[9 Septembre 1597] Aux abords du château [Terminé]

La colère redescend et Dyonis écoute ce qu'Alexandre a à lui dire de ce client qui l'inquiète tant. Un homme étrange mais guère plus qu'un importun d'après son garde. La suite du récit semble trop précise pour avoir été inventée sur le moment et le baron n'en voit pas l'intérêt pour l'esclave. Il retient cependant le nom de l'aristocrate mentionné, qui aurait envoyé son homme acheter des produits de beauté. Péroussière... Le nom ne lui dit rien. Et ce client si empressé à se faire accompagner d'un esclave estropié est bien curieux. Surtout à prendre la poudre d'escampette quand le cardinal aurait parlé d'aller voir le noble en question. Ce récit tient.
A cela s'ajoute la présence de l'individu au baptême où précisément, Tristan disparu. Le seigneur se baisse un peu pour observer le dessin que lui tend Alexandre, sans le saisir (le crochet et la prothèse ne pourraient qu'abîmer la feuille sans la tenir en main). Il hausse un sourcil, consulte un temps sa mémoire. Ce visage ne lui est pas inconnu. Il ressemble même à cet homme venu trouver sa servante un peu plus tôt ! Décidément, cela fait bien des coïncidences. Marguerite aurait sans doute bientôt des choses à lui expliquer. En attendant, cet individu qui tournait autour de lui, d'Alexandre et de Tristan ne lui plaît pas du tout. Autant le faire arrêter. Le prétexte est tout trouvé : enlèvement d'un esclave.

Il regarde Alexandre mais conserve ses réflexions pour lui. Dyonis est encore agacé par la langue trop bien pendue du garçon, qui aura laissé deviner à Claire (et surtout au maître à qui elle va tout rapporter) que le nouveau Conseiller n'a pas toujours été propre... Et tout bien réfléchi, il n'est pas prudent de laisser l'esclave repartir seul ce soir. Il ordonne au béquilleux :

"Tu reste au château cette nuit."

Son regard se tourne vers Claire. A-t-elle encore des choses à lui dire ou des précisions à apporter ? Se souvenant alors qu'elle ne verra pas son mouvement, il demande :

"Souhaitais-tu dire autre chose ?"

A la fin de son récit, le visage du seigneur de Frenn resta impassible et un long silence suivit durant lequel Alexandre resta tétanisé. Avait-il réussi à le convaincre ? Ses arguments avaient-ils touché leur cible ? Il pria pour que ses espoirs se concrétisent. La survie de son amant en dépendait. Tristan.. Où était-il ? Qu'endurait-il ? Son ventre se nouait, nerveux à la perspectives des supplices que celui-ci devaient connaitre. Au nom de quoi ? Quelles raisons se cachaient derrière le crime ?

Soudain, la voix impérieuse du seigneur le sortit de ses pensées et illumina son visage. Il le croyait ! Il acceptait de l'aider ! Alexandre se courba pour le remercier.

"Merci, messire. Merci beaucoup. Vous n'aurez pas à justifier cette absence, qui plus est. En partant tout à l'heure, j'ai dit à Irène que je me rendais chez ma mère pour la rassurer et lui présenter ma sœur Claire. Si mon maître me réclamait, elle me couvrira. "

Une fois l'information rapportée, Alexandre se tut, désireux de ne pas courroucer le baron davantage. Il se recula même et le laissa s'adresser à Claire. Soudain, une faiblesse le saisit. Des vertiges lui faisaient tourner la tête. Son estomac grondait, lui si peu habitué à ne pas manger une journée entière. Il réclamait à grand cris un repas. Les muscles faibles, Alexandre lâcha ses béquilles et s'écrasa au sol. Il releva avec honte la tête, honteux de sa faiblesse.

"Pardon, messire, c'est que.. Je n'ai pas mangé depuis... La seule chose que j'ai pu avaler c'était le lait sucré que vous m'avez si généreusement offert ce matin. Avant de partir à l'église, mon père souhaitait que nous fassions un court repas mais mon maitre l'a interdit en déclarant que la nourriture terrestre était vile. Ils se sont querellés à ce sujet et nous sommes finalement sans rien avaler. Pardon."

Gêné d'apporter encore plus de troubles, le jeune homme s'excusait comme si cet état relevait de son unique faute. Il garda la tête baissée, misérable.

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'Audace' :

Claire croise ses mains derrière son dos, la tête humblement baissé lorsque le saigneur s'adresse à elle. De la chance, son maître ? C'est ce que Dame Rose disait souvent. Est-ce vrai ? Pourtant sa vie n'avait pas commencé sous les meilleures auspices.

Seulement Alexandre, se rappela alors quelque chose. Elle écouta, patiemment. Son instinct remua, tel un serpent qui entendait soudain une flûte. le seigneur lui posa alors une question. Elle répondit sans hésitation.

- Je pense que ce client est une bonne piste...

Elle en reste là. Son ouïe capte un mouvement derrière eux, mais ce doit être le vent. Alors qu'il propose à Alex de rester, Claire prend alors sur elle, avec une révérence, de prendre congé.

- Si vous le permettez monseigneur, il se fait tard et je devrais rejoindre la demeure de mon maître.

Dyonis apprécie d'entendre que l'absence d'Alexandre ne causerait aucun trouble vis-à-vis de son maître et que la dame d'Aubeville le protégeait.

"Bien."

Il sera à peine surpris (habitué à présent et un peu blasé) de voir Alexandre s'effondrer une nouvelle fois. Il l'écoute expliquer avoir manqué de nourriture aujourd'hui. Le baron lèvre au ciel un regard consterné quand le petit esclave évoque les propos du cardinal sur la nourriture. Ou bien Alexandre exagère, ou bien ce religieux est douteux. Certes, beaucoup de croyants se sont éloignés de la simplicité prêchée par les écritures, mais de là à retirer la graine de la bouche des gens qui servent...
Dyonis reste sans commentaire et préfère l'action. Il fait signe à deux de ses hommes de venir aider la béquilleux à se redresser, puis à la soutenir jusqu'aux cuisines.

"Tu vas manger un morceau. Je vais faire donner des ordres pour qu'on t'installe dans une chambrette pour la nuit. Tu seras reconduit demain chez Madame d'Aubeville. Que cela ne devienne pas une habitude néanmoins."

On le sent un peu absent en donnant ses ordres : le Conseiller pense surtout aux révélations quant au curieux personnage qui cherche à s'en prendre à l'autre esclave estropié pour une raison obscure. Un individu qui a prétendu être le frère de sa servante Marguerite. Dyonis aurait des petites questions à lui poser sur son frère, une fois qu'il aurait fini sont travail urgent du soir.
Il se retourne vers Claire qui annonce devoir rentrer.

"Va."

Que dirait-elle à Emeryc ? L'avenir le révélerait. Pour l'heure, cette fille avait aidé à donner des informations intéressantes. Et sur ce, Dyonis confie Alexandre à ses hommes et rentre se remettre à ses travaux législatifs.