[12 janvier 1598] Au bois se cueille aussi l'inspiration [Terminé]

Kalisha n’était pas rassurée. Ce n’était pas ce qui était prévu et ce n’était pas sans risque. Et puis, si devant Boréalion elle se serait laissée aller à plus de familiarités face à Sylvère, désormais elle ne savait plus. Des arrestations et des procès, elle avait eu plus que suffisant ces dernières semaines. Il était hors de question que cela se reproduise. D’autant plus qu’elle avait obtenu du Premier Conseiller la suspension de ses charges et non leur effacement. Un seul faux pas et ce serait la roue. Alors la reine de la forêt se raccrocha à la confiance de son amie pour puiser dedans.

Ce qu’elle comprenait de l’écrivain c’était qu’elle s’était imposée de force et elle n’aimait pas cela du tout, néanmoins, ses paroles suivantes se montrèrent rassurantes et elle acquiesça.

— Enchantée, Madame Martéis, ajouta-t-elle avant que Florentyna ne poursuive sur le secret.

L’on était jamais trop prudent. D’ailleurs où était son roi ? Elle n’eut guère plus le temps de fouiller la cime des arbres qu’un garçon se trouvait soudainement face à eux sur une branche. Elle haussa un sourcil d’étonnement. D’où sortait-il ? Ou plus exactement : que faisait-il ici ? Elle ne l’avait jamais vu auparavant. Elle aurait bien rétorqué qu’elle était la reine et qu’elle ne payait pas d’impôts, mais apportait des présents, sauf qu’elle n’était définitivement pas seule. Bon pour la crédibilité, on repasserait. Elle esquissa un sourire et observa son amie remettre ses dons.

Joueuse, elle se décida finalement, à intervenir à son tour :

— Mais depuis quand le roi délègue-t-il l’accueil de ses éminents visiteurs ? Voilà qui est fort vexant. fit-elle en appuyant le dernier mot tandis que ses prunelles d’obsidiennes s’élancèrent dans les branchages à la recherche d’une silhouette familière.

Attention pour la sensibilité de vos âmes, ce post de Nicolas est... absolument choupi, à vous faire fondre complètement. Voilà. Vous êtes prévenus ^^:

Nicolas Beaurin, 11 ans

Kalisha se demandait d’où sortait cet enfant lorsqu’il laissa échapper son titre forestier. Elle se pinça les lèvres. Bon. Pour la discrétion c’était de toute évidence raté, mais elle n’allait pas en rajouter sur le sujet et fit donc comme si elle n’avait rien entendu de tout cela. De toute façon, Sylvère ne tarda pas à sortir de sa cachette tout en restant perché comme à son habitude.

Au son de sa voix, elle leva des yeux pétillants vers ceux de son amant.

— Vous prenez de l’avance, Sire. Avez-vous prévu de faire agrandir votre palais en conséquence ? questionna-t-elle espiègle.

Kalisha ne le quitta du regard que pour écouter Boréalion – Célénian pour aujourd’hui – se présenter ainsi que sa sœur avant de revenir à son majestueux souverain.

— Il s’agit de l’écrivain dont je vous ai parlé. et lirait dans ses pupilles que sa sœur n’était pas prévue au programme des retrouvailles.

Non décidément, Kalisha ne s’en remettrait jamais. Elle trouvait cela fort mal élevé de sa part d’oser s’imposer de la sorte et cela ne lui plaisait guère qu’importe qu’elle soit adorable ou fiable, il y avait des règles élémentaires qu’on ne franchissait pas. Cependant, la remarque du petit Nicolas eu raison de sa sévérité passagère et lui arracha un léger rire.

— Oh oui c’est un célèbre brigand ! Il tisse des filets de mots pour tendre des pièges à ses victimes puis leur dérobe leur cœur ! déclara la reine sans parvenir à conserver son sérieux.

Ceci dit, il y avait bien une part de vérité dans tout cela. Elle était juste… arrangée. Ce qui la dérangeait le plus, c’était surtout de ne pas pouvoir grimper à son tour dans l’arbre pour aller le serrer dans ses bras. Même si elle avait pu, elle ne l’aurait jamais fait devant des étrangers, car c’était ce qu’ils étaient : des étrangers du royaume forestier.

Elle avait beau être la reine ici, Kalisha s’effaça pour devenir aussi discrète que pouvaient l’être les petits animaux de la forêt. Sa relative bonne humeur de façade ne parvenait pas à se concrétiser. Elle eut un sourire au petit Nicolas qui évoqua leurs nombreux domestiques. Oh oui, il avait raison, les nobles ne savaient rien faire de leurs propres mains. Il aurait dû voir la tête des hommes et femmes de cuisine à leur demande saugrenue…

Et Sylvère avait beau tenter de la rassurer muettement, elle n’arrivait pas à s’apaiser. Il y avait toujours cette ombre qui volait autour d’elle depuis le bûcher. C’était ridicule elle le savait, mais c’était là aussi vif que les cris qu’elle entendait toujours par moment. Elle se referma sur elle-même comme un petit cloporte exposé au danger.

Que faisait-elle ici ? Elle n’en était plus sûre. Faire se rencontrer Boréalion et Sylvère ou Célénian et Ysengrin, certes, mais ils n’avaient besoin d’elle n’est-ce pas ? Kalisha se décala légèrement jusqu’à pouvoir poser sa main contre un tronc. Elle aurait voulu rentrer chez elle. Sauf qu’elle ne savait plus bien où se situait ce chez elle. Son roi affirmerait que c’était ici pourtant elle ne pouvait y demeurer alors comment cela pouvait-il être chez elle ? Mieux valait sans doute rentrer à Monthoux que de gâcher la rencontre avec son humeur maussade qu'elle se forçait à dissimuler.

A la mention d’Alexandre, elle tourna instinctivement la tête pour écouter la réponse quand bien même elle ne comprenait toujours pas comment il avait pu trahir son ami d’enfance et les excuses qui avaient été faites ne suffisaient pas à lui faire tourner la page complètement. Toutefois, elle gardait toujours ce souvenir des bons moments partagés ensemble et c’était sur cette image qu’elle tentait de focaliser son esprit.