[15 Septembre 1597] Retrouvailles mère-fils [Terminé]

Irène s'était elle aussi levée en même temps que Rosina, l'entendant passer devant le lit. Elle laissa les couvertures sur Grâce et... Cassandre ? Elle fronça aussitôt les sourcils. Cassandre était partie, mais où ? Elle songea à ce qu'elle le avait rapporté au dîner. Peut-être son frère qu'elle allait voir... Elle secoua la tête. Après tout elle était grande mais elle aurait au moins aimé un mot. Enfin bon... Elle lui avait dit qu'elle était libre, elle ne reviendrait pas sur sa parole.

Elle descendit après s'être habillée et trouva Rosina à qui elle sourit.

- Bonjour, avez-vous bien dormi ?

Rosina observa Irène qui descendait en même temps qu'elle. Elle lui adressa un sourire tout en saluant avant de s’atteler à la préparation des tartines de confiture.

"Oui, la nuit a été reposante. Et vous ?"

Elle continua à étaler une seconde tartine.

"Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu Ludovic pleurer. Il fait déjà ses nuits ? Quel bonheur ! J'espère que votre benjamin sera aussi clément que votre cadet."

Irène n'avait pas eu à lui signaler sa grossesse. Son expérience de mère et femme avaient naturellement deviné la chose.

"En parlant d'enfant, votre fille est sortie de bien bon matin, vous ne trouvez pas  ? Alex... Quand il était à la maison, je lui interdisait de sortir avant le repas que nous prenions ensemble. Cela m'a toujours paru une évidence qu'un enfant devait être avec sa famille pour le repas. Mais en même temps, cette petite a déjà beaucoup traversé. Elle doit avoir du mal à s'adapter. Tous ces événements ont dû profondément la marquer."

Spoiler:

Irène hocha la tête.

- Pour moi aussi, je vous remercie.

Elle posa une main sur son ventre avec un sourire à sa remarque.

- Ludovic est très sage en effet. Il faut dire qu'avec les conseils de ma mère qui a eu quatre garçons, c'est d'autant plus facile d'en élever un. J'espère que si c'en est également un qui arrive, il sera lui aussi facile.

Irène garda une figure relativement neutre à son autre remarque mais soupira.

- Je sais. Mais Cassandre est tout de même assez grande pour prendre soin d'elle. Je lui fais confiance, c'est une petite débrouillarde. Je pense qu'elle est allée voir son grand frère. Apparemment, elle l'a retrouvé il y a quelques jours et s'inquiètent beaucoup pour lui.

Il n'empêche qu'elle aurait effectivement souhaité un mot. Elle haussa les épaules. Elle rentrerait bien et sans doute sans souci.

Rosina s'arrêta un instant d'étaler la confiture, les yeux dans le vague.

"Alex... lui dormait peu. Mais il était si faible, si fragile. J'ai toujours eu peur que... Par bonheur, non, Dieu a la générosité de ne pas me le reprendre !"

Ses yeux voilées se posèrent vers la tartine. Elle préféra ne pas songer à ces souvenirs, ni au sort incertain de son fils. Elle entendit Irène expliquer qu'il en était de la petite Cassandre.

"C'est vrai qu'elle a eu une vie difficile. Ah oui ? Elle a retrouvé son grand frère ? Quelle chance ! Le destin a décidé de lui sourire. Dieu ne pouvait pas la laisser souffrir. Mais vous vous inquiétez pour elle quand même, n'est-ce pas ? Il est dommage qu'elle ne sache pas lire ou elle aurait pu vous informer. Enfin, je suppose que vu sa vie elle n'aura jamais appris, non ?"


Alexandre était parti une heure après l'aube, redoutant autant de croiser son maître que Tristan. Les deux représentaient une menace terrible. L'un pouvait tout sur lui et l'autre exerçait une emprise sur sa mauvaise conscience. Il préférait sans tenir loin. Il marcha lentement, les mains accrochées à ses béquilles, le ventre creux. Des vertiges sévères lui tournaient la tête. Il n'avait rien avalé depuis la maigre ration d'hier matin.

Spoiler:

Irène sourit.

- Alexandre m'a pourtant l'air d'être solide. Même s'il lui arrive bien trop souvent

Irène l'aida un peu en hochant la tête à propos de Cassandre.

- En effet, j'en suis heureuse pour elle. Certes nous l'avons adopté, mais il est bon qu'elle garde aussi des liens avec sa famille de sang.

Elle soupira.

- Bien sûr que je m'inquiètes. Elle est certes très débrouillarde, mais c'est encore une enfant et les rues sont parfois cruels, surtout avec ceux qui portent une marque à l'épaule... J'aimerai tellement l'effacer pour cette petite, qu'elle puisse vivre heureuse sans ce poids permanent.

Elle fronça un peu les sourcils avant de secouer la tête. Bien sûr elle ne sait ni lire ni écrire, comment avait-elle pu oublier cela ? Elle se passa une main sur le front.

- Oh oui, c'est juste... Mais je rattraperai cette erreur si je le peux ! Ou ma nièce ! Il paraît qu'elle est en ville, Joseph a dit qu'elle passerait me voir. Si elle reste un moment, elle pourra sans doute aider Cassandre.

Rosina continuait à préparer les tartines du petit-déjeuner tout en écoutant Irène épancher ses craintes sur le sort de la petite Cassandre. Elle les partageait pour Alex. En pire. Son fils, lui, n'avait peut-être pas un bon maître. Et s'il était revendu ? Elle tremblait de tous les malheurs qui pourraient lui arriver. Elle entendit ensuite Irène regretter de ne pas avoir pensé plus tôt que la fillette ne sache pas lire. Rosina secoua les épaules.

"Allons, comment auriez-vous pu ? Dans notre position, en tant que commerçantes, femmes de commerçants, filles de commerçants, il a été naturel pour nous de s'extraire de la plèbe vulgaire. Nous avons eu de l'instruction et cela nous éloigne naturellement des problèmes du petit peuple inculte."

Alors qu'elle continuait les tartines, un bruit sourd résonna devant la porte d'entrée. Rosina sursauta et se leva. Que se passait-il ? Elle alla ouvrir, nerveuse, et découvrit avec une horreur stupéfaite Alexandre affaibli gisant à ses pieds.

"Alex ! Non !"

Rosina emporta dans ses bras son fils bien-aimé et le porta à l'intérieur pour l'installer sur une chaise. Le garçon avait un teint livide. Sa mère posa la main sur son front, cherchant à sonder une maladie. Alexandre regardait les tartines de miel ou de confiture posées sur la table avec envie. Son regard chercha Irène. Tout penaud, misérable, il murmura :

"Je... Je peux ?"

Irène observa un peu Rosina. Elle avait eu de la chance, certes, mais souhaitait le partager et non le garder pour elle. Sa mère disait toujours que l'éducation était un grand trésor qu'il convenait d'apporter au plus grand nombre. Elle réfléchit. Était-elle vraiment au-dessus du "petit peuple inculte" ? Ils étaient tous enfants de Dieu après tout, alors quelle différence ? D'autant qu'en apprenant à lire, cette différence s'effaçait d'elle-même. Elle secoua la tête. Ce n'était sans doute pas bon d'avoir des considérations philosophiques de si bon matin.

Elle releva également la tête au bruit mais laissa Rosina y aller. Elle la vit alors rentrer avec Alexandre et alla vers eux.

- Seigneur, que t'est-il arrivé ?

Elle vit alors son regard et comprit. Elle lui donna une tartine et le laissa manger avant de laisser libre cours à ses suppositions.

- Je présume que mon frère t'a fait expérimenter ses méthodes d'expiation, dont le jeûne, n'est-ce pas ?

Dès l'instant où Irène tendit la tartine, Alexandre la saisit promptement, oubliant pour une fois de remercier. Il la dévora avec une avidité rare et sentit avec délectation le pain descendre jusqu'à son estomac. Le goût de la confiture dans sa bouche était divin. Il ne se rappelait pas en avoir mangé de si bonne.

Rosina contempla le spectacle, le cœur serrée, alors que son fils reprenait une tartine. Elle entendit Irène commenter les actes de son frère. elle pâlit.

"Mais... On ne fait pas jeûner une personne faible ou un malade ! C'est... immoral !"

Alexandre releva la tête, timide, et murmura :

"J'ai menti, maman. J'ai dit de gros mensonges. Je méritais cette punition."

Les yeux baissés, il poursuivit :

"Je suis désolé pour l'autre jour quand j'ai... menti. J'ai humilié bêtement cette femme. J'ai dit des choses horribles sur Tristan. Je pensais que si j'aidais votre frère, si je le soutenais en public, il se montrerait gentil. Mais ça ne s'est pas bien passé. Ne vous inquiétez pas ! Il m'a juste puni en me privant de repas ! Il ne m'a pas battu !"

Le garçon accompagna son explication d'un sourire timide.

"Tout va bien, Irène, maman ! Je vais bien !"

Sur ce, il prit une autre tartine.

Irène laissa Alexandre prendre la tartine avec un peu de pitié. Matthieu... Incorrigible. Tout le monde n'avait pas le luxe de se nourrir des Saintes Ecritures. Elle leva les yeux au ciel. Son frère n'avait aucun sens des réalités. La faute à son grand-oncle... S'il ne l'avait pas pris aussi jeune, aussi malléable... Elle soupira. Irène posa une main sur l'épaule de Rosina.

- Mon frère ne prend pas vraiment cela en considération, encore moins avec un infirme. Il pense que ce n'est que justice et que celui que pèche doit être puni.

Irène écouta son récit, les sourcils un peu froncés. Ce n'était pas vraiment un calcul heureux qu'il avait fait là.

- On ne peut pas espérer grand-chose de Matthieu, Alexandre, même si cela me coûte de l'admettre. Il est désespérément têtu.

Elle soupira une nouvelle fois.

- Encore heureux que pour toi, le mensonge soit puni par le jeûn dans son esprit. Tu aurais certainement mal supporté des coups de bâton. Si jamais l'occasion se représente, je te supplie de réfléchir Alexandre. Matthieu ne se rend pas compte de ce qu'il fait... Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose à cause de cela.

Elle le laissa prendre toutes tartines qu'il souhaitait.

- Il t'a donc renvoyé, le temps qu'il aille à Rome ?

Rosine contempla avec tristesse son fils affamé qui dévorait les tartines comme un malheureux. Les explications d'Irène la laissaient encore plus horrifiée. Son fils... Comment s'en sortirait-il avec un maître pareil ? il méritait mieux. Bien mieux.

Tout en mangeant ses tartines, Alexandre écoutait la réponse d'Irène et repensait à la colère de son maître. Il était effectivement terrible et colérique. Avec un fort potentiel de nuisance. il lui faisait peur. Sa derrière rencontre hier soir avait été une provocation. Il ne s'en rendait même compte. Pourtant... Alexandre se souvenait de leur conversation deux jours plus tôt. Le cardinal n'avait pas eu la même attitude. Ils avaient réellement pu se parler et échanger. Il se rappelait aussi avoir ressenti de la tristesse, surtout quand le Général était arrivé annoncer la naissance de son fils. La colère était alors revenue. Sa colère venait de sa tristesse.

D'une petite voix, Alexandre dit :

"Alors, vous aussi, vous abandonner votre frère ? Mais si vous faites cela... Le cardinal Cassain n'est pas méchant. Je l'ai senti. il est.. seul. Et triste. et quand ces émotions remontent trop, il entre dans des colères violentes. Alors si on l'abandonne, sa tristesse se renforcera et il sera de plus en plus en colère."

Rosina n'en revenait pas d'entendre son fils prendre ainsi la défense de son maître tortionnaire. Comment pouvait-il avoir pitié pour un homme pareil ? Elle entendit Irène évoquer les punitions et pâlit.

"Non ! Alex, par pitié, ne fais plus rien de mal !"

Alexandre eut un sourire triste.

"Je ne veux pas faire quelque chose de mal. Mais j'aimerais bien faire quelque chose pour le cardinal, l'aider à aller mieux.. En plus, il va être seul à Rome, avec de nombreuses personnes avec lesquelles défendre son point de vue. S'il pouvait avoir quelqu'un avec lui..."

Après la rencontre avec le prétendu Roi de la Forêt, Cassandre avait choisi de repartir, ayant su délivrer son message pour son frère Achille. Dame Irène allait finit par juger son absence suspecte. Elle avait une excellente place et se devait de la garder.

La matinée touchait presque à son terme quand Cassandre poussa la porte de la Roza Azul. Elle ne vit pas tout de suite la présence d'Alexandre ou de sa mère, focalisée sur Dame Irèe. la fillette prit un petit air contrit.

"Bonjour Dame Irène. Pardon de rentrer si tard et d'être partie sans permission. Je m’inquiétais pour mon frère. Il semblait hier si maigre. Je lui ait apporté une brioche consistante. Nous avons parlé et le temps a passé un pu trop vite."

Une brioche qui ne serait cependant pas tant l'estomac de son frère mais dans celui du naïf Sylvère. Au moins, l'excuse passait et Dame Irène l'accepterait sans poser trop de questions. Elle ne paraissait pas suspicieuse.

Cassandre tourna la tête pour apercevoir si Grace était là et reçut un choc en découvrant Alexandre en train de manger des tartines, couvé du regard par une femme inconnue inquiète. La surprise était elle que la fillette ne sut se retenir.

"Mais... Il fait quoi ici, LUI ? "

Irène siffla un peu en secouant la tête.

- Non, mais j'ai déjà essayé, pendant des années et il n'y jamais eu aucune amélioration. Et je suis une femme, sa petite soeur par-dessus le marché, pourquoi irait-il m'écouter ? Il n'a jamais voulu entendre que notre grand-oncle et à présent cela nous coûte à tous mais c'est son choix...

Elle soupira. Bien sûr qu'il se sentait seul et triste. Il y avait bien des raisons. Après tout, elle se souvenait que quand il était jeune, il parlait de se marier. Puis il avait renoncé sous les directives et le poids de l'ambition de son grand-oncle. Du gâchis très certainement mais on ne pouvait pas vraiment revenir en arrière.

- Cela ne m'empêche pas d'aimer mon frère. Il lui arrive d'être de bonne humeur mais cela n'est toujours qu'un état passager. Je sais en profiter quand ça arrive mais ça s'arrête là.

Irène secoua la tête à son idée, un éclat triste dans le regard.

- C'est hors de question Alexandre, tu resteras ici et de toute façon, ça m'étonnerait qu'il t'emmène. Et puis à Rome, Matthieu est dans son élément... Il a l'amitié du Pape et il préfère largement être là-bas qu'ici... ne t'en fais pas trop pour lui, il sait se débrouiller, je peux au moins lui reconnaître qu'au Vatican, il se débrouille sans mal.

Irène tourna la tête en entendant la porte et sourit en voyant Cassandre.

- Bonjour Cassandre. Je suis heureuse de te voir, je ne te cache pas que je me suis effectivement un peu inquiété. Mais je comprends pour ton frère, c'est tout à fait normal. Maintenant, j'aimerai que tu me prévienne tout de même. Nous pourrions peut-être nous trouver un petit code pour que je sache quand tu es sortie et pour quelle raison, qu'en dis-tu ?

Ce faisant, elle allait présenter leur nouveaux colocataires lorsque Cassandre la devança. Ils se connaissaient donc. Mais pourquoi avait-elle cette réaction. Elle fronça un peu les sourcils.

- Je te présente Alexandre et sa mère, Rosina Bellanger. Il me semble que tu le connais déjà en effet. mon frère Matthieu me l'a confié le temps qu'il parte à Rome et revienne. Aurais-tu une objection ?

Elle disait cela sans animosité mais la fillette semblait anormalement contrariée de le voir ici. Quelle pouvait en être la raison exactement ?

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'Dé à 6 faces' :

Alexandre écouta en silence les explications d'Irène, attristé par cette séparation fraternelle. Il comprenait la distance mais celle-ci lui faisait mal au cœur. Son âme sensible détestait ces situations terribles et les drames qui en découlaient. Il continua à manger ses tartines puis redressa la tête quand Irène lui interdit de suivre son maître à Rome.

"Ne vous inquiétez pas, il ne le souhaite pas. Il veut.. être seul. Votre frère, le Général Cassain, a pris Tristan. sa fille Bélyl s'y est attaché. Pour moi, il m'a dit de retourner chez vous. "

Après cette réponse, la porte s'ouvrit et Alexandre vit une fillette entrer qui paraissait étonnamment familière avec Irène. au discours qui suivi, il comprit que celle-ci l'avait recueilli. le jeune homme ne put retenir un rire.

"Pardon, Irène, mais hier soir, votre frère me disait qu'il espérait qu'à son retour vous n'aurez pas recueilli dans votre domicile tous les malheureux de Braktenn. J'ai trouvé sa remarque vexante mais aujourd'hui je me dis que celle-ci n'est pas entièrement sans fondement. A cet rythme, en hébergeant chaque semaine un nouveau pensionnaire, il va falloir bientôt envisager en pousser les murs !"

Rosina se tenait en retrait et s'était finalement rassise pour reprendre un ouvrage de couture commencé hier. Elle suivait la conversation d'une oreille distraite.

Dans le même temps, Alexandre examina l'enfant et reconnut avec stupéfaction le visage de la petite servante du Lupanar qui l'attendait à la taverne de l'Ours Noir deux jours plus tôt. Elle avait... changé. Que s'était-il passé ? Le seigneur de Frenn avait respecté sa promesse et réussi si vite à la placer ? Quel homme bon et efficace ! Au souvenir de son mentor, Alexandre se remémora les révélations apprises hier dans la forêt par l'intendant du domaine de Rottenberg. Jérémie, aussi aperçu à l'auberge, avait été acheté par le faux Ulysse avant de s'enfuir grâce à la complicité de William Wagner afin de sauver sa vie. Il avait cependant révéla la vérité sur l'usurpateur. Est-ce que Cassandre le savait qu'elle avait lié une amitié avec un esclave évadé ? Il fallait la prévenir et informer aussi Irène.

"Cassandre et moi nous sommes rencontrés à la taverne de l’Ours Noir, Irène, quand j'ai dû y aller pour chercher Tristan. elle était une agent de celui qui l'avait enlevé et devait me conduire au Lupanar. Ace sujet, Cassandre, tu te souviens de l'esclave que tu as rencontré à cette taverne ? Il se nomme Jérémie Torrès et été revendu par son précédent maître le Comte de Monthoux au duc de Rottenberg. Il a cependant connu des choses... compromettantes. Il a découvert que le duc était en réalité un esclave qui a assassiné toute la famille de Rottenberg et pris l’identité de l'héritier. Il a vu la marque. "

Alexandre marqua une pause puis reprit :

"L'intendant du domaine de Rottenberg, un homme bon, l'a sauvé. mais Jérémie en a profité pour fuir. Cassandre, cet homme et un esclave en fuite. Mais il peut s'en sortir. L'intendant a informé le seigneur de Frenn, de cette histoire et si Jérémie vient avec moi le voir, je l'aiderai à revenir dans le système sans contrepartie. il a aidé à dénoncer un dangereux criminel. Il ne peut être puni de sa fuite qui était pour le coup légitime puisque son prétendu maître cherchait à le tuer. tu comprends, Cassandre ? Si tu souhaites aider Jérémie, dis-lui de venir nous voir. C'est sa meilleure chance. Autrement..."

Alexandre fixa la fillette d'un air grave, espérant l'avoir persuadé.

Cassandre sourit de la réponse de Dame Irène, satisfaite que celle-ci ne pose pas davantage de questions. ele fronça les sourcils à l'évocation d'un code pour expliquer ses sourcils.

"Un code ? Je ne sais pas. Je pourrais, euh, déposer une poupée de Grace sur la table ?"

Elle tourna à nouveau la tête vers Alexandre et entendit que celui-ci était un esclave de son frère, le fameux cardinal aperçu avant-hier à la procession sur la grande place. Ils allaient cohabiter dans la même maison ? La fillette songea avec agacement que Zita semblait dotée d'un curieux sens de l'humour. Après tout ce temps de servitude au Lupanar, après avoir échoué dans une bonne place, il fallait encore supporter une plaie ?

Dame Irène lui demandait si elle avait une objection. Cassandre secoua la tête. Une esclave n'avait pas à émettre une protestation sur la décision de personnes libres. Elle pâlit en entendant alors Alexandre rapporter sa rencontre avec Achille et donner son vrai nom. Jérémie Torrès. il détaillait une histoire abracadabrante mais qui expliquait la fuite de son frère.  Passé le moment de surprise, Cassandre reprit d'unton désabusé :

"Ah tu parles de cet esclave ? oui, je l'ai vu à la taverne mais je ne l'ai pas revu."

Alexandre ne semblait pas avoir entendu le nom qu'elle avait donné à Jérémie. Dame Irène pouvait encore être dupée.

Irène haussa un sourcil quand il parla de Tristan puis sourit. Ça ne l'étonnait pas de sa nièce, elle avait bon cœur, tout comme son père. Elle accueilli ensuite la proposition de Cassandre avec un hochement de tête.

- Par exemple, pourquoi pas. cela me permettra de ne pas trop m'inquiéter et de savoir où tu es ou en tous cas avec qui.

Elle croisa les bras en adressant un regard blasé à Alexandre.

- Mon frère peut bien penser ce qu'il veut, je sais bien qu'il n'entend rien à la charité chrétienne. Pour ma part, étant donné que nous avons encore de la place, j'estime que nous pouvons bien prendre quelques personnes, surtout si elles aident à la tenue de la maison ou si ce n'est que temporaire, comme ta mère. la rue a bien assez de miséreux comme ça.

Elle se tourna ensuite de nouveaux vers Cassandre en attendant la réponse. La petite secoua la tête et Alexandre prit la parole. Elle écouta l'histoire avec attention. Elle fronça un peu les sourcils devant cette histoire qui semblait tout droit tirée d'une roman. Un esclave qui se serait fait passer pour un noble ? Et un esclave en fuite ? Il semblait être persuadé que Cassandre le connaissait. Une idée traversa l'esprit d'Irène. Et si ce fameux Achille était en réalité ce fameux esclave en cavale ? Après tout, elle allait le voir souvent et parfois même en cachette. Voilà qui expliquerait bien des choses, y compris l'étrange impression que grâce lui avait rapporté quand elle l'avait rencontré.

Lancer de dé :
1 - 2 Irène a des soupçons sur le lien entre le fameux esclave et Jérémie et demande des explications à Cassandre.
3 - 4 Irène a des soupçons mais se tait pour l'instant
5- 6 : Irène croit Cassandre et pense donc que Jérémie et Achille sont des personnes différentes.

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'Dé à 6 faces' :

Irène finit par secouer la tête. Non, un esclave en fuite, même bien déguisé ne prendrait certainement pas le risque de s'aventurer dans la ville. Elle décida de faire confiance à Cassandre. Après tout elle était grande, elle savait ce qu'elle faisait.

- Je vois, très bien. Mais si tu le revois Cassandre, tâche de te montrer prudente et éventuellement de l'avertir. La prévôté n'est jamais tendre avec les esclaves en fuite, il serait fâcheux qu'il lui arrive un malheur.

Spoiler:

Alexandre observa la petite scène entre Irène et la fillette pour convenir d'un code susceptible de prévenir ses absences pallier l'illettrisme de l'enfant. Il sourit. C'était mignon cette complicité qui se développait entre les deux. Cassandre avait de la chance de tomber dans cette famille.

Irène revint ensuite à ses paroles rapportées de son maître. Alexandre répondit d'un air las.

"Je ne faisais que répéter. je n'ai pas aimé non plus comment il en parlait."

L'évolution de la discussion devint soudain moins drôle. Beaucoup moins drôle.

Un temps, Irène médita sur l'histoire que le petit esclave venait de raconter mais semblait sceptique. Il comprenait. Tous ces rebondissements étaient incroyables. Dignes d'un roman. Il se rappela l’autre jour que le seigneur de Frenn avait refusé de croire en ses déductions faite lors de sa rencontre avec le Duc de Rottenberg et des souvenirs revenus sur Ulysse. Les personnes rationnelles avaient besoin de preuves pour croire. Ou d'un second témoignage pour recouper les informations.

De son côté, Cassandre affirmait ne pas avoir revu Jérémie. Alexandre percevait un malaise en elle. Elle mentait. Il le sentait.

Irène se rangeait à l'opinion de Cassandre et ne l'interrogea pas. Elle lui demandait juste d'alerter l'esclave en fuite si elle le revoyait. Alexandre serra les dents mais resta silencieux. Cela ne servait à rien de se plaindre. I répondit, résigné :

"Bien. Si tout est clair, c'est mieux ainsi."

Cassandre jubilait intérieurement et retenait difficilement le sourire qui lui venait.

C’était facile. Bien trop facile. D'ordinaire, pour duper un adulte, il lui fallait bien réfléchir et souvent négocier. Dame Irène était naïve. ou confiante. Cela revenait au même. la vie allait être reposante dans cette maison. Alexandre se soumettait lui aussi. Parfait ! Tout était parfait ! Elle opina la tête aux paroles de la mère de famille.

"Oui, je tâcherai de le faire. Mais je doute le revoir. Un esclave évadé aura pris la fuite très loin d'ici. C'est le sens commun."

De cette manière, elle enterrait loin Jérémie Torrès.

Elle croisa ensuite le regard soumis d'Alexandre. Lui aussi était esclave. Comme elle. Comme Jérémie. Mais lui était forcé d'obéir. Un sourire narquois lui vint. Elle demanda d'une voix faussement candide :

"Dis maman Irène, Alexandre, c'est un esclave, c'est ça ? Et moi, moi, une fille de la maison ?"

Son regard se posa sur la silhouette tassée du petit esclave. Des idées lui venaient déjà à l'esprit.

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'Audace' :

Irène hocha la tête en direction d'Alexandre puis revint à Cassandre. Elle ne promettait rien, mais "tâcherait" donc. Toute cette histoire ne lui plaisait pas et la suite la laissa d'autant plus perplexe. Elle sentait de la tension entre les deux jeunes gens et cela ne lui disait rien qui vaille pour la suite. Elle secoua la tête aux dires de Cassandre qu'elle sentait plus acides qu'ils ne le paraissaient. D'ordinaire, elle aurait aimé que Cassandre se sente enfin chez elle est accepte son nouveau statut mais à ce moment, cela lui semblait surtout bien pratique pour la jeune fille.

- Tu es une de mes filles, oui, mais je ne considère pas Alexandre comme un esclave. C'était un garçon libre au yeux de la société et il l'est toujours pour moi. C'est en quelque sorte un ami de la famille maintenant.

Elle esquissa un léger sourire. Elle n'était pas naïve au point de croire qu'ils s'entendraient mais au moins, elle mettait les choses au point.

Rosina releva la tête vers la Cassandre et la fixa avec une expression anxieuse. Cette petite dissimulait un fond d'insolence qui ne lui plaisait pas. Elle reporta son regard vers Alexandre qui gardait la tête baissée. Comment les choses allaient-elle se passer ? Son fils pouvait être... timide, peu porté à se plaindre. Or, elle connaissait aussi la nature parfois perverse des enfants. Elle-même, dans sa jeunesse, détestait l'un de ses frères et s'amusait sans cesse avec l'une de ses sœurs à jouer autant que possible, surtout si cela le faisait punir. Une pareille chose pourrait-elle se produire dans cette maison ? Alexandre allait-il payer ses frasques ? Il subissait déjà l'infirmité du fait de son adultère.

Dieu était bien cruel.

De son côté, Alexandre observa la scène sans rien dire puis releva la tête.

"Maman... Comment es-tu sorti ? Pa... Ton mari a... est... "

Rosina sourit tendrement.

"J'ai appris que le père Thierry avait des ennuis avec la justice. je devais témoigner en faveur. C'était une question d'honneur. il m'a alors interdit de rentrer et proposer une de ses maies pour m'accueillir le temps que lui sorte et trouve une solution."

Alexandre écouta les explications et son cœur était soulagé de savoir que son père allait enfin s'occuper dignement de sa mère. Elle allait enfin pouvoir vivre sans la peur au ventre que son époux la violente à la moindre humeur. Lui aussi serait plus serein. Il se doutait que le père Thierry confierait Rosina à un couvent. Cela était inévitable. C'était l'unique porte de sortie pour une femme pas encore veuve. Il ne la verrait plus. plus jamais. mais au moins il aurait la satisfaction de la savoir en vie, en sécurité, et non en train de se prendre les coups de l'autre dégénéré sanguin.

"Je vois. papa... oh non ! Papa... il va falloir que je lui parle de Claire ! "

Les bruits atroces du carrosse renversant sa sœur résonnèrent dans son esprit. Claire... Comment se portait-elle ? Il n'avait pas eu le temps d'aller demander de ses nouvelles. Rosina fronça pour sa part les sourcils.

"Claire ? qui est-ce ? la dernière maîtresse en date de ton père ?"

Alexandre soupira.

"Non, maman. Claire est... ma sœur. Nous nous sommes connus par hasard quand je me trouvais au pilori. Ni elle ni moi nous ne savions notre lien et notre filiation. Papa nous a appris un plus tard qu'elle était sa fille."

Rosina laissa échapper avec une certaine aigreur :

"Ton père aura semé dans toute la capitale alors ?"

Alexandre soupira une seconde fois, ressentant avec pénibilité l'agressivité de sa mère.

"Maman... Il faut que je te dise... Au sujet de mon infirmité... Ce n'est pas une punition divine. Papa... Il m'a conté que dans sa famille, il naissait toujours un enfant infirme, au minimum, mais que ceux-ci ne survivaient que si on leur accordait grands soins. Papa suppose qu'il existe dans sa famille une maladie dont il a hérité et transmet à ses enfants mais sans être affecté lui-même. Tu comprends ? C'est pas ta faute, maman, mon infirmité. En tous les cas, je pense que cette maladie, cette infirmité, même si papa a pu engendrer beaucoup, il n'y a sans doute pas eu beaucoup pour survivre."

Rosina écouta, pensive, son fils, puis arbora un sourire de fierté.

"Cela veut dire... tu es sorte d'élu, mon fils ?"

Alexandre eut un sourire gêné et toucha le médaillon sous sa tunique.

"Non, maman, je t'en prie, je n'ai plus assez d'orgueil pour penser comme ça."