant de beauté, ce village doit être magnifique ! Je repars quand vous vous sentez prêt ! »

Cardinal Matthieu Cassin, 31 ans

Matthieu vit que Cecilia était étonnée mais se contenta de sourire. Il fallait bien qu’il l’aide un peu tout de même. Il forma sa petite boule de neige avec elle et lui sourit.

- En effet…

Il secoua la tête.

- Mais ne nous laissons pas trop distraire, nous avons encore un peu de marche à faire !

Il rangea tranquillement la carte puis ils s’engagèrent sur le chemin et ne tardèrent pas à voir le charmant petit village s’offrir à eux. Il s’illumina et se tourna vers Cecilia, ravi.

- Regardez ! La carte avait raison, cette chapelle est splendide !

Il descendit la colline pour arriver dans le bâtiment religieux. Il poussa doucement la porte et se signa. Il observa alors l’architecture et fut estomaqué par tant de beauté venant d’une petite chapelle de campagne. Les vitraux était d’un doux coloris, lançant de la lumière sur les pavés qui faisaient résonner ses pas. Il admira la finesse des matériaux, la délicatesse dans la simplicité de la pierre taillée. Il s’attarda particulièrement devant une charmante statue de Marie qui se trouvait non loin de l’autel. Il soupira d’aise en reconnaissant cette figure familière qui l’avait suivi toute son enfance. Il sourit alors puis, après s’être incliné, joignit les mains pour prier la Sainte Mère.

Elle acquiesça avec aplomb. Ça, oui, ils ne devaient pas s’oublier ! Elle reposa sa petite boule de neige par terre pour reprendre sa jupe et avancer. Elle s’émerveilla en voyant apparaître peu à peu le petit village et approuva le cardinal.

« En effet ! Elle est très belle ! Toutes les chapelles de campagne sont-elles ainsi ? »

Elle descendit la colline en prenant bien garde à l’endroit où elle mettait les pieds et entra derrière lui en se signant avant d’admirer les jeux de lumière et les décors. C’était différent des chapelles du Lazio mais tout aussi charmant !
Elle rejoignit le cardinal et sourit en le voyant face à la statue. Elle demeura un peu en retrait pour le laisser avec elle mais pria également, pour lui, pour ses sœurs à Rome et pour ses amis de Braktenn.

Cardinal Matthieu Cassin, 31 ans

Matthieu observa avec Cecilia la chapelle et acquiesça.

- Nous en avons de très belles dans le pays ! Et notamment sur notre chemin, nous en avons plusieurs qu’il est conseillé de visiter.

Il lui sourit alors qu’il entrait dans la petite chapelle. Alors qu’il se ressourçait dans la prière, il sentit la présence réconfortante de Cecilia à son côté. Il lui sourit puis se rendit auprès de la statue de Saint Christophe près de laquelle il déposa un cierge. Il le pria que afin que leur voyage soit beau et éclairant. Puis il attendit que Cecilia ait fini avant de lui indiquer la sortie.

- À present, un bon repas nous attend !

Les yeux de Cecilia pétillèrent à la réponse du cardinal.

« Eh bien ! J’ai vraiment hâte de les découvrir ! »

Elle lui rendit son sourire quand ils prièrent, ravie, et le suivit pour déposer un cierge également afin que leur voyage se déroule bien et qu’ils en ressortent grandis. Quand elle s’en écarta, elle se rendit compte qu’elle avait effectivement faim et hocha joyeusement la tête.

« Je vous suis ! »

Elle le fit toutefois à pas rêveur, le nez levé pour observer l’architecture et les sculptures de la chapelle le plus longtemps possible.

Cardinal Matthieu Cassin, 31 ans

Matthieu hocha la tête et pressa le pas. Alors qu’il priait dans la chapelle, il soupira, se sentant quelque peu déchargé de sa tension. Il demeurait plein d’interrogations et espérait avoir quelques réponses. Il regarda un instant Cecilia puis hocha la tête. Il la conduisit à l’auberge. Là, il paya l’aubergiste puis se délassa un peu. Il se massa la nuque.

- Nous… nous avons encore un bout de chemin à faire… J’espère que cela ne vous dérange pas.

Elle avait l’air heureuse mais l’était-elle réellement ? Après tout, il avait l’impression de l’avoir un peu entraîné dans là-dedans sans lui avoir demandé son avis. Après tout, sa foi à elle allait très bien, elle avait toujours été très bien… Elle n’était pas obligée de faire tout ça.

Une fois qu’ils furent à l’auberge, Cecilia en profita pour se reposer également, pas fâchée de pouvoir s’asseoir. Elle se redressa toutefois à la question du cardinal, dont elle vit l’inquiétude. Elle s’empressa de secouer la tête.

« Pour rien* ! J’aime beaucoup découvrir ce pays ! »

Elle se mordit la lèvre, plus timidement.

« Mais vous, ça ne vous dérangera pas ? Vous avez l’air d’avoir besoin de vous reposer. »

Cardinal Matthieu Cassin, 31 ans

Matthieu ne pensait déjà plus à la douleur, tout occupé à se figurer le chemin qu’ils devraient suivre ensuite. Il releva les yeux vers Cecilia et mit un instant à plisser les yeux. Il finit par comprendre et se massa les yeux. Il avait visiblement bien besoin de faire une pause s’il ne comprenait plus les incursions en italien de Cecilia !

- Bien, alors c’est parfait !

Il étouffa un bâillement et secoua la tête.

- Pas du tout, c’est revigorant !

Il rentra les épaules. C’était bien peu comparé à tout ce qu’il avait fait subir… Matthieu soupira.

- Je dois le faire… Ce n’est pas une option…