[15 Septembre 1597] Retrouvailles mère-fils [Terminé]

Au regard effaré de Bélyl, Tristan comprit que la pauvre allait tomber de haut quand Irène lui détaillerait toute la sordide histoire qui avait amené les deux garçons infirmes ici, esclaves, non sans un passage forcé au Lupanar pour lui. Il apprécia la douceur des mains à ses épaules. Quelques secondes durant, il se reposa sur elle, dans la tendresse de ce contact. Le garçon lui rendit discrètement un sourire complice : oui, ils seraient une famille soudée à présent.
Fort de ce constat et de toute l'affection qui l'environnait, Tristan parvint à ne pas se laisser défaire par les regards mauvais de la dame Bellanger. Oh certes elle restait à distance, mais il sentait bien son animosité à son encontre... et que jamais elle ne pourrait admettre la nature des orientations sexuelles de son fils. Toujours, il lui faudrait trouver un fautif et rester dans le déni vis-à-vis d'Alexandre. L'invalide fera de son mieux pour l'ignorer.

Alexandre à son tour se jeta aux bras de Thierry. Peiné, Tristan le vit sangloter devant le cumul des malheurs à avoir frappé récemment sa famille. Malheureuse Becky... Et le père d'Anjou, bien impuissant dans toute cette affaire. Et voilà que le pauvre garçon à son tour se sentait coupable, responsable des malheurs de sa tante. Tristan hocha la tête aux sages paroles du curé mais aussi à celles de Cassandre, qui elle aussi faisait de son mieux pour réconforter le nouvel arrivant : Alexandre n'avait été qu'un maillon de toute cette histoire et sa tante semblait déjà bien engagée dans la folie... Quant à Blanche, Cassandre rappelait à Thierry qu'elle avait été une personne très bonne des années durant. Même si la démence devait déjà couver en elle, cela ferait du bien à son frère de garder une belle image de Beckie. Tristan aussi voulut croire dans les paroles de la fillette : que le Seigneur pardonnerait à Blanche ses égarement, qu'elle trouverait réconfort dans l'au-delà... ou dans une autre forme sous laquelle elle revivrait.
Le petit infirme adressa un sourire de soutien au père d'Anjou. D'abord anxieux, il l'écouta exposer ses déboires judiciaures mais fut vite rassuré par ce qu'il entendit.

-- Dieu merci... souffla Tristan, en apprenant qu'en effet la sanction n'allait pas être trop rude : un mois de travail d'intérêt général dans la colonie d'Iswyliz. Mais... Courage quand même, mon père. J'prierai pour vous. Ça va pas être facile mais au moins... vous r'viendrez bientôt et sans grand mal.

Connaissant Thierry, il s'en remettrait bien et saurait être aussi débrouillard à Iswyliz qu'il savait l'être au quotidien. Il trouva aussi très judicieux de proposer à Rosina de la mettre à l'abri de son époux violent en l'emmenant demander son entrée dans un couvent. Malgré toute l'animosité que la mère d'Alexandre affichait pour Tristan, ce dernier ne pouvait être que révulsé par les traitements qu'elle avait subis durant des décennies d'un très mauvais mariage. Il n'y avait qu'à se souvenir de l'attitude du père Bellanger pendant le procès pour avoir une idée assez précise de l'homme abject qu'il était.

Grâce s'attrista de voir sa grande sœur éteinte, elle qui était pourtant si énergique d'habitude. Elle baissa la tête et n'osa plus rien dire. Quand le père Thierry arriva, elle se dirigea vers sa mère pour demeurer avec elle. Elle sourit au prêtre qui semblait un peu malade et lui fit un petit signe amical de la main.

Les filles laissèrent Thierry retrouver son fils. Irène remarqua que Rosina demeurait dans son coin, comme mal à l'aise et surtout qu'elle dardait sur Tristan un regard brûlant qui devait lui faire mal. Elle espérait que l'appui de Bélyl suffirait à rassurer leur ami. Elle sourit cependant aux retrouvailles entre le père et le fils. C'était assez émouvant et elle était contente que cette histoire soit enfin finie et qu'elle ait une issue heureuse. Bélyl hocha la tête quand le prêtre revint à elle.

- C'est moi, oui. Je suis enchantée également, mon père ! Oh, donc vous connaissez bien mon père ? Oh, certes oui, j'ai bien de le chance qu'il soit mon paternel. Il est si bon, si gentil et si attentionné !

Irène sourit quand son tour vint. Elle hocha la tête.

- Je suis ravie de vous revoir, moi aussi. Et en effet, ne vous excusez pas, j'ai bien compris que rien de tout cela n'était de votre fait.

Elle l'écouta ensuite attentivement et regarda Alexandre, ainsi que Rosina.

- Oh, je vois, j'en suis désolée. Mais si cela vous permet de faire un voyage en famille, j'imagine que ce sera moins pénible. Je vous laisse considérer ce qui est le mieux, après tout, vous êtes le plus à même de le faire. Si vous voulez partir cette nuit, je ne m'y opposerai pas.

Elle ne le dit pas à voix haute mais en effet, elle aimerait se reposer un peu. Ses migraines prenaient de plus en plus de place et il lui fallait du calme. Or, une tension aussi électrique ne lui convenait pas vraiment. Grâce pour sa part hocha la tête.

- Oui, vous avez raison ! Oh, même si on est content d'avoir du monde... Maman et le bébé ont besoin de se reposer.

Irène sourit. Sa fille se préoccupait toujours d'elle, c'était adorable.

Thierry gardait son fils contre lui alors que celui-ci se remettait lentement d'avoir pleuré, se sentant inutilement coupable pour toute cette suite d'événements qu'il ne maitrisait pas. L'intervention de cette fillette - Cassandre, l'avait un peu soulagé même si cela n'effaçait pas la peine de son cœur. désormais, au moins, il serait là pour Beckie. Malgré la distance, ces prochains mois, il lui écrirait. Au moins, une lettre par semaine. De toute façon, qu'aurait-il de mieux à faire ? Il écouta d'un hochement de tête poli Béryl s'exclamer joyeusement sur son père puis sourit quand Irène accepta de le laisser repartir avec son fils et la mère de celui-ci.

"Je vous en remercie, Irène. Quand je serai arrivé là-bas, je ne manquerai pas de vous donner des nouvelles. "

Grâce opinait à ces paroles et convenait que sa mère devait se reposer. Il tapota gentiment la tête de la fillette.

"Et tu ad bien raison ! Ta maman a besoin de se ménager."

Il jeta un bref regard en travers à Irène, essayant de lui faire entrer ces mots dans l'esprit. Une démarche sans le moindre doute inutile. Ils se connaissaient depuis peu mais le prêtre avait eu le temps de comprendre son caractère volontaire et entêté. Il reprit d'un ton apaisé :

"Prenez soin de vous Irène, ainsi que de votre famille."

Il observa ensuite Alexandre adresser ses au revoir à chaque personne présente et à serrer toutes les mains, ayant au minimum un mot gentil pour chacun d'eux. Seul Tristan n'eut pas le droit à ce traitement. Il resta à distance du petit infirme et prononça une parole de salutation formelle plus que brève. Thierry retint un soupir. Les liens entre eux étaient décidément rompus. Rosina se montra bien plus sobre que son fils. Après avoir déposé dans un coin l'ouvrage de couture entre ses mains, elle remercia poliment Irène pour l'avoir accueilli puis se dirigea vrs la porte avant de saluer de façon distante l'assemblée entière.

Finalement, après tout ceci la petite famille aux liens distordus quitta les lieux.

De façon assez surprenante, Thierry pourtant épuisé et sombre - à juste titre - ne s'attarda pas auprès d'Irène dont pourtant il appréciait tant la compagnie, ni ne chercha ici aucun réconfort. Tristan avait déjà noté en plusieurs occasions combien le curé appréciait la Dame d'Aubeville. Sans doute était-ce l'ambiance si particulière de ces retrouvailles qui ne donnait pas au prêtre l'envie de rester plus longtemps ici. Alexandre tout comme Rosina ne se firent pas prier pour le suivre. Passant outre sa colère, le garçon aurait été prêt à leur adresser un dernier sourire et un "bon voyage"  malgré ce qui venait d'arriver... mais remarquer qu'Alexandre adressait ses au-revoir à tout le monde sauf à lui... lui en coupa net l'envie. Il resta donc sans un mot. Ce sera seulement au père d'Anjou que Tristan offrira un dernier regard amical et un timide :

-- Au revoir Mon Père. Bon courage.

Toute proximité entre Alexandre et lui semblait définitivement à oublier. Pourtant, Tristan aurait été prêt à rester ami avec lui, à oublier ce bref épisode sentimental et même les maladresses du garçon - car à aucun moment elles n'avaient été guidées par une quelconque méchanceté. Mais le Bellanger le fuyait. Soit. Tristan ravala son chagrin. Il allait devoir se faire une raison.

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