17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
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17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Retrouver Alduis de Fromart : c’était fait. Avec un imprévu considérable, un doute maladif qui s’insinuait lentement dans l’esprit d’Éléonore… Faire les cent pas dans cet hôtel qu’elle regrettait déjà d’avoir investi ne parvenait pas à la rasséréner.
Il fallait qu’elle sorte. Qu’elle se concentre sur autre chose en attendant d’avoir le courage de décliner l’invitation. Parce qu’elle allait la décliner, n’est-ce pas ? C’était une évidence, il fallait seulement qu’elle s’en convainque. Qu'elle oublie la folie qui l'a poussait à jouer avec le feu.
Soit. Sa vie ne pouvait pas s'arrêter pour une hésitation si futile. Elle avait d'autres priorités. Quelqu'un d'autre à retrouver. Les gens sains d’esprits évitaient ceux qui avaient menacé leur vie. Éléonore avait plutôt tendance à faire l’inverse. Ce n’était pas la première fois, d’ailleurs.
De toute manière, que risquait-elle ? N’avait-il pas juré de la laisser tranquille ? Il suffisait de ne pas lui donner à croire qu’elle avait pu faillir à sa parole. Elle devait le revoir, point final. Elle devait le remercier. Pas de lui avoir évité un coup, non : cela, la chute le compensait largement. Pas de l’avoir laissée vivre non plus : cela, c’était juste normal, puisqu’il n’avait aucun droit sur sa vie. Pourquoi, alors, se sentait-elle à ce point reconnaissante ? Pourquoi emportait-elle ce bijou ?
Ariste. La réponse à tout. C’était l'intervention d'Eldred qui avait permis tout le reste. Sans lui, elle n’aurait jamais pu deviner qui était ce dément qui l’avait abordée, elle n’aurait pas pu le retrouver ni écouter parler d’Ariste. A bien y penser, c’était aussi de sa faute si elle se retrouvait désormais avec une invitation à décliner… Mais c’était bien accessoire à côté de ce que cela lui avait apporté. Cela méritait au moins qu’elle fasse le déplacement… Voire qu’elle prenne le risque de se déplacer pour rien.
Que ne fallait-il pas inventer pour retrouver un esclave sans attirer l’attention ? Après tout, elle ne pouvait pas le demander. Elle ne pouvait pas non plus donner l’impression de le chercher. Elle avait eu beau réfléchir, elle n'avait trouvé aucune excuse crédible pour justifier son intérêt soudain pour cet étranger. D'excuse qui ne le mette pas en péril. Il ne manquerait plus qu’elle ait besoin d’expliquer la vérité… A noter qu’alors, ce serait à Eldred de la retrouver, et dans un but nettement moins cordial.
Éléonore frissonna. Ce qu'il pouvait faire froid ! Elle voulut faire demi-tour. Des dizaines d'autres solutions s'imposaient soudain à son esprit. Assez farfelues pour certaines, mais qui avaient le mérite de lui épargner cette visite au premier conseiller. Cette visite qui n'apporterait sans doute rien à son réel objectif, mais qui, jusqu'alors, semblait être sa meilleure chance.
Avant qu'elle n'ait le temps de renoncer, cette saleté de cheval l'avait déjà menée jusqu'à l'entrée. Elle était encore plongée dans ses pensées quand elle laissa la fourbe bestiole aux soins d'un inconnu. Elle s'était préparée pendant de nombreuses heures à cette entrée. À avoir l'air naturel. À ne pas montrer qu'elle était juste bonne à rester enfermée chez elle et absolument incapable de se tenir en société. Elle avait listé toutes les éventualités et la réaction adaptée pour être certaine – ou presque – de ne pas perdre ses moyens. De ne surtout pas laisser l'angoisse la submerger. Seulement, elle n'avait pas prévu de trouver d'autres solutions à la dernière minute.
Parce qu'elle l'avait répété des centaines de fois au moins, elle énonça sans même y penser qui elle était et le motif de sa visite. Elle n'entendit même pas ses mots, mais elle n'aurait pas pu se tromper, si ? En temps normal, cela l'aurait inquiétée, mais ses préoccupations étaient ailleurs. Elle devait faire demi-tour. Elle n'en avait plus le droit, pas après s'être annoncée.
Ses doutes l'accaparaient à tel point qu'elle ne remarqua même pas qu'on la faisait entrer avant qu'il ne soit trop tard. Vraiment trop tard : elle était à l'intérieur, piégée. Combien de temps était-elle restée perdue dans ses pensées ? Elle l'ignorait, mais ce furent les salutations de son hôte qui l'en tirèrent. Assurément, il n'était plus question de faire demi-tour.
Il fallait qu’elle sorte. Qu’elle se concentre sur autre chose en attendant d’avoir le courage de décliner l’invitation. Parce qu’elle allait la décliner, n’est-ce pas ? C’était une évidence, il fallait seulement qu’elle s’en convainque. Qu'elle oublie la folie qui l'a poussait à jouer avec le feu.
Soit. Sa vie ne pouvait pas s'arrêter pour une hésitation si futile. Elle avait d'autres priorités. Quelqu'un d'autre à retrouver. Les gens sains d’esprits évitaient ceux qui avaient menacé leur vie. Éléonore avait plutôt tendance à faire l’inverse. Ce n’était pas la première fois, d’ailleurs.
De toute manière, que risquait-elle ? N’avait-il pas juré de la laisser tranquille ? Il suffisait de ne pas lui donner à croire qu’elle avait pu faillir à sa parole. Elle devait le revoir, point final. Elle devait le remercier. Pas de lui avoir évité un coup, non : cela, la chute le compensait largement. Pas de l’avoir laissée vivre non plus : cela, c’était juste normal, puisqu’il n’avait aucun droit sur sa vie. Pourquoi, alors, se sentait-elle à ce point reconnaissante ? Pourquoi emportait-elle ce bijou ?
Ariste. La réponse à tout. C’était l'intervention d'Eldred qui avait permis tout le reste. Sans lui, elle n’aurait jamais pu deviner qui était ce dément qui l’avait abordée, elle n’aurait pas pu le retrouver ni écouter parler d’Ariste. A bien y penser, c’était aussi de sa faute si elle se retrouvait désormais avec une invitation à décliner… Mais c’était bien accessoire à côté de ce que cela lui avait apporté. Cela méritait au moins qu’elle fasse le déplacement… Voire qu’elle prenne le risque de se déplacer pour rien.
Que ne fallait-il pas inventer pour retrouver un esclave sans attirer l’attention ? Après tout, elle ne pouvait pas le demander. Elle ne pouvait pas non plus donner l’impression de le chercher. Elle avait eu beau réfléchir, elle n'avait trouvé aucune excuse crédible pour justifier son intérêt soudain pour cet étranger. D'excuse qui ne le mette pas en péril. Il ne manquerait plus qu’elle ait besoin d’expliquer la vérité… A noter qu’alors, ce serait à Eldred de la retrouver, et dans un but nettement moins cordial.
Éléonore frissonna. Ce qu'il pouvait faire froid ! Elle voulut faire demi-tour. Des dizaines d'autres solutions s'imposaient soudain à son esprit. Assez farfelues pour certaines, mais qui avaient le mérite de lui épargner cette visite au premier conseiller. Cette visite qui n'apporterait sans doute rien à son réel objectif, mais qui, jusqu'alors, semblait être sa meilleure chance.
Avant qu'elle n'ait le temps de renoncer, cette saleté de cheval l'avait déjà menée jusqu'à l'entrée. Elle était encore plongée dans ses pensées quand elle laissa la fourbe bestiole aux soins d'un inconnu. Elle s'était préparée pendant de nombreuses heures à cette entrée. À avoir l'air naturel. À ne pas montrer qu'elle était juste bonne à rester enfermée chez elle et absolument incapable de se tenir en société. Elle avait listé toutes les éventualités et la réaction adaptée pour être certaine – ou presque – de ne pas perdre ses moyens. De ne surtout pas laisser l'angoisse la submerger. Seulement, elle n'avait pas prévu de trouver d'autres solutions à la dernière minute.
Parce qu'elle l'avait répété des centaines de fois au moins, elle énonça sans même y penser qui elle était et le motif de sa visite. Elle n'entendit même pas ses mots, mais elle n'aurait pas pu se tromper, si ? En temps normal, cela l'aurait inquiétée, mais ses préoccupations étaient ailleurs. Elle devait faire demi-tour. Elle n'en avait plus le droit, pas après s'être annoncée.
Ses doutes l'accaparaient à tel point qu'elle ne remarqua même pas qu'on la faisait entrer avant qu'il ne soit trop tard. Vraiment trop tard : elle était à l'intérieur, piégée. Combien de temps était-elle restée perdue dans ses pensées ? Elle l'ignorait, mais ce furent les salutations de son hôte qui l'en tirèrent. Assurément, il n'était plus question de faire demi-tour.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Le froid siffle contre les murs austères de la demeure de Frenn. Engoncés dans leurs épaisses fourrures, des gardes mènent leur ronde en haut des remparts. Leurs pas crissent bruyamment contre le sol de pierre quasi gelés en cette mi-décembre. Trois d'entre eux interrompent leur morne déambulation en découvrant, au pied du domaine, une petite escorte au milieu de laquelle se tenaient une jeune femme. Une aristocrate, de toute évidence, à en croire son élégant maintien et la richesse de sa tenue. Sans tarder, les vigiles font aussitôt signe à leurs collègues en contrebas : vite ! Il faut hausser la herse, ouvrir les lourdes portes, baisser le pont-levis.
Les soldats accueillent la demoiselle. Après quelques paroles de pure formalité, ils la conduisent à l'intérieur avec forces manières. Les Messieurs s'étonnent de la voir si plongée dans ses pensées - des pensées qu'ils devinent nombreuses, complexes. On invitera la jeune femme à descendre de cheval et à le confier aux employés du fief, tandis que déjà un portier s'élance à travers la cour, puis entre les couloirs, jusqu'au bureau du Premier Conseiller.
Le baron est, depuis ce matin, occupé à étudier des rapports gouvernementaux et à édicter de nouveaux projets de loi. Assis à son élégant secrétaire d'ébène, il profite du clapotis de flammes qui dansent dans son dos au creux de la vaste cheminée de pierre. A l'aube, des esclaves sont venus y déposer un épais tronc et ont ranimé le feu prompt à lutter contre la bise hivernale. Dyonis sait à peine quelle heure il est - ne voyant pas le temps filer au milieu de son travail - lorsqu'un portier vient le trouver pour annoncer une noble dame venue le trouver.
Sans attendre, le seigneur se lèvre et traverse les corridors de son domaine jusqu'à trouver la demoiselle qui patientait dans l'antichambre. On n'aura pas manqué de proposer à cette dernière un confortable fauteuil damassé au coin d'un feu, dans l'attente de l'arrivée du maître des lieux. Le baron approche, droit, carré dans son costume noir à la coupe militaire. Un sourire poli atténue quelques secondes les traits sévères de son visage. Il incline la tête et le haut du buste devant la jeune femme, puis lui tend avec déférence sa main métallique, prêt à lui offrir le protocolaire baisemain. Dyonis a porté dans son dos son autre bras, que termine son crochet de fer.
"Ma Dame." engage le châtelain. "C'est un plaisir que de vous accueillir à Frenn. A qui ais-je l'honneur ?"
Il doit bien reconnaître ne pas réussir à remettre avec précision cette jeune femme. L'avait-il même déjà vue ? Son esprit cherche, en quête de quelque indice, mais il faut dire que tant d'autres choses l'occupent actuellement : la reprise de contact régulier avec sa fille Lavinia, les poux que lui cherche Alduis de Fromart, les affaires de mariages arrangés censés rapporter moult pécunes à la couronne, le très récent retour du Cardinal Cassin et la chasse au sorcier infirme qu'il a lancée à travers la capitale... Pourvu, en ces circonstances, que la visite de cette jeune femme soit de bon augure et laisse au Premier Conseiller un bon souvenir.
Les soldats accueillent la demoiselle. Après quelques paroles de pure formalité, ils la conduisent à l'intérieur avec forces manières. Les Messieurs s'étonnent de la voir si plongée dans ses pensées - des pensées qu'ils devinent nombreuses, complexes. On invitera la jeune femme à descendre de cheval et à le confier aux employés du fief, tandis que déjà un portier s'élance à travers la cour, puis entre les couloirs, jusqu'au bureau du Premier Conseiller.
Le baron est, depuis ce matin, occupé à étudier des rapports gouvernementaux et à édicter de nouveaux projets de loi. Assis à son élégant secrétaire d'ébène, il profite du clapotis de flammes qui dansent dans son dos au creux de la vaste cheminée de pierre. A l'aube, des esclaves sont venus y déposer un épais tronc et ont ranimé le feu prompt à lutter contre la bise hivernale. Dyonis sait à peine quelle heure il est - ne voyant pas le temps filer au milieu de son travail - lorsqu'un portier vient le trouver pour annoncer une noble dame venue le trouver.
Sans attendre, le seigneur se lèvre et traverse les corridors de son domaine jusqu'à trouver la demoiselle qui patientait dans l'antichambre. On n'aura pas manqué de proposer à cette dernière un confortable fauteuil damassé au coin d'un feu, dans l'attente de l'arrivée du maître des lieux. Le baron approche, droit, carré dans son costume noir à la coupe militaire. Un sourire poli atténue quelques secondes les traits sévères de son visage. Il incline la tête et le haut du buste devant la jeune femme, puis lui tend avec déférence sa main métallique, prêt à lui offrir le protocolaire baisemain. Dyonis a porté dans son dos son autre bras, que termine son crochet de fer.
"Ma Dame." engage le châtelain. "C'est un plaisir que de vous accueillir à Frenn. A qui ais-je l'honneur ?"
Il doit bien reconnaître ne pas réussir à remettre avec précision cette jeune femme. L'avait-il même déjà vue ? Son esprit cherche, en quête de quelque indice, mais il faut dire que tant d'autres choses l'occupent actuellement : la reprise de contact régulier avec sa fille Lavinia, les poux que lui cherche Alduis de Fromart, les affaires de mariages arrangés censés rapporter moult pécunes à la couronne, le très récent retour du Cardinal Cassin et la chasse au sorcier infirme qu'il a lancée à travers la capitale... Pourvu, en ces circonstances, que la visite de cette jeune femme soit de bon augure et laisse au Premier Conseiller un bon souvenir.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Brusquement arrachée à ses vaines réflexions, Éléonore dut se faire violence pour ne pas bondir sur ses jambes. Elle se retrouva debout, tout en souplesse, avec moins de difficultés que son sursaut l’avait laissée présager. Elle résista également à l’envie irrépressible de profiter de cet élan pour s’enfuir. Pour disparaître. Et ce alors que son hôte n’avait rien fait de particulier pour la mettre mal à l’aise.
Son trouble fut si bref qu’il passerait probablement inaperçu. Ou bien, on le mettrait sur le compte d’une légère surprise. Mais le conditionnement des derniers jours ne fut pas altéré par la panique qui la gagnait.
Vous avez visiblement passé trop de temps dans votre campagne pour en oublier les salutations d'usage.
Elle se détestait. Pourquoi étaient-ce ses piques qui lui revenaient ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à se sortir de la tête la honte qui l’avait saisie à ce moment-là ?
Eléonore sourit tandis qu’elle tendait sa propre main. Au moins, cette fois, elle s’était préparée. Elle s’était ridiculisée une fois, mais désormais, cela n’arriverait plus !
--- Éléonore de Tianidre, Votre Excellence, énonça-t-elle. C’est un honneur de vous rencontrer.
Une demi seconde de doute. Cela ne semblait-il pas trop mécanique ? Trop préparé ? Il fallait qu’elle parte. Elle ne se sentait pas du tout à sa place. Dès qu’elle sortirait d’ici -- c’est à dire le plus vite possible sans paraître désespérément grossière --, elle préparerait son retour à Tianidre. Elle avait bien assez expérimenté la haute société de Braktenn -- deux entrevues et une tentative avortée de sortie -- pour déterminer que ce n’était pas fait pour elle. Elle allait rentrer, se laisser isoler et essuyer les plaisanteries de Gabriel avec classe.
Pourquoi Ariste n’était-il pas là ? Si Ariste avait été vivant, Éléonore le savait, elle n’aurait jamais eu besoin de voir personne. Ou bien, il aurait été là pour la soutenir. S’il avait été présent, elle n’aurait rien eu besoin de craindre. Mais… Il fallait être réaliste : si elle devenait comtesse, quoi qu’en dise son oncle, elle n’aurait pas l’opportunité d’être aussi isolée qu’elle l’avait toujours été. Pourquoi ne l’avait-il jamais encouragée à se montrer sociale ? Pourquoi lui-même limitait-il ses efforts au minimum ? Comment Ariste avait-il pu demeurer si ouvert en dépit de cela ?
--- Je crois savoir que vous avez connu mon oncle, à une époque. Il vous transmet ses félicitations pour votre nouveau poste.
Cette phrase-là aussi, elle l’avait répétée des centaines de fois, toute seule dans sa chambre. Elle parvint à la prononcer relativement naturellement. Elle espérait être la seule à percevoir le léger doute dans sa voix. Elle savait qu’à une époque -- avant sa naissance -- son oncle avait été quelqu’un d’ouvert. A en croire Eltinne, qui avait connu ses dernières années avant le déclin, il était même bien en cour. Eléonore avait du mal à imaginer Eineld fréquenter des gens. C’était une sorte de mythe, tout à fait en décalage avec l’homme qu’il était aujourd’hui. Un homme dégoûté par la haute société et qui, à ce rythme-là, allait finir carrément misanthrope.
Des félicitations… Elle espérait que son hôte se souviendrait uniquement de l’homme sociable qui avait existé en ces temps fort reculés. Elle espérait qu’il ne devinait pas ce qu’il était devenu. S’il savait, il saurait aussi que toute courtoisie l’avait déserté, et qu’il ne l’aurait félicité pour rien au monde. Il s’y était explicitement refusé.
Un vautour de plus ! Ils ne valent pas mieux, tous autant qu’ils sont. Ils se sourient pour mieux se poignarder dans le dos. C’est vrai, j’ai eu de l’estime pour lui à une époque. Mais on n’atteint pas ce genre de postes avec des bons sentiments. Qu’ils jouent donc avec leur pouvoir illusoire, je n’applaudirai pas leurs bassesses.
Éléonore en finissait par se demander comment son oncle ne s’était pas encore fait tuer. Mais cela aussi, elle le dissimula. Elle n’avait aucune raison apparente de paniquer. Paniquer aurait alors été suspect.
Vous allez vous faire dévorer si vous vous présentez ainsi à la Cour, mon petit agneau.
Elle pesta intérieurement contre ses paroles qui lui revenaient. Qui lui prouvaient que son oncle avait eu raison de la garder, qu’elle n’était pas à la hauteur. Qu’elle était trop faible pour affronter le monde. Qu’elle ne faisait que multiplier les erreurs. Elle se détestait. Elle réfléchissait trop et n’arrangeait rien.
Elle laissa un discret sourire marquer ses lèvres, mais surtout ses yeux, dans l’attente d’une réaction.
Avec tout cela, elle n’avait même pas prêté attention à la prothèse. Seul le souvenir d’en avoir entendu parler lui ferait dire qu’il en avait effectivement porté une.
Son trouble fut si bref qu’il passerait probablement inaperçu. Ou bien, on le mettrait sur le compte d’une légère surprise. Mais le conditionnement des derniers jours ne fut pas altéré par la panique qui la gagnait.
Vous avez visiblement passé trop de temps dans votre campagne pour en oublier les salutations d'usage.
Elle se détestait. Pourquoi étaient-ce ses piques qui lui revenaient ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à se sortir de la tête la honte qui l’avait saisie à ce moment-là ?
Eléonore sourit tandis qu’elle tendait sa propre main. Au moins, cette fois, elle s’était préparée. Elle s’était ridiculisée une fois, mais désormais, cela n’arriverait plus !
--- Éléonore de Tianidre, Votre Excellence, énonça-t-elle. C’est un honneur de vous rencontrer.
Une demi seconde de doute. Cela ne semblait-il pas trop mécanique ? Trop préparé ? Il fallait qu’elle parte. Elle ne se sentait pas du tout à sa place. Dès qu’elle sortirait d’ici -- c’est à dire le plus vite possible sans paraître désespérément grossière --, elle préparerait son retour à Tianidre. Elle avait bien assez expérimenté la haute société de Braktenn -- deux entrevues et une tentative avortée de sortie -- pour déterminer que ce n’était pas fait pour elle. Elle allait rentrer, se laisser isoler et essuyer les plaisanteries de Gabriel avec classe.
Pourquoi Ariste n’était-il pas là ? Si Ariste avait été vivant, Éléonore le savait, elle n’aurait jamais eu besoin de voir personne. Ou bien, il aurait été là pour la soutenir. S’il avait été présent, elle n’aurait rien eu besoin de craindre. Mais… Il fallait être réaliste : si elle devenait comtesse, quoi qu’en dise son oncle, elle n’aurait pas l’opportunité d’être aussi isolée qu’elle l’avait toujours été. Pourquoi ne l’avait-il jamais encouragée à se montrer sociale ? Pourquoi lui-même limitait-il ses efforts au minimum ? Comment Ariste avait-il pu demeurer si ouvert en dépit de cela ?
--- Je crois savoir que vous avez connu mon oncle, à une époque. Il vous transmet ses félicitations pour votre nouveau poste.
Cette phrase-là aussi, elle l’avait répétée des centaines de fois, toute seule dans sa chambre. Elle parvint à la prononcer relativement naturellement. Elle espérait être la seule à percevoir le léger doute dans sa voix. Elle savait qu’à une époque -- avant sa naissance -- son oncle avait été quelqu’un d’ouvert. A en croire Eltinne, qui avait connu ses dernières années avant le déclin, il était même bien en cour. Eléonore avait du mal à imaginer Eineld fréquenter des gens. C’était une sorte de mythe, tout à fait en décalage avec l’homme qu’il était aujourd’hui. Un homme dégoûté par la haute société et qui, à ce rythme-là, allait finir carrément misanthrope.
Des félicitations… Elle espérait que son hôte se souviendrait uniquement de l’homme sociable qui avait existé en ces temps fort reculés. Elle espérait qu’il ne devinait pas ce qu’il était devenu. S’il savait, il saurait aussi que toute courtoisie l’avait déserté, et qu’il ne l’aurait félicité pour rien au monde. Il s’y était explicitement refusé.
Un vautour de plus ! Ils ne valent pas mieux, tous autant qu’ils sont. Ils se sourient pour mieux se poignarder dans le dos. C’est vrai, j’ai eu de l’estime pour lui à une époque. Mais on n’atteint pas ce genre de postes avec des bons sentiments. Qu’ils jouent donc avec leur pouvoir illusoire, je n’applaudirai pas leurs bassesses.
Éléonore en finissait par se demander comment son oncle ne s’était pas encore fait tuer. Mais cela aussi, elle le dissimula. Elle n’avait aucune raison apparente de paniquer. Paniquer aurait alors été suspect.
Vous allez vous faire dévorer si vous vous présentez ainsi à la Cour, mon petit agneau.
Elle pesta intérieurement contre ses paroles qui lui revenaient. Qui lui prouvaient que son oncle avait eu raison de la garder, qu’elle n’était pas à la hauteur. Qu’elle était trop faible pour affronter le monde. Qu’elle ne faisait que multiplier les erreurs. Elle se détestait. Elle réfléchissait trop et n’arrangeait rien.
Elle laissa un discret sourire marquer ses lèvres, mais surtout ses yeux, dans l’attente d’une réaction.
Avec tout cela, elle n’avait même pas prêté attention à la prothèse. Seul le souvenir d’en avoir entendu parler lui ferait dire qu’il en avait effectivement porté une.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Dyonis ne notera rien du bref trouble ni des hésitations de sa jeune invitée - si ce n'est un tout petit sursaut qu'il attribue aisément à son arrivée dans la pièce. Peut-être l'a-t-il tirée de ses pensées ? Qu'importe, il passe déjà à autre chose et n'est pas aussi sourcilleux que bien des confrères aristocrates quant au fait d'analyser le moindre mouvement, de traquer la moindre maladresse ou le moindre signe à décortiquer. Peu soucieux des manières empruntées, il est même plutôt sobre voire austère.
Ce qui toutefois ne l'aura pas empêché d'adresser un baisemain à la jeune noble ainsi que le veut l'usage. Ceci est tout de même la base. Elle se présente alors et, après une seconde de réflexion, le Premier Conseiller remet le nom qu'elle lui donne, la famille à laquelle il renvoie, et notamment un de ses membres qu'il a vaguement côtoyé jadis à la cour.
"Oh, Mademoiselle de Tianidre, bien sûr. J'ai déjà entendu parler de vous, et me souviens à présent." Dyonis n'a jamais rencontré la jeune femme, cependant des nouvelles la concernant lui sont arrivées de ci ou de là par le passé, au détour de quelque salon ou réunion de militaires où étaient présents des membres de son entourage. "Voilà donc une visite inattendue, mais de bonne augure." commente seulement le seigneur de Frenn, peu bavard ni friand de propos superflus, mais tout à fait sincère dans ses mots et son regard.
Il connaît en effet les grandes lignes de la tragique histoire vécue récemment par la maison de Tianidre. Le décès d'Ariste, jeune militaire... et l'affliction profonde qu'en a conçue sa cousine, ici présente. Dyonis avait aussi vaguement entendu son long retrait du monde, son deuil si difficile, non sans en concevoir à l'époque une certaine compassion. Toutefois apparemment, comme le châtelain est agréablement surpris de le constater, Éléonore a quitté son isolement, d'où sa visite... qui relève d'un bon signe selon lui : ainsi qu'il l'a exprimé, il est encourageant de la voir rompre enfin sa retraite pour tenter de renouer avec le monde. Le deuil commence sans doute à faire son chemin et la jeune noble se reprend en main. Même si le seigneur se doute bien évidemment que la douleur est encore vivace et que, de retour à la capitale ou non, rien n'effacera jamais la mémoire d'un être aussi proche.
"En effet, j'ai connu le comte votre oncle. Grand merci à lui pour cette attention à mon égard." répond le Premier Conseiller dans un sourire plutôt réservé. Il n'est pas homme de grandes démonstrations. Mais surtout, plus il occupe sa nouvelle fonction et plus il repense, avec force culpabilité, à la manière peu catholique dont il l'a obtenue. Cette manigance... Ces deux malheureux garçons qu'il a fallu faire taire sur son complot. A mesure que ce péché le hante, le baron tente de se rassurer parfois en se rappelant de cette phrase sainte voulant que "Même le juste pèche sept fois par jour." - bien en vain cependant. Il faudra plutôt qu'il répare le mal commis. Qu'il affranchisse ses deux victimes - il y est maintenant de plus en plus décidé. Et qu'il compense en étant un Premier Conseiller droit et au service même des plus humbles vassaux, comme rarement en aurait connu l'Empire. Promesse que chaque jour il se renouvelle en prière.
Sans rien trahir évidemment de toutes ces pensées, après ce remerciement sobre adressé à Eineld de Tianidre représentée céans par sa nièce Éléonore, il lui proposera en désignant fauteuil et table basse du bout de son crochet : "Vous offrirais-je quelque chose à boire ?" Il note au passage l'étrange petit sourire de son invitée mais sans trop le comprendre. Il s'assied, et reprend au sujet du seigneur de Tianidre : "Je garde de votre oncle le souvenir d'un homme très attaché à se montrer en désaccord avec ce qu'il estimait être des injustices de la société. Des critiques que plus d'une fois j'ai partagées. Nous avons grand besoin de regards francs et peu complaisants sur notre monde." (Un temps) "Comment se porte-t-il aujourd'hui ? Que devient-il ? Et vous-même, surtout, comment se passe votre retour à Braktenn ?"
La voix de Dyonis est calme, sobre. L'on y sent qu'il se soucie réellement de sa vis-à-vis en posant ces questions et ne jette pas seulement ces interrogations en l'air pour la forme et la politesse. Une vague de froid pénètre alors violemment dans la pièce et le baron, après une brève grimace et un regard d'excuses à Éléonore, attrape et secoue de sa prothèse une cloche à la table. Quand un commis se présente, il commandera : "Que quelqu'un vienne ranimer le feu de cette cheminée."
Ce qui toutefois ne l'aura pas empêché d'adresser un baisemain à la jeune noble ainsi que le veut l'usage. Ceci est tout de même la base. Elle se présente alors et, après une seconde de réflexion, le Premier Conseiller remet le nom qu'elle lui donne, la famille à laquelle il renvoie, et notamment un de ses membres qu'il a vaguement côtoyé jadis à la cour.
"Oh, Mademoiselle de Tianidre, bien sûr. J'ai déjà entendu parler de vous, et me souviens à présent." Dyonis n'a jamais rencontré la jeune femme, cependant des nouvelles la concernant lui sont arrivées de ci ou de là par le passé, au détour de quelque salon ou réunion de militaires où étaient présents des membres de son entourage. "Voilà donc une visite inattendue, mais de bonne augure." commente seulement le seigneur de Frenn, peu bavard ni friand de propos superflus, mais tout à fait sincère dans ses mots et son regard.
Il connaît en effet les grandes lignes de la tragique histoire vécue récemment par la maison de Tianidre. Le décès d'Ariste, jeune militaire... et l'affliction profonde qu'en a conçue sa cousine, ici présente. Dyonis avait aussi vaguement entendu son long retrait du monde, son deuil si difficile, non sans en concevoir à l'époque une certaine compassion. Toutefois apparemment, comme le châtelain est agréablement surpris de le constater, Éléonore a quitté son isolement, d'où sa visite... qui relève d'un bon signe selon lui : ainsi qu'il l'a exprimé, il est encourageant de la voir rompre enfin sa retraite pour tenter de renouer avec le monde. Le deuil commence sans doute à faire son chemin et la jeune noble se reprend en main. Même si le seigneur se doute bien évidemment que la douleur est encore vivace et que, de retour à la capitale ou non, rien n'effacera jamais la mémoire d'un être aussi proche.
"En effet, j'ai connu le comte votre oncle. Grand merci à lui pour cette attention à mon égard." répond le Premier Conseiller dans un sourire plutôt réservé. Il n'est pas homme de grandes démonstrations. Mais surtout, plus il occupe sa nouvelle fonction et plus il repense, avec force culpabilité, à la manière peu catholique dont il l'a obtenue. Cette manigance... Ces deux malheureux garçons qu'il a fallu faire taire sur son complot. A mesure que ce péché le hante, le baron tente de se rassurer parfois en se rappelant de cette phrase sainte voulant que "Même le juste pèche sept fois par jour." - bien en vain cependant. Il faudra plutôt qu'il répare le mal commis. Qu'il affranchisse ses deux victimes - il y est maintenant de plus en plus décidé. Et qu'il compense en étant un Premier Conseiller droit et au service même des plus humbles vassaux, comme rarement en aurait connu l'Empire. Promesse que chaque jour il se renouvelle en prière.
Sans rien trahir évidemment de toutes ces pensées, après ce remerciement sobre adressé à Eineld de Tianidre représentée céans par sa nièce Éléonore, il lui proposera en désignant fauteuil et table basse du bout de son crochet : "Vous offrirais-je quelque chose à boire ?" Il note au passage l'étrange petit sourire de son invitée mais sans trop le comprendre. Il s'assied, et reprend au sujet du seigneur de Tianidre : "Je garde de votre oncle le souvenir d'un homme très attaché à se montrer en désaccord avec ce qu'il estimait être des injustices de la société. Des critiques que plus d'une fois j'ai partagées. Nous avons grand besoin de regards francs et peu complaisants sur notre monde." (Un temps) "Comment se porte-t-il aujourd'hui ? Que devient-il ? Et vous-même, surtout, comment se passe votre retour à Braktenn ?"
La voix de Dyonis est calme, sobre. L'on y sent qu'il se soucie réellement de sa vis-à-vis en posant ces questions et ne jette pas seulement ces interrogations en l'air pour la forme et la politesse. Une vague de froid pénètre alors violemment dans la pièce et le baron, après une brève grimace et un regard d'excuses à Éléonore, attrape et secoue de sa prothèse une cloche à la table. Quand un commis se présente, il commandera : "Que quelqu'un vienne ranimer le feu de cette cheminée."
- Spoiler:
- @Eldred Kjaersen tu es le bienvenu par ici
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Alors, il avait déjà entendu parler d’elle. De quoi ? De son isolement ? Des efforts que son oncle ne faisaient plus ? De l’inconstance amoureuse que certains attribuaient à sa mère ? Des préférences d’Ariste ? Cette dernière option lui semblait très peu probable, car personne ne savait. S’il y avait eu la moindre rumeur, Oncle Eineld l’aurait interceptée et son cher fils aurait été au courant. Bon…
De bon augure… Ce qu’il avait entendu ne devait pas être trop compromettant… D’autant qu’elle ne percevait pas de duplicité dans son attitude.
Ceux qui semblent vraiment sincères sont souvent tout simplement les plus habiles manipulateurs, mon enfant. Méfie-toi.
Ce n’était pas grave. Qu’il soit sincère ou non ne devait rien changer à la situation. Elle ne dirait rien de compromettant, quoi qu’il en soit… Au pire, elle se ridiculiserait toute seule. Au pire, tous les hommes important du pays finiraient par savoir qu’elle était d’une maladresse magistrale et tant pis… Lorsqu’elle se reprendrait, elle pourrait peut-être même tirer parti de ce que tout le monde la crût idiote.
Mais ce n’était qu’une consolation, au cas où. Elle ne deviendrait pas volontairement la risée de Braktenn, ça non. En plus, elle détestait simuler… Elle était trop sincère, c’était entre autre pour préserver cette pureté spirituelle, que son oncle avait toujours refusé de l’exposer. Pour lui interdire de devenir comme eux tous. Et pour la protéger.
Elle n’aimait pas mentir, mais elle transmit tout de même des félicitations qui ne venaient que d’elle. Ce n’était pas tout à fait mensonger, quand on y pensait bien. “j’ai peut-être eu de l’estime pour lui à une époque”, dans la bouche du comte de Tianidre, c’était déjà un fameux compliment vis-à-vis des vautours.
— Oh mais ces quelques mots n’étaient que la moindre des choses… Il aurait aimé se déplacer lui-même mais… Pour peu qu’il quitte Tianidre quelques heures, il craint déjà que le château ne tombe en ruine. Imaginez donc le temps d’une visite à la capitale !
Enfin, je veux dire que… C’est que… En réalité… Oubliez.
Idiote ! Mais quelle idiote ! Elle mordit dans sa joue pour s’interdire de rectifier dix fois et de s’enfoncer. Fichue spontanéité ! Car au fond, hormis cette affaire de félicitations, c’était absolument vrai. Eineld couvait son château encore plus qu’elle, c’était dire. Et dès qu’il fallait mettre un seul pied hors de ces terres, on eut dit que l’univers allait s’écrouler. Alors huit jours aller-retour pour arriver à Braktenn, en plus du temps qu’il devrait passer sur place… Il ne devait plus l’envisager que dans ses pires cauchemars.
— Je… Volontiers… fit-elle en s’asseyant en face de son hôte.
Mais évidemment, il fallait que la conversation porte à nouveau sur son oncle… Elle ne sut sincèrement pas comment interpréter le souvenir que le baron lui en partageait. Le beau monde n’aimait pas ceux qui osaient penser comme Eineld de Tianidre. Ils méprisaient ceux qui avaient, comme lui, la folie d’assumer une telle opinion.
Qu’était-ce donc ? Un test ? Voulait-il voir si l’héritière était aussi attachée à ces valeurs tranchées et divergentes que son tuteur ? Voir si elle se montrerait plus en accord avec la société, si elle aurait assez de jugeotte pour penser comme une vraie femme de son rang ?
Elle pesta intérieurement. Pourquoi n’avait-elle pas emporté son pendentif laurier ? Celui qui l’aurait réconfortée. Qui lui aurait montré la voie même si Ariste était tout aussi mitigé qu’elle sur l’attitude à adopter.
Papa est trop… extrémiste dans ses idées. Il a raison, mais à penser ainsi, il finira par tous nous couler.
Son oncle était-il fou ? Ou juste plus courageux qu’elle ne le serait jamais ? Parfois, à table, les propos qu’il tenait l'effrayaient. Dès propos dangereux, très dangereux, que jamais ni Eléonore, ni Ariste, ni même Gabriel -- les trois seules personnes au courant -- ne prendraient le risque de répéter où que ce soit.
Un jour, ils se soulèveront. Et lorsqu’ils seront assez nombreux pour renverser cette folie, ils pourront compter sur mon entier soutien. J’espère que cela adviendra de mon vivant. Que je pourrai voir ce monde purgé de cette ignominie. Pas un monde juste, mais moins injuste. J’espère que leur force me libèrera du lâche instinct de conservation qui m’empêche d’affirmer plus fermement ma position.
Rien qu’à y penser, Eléonore frissonna. Certes, son oncle n’aurait jamais dit cela en public, mais il en faisait déjà trop. Mais il était hors de question qu’elle le désavoue.
— Il demeure droit et inflexible, répondit Eléonore après quelques secondes de réflexions qui lui semblèrent durer des heures. Certains diraient qu’il est borné, mais c’est un homme de principes, voilà tout.
Elle se mordit la joue pour s’empêcher de poursuivre, mais ce fut plus fort qu’elle.
— Principes qui font défaut à trop des nôtres, je le déplore.
Vous allez vous faire dévorer si vous vous présentez ainsi à la Cour, mon petit agneau.
Oui, oui, elle savait. Que ce fourbe Coldris de Fromart cesse donc de s’inviter dans son esprit. Il était tout ce pourquoi Eineld détestait les hommes de son rang. Tout ce pourquoi il la protégeait et l’enfermait si jalousement derrière les murs de Tianidre.
Et pourtant, ce fourbe avait raison. Elle savait depuis toujours qu’elle n’était pas taillée pour la haute société. Elle ne l’avait pas attendu pour le déterminer ! Et pourtant, c’étaient ses mots à lui qui la hantaient depuis trois jours. Sa voix à lui qui lui répétait en boucle de songer à son invitation…
Le Premier conseiller sonna une cloche. Elle attendit que l’on vienne s’enquérir du problème, et qu’on soit reparti pour achever.
— Mais en ce qui me concerne, je me porte à merveille.
Si on faisait abstraction des nuits qu’elle passait à pleurer et des journées à user les tapis du salon parce qu’elle n’osait pas sortir, bien sûr. Mais cela, il n’avait pas besoin de le savoir. Elle allait mieux. Et mieux, quand on remontait une pente qui l’avait presque tuée, c’était déjà exceptionnel.
C’est moi qui ait écrit.
Quand on savait quelle main avait dévié le poignard que l’on pointait contre soi, certaine d’être sur le point de poser son dernier acte. Ariste lui avait ordonné d’exister, et Alduis de Fromart avait permis à sa dernière volonté d’atteindre Eléonore. Cela aussi la hantait, ces dernières nuits.
— Je n’ai pas encore réellement trouvé mes marques à la capitale, mais je suppose que cela viendra bien assez tôt....
Quelle idiote ! Mais quelle idiote ! Elle n’en manquait pas une. Cela ne le concernait pas. Elle allait vraiment se ridiculiser. Comme d’habitude. Il n’y avait que chez elle qu’elle savait agir. Quand Ariste était là.
— Je me rends compte que j’en connais trop peu à votre sujet pour savoir quelles nouvelles prendre, avoua Eléonore.
Et cela la chagrinait réellement, parce qu’elle ne supportait l’idée de ne pouvoir lui rendre l’intérêt qu’il lui témoignait -- ou simulait à merveille, mais cela ne faisait pas de différence, cette fois.
Et… Avait-elle réellement dit une telle bêtise à haute voix ? Non, c’était impossible. Elle n’aurait pas pu dire quelque chose de si stupide. Pourtant, elle avait entendu sa voix tinter, et ces mots se former.
— Pardonnez-moi, cela m’a échappé. C’était tout à fait déplacé. Je…
La porte s’ouvrit. Reconnaissant le visage du nouveau venu, Eléonore oublia presque le malaise qui l’avait saisie. Aurait-elle osé croire qu’elle le reverrait si facilement ?
De bon augure… Ce qu’il avait entendu ne devait pas être trop compromettant… D’autant qu’elle ne percevait pas de duplicité dans son attitude.
Ceux qui semblent vraiment sincères sont souvent tout simplement les plus habiles manipulateurs, mon enfant. Méfie-toi.
Ce n’était pas grave. Qu’il soit sincère ou non ne devait rien changer à la situation. Elle ne dirait rien de compromettant, quoi qu’il en soit… Au pire, elle se ridiculiserait toute seule. Au pire, tous les hommes important du pays finiraient par savoir qu’elle était d’une maladresse magistrale et tant pis… Lorsqu’elle se reprendrait, elle pourrait peut-être même tirer parti de ce que tout le monde la crût idiote.
Mais ce n’était qu’une consolation, au cas où. Elle ne deviendrait pas volontairement la risée de Braktenn, ça non. En plus, elle détestait simuler… Elle était trop sincère, c’était entre autre pour préserver cette pureté spirituelle, que son oncle avait toujours refusé de l’exposer. Pour lui interdire de devenir comme eux tous. Et pour la protéger.
Elle n’aimait pas mentir, mais elle transmit tout de même des félicitations qui ne venaient que d’elle. Ce n’était pas tout à fait mensonger, quand on y pensait bien. “j’ai peut-être eu de l’estime pour lui à une époque”, dans la bouche du comte de Tianidre, c’était déjà un fameux compliment vis-à-vis des vautours.
— Oh mais ces quelques mots n’étaient que la moindre des choses… Il aurait aimé se déplacer lui-même mais… Pour peu qu’il quitte Tianidre quelques heures, il craint déjà que le château ne tombe en ruine. Imaginez donc le temps d’une visite à la capitale !
Enfin, je veux dire que… C’est que… En réalité… Oubliez.
Idiote ! Mais quelle idiote ! Elle mordit dans sa joue pour s’interdire de rectifier dix fois et de s’enfoncer. Fichue spontanéité ! Car au fond, hormis cette affaire de félicitations, c’était absolument vrai. Eineld couvait son château encore plus qu’elle, c’était dire. Et dès qu’il fallait mettre un seul pied hors de ces terres, on eut dit que l’univers allait s’écrouler. Alors huit jours aller-retour pour arriver à Braktenn, en plus du temps qu’il devrait passer sur place… Il ne devait plus l’envisager que dans ses pires cauchemars.
— Je… Volontiers… fit-elle en s’asseyant en face de son hôte.
Mais évidemment, il fallait que la conversation porte à nouveau sur son oncle… Elle ne sut sincèrement pas comment interpréter le souvenir que le baron lui en partageait. Le beau monde n’aimait pas ceux qui osaient penser comme Eineld de Tianidre. Ils méprisaient ceux qui avaient, comme lui, la folie d’assumer une telle opinion.
Qu’était-ce donc ? Un test ? Voulait-il voir si l’héritière était aussi attachée à ces valeurs tranchées et divergentes que son tuteur ? Voir si elle se montrerait plus en accord avec la société, si elle aurait assez de jugeotte pour penser comme une vraie femme de son rang ?
Elle pesta intérieurement. Pourquoi n’avait-elle pas emporté son pendentif laurier ? Celui qui l’aurait réconfortée. Qui lui aurait montré la voie même si Ariste était tout aussi mitigé qu’elle sur l’attitude à adopter.
Papa est trop… extrémiste dans ses idées. Il a raison, mais à penser ainsi, il finira par tous nous couler.
Son oncle était-il fou ? Ou juste plus courageux qu’elle ne le serait jamais ? Parfois, à table, les propos qu’il tenait l'effrayaient. Dès propos dangereux, très dangereux, que jamais ni Eléonore, ni Ariste, ni même Gabriel -- les trois seules personnes au courant -- ne prendraient le risque de répéter où que ce soit.
Un jour, ils se soulèveront. Et lorsqu’ils seront assez nombreux pour renverser cette folie, ils pourront compter sur mon entier soutien. J’espère que cela adviendra de mon vivant. Que je pourrai voir ce monde purgé de cette ignominie. Pas un monde juste, mais moins injuste. J’espère que leur force me libèrera du lâche instinct de conservation qui m’empêche d’affirmer plus fermement ma position.
Rien qu’à y penser, Eléonore frissonna. Certes, son oncle n’aurait jamais dit cela en public, mais il en faisait déjà trop. Mais il était hors de question qu’elle le désavoue.
— Il demeure droit et inflexible, répondit Eléonore après quelques secondes de réflexions qui lui semblèrent durer des heures. Certains diraient qu’il est borné, mais c’est un homme de principes, voilà tout.
Elle se mordit la joue pour s’empêcher de poursuivre, mais ce fut plus fort qu’elle.
— Principes qui font défaut à trop des nôtres, je le déplore.
Vous allez vous faire dévorer si vous vous présentez ainsi à la Cour, mon petit agneau.
Oui, oui, elle savait. Que ce fourbe Coldris de Fromart cesse donc de s’inviter dans son esprit. Il était tout ce pourquoi Eineld détestait les hommes de son rang. Tout ce pourquoi il la protégeait et l’enfermait si jalousement derrière les murs de Tianidre.
Et pourtant, ce fourbe avait raison. Elle savait depuis toujours qu’elle n’était pas taillée pour la haute société. Elle ne l’avait pas attendu pour le déterminer ! Et pourtant, c’étaient ses mots à lui qui la hantaient depuis trois jours. Sa voix à lui qui lui répétait en boucle de songer à son invitation…
Le Premier conseiller sonna une cloche. Elle attendit que l’on vienne s’enquérir du problème, et qu’on soit reparti pour achever.
— Mais en ce qui me concerne, je me porte à merveille.
Si on faisait abstraction des nuits qu’elle passait à pleurer et des journées à user les tapis du salon parce qu’elle n’osait pas sortir, bien sûr. Mais cela, il n’avait pas besoin de le savoir. Elle allait mieux. Et mieux, quand on remontait une pente qui l’avait presque tuée, c’était déjà exceptionnel.
C’est moi qui ait écrit.
Quand on savait quelle main avait dévié le poignard que l’on pointait contre soi, certaine d’être sur le point de poser son dernier acte. Ariste lui avait ordonné d’exister, et Alduis de Fromart avait permis à sa dernière volonté d’atteindre Eléonore. Cela aussi la hantait, ces dernières nuits.
— Je n’ai pas encore réellement trouvé mes marques à la capitale, mais je suppose que cela viendra bien assez tôt....
Quelle idiote ! Mais quelle idiote ! Elle n’en manquait pas une. Cela ne le concernait pas. Elle allait vraiment se ridiculiser. Comme d’habitude. Il n’y avait que chez elle qu’elle savait agir. Quand Ariste était là.
— Je me rends compte que j’en connais trop peu à votre sujet pour savoir quelles nouvelles prendre, avoua Eléonore.
Et cela la chagrinait réellement, parce qu’elle ne supportait l’idée de ne pouvoir lui rendre l’intérêt qu’il lui témoignait -- ou simulait à merveille, mais cela ne faisait pas de différence, cette fois.
Et… Avait-elle réellement dit une telle bêtise à haute voix ? Non, c’était impossible. Elle n’aurait pas pu dire quelque chose de si stupide. Pourtant, elle avait entendu sa voix tinter, et ces mots se former.
— Pardonnez-moi, cela m’a échappé. C’était tout à fait déplacé. Je…
La porte s’ouvrit. Reconnaissant le visage du nouveau venu, Eléonore oublia presque le malaise qui l’avait saisie. Aurait-elle osé croire qu’elle le reverrait si facilement ?
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eldred ravivait une cheminée dans un salon. Un travail de chaque instant à cette époque de l’année. Il préférait ne pas compter le nombre de cheminées (ce qui équivalait à peu près au nombre de pièces du château de Frenn). Un domestique entra.
- Le maître demande à ce que l’on s’occupe du foyer où il reçoit lâcha-t-il avant de repartir.
Eldred inclina la tête, mit un dernier coup de tisonnier et se redressa, hotte à l’épaule. Qui pouvait-il bien recevoir ? Il spécula le temps du trajet et ouvrir la porte. Le zakrotien salua par habitude sans vraiment regarder. Ce n’est qu’en se redressant qu’il croisa le regard familier. Celui de la femme de l’église. Que faisait-elle ici ? Pur hasard ? Ou bien était-elle venue se plaindre de la bousculade et des menaces ? Il se dirigea sans attendre vers l’âtre. Et si c’était un piège ? Et si Dyonis l’avait fait venir pour autre chose ? Il cassa un reste de bûches en train de se consumer et déplaça les braises avant d’y remettre du bois.
- Le maître demande à ce que l’on s’occupe du foyer où il reçoit lâcha-t-il avant de repartir.
Eldred inclina la tête, mit un dernier coup de tisonnier et se redressa, hotte à l’épaule. Qui pouvait-il bien recevoir ? Il spécula le temps du trajet et ouvrir la porte. Le zakrotien salua par habitude sans vraiment regarder. Ce n’est qu’en se redressant qu’il croisa le regard familier. Celui de la femme de l’église. Que faisait-elle ici ? Pur hasard ? Ou bien était-elle venue se plaindre de la bousculade et des menaces ? Il se dirigea sans attendre vers l’âtre. Et si c’était un piège ? Et si Dyonis l’avait fait venir pour autre chose ? Il cassa un reste de bûches en train de se consumer et déplaça les braises avant d’y remettre du bois.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
"Je comprends." acquiesce Dyonis lorsque son invitée évoquait cet oncle si attaché à son domaine, si peu du genre à le quitter aisément. "Un fief est parmi ce qu'on a de plus cher et moi-même, je ne suis pas un grand voyageur, infiniment plus attaché à ces vieilles terres, à ces vieilles pierres. D'ailleurs je n'aurai nulle leçon de mondanité à donner à qui que ce soit" ne manque-t-il pas d'ajouter avec un fond d'auto-dérision, en s'asseyant : toute la cour le savait austère, resté veuf alors que bien d'autres se seraient remariés, et habitant de ce domaine où soufflait l'air froid des siècles médiévaux, dépouillé de fioritures.
Dyonis ne se montrera pas intrusif, ne posera nulle autre question quant aux motifs qui retenaient tant cet oncle chez lui : cela ne le regarde pas et il est hors de question de passer pour trop curieux ou inquisiteur. Il apprécie trop qu'on lui laisse sa discrétion pour ne pas en offrir autant à autrui.
Quand Éléonore accepte de bon cœur quelque chose à boire, Dyonis fait appeler une servante, avant de demander à la jeune femme : "Êtes-vous davantage thé, café, chocolat ?" L'on dit grand bien de ces trois boissons exotiques, notamment des deux dernières au goût si particulier et amer. L'on en apporte des Amériques depuis peu et Dyonis, pourtant peu suiveur de modes, a jugé bon de pouvoir en offrir à ses hôtes. Peut-être est-ce là un des rares lambeaux de modernité et de mondanité dans ce domaine aux valeurs et allures d'un autre temps.
Un léger sourire se peint au visage du Premier Conseiller, au portrait qu'Éléonore dresse de son oncle. Droit. Inflexible. Homme de principes. En un sens, il se reconnaît quelque peu dans cela et se fait en silence la promesse d'essayer chaque jour un peu plus d'être de ces hommes porteurs de principes trop rares parmi les Grands, comme le suggère la jeune noble.
La porte s'ouvre là-dessus sur Eldred, venu ranimer le feu de la cheminée conformément aux ordres du seigneur. Dyonis a un rapide regard vers lui - regard tout à fait neutre mais que le Zakrotien pourra deviner être un rapide salut, derrière toute la distante rigidité de son visage. Il se retourne aussitôt vers Éléonore.
"J'en suis soulagé." répond-il aves sobriété aux nouvelles qu'il entend de son invitée - conscient cependant que toute la vérité ne se disait pas, à plus forte raison d'ailleurs quand cette vérité est que l'on est pas encore au mieux de sa forme. Ce pour quoi le Premier Conseiller préfère demeurer dans la mesure et répondre, en revanche : "Oh, je n'en doute pas. Il y a céans tant de vie, de spectacles à voir, d'expositions et salons littéraires à fréquenter, que l'on trouve vite de quoi nourrir ses centre d'intérêt. Et des gens susceptibles de les partager." Pourvu, se retient-il d'ajouter, de tomber sur les bonnes personnes et de ne pas être la proie des êtres les plus venimeux de la cour. Surtout que cette demoiselle est encore jeune, et sort tout juste d'un rude deuil... Quelque part, elle lui fait un peu penser à sa fille. Lavinia était si jeune quand sa mère s'est éteinte. D'ailleurs, il n'est pas impossible que Lavinia et Éléonore viennent à se rencontrer en quelque réception. Le monde est petit, dit-on. "Si je puis vous aiguiller de quelque façon que ce soit dans Braktenn, il ne faudra pas hésiter une seconde." sont les mots qui lui viennent, en repensant avoir lui-même été heureux, à l'époque, de trouver de bons appuis en venant emménager à Braktenn après ses années de pensionnat militaire.
Il sourit aux nouvelles qu'Éléonore prend alors de lui, dans une formule qu'elle juge cependant aussitôt maladroite pour s'en excuser dès l'instant d'après. Décidément oui, cette jeune fille est bien timide et encore fort peu à ses aises en société. Le seigneur de Frenn entreprend de rassurer son hôte : "Mais non, vous n'avez aucune excuse à formuler. Ce que vous dites est vrai, nos familles ne se sont jamais connues plus que cela. Et pour tout vous dire, à part toutes les affaires de police, toutes les propositions de loi et les rapports qui occupent mes journées, je n'aurais guère grand chose de plaisant à vous raconter. Oh, si peut-être : le très prochain retour de ma fille, Lavinia de Kergemont, au domaine. Mais..." Il a un bref rire presque gêné. "Ainsi que vous le voyez, mon quotidien n'est pas parmi les plus passionnants à exposer." Quelque part, Dyonis non plus n'est pas des plus doués pour la bonne société et la conversation mondaine. Et lui aussi est de nature retirée, quoique pour des raisons autres que celles d'Éléonore. Encore que. La mort de feu son épouse a profondément changé le seigneur de Frenn, il y a plus de dix ans de cela maintenant.
Dyonis ne se montrera pas intrusif, ne posera nulle autre question quant aux motifs qui retenaient tant cet oncle chez lui : cela ne le regarde pas et il est hors de question de passer pour trop curieux ou inquisiteur. Il apprécie trop qu'on lui laisse sa discrétion pour ne pas en offrir autant à autrui.
Quand Éléonore accepte de bon cœur quelque chose à boire, Dyonis fait appeler une servante, avant de demander à la jeune femme : "Êtes-vous davantage thé, café, chocolat ?" L'on dit grand bien de ces trois boissons exotiques, notamment des deux dernières au goût si particulier et amer. L'on en apporte des Amériques depuis peu et Dyonis, pourtant peu suiveur de modes, a jugé bon de pouvoir en offrir à ses hôtes. Peut-être est-ce là un des rares lambeaux de modernité et de mondanité dans ce domaine aux valeurs et allures d'un autre temps.
Un léger sourire se peint au visage du Premier Conseiller, au portrait qu'Éléonore dresse de son oncle. Droit. Inflexible. Homme de principes. En un sens, il se reconnaît quelque peu dans cela et se fait en silence la promesse d'essayer chaque jour un peu plus d'être de ces hommes porteurs de principes trop rares parmi les Grands, comme le suggère la jeune noble.
La porte s'ouvre là-dessus sur Eldred, venu ranimer le feu de la cheminée conformément aux ordres du seigneur. Dyonis a un rapide regard vers lui - regard tout à fait neutre mais que le Zakrotien pourra deviner être un rapide salut, derrière toute la distante rigidité de son visage. Il se retourne aussitôt vers Éléonore.
"J'en suis soulagé." répond-il aves sobriété aux nouvelles qu'il entend de son invitée - conscient cependant que toute la vérité ne se disait pas, à plus forte raison d'ailleurs quand cette vérité est que l'on est pas encore au mieux de sa forme. Ce pour quoi le Premier Conseiller préfère demeurer dans la mesure et répondre, en revanche : "Oh, je n'en doute pas. Il y a céans tant de vie, de spectacles à voir, d'expositions et salons littéraires à fréquenter, que l'on trouve vite de quoi nourrir ses centre d'intérêt. Et des gens susceptibles de les partager." Pourvu, se retient-il d'ajouter, de tomber sur les bonnes personnes et de ne pas être la proie des êtres les plus venimeux de la cour. Surtout que cette demoiselle est encore jeune, et sort tout juste d'un rude deuil... Quelque part, elle lui fait un peu penser à sa fille. Lavinia était si jeune quand sa mère s'est éteinte. D'ailleurs, il n'est pas impossible que Lavinia et Éléonore viennent à se rencontrer en quelque réception. Le monde est petit, dit-on. "Si je puis vous aiguiller de quelque façon que ce soit dans Braktenn, il ne faudra pas hésiter une seconde." sont les mots qui lui viennent, en repensant avoir lui-même été heureux, à l'époque, de trouver de bons appuis en venant emménager à Braktenn après ses années de pensionnat militaire.
Il sourit aux nouvelles qu'Éléonore prend alors de lui, dans une formule qu'elle juge cependant aussitôt maladroite pour s'en excuser dès l'instant d'après. Décidément oui, cette jeune fille est bien timide et encore fort peu à ses aises en société. Le seigneur de Frenn entreprend de rassurer son hôte : "Mais non, vous n'avez aucune excuse à formuler. Ce que vous dites est vrai, nos familles ne se sont jamais connues plus que cela. Et pour tout vous dire, à part toutes les affaires de police, toutes les propositions de loi et les rapports qui occupent mes journées, je n'aurais guère grand chose de plaisant à vous raconter. Oh, si peut-être : le très prochain retour de ma fille, Lavinia de Kergemont, au domaine. Mais..." Il a un bref rire presque gêné. "Ainsi que vous le voyez, mon quotidien n'est pas parmi les plus passionnants à exposer." Quelque part, Dyonis non plus n'est pas des plus doués pour la bonne société et la conversation mondaine. Et lui aussi est de nature retirée, quoique pour des raisons autres que celles d'Éléonore. Encore que. La mort de feu son épouse a profondément changé le seigneur de Frenn, il y a plus de dix ans de cela maintenant.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eléonore avait accepté un thé. Elle ne voulait vraiment pas en ajouter au ridicule en multipliant les grimaces ou toute autre catastrophe que c'eût pu engendrer. Elle était déjà assez loin de sa zone de confort sans en rajouter.
Elle avait donc parlé de son oncle, ne pouvant s’empêcher de mettre l’accent sur sa droiture. Autant parce qu’elle ignorait que dire d’autre que parce que le Premier Conseiller l’avait lancée sur le sujet.
Oh, Eléonore ne doutait pas qu’il y avait pas ici beaucoup à faire, beaucoup à voir… Et beaucoup de gens à rencontrer. Mais elle en avait certainement vu déjà bien assez. Et maintenant, elle avait manqué de se faire tuer et se retrouvait avec un dîner à décliner.
Et puisqu’elle se remémorait la marque dans sa paume, elle vit entrer Eldred. Aurait-elle cru que le retrouver serait à la fois si aisé et si délicat ? Il était là, tout près. Il l’aurait suffi de lui parler, si seulement son maître n’avait pas été dans la pièce.
Sans pouvoir s’en empêcher, elle laissa dévier son regard vers l’esclave. Une fois, deux fois. Hésitante. Elle ne pouvait pas juste le laisser partir. Elle devait au moins lui faire comprendre qu’elle devait lui parler.
— Je ne voudrais pas abuser de votre temps, ni de votre bienveillance, répondit-elle lorsque le baron lui proposa son aide.
D’autant qu’elle s’était déjà mise seule dans une situation impossible. Pourquoi avait-il fallu qu’Alduis tarde à la recevoir ? Elle était ennuyeuse, certes, mais il aurait pu faire un effort !
Et là voilà qui avouait -- usant de toute sa bonne volonté pour ramener son regard vers son hôte -- qu’elle ne savait rien de lui et ignorait que lui demander. Ridicule !
Et pourtant, il ne s’en offusqua pas. Sa réponse lui sembla même sincère… ou du moins ne parvenait-il très bien à dissimuler l’exaspération qu’elle lui inspirait. Si Eldred n’avait pas été là, elle aurait presque pu se détendre. Seulement, il lui rappelait qu’elle-même, à défaut d’être hypocrite, n’était pas tout à fait franche.
— Oh, mais je suis certaine que tout cela à beaucoup d’intérêt, au contraire. Mais ce ne serait pas correct de ma part de m'y intéresser ouvertement, je crois.
Elle avait donc parlé de son oncle, ne pouvant s’empêcher de mettre l’accent sur sa droiture. Autant parce qu’elle ignorait que dire d’autre que parce que le Premier Conseiller l’avait lancée sur le sujet.
Oh, Eléonore ne doutait pas qu’il y avait pas ici beaucoup à faire, beaucoup à voir… Et beaucoup de gens à rencontrer. Mais elle en avait certainement vu déjà bien assez. Et maintenant, elle avait manqué de se faire tuer et se retrouvait avec un dîner à décliner.
Et puisqu’elle se remémorait la marque dans sa paume, elle vit entrer Eldred. Aurait-elle cru que le retrouver serait à la fois si aisé et si délicat ? Il était là, tout près. Il l’aurait suffi de lui parler, si seulement son maître n’avait pas été dans la pièce.
Sans pouvoir s’en empêcher, elle laissa dévier son regard vers l’esclave. Une fois, deux fois. Hésitante. Elle ne pouvait pas juste le laisser partir. Elle devait au moins lui faire comprendre qu’elle devait lui parler.
— Je ne voudrais pas abuser de votre temps, ni de votre bienveillance, répondit-elle lorsque le baron lui proposa son aide.
D’autant qu’elle s’était déjà mise seule dans une situation impossible. Pourquoi avait-il fallu qu’Alduis tarde à la recevoir ? Elle était ennuyeuse, certes, mais il aurait pu faire un effort !
Et là voilà qui avouait -- usant de toute sa bonne volonté pour ramener son regard vers son hôte -- qu’elle ne savait rien de lui et ignorait que lui demander. Ridicule !
Et pourtant, il ne s’en offusqua pas. Sa réponse lui sembla même sincère… ou du moins ne parvenait-il très bien à dissimuler l’exaspération qu’elle lui inspirait. Si Eldred n’avait pas été là, elle aurait presque pu se détendre. Seulement, il lui rappelait qu’elle-même, à défaut d’être hypocrite, n’était pas tout à fait franche.
— Oh, mais je suis certaine que tout cela à beaucoup d’intérêt, au contraire. Mais ce ne serait pas correct de ma part de m'y intéresser ouvertement, je crois.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Comment Eléonore va-t-elle gérer la présence d’Eldred et essayer d’attirer son attention ?
1-2 : Elle évoque la scène de l’église (de manière trèèèèèèès détournée et qui ne rompt pas son serment)
3-4 : Elle laisse tomber quelque chose
5-6 : Elle essaye juste de capter son regard
1-2 : Elle évoque la scène de l’église (de manière trèèèèèèès détournée et qui ne rompt pas son serment)
3-4 : Elle laisse tomber quelque chose
5-6 : Elle essaye juste de capter son regard
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Le membre 'Éléonore de Tianidre' a effectué l'action suivante : Lancer de dés
'Dé à 6 faces' :
'Dé à 6 faces' :
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
— Votre fille ? Ce n’est pas rien, cela, pourtant ! Visiblement, même les gens qui estiment leur quotidien ennuyeux peuvent trouver quelque chose à raconter.
Oui, Eléonore pensait avoir entendu oncle Eineld parler d’une fille. Mais le comte parlait de beaucoup de gens différents, et tellement peu souvent en bien qu’on l’eut presque dit médisant. Soit…
La jeune femme demeurait toutefois tracassée. Eldred était là, à portée ! Il fallait qu’elle attire son attention. Elle ne pouvait pas prendre le risque d’être venue pour rien -- sans vouloir critiquer son hôte.
— D’ailleurs, j’ai moi-même connu quelques mésaventures depuis mon arrivée en ville.
Elle hésita. Elle risquait vraiment de passer pour une idiote. Mais il fallait qu’Eldred comprenne ! Il le fallait ! De toute façon, elle finirait par faire une gaffe : autant que cela lui soit utile.
— La semaine dernière, par exemple -- je sais que c’était fort imprudent -- j’ai risqué une promenade seule en ville. Oh, c’est entièrement de ma faute, ce n’est pas convenable pour une femme comme moi… Mais il faut dire qu’être sans cesse suivie me semblait trop pesant. Enfin… J’ai donc risqué cette promenade, qui m’a menée jusqu’à une église, tout à fait par hasard.
Eléonore prit une gorgée du thé qui, entre-temps, lui avait été amené.
— Bien j’ai eu la surprise d’être interpellée par un ivrogne en plein délire qui… Qui semblait chercher quelqu’un. Oh, pensez bien, j’ai été effrayée… Mais il semblait tellement perdu, j’en ai eu de la peine et… Oh, ce n’était pas prudent, mais je n’ai pas eu le courage de le laisser à sa détresse.
Un ivrogne… Bon, ce n’était pas tout à fait cela, mais le résultat était le même. Elle risqua un coup d’oeil du côté du foyer, comme pour protester contre les oreilles indiscrètes. Ce n’était pas trahir son serment que de conter l’histoire de cette manière fort détournée, si ? Non. Elle décida que non.
— Mais voyez, le pauvre homme avait bu à tel point qu’il lui était impossible de tenir des propos cohérents. Je suis sotte, n’est-ce pas ? Enfin, j’ai voulu m’approcher, pour tenter de l’apaiser… Mais -- et encore une fois, je ne le dois qu’à ma bêtise --, il a essayé de me frapper. J’ai même réussi à m’entailler seule la main en l’empêchant d’attraper ma dague...
Non… Elle avait avoué qu’elle sortait armée… Eltinne aurait hurlé : ce n’était pas un sujet qu’une femme devait aborder. D’ailleurs, Eltinne aurait jugé son anecdote déplacée. Mais avait-elle le choix ?
Eléonore montra sa paume à son hôte pour qu’il puisse le constater par lui-même.
— Voyez, j’en ai encore la marque. Je crois qu’elle me rappelera pourquoi je dois éviter ce genre de folies. Je n’ose pas imaginer comment cela aurait pu finir si… Si cet homme n’était pas intervenu pour me défendre.
Là encore, ce n’était pas tout à fait ce qui s’était passé… Mais entre l’église, le jour, la mention de l’entaille et la fameuse intervention, Eldred comprendrait sûrement… Elle n’avait plus qu’à faire passer son message.
— Ce qui est vraiment dommage, c’est que je n’ai jamais eu l’occasion de remercier mon sauveur. Après s’être chargé de l’ivrogne, il est parti comme un voleur, sans même me donner son nom ! J’espère que j’aurai l’occasion de le revoir, ne fut-ce que pour lui exprimer ma plus sincère gratitude. Oh, mais je parle, je parle ! Pardonnez-moi, mais vous savez, je n’ai pu raconter cette histoire à personne : pensez bien que j’aurais trop inquiété mais proches en leur partageant une telle mésaventure. Je me plonge dans mes histoires et je me laisse emporter !
Eléonore prit une nouvelle gorgée de thé, espérant apaiser son malaise. Oui, quelle idiote ! Il fallait vraiment qu’elle cesse d’agir n’importe comment… Au moins, elle ne mentait pas tout à fait : les faits étaient certes déguisé, mais elle n’en était pas moins sincère.
Oui, Eléonore pensait avoir entendu oncle Eineld parler d’une fille. Mais le comte parlait de beaucoup de gens différents, et tellement peu souvent en bien qu’on l’eut presque dit médisant. Soit…
La jeune femme demeurait toutefois tracassée. Eldred était là, à portée ! Il fallait qu’elle attire son attention. Elle ne pouvait pas prendre le risque d’être venue pour rien -- sans vouloir critiquer son hôte.
— D’ailleurs, j’ai moi-même connu quelques mésaventures depuis mon arrivée en ville.
Elle hésita. Elle risquait vraiment de passer pour une idiote. Mais il fallait qu’Eldred comprenne ! Il le fallait ! De toute façon, elle finirait par faire une gaffe : autant que cela lui soit utile.
— La semaine dernière, par exemple -- je sais que c’était fort imprudent -- j’ai risqué une promenade seule en ville. Oh, c’est entièrement de ma faute, ce n’est pas convenable pour une femme comme moi… Mais il faut dire qu’être sans cesse suivie me semblait trop pesant. Enfin… J’ai donc risqué cette promenade, qui m’a menée jusqu’à une église, tout à fait par hasard.
Eléonore prit une gorgée du thé qui, entre-temps, lui avait été amené.
— Bien j’ai eu la surprise d’être interpellée par un ivrogne en plein délire qui… Qui semblait chercher quelqu’un. Oh, pensez bien, j’ai été effrayée… Mais il semblait tellement perdu, j’en ai eu de la peine et… Oh, ce n’était pas prudent, mais je n’ai pas eu le courage de le laisser à sa détresse.
Un ivrogne… Bon, ce n’était pas tout à fait cela, mais le résultat était le même. Elle risqua un coup d’oeil du côté du foyer, comme pour protester contre les oreilles indiscrètes. Ce n’était pas trahir son serment que de conter l’histoire de cette manière fort détournée, si ? Non. Elle décida que non.
— Mais voyez, le pauvre homme avait bu à tel point qu’il lui était impossible de tenir des propos cohérents. Je suis sotte, n’est-ce pas ? Enfin, j’ai voulu m’approcher, pour tenter de l’apaiser… Mais -- et encore une fois, je ne le dois qu’à ma bêtise --, il a essayé de me frapper. J’ai même réussi à m’entailler seule la main en l’empêchant d’attraper ma dague...
Non… Elle avait avoué qu’elle sortait armée… Eltinne aurait hurlé : ce n’était pas un sujet qu’une femme devait aborder. D’ailleurs, Eltinne aurait jugé son anecdote déplacée. Mais avait-elle le choix ?
Eléonore montra sa paume à son hôte pour qu’il puisse le constater par lui-même.
— Voyez, j’en ai encore la marque. Je crois qu’elle me rappelera pourquoi je dois éviter ce genre de folies. Je n’ose pas imaginer comment cela aurait pu finir si… Si cet homme n’était pas intervenu pour me défendre.
Là encore, ce n’était pas tout à fait ce qui s’était passé… Mais entre l’église, le jour, la mention de l’entaille et la fameuse intervention, Eldred comprendrait sûrement… Elle n’avait plus qu’à faire passer son message.
— Ce qui est vraiment dommage, c’est que je n’ai jamais eu l’occasion de remercier mon sauveur. Après s’être chargé de l’ivrogne, il est parti comme un voleur, sans même me donner son nom ! J’espère que j’aurai l’occasion de le revoir, ne fut-ce que pour lui exprimer ma plus sincère gratitude. Oh, mais je parle, je parle ! Pardonnez-moi, mais vous savez, je n’ai pu raconter cette histoire à personne : pensez bien que j’aurais trop inquiété mais proches en leur partageant une telle mésaventure. Je me plonge dans mes histoires et je me laisse emporter !
Eléonore prit une nouvelle gorgée de thé, espérant apaiser son malaise. Oui, quelle idiote ! Il fallait vraiment qu’elle cesse d’agir n’importe comment… Au moins, elle ne mentait pas tout à fait : les faits étaient certes déguisé, mais elle n’en était pas moins sincère.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Quelle est la réaction d'Eldred face aux propos d'Eléonore?
1-2 Eldred a compris et répond d'un discret signe de la tête
3-4 Eldred se présente comme le héros mystérieux.
5-6 Eldred se présente comme le héros mystérieux et désigne Thierry comme étant l'ivrogne
1-2 Eldred a compris et répond d'un discret signe de la tête
3-4 Eldred se présente comme le héros mystérieux.
5-6 Eldred se présente comme le héros mystérieux et désigne Thierry comme étant l'ivrogne
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Le membre 'Eldred Kjaersen' a effectué l'action suivante : Lancer de dés
'Dé à 6 faces' :
'Dé à 6 faces' :
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eldred s’occupa de raviver le feu comme demandé. Il écoutait sans avoir l’air, la discussion qui se dérouler sous ses oreilles. Si le baron l’avait fait venir c’est qu’il n’y avait rien de confidentiel. Ou alors au contraire qu’il souhaitait le faire participer. Entre deux coups de tisonnier, il nota l’information sur sa fille -il l’ignorait- mais après tout c’était assez logique vu son âge. Il remit quelques bûches puis écouta Eléonore raconter sa mésaventure à l’église. Ses mâchoires se crispèrent. A quoi jouait-elle ? Elle n’était tout de même pas suicidaire à ce point. Il activa ses mains et le filet d’air expulsé attisa les flammes. Alduis était devenu un ivrogne. C’était cocasse en y réfléchissant, lui qui ne buvait jamais d’alcool. Puis il y eût l’agression. Allait-elle avouer que celui qui l’avait bousculé était juste là ? Il déposa le soufflet, poussa quelques braises.
Ce qui est vraiment dommage, c’est que je n’ai jamais eu l’occasion de remercier mon sauveur.
Ah c’était donc cela. Le remercier mais pourquoi ? Qu’importe. Il se retourna et lui adressa un discret signe de la tête. Il hésita à se présenter comme le mystérieux sauveur ou mieux encore à présenter cette bile de ragondin de Prêtre comme l’agresseur alcoolique mais il se ravisa de justesse.
Lorsque tout le monde eût dit ce qu’il avait à dire, il prit la parole en s’inclinant docilement
- Avez-vous encore besoin de mes services ou préférez-vous que je m’en retourne aux écuries pour la suite de mes tâches ? demanda-t-il à l’intention du baron.
Ainsi, elle saurait où le trouver puisqu’elle y tenait tant…
Ce qui est vraiment dommage, c’est que je n’ai jamais eu l’occasion de remercier mon sauveur.
Ah c’était donc cela. Le remercier mais pourquoi ? Qu’importe. Il se retourna et lui adressa un discret signe de la tête. Il hésita à se présenter comme le mystérieux sauveur ou mieux encore à présenter cette bile de ragondin de Prêtre comme l’agresseur alcoolique mais il se ravisa de justesse.
Lorsque tout le monde eût dit ce qu’il avait à dire, il prit la parole en s’inclinant docilement
- Avez-vous encore besoin de mes services ou préférez-vous que je m’en retourne aux écuries pour la suite de mes tâches ? demanda-t-il à l’intention du baron.
Ainsi, elle saurait où le trouver puisqu’elle y tenait tant…
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Alors qu'on vient servir leur thé à Dyonis et Éléonore, il sourit distraitement aux commentaires de la jeune femme à propos du retour de sa fille : elle a raison, le retour de Lavinia, c'est loin de n'être rien. Le baron vient de douter cependant que ce genre de détails puisse intéresser quelqu'un d'autre que lui-même, toutefois son invitée lui démontre le contraire et s'en enthousiasme pour lui.
Il déguste quelques gorgées de son thé, aidé du système particulier ajusté à sa tasse pour son bon usage avec des prothèses. Son mouvement s'arrête soudain et il plisse le front, curieux, alors que la demoiselle s'engage à lui conter sa mésaventure en ville. Le seigneur repose sa tasse et écoute, intrigué d'abord, dépité ensuite par le fait qu'un ivrogne ait osé s'en prendre à Éléonore, dans un lieu saint qui plus est ! Pour ce qui est de sa confession de maladresse concernant le fait d'être sortie seule, Dyonis ne fera nul commentaire. Il peut tout à fait comprendre qu'une jeune femme ait parfois - comme n'importe qui - envie de sortir en toute autonomie, sans escorte, profitant d'une pleine liberté... Malheureusement par les temps qui courent, cela lui semble en effet risqué. Mais pas seulement pour les femmes - quoique plus encore pour elles. Chaque noble se doit de sortir avec au moins un suivant, ou un garde. Là n'est pas l'essentiel, cependant.
Fronçant les sourcils, Dyonis soupire : "Quelque soit ce que vous avez fait de votre côté, la faute est entièrement du côté de ce pendard qui vous a importunée. Vous avez par ailleurs eu la bonté de vouloir lui venir au secours, ce que bien peu de monde ferait et que je trouve des plus charitables." Son visage se tend même sérieusement en entendant que l'individu a même tenté de violenter la demoiselle de Tianidre. "Essayé de fous frapper ? C'est honteux. Il mériterait d'être fort châtié pour cela." Il baisse un regard navré vers la paume blessée de son invitée. Réflexe malheureux de celle qui a cherché à se défendre. "Au moins avez-vous essayé de riposter... et je suis navré d'en voir le résultat."
Il relève soudain les yeux, rassuré par la suite de l'histoire : un sauveur est venu aider la malheureuse ! Il reste encore des gens de valeur dans ce bas-monde. Les principes chevaleresques ne se perdent pas complètement. Un léger sourire revient aux lèvres du seigneur de Frenn. "J'entends. Je crois bien qu'à votre place, je n'aurais pas souhaité non plus encombrer mes proches d'une histoire qui - par la grâce de Dieu - s'est terminé de manière heureuse. Et n'avez-vous donc pas eu l'occasion de connaître l'identité de celui qui vous a si vaillamment secouru ? Que celui-ci soit béni, en tous les cas."
Il se tourne alors vers Eldred, qui lui demande s'il a besoin de quoi que ce soit d'autre. "Non. Merci. Tu peux disposer." Le baron n'aura rien remarqué de l'intérêt porté par son esclave a l'histoire que venait de conter Éléonore. Il achève de déguster sa boisson. Reportant son attention sur son invitée, il soupira : "Voilà une regrettable mésaventure pour initier votre retour dans le monde. J'espère bien qu'elle est la première et la dernière. Il est navrant que les cités comptent autant de soûlards. L'ivresse sur la voie publique devrait être mieux contrôlée. Et dans les lieux saints encore davantage ! C'est sacrilège."
Il déguste quelques gorgées de son thé, aidé du système particulier ajusté à sa tasse pour son bon usage avec des prothèses. Son mouvement s'arrête soudain et il plisse le front, curieux, alors que la demoiselle s'engage à lui conter sa mésaventure en ville. Le seigneur repose sa tasse et écoute, intrigué d'abord, dépité ensuite par le fait qu'un ivrogne ait osé s'en prendre à Éléonore, dans un lieu saint qui plus est ! Pour ce qui est de sa confession de maladresse concernant le fait d'être sortie seule, Dyonis ne fera nul commentaire. Il peut tout à fait comprendre qu'une jeune femme ait parfois - comme n'importe qui - envie de sortir en toute autonomie, sans escorte, profitant d'une pleine liberté... Malheureusement par les temps qui courent, cela lui semble en effet risqué. Mais pas seulement pour les femmes - quoique plus encore pour elles. Chaque noble se doit de sortir avec au moins un suivant, ou un garde. Là n'est pas l'essentiel, cependant.
Fronçant les sourcils, Dyonis soupire : "Quelque soit ce que vous avez fait de votre côté, la faute est entièrement du côté de ce pendard qui vous a importunée. Vous avez par ailleurs eu la bonté de vouloir lui venir au secours, ce que bien peu de monde ferait et que je trouve des plus charitables." Son visage se tend même sérieusement en entendant que l'individu a même tenté de violenter la demoiselle de Tianidre. "Essayé de fous frapper ? C'est honteux. Il mériterait d'être fort châtié pour cela." Il baisse un regard navré vers la paume blessée de son invitée. Réflexe malheureux de celle qui a cherché à se défendre. "Au moins avez-vous essayé de riposter... et je suis navré d'en voir le résultat."
Il relève soudain les yeux, rassuré par la suite de l'histoire : un sauveur est venu aider la malheureuse ! Il reste encore des gens de valeur dans ce bas-monde. Les principes chevaleresques ne se perdent pas complètement. Un léger sourire revient aux lèvres du seigneur de Frenn. "J'entends. Je crois bien qu'à votre place, je n'aurais pas souhaité non plus encombrer mes proches d'une histoire qui - par la grâce de Dieu - s'est terminé de manière heureuse. Et n'avez-vous donc pas eu l'occasion de connaître l'identité de celui qui vous a si vaillamment secouru ? Que celui-ci soit béni, en tous les cas."
Il se tourne alors vers Eldred, qui lui demande s'il a besoin de quoi que ce soit d'autre. "Non. Merci. Tu peux disposer." Le baron n'aura rien remarqué de l'intérêt porté par son esclave a l'histoire que venait de conter Éléonore. Il achève de déguster sa boisson. Reportant son attention sur son invitée, il soupira : "Voilà une regrettable mésaventure pour initier votre retour dans le monde. J'espère bien qu'elle est la première et la dernière. Il est navrant que les cités comptent autant de soûlards. L'ivresse sur la voie publique devrait être mieux contrôlée. Et dans les lieux saints encore davantage ! C'est sacrilège."
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Éléonore était… touchée. Touchée par l'authenticité avec laquelle son hôte accueillait son récit. Il ne semblait pas l'en accabler, comme beaucoup ne s'en seraient pas privés. Car même si son histoire était largement détournés, ses torts à elle étaient les mêmes. Et son mensonge la fit culpabiliser d'autant plus que son hôte se plaçait de son côté. Elle était vraiment minable de se servir ainsi de lui pour faire passer son message ! Elle acquiesçait à ses commentaires, et reprenait son récit, mais le poids sur sa conscience grandissait.
— Oui, qu'il soit béni, confirma simplement Éléonore avant qu'Eldred n'intervienne.
Les écuries ? D'accord, elle l'y retrouverait. Elle le confirma d'un regard, espérant qu'il le comprendrait. Elle avait trop l'habitude qu'un regard suffise à se faire comprendre, peut-être, et misait trop dessus… tant pis.
— J'espère aussi ! Mais la prochaine fois, je me méfierai davantage.
L'ivresse sur la voie publique…
— C'est déplorable. Cela ne donne pas, il faut l'avouer, une très bonne image de notre capitale…
Maintenant qu'elle avait vu Eldred, que son message était passé, la tension retombait. Pour le meilleur et pour le pire. Car désormais, il lui importait d'aller le rejoindre avant qu'il ne doive quitter ces fichues écuries… Et elle ne trouvait plus quoi dire. Pour la première fois, elle s'attarda sur les prothèses de son hôte et les aménagements qui lui permettait de s'en accommoder. C'était intrigant...
C'était surtout déplacé. Elle revint vers ses yeux, légèrement mal à l'aise, en espérant qu'il trouve de quoi relancer la conversation et ne la laisse pas se noyer dans sa honte.
— Oui, qu'il soit béni, confirma simplement Éléonore avant qu'Eldred n'intervienne.
Les écuries ? D'accord, elle l'y retrouverait. Elle le confirma d'un regard, espérant qu'il le comprendrait. Elle avait trop l'habitude qu'un regard suffise à se faire comprendre, peut-être, et misait trop dessus… tant pis.
— J'espère aussi ! Mais la prochaine fois, je me méfierai davantage.
L'ivresse sur la voie publique…
— C'est déplorable. Cela ne donne pas, il faut l'avouer, une très bonne image de notre capitale…
Maintenant qu'elle avait vu Eldred, que son message était passé, la tension retombait. Pour le meilleur et pour le pire. Car désormais, il lui importait d'aller le rejoindre avant qu'il ne doive quitter ces fichues écuries… Et elle ne trouvait plus quoi dire. Pour la première fois, elle s'attarda sur les prothèses de son hôte et les aménagements qui lui permettait de s'en accommoder. C'était intrigant...
C'était surtout déplacé. Elle revint vers ses yeux, légèrement mal à l'aise, en espérant qu'il trouve de quoi relancer la conversation et ne la laisse pas se noyer dans sa honte.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eldred parti, Dyonis s'est retourné face à Éléonore et aura achevé de déguster son thé. Il ne pourrait que soupirer avec elle de l'image que ces états d'ivresse donnaient de la ville. Il en a bien conscience. Oh certes, la remarque de la jeune femme est pour le moins... cavalière, dangereuse même dans la mesure où bien des nobles la prendraient pour une critique directe de leur travail à l'assainissement des rues. Il y a un peu de cela. Elle est sans aucun doute sincère - et légitime d'ailleurs - mais voilà qui confirme ce que le Premier Conseiller a déjà cru percevoir plus tôt : il va falloir à Éléonore un travail sur elle-même à développer un peu plus de prudence dans ses conversations à la Cour. Tout le monde n'est pas comme son oncle ou le seigneur de Frenn, prêt à entendre une vérité aussi désagréable soit-elle. Ce que l'homme ne peut que déplorer. Il préférerait que les choses se fassent ainsi, mais dans le propre intérêt de la demoiselle... puisse sa franchise maladroite ne pas lui attirer d'ennuis.
Dyonis plisse un sourcil et souffle un : "J'en autant conscience que vous. La tâche est grande et les circonstances politiques ne font qu'accroître la délinquance. A nous, membres du gouvernement, d'être à la hauteur de cette exigence." Et là-dessus, le carillon d'un clocher voisin le rappela déjà à la reprise de ses obligations qui ne doivent pas tarder davantage. Si Éléonore semble ne pas souhaiter aborder autre chose avec son hôte - et après avoir pris le temps de s'en assurer - l'homme se lève et abaisse légèrement le buste dans une nouvelle révérence. "Mademoiselle, le temps court trop vite et le travail me rappelle. J'ai été heureux de faire votre connaissance et vous souhaite le meilleur pour votre retour à Braktenn. Encore merci pour votre visite. Et transmettez mes hommages ainsi que mes remerciements à Monsieur votre oncle." Après un bref sourire, et un "Au revoir" - il attendra que son invitée soit partie et la porte refermée derrière elle pour seulement quitter à son tour le salon et s'en retourner à ses dossiers.
Dyonis plisse un sourcil et souffle un : "J'en autant conscience que vous. La tâche est grande et les circonstances politiques ne font qu'accroître la délinquance. A nous, membres du gouvernement, d'être à la hauteur de cette exigence." Et là-dessus, le carillon d'un clocher voisin le rappela déjà à la reprise de ses obligations qui ne doivent pas tarder davantage. Si Éléonore semble ne pas souhaiter aborder autre chose avec son hôte - et après avoir pris le temps de s'en assurer - l'homme se lève et abaisse légèrement le buste dans une nouvelle révérence. "Mademoiselle, le temps court trop vite et le travail me rappelle. J'ai été heureux de faire votre connaissance et vous souhaite le meilleur pour votre retour à Braktenn. Encore merci pour votre visite. Et transmettez mes hommages ainsi que mes remerciements à Monsieur votre oncle." Après un bref sourire, et un "Au revoir" - il attendra que son invitée soit partie et la porte refermée derrière elle pour seulement quitter à son tour le salon et s'en retourner à ses dossiers.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eléonore se rendit compte que sa remarque avait sans doute été un peu brutale. Etait-ce étonnant qu’elle dise encore n’importe quoi ? Non : elle ne faisait que ça en permanence.
Etait-il offusqué pour abréger ainsi leur entrevue ? D’accord, il avait certainement bien mieux à faire que de converser avec elle mais… Prendre congé si brutalement demeurait vexant. Tant pis. De toute façon, elle devait abuser du temps de quelqu’un d’autre.
— C’était un plaisir partagé, Votre Excellences. Et je ne manquerai pas de lui en faire part. Pardonnez-moi si j’ai abusé de votre temps.
Et ses phrases étaient bien désorganisées. Elle fit tout de même un effort, en prenant définitivement congé, pour ne pas avoir l’air de fuir…
Les écuries. L’entretien ne s’était certainement pas assez prolongé pour qu’Eldred n’y soit plus ! Il n’avait certes pas envie de l’y voir mais… Mais il changerait certainement d’avis avec ce qu’elle lui apportait. Au fond, cela valait encore qu’il fasse l’effort de la rencontrer.
Elle s’y introduit innocemment. Elle ne dut pas chercher l’esclave bien longtemps.
— Je… Je suis sans doute la dernière personne que vous avez envie de voir, mais...
Elle s’approcha, vérifia qu’il n’y avait vraiment personne pour surprendre son geste et lui tandis la broche de grenat qu’elle venait de tirer.
— Ceci pourrait vous être utile, un jour ou l’autre.
Etait-il offusqué pour abréger ainsi leur entrevue ? D’accord, il avait certainement bien mieux à faire que de converser avec elle mais… Prendre congé si brutalement demeurait vexant. Tant pis. De toute façon, elle devait abuser du temps de quelqu’un d’autre.
— C’était un plaisir partagé, Votre Excellences. Et je ne manquerai pas de lui en faire part. Pardonnez-moi si j’ai abusé de votre temps.
Et ses phrases étaient bien désorganisées. Elle fit tout de même un effort, en prenant définitivement congé, pour ne pas avoir l’air de fuir…
Les écuries. L’entretien ne s’était certainement pas assez prolongé pour qu’Eldred n’y soit plus ! Il n’avait certes pas envie de l’y voir mais… Mais il changerait certainement d’avis avec ce qu’elle lui apportait. Au fond, cela valait encore qu’il fasse l’effort de la rencontrer.
Elle s’y introduit innocemment. Elle ne dut pas chercher l’esclave bien longtemps.
— Je… Je suis sans doute la dernière personne que vous avez envie de voir, mais...
Elle s’approcha, vérifia qu’il n’y avait vraiment personne pour surprendre son geste et lui tandis la broche de grenat qu’elle venait de tirer.
— Ceci pourrait vous être utile, un jour ou l’autre.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eldred avait pris congé pour les écuries comme indiqué, mais son esprit était accaparé par une question redondante : pourquoi tenait-elle tant à le revoir ? Il avait beau chercher, il ne voyait pas de raison valable.
Le zakrotien remuait la paille de sa fourche, déposant celle souillée d’un côté et remettant de la propre aussitôt. Stalle après stalle, il recommença le même geste. Elle ne fut pas bien longue à le retrouver. Il la reconnut au son de ses pas typiquement féminins. Une présence dont le domaine de Frenn n’était pas coutumier. Les lieux étaient désert. Il déposa l’outil contre le mur et la laissa s’avancer.
- Il y a plus mal placé que vous sur la liste de mes visiteurs, je vous rassure ! plaisanta-t-il pourquoi vouliez-vous me voir ?
Par exemple : Thierry ou la Prévôté. Ou ce gros porc de Monthoux. Enfin on pouvait toujours pire et clairement, elle ne faisait pas partie de ce pire. Il n’avait rien contre elle. Il protégeait Alduis, comme il protégeait Dyonis, voilà tout. Il ne tarda pas à découvrir ce qui l’amenait. Elle lui tendit une magnifique broche en rubis. Cela devait valoir une fortune… Combien il l’ignorait mais c’était…
- C’est très gentil à vous mais… Pourquoi ? Et… Vous avez conscience que je pourrais me faire accuser de vol si on me prenait en possession d’un tel bijou ?
Il avait beau chercher, il ne comprenait pas ses motivations. Il lui avait fait peur, il l’avait blessée et elle venait lui offrir un présent. Pourquoi ? Cela aurait pu être pour acheter sa coopération ou son silence mais…. Non il la sentait sincère. Il haussa un sourcil, dérouté par son comportement.
Le zakrotien remuait la paille de sa fourche, déposant celle souillée d’un côté et remettant de la propre aussitôt. Stalle après stalle, il recommença le même geste. Elle ne fut pas bien longue à le retrouver. Il la reconnut au son de ses pas typiquement féminins. Une présence dont le domaine de Frenn n’était pas coutumier. Les lieux étaient désert. Il déposa l’outil contre le mur et la laissa s’avancer.
- Il y a plus mal placé que vous sur la liste de mes visiteurs, je vous rassure ! plaisanta-t-il pourquoi vouliez-vous me voir ?
Par exemple : Thierry ou la Prévôté. Ou ce gros porc de Monthoux. Enfin on pouvait toujours pire et clairement, elle ne faisait pas partie de ce pire. Il n’avait rien contre elle. Il protégeait Alduis, comme il protégeait Dyonis, voilà tout. Il ne tarda pas à découvrir ce qui l’amenait. Elle lui tendit une magnifique broche en rubis. Cela devait valoir une fortune… Combien il l’ignorait mais c’était…
- C’est très gentil à vous mais… Pourquoi ? Et… Vous avez conscience que je pourrais me faire accuser de vol si on me prenait en possession d’un tel bijou ?
Il avait beau chercher, il ne comprenait pas ses motivations. Il lui avait fait peur, il l’avait blessée et elle venait lui offrir un présent. Pourquoi ? Cela aurait pu être pour acheter sa coopération ou son silence mais…. Non il la sentait sincère. Il haussa un sourcil, dérouté par son comportement.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Éléonore sourit. C'était vrai, au fond : malgré tout, il devait y avoir bien plus désagréable qu'elle. D'autant qu'elle venait avec les meilleures intentions du monde.
Intentions qu'elle ne manqua d'ailleurs pas d'expliquer, lui tendant cette broche. Elle se sentait hypocrite de lui donner un bijou dont elle se moquait bien. Dont elle n'avait pas besoin. Cela ne valait pas ce qu'elle avait gagné. S'en séparer ne lui faisait rien. Elle n'était pas avare, loin de là. Mais... Après tout, l'important n'était pas là. Ce n'était pas un symbole qu'elle voulait lui donner, mais un soutien en cas de besoin.
Pourquoi ? Elle avait encore du mal à le déterminer…
— Vous avez conscience que je pourrais me faire accuser de vol si on me prenait en possession d’un tel bijou ?
Éléonore se mordilla la joue. C'eût été fâcheux. Elle ne voulait pas lui attirer d'ennuis, surtout pas…
— Hmmmm... Je n'avais pas réfléchi à cet aspect de la question. Il... Il suffirait de se mettre d'accord sur une explication. De toute façon... Mais si vous préférez, je peux m'arranger pour le revendre moi-même et vous donner ce dont vous avez besoin au fur et à mesure ? Ou quelque chose comme ça ? Cela éviterait ce genre de malentendu. Ou bien... Ou bien, nous trouverons quelque chose. Mais j'y tiens, c'est important. Ceci, c'est peu comparé à ce que je vous dois.
Elle l'interrogea du regard, sans se rendre compte qu'elle ne lui avait toujours pas fourni d'explication pour son geste.
Intentions qu'elle ne manqua d'ailleurs pas d'expliquer, lui tendant cette broche. Elle se sentait hypocrite de lui donner un bijou dont elle se moquait bien. Dont elle n'avait pas besoin. Cela ne valait pas ce qu'elle avait gagné. S'en séparer ne lui faisait rien. Elle n'était pas avare, loin de là. Mais... Après tout, l'important n'était pas là. Ce n'était pas un symbole qu'elle voulait lui donner, mais un soutien en cas de besoin.
Pourquoi ? Elle avait encore du mal à le déterminer…
— Vous avez conscience que je pourrais me faire accuser de vol si on me prenait en possession d’un tel bijou ?
Éléonore se mordilla la joue. C'eût été fâcheux. Elle ne voulait pas lui attirer d'ennuis, surtout pas…
— Hmmmm... Je n'avais pas réfléchi à cet aspect de la question. Il... Il suffirait de se mettre d'accord sur une explication. De toute façon... Mais si vous préférez, je peux m'arranger pour le revendre moi-même et vous donner ce dont vous avez besoin au fur et à mesure ? Ou quelque chose comme ça ? Cela éviterait ce genre de malentendu. Ou bien... Ou bien, nous trouverons quelque chose. Mais j'y tiens, c'est important. Ceci, c'est peu comparé à ce que je vous dois.
Elle l'interrogea du regard, sans se rendre compte qu'elle ne lui avait toujours pas fourni d'explication pour son geste.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eldred tournait et retournait la broche entre ses doigts. Il avait du mal à y croire. C’était autant une bénédiction qu’une source de problème potentielle.
- Je… Vous pourriez la donner à Alduis peut-être l Il s’occupera des détails quand j’en aurais besoin et il a toute ma confiance
Il lui rendit l’objet et demanda à nouveau :
- Je ne comprends toujours pas pourquoi vous m’offrez ceci. Surtout après les évènements. Vous auriez pu me faire condamner pour vous avoir poussé. D’ailleurs, je tiens en m’excuser. Je ne voulais pas vous faire de mal, j’ai agi dans l’instant pour vous éviter le coup d’Alduis
Il lui devait au moins une explication pour son geste qu’elle avait sans doute trouvé fort rude…
- Je… Vous pourriez la donner à Alduis peut-être l Il s’occupera des détails quand j’en aurais besoin et il a toute ma confiance
Il lui rendit l’objet et demanda à nouveau :
- Je ne comprends toujours pas pourquoi vous m’offrez ceci. Surtout après les évènements. Vous auriez pu me faire condamner pour vous avoir poussé. D’ailleurs, je tiens en m’excuser. Je ne voulais pas vous faire de mal, j’ai agi dans l’instant pour vous éviter le coup d’Alduis
Il lui devait au moins une explication pour son geste qu’elle avait sans doute trouvé fort rude…
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
La confier à Alduis ?
— Et la mienne également. Ce n’est pas une mauvaise idée. Cela m’évitera de me montrer indiscrète quant à vos dépenses.
Parce que même si cela ne la concernait pas, si elle gardait tout ça, elle ne pourrait s’empêcher de s’interroger sur l’usage qu’il ferait de l’argent. Trop curieuse.
Elle accepta de récupérer le bijou. Il faudrait qu’elle pense à l’emporter la prochaine fois qu’elle irait voir Alduis. En espérant qu’il ne s’imagine rien de parfaitement ridicule sur leur relation.
Mais… Tôt ou tard, il faudrait bien s’expliquer sur son présent. Pourquoi ?
— J’ai promis de me taire sur ce que vous m’avez fait, déclara-t-elle après un instant d'hésitation, réprimant tant bien que mal tout sourire. Il fallait donc que je trouve un moyen de vous le faire payer sans me parjurer, vous pensez bien ! Vous savez, nous sommes tous des tyrans, à Monbrina. Alors, quand on a un tout petit peu mal à l’épaule, il est paaarfaitement évident que quelqu’un doit finir au bout d’une corde, vous comprenez ? On a une réputation à tenir ! On ne nous prendrait pas au sérieux, sinon ! Vous faire accuser de vol ça me semblait efficace.
Elle se mordit la joue pour ne pas éclater de rire. Elle disait absolument n’importe quoi ! Elle n’était pas venue pour se ridiculiser avec des sarcasmes boiteux.
— C’est quand même bien malheureux pour moi que vous ne vous soyez pas laissé piéger ! râla-t-elle en croisant ses mains contre sa poitrine. Franchement ! Comment je vais vous faire châtier pour m’avoir évité des côtes brisées, maintenant ?! C’est trop bête !
Elle déglutit, et s’efforça de reprendre contenance. Pourquoi fuyait-elle la véritable question ? Avait-elle le droit de faire une telle confession à un inconnu ? Après tout, elle lui devait une explication. Et de toute manière, elle voyait mal comment il aurait pu lui nuire sur une simple parole. Et puis… Cela avait-il la moindre importance que quiconque lui nuise, maintenant qu’Ariste n’était plus là ?
Elle posa son regard sur la broche avec un sourire triste.
— La semaine dernière… Le jour de notre rencontre. J’ai cru que j’allais mourir.
Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait eu si peur. Ni pourquoi elle n’avait pas réagi autrement. Sans doute était-ce l’idée même de vouloir vivre qui lui avait fait perdre ses moyens. Oui, c’était forcément ça.
— Pour la première fois depuis bientôt huit mois, l’idée m’en a déplu. J’ai… J’ai eu envie de vivre. Vous allez trouver ça stupide, mais… C’est exceptionnel de ressentir ça. Je me suis sentie vivante. Pour la première fois depuis que mon cœur m’a été arraché. Cela faisait huit mois que je m’accrochais à la vie simplement parce que j’étais incapable de désobéir à la dernière volonté de…
Mince… Etait-elle en train de pleurer ? Non ! Non ! Elle s’efforça de ne pas laisser couler les larmes qui gonflaient ses paupières.
— C’est vous qui avez prononcé le nom d’Alduis. C’est grâce à vous que j’ai compris. Il… Il connaissait mon Ariste. Et… Et depuis, j’ai compris qu’il y avait quelque chose de plus important encore : c’est à Alduis que mon cousin a dicté sa dernière lettre. Et sans cette dernière lettre, je ne serais pas là pour vous parler aujourd’hui. En fait… Je lui dois la vie. Et… Sans votre intervention, non seulement je n’aurais pas eu cet éclair d’envie de vivre, mais je n’aurais certainement pas non plus retrouvé Alduis, et cette partie de mon coeur qui a rendu cette dernière semaine beaucoup moins pénible que toutes les précédentes.
Eléonore pressa ses paumes un instant contre ses yeux pour ne pas avoir à se laisser pleurer. Il en avait déjà bien trop avoué. Des chose qu’il n’avait pas à savoir. Mais quelle importance ?
— Alors, ce geste (elle agita la main qui tenait toujours le grenat) , c’est le moins que je puisse faire. C’est peu par rapport à ce que notre rencontre m’a apporté.
— Et la mienne également. Ce n’est pas une mauvaise idée. Cela m’évitera de me montrer indiscrète quant à vos dépenses.
Parce que même si cela ne la concernait pas, si elle gardait tout ça, elle ne pourrait s’empêcher de s’interroger sur l’usage qu’il ferait de l’argent. Trop curieuse.
Elle accepta de récupérer le bijou. Il faudrait qu’elle pense à l’emporter la prochaine fois qu’elle irait voir Alduis. En espérant qu’il ne s’imagine rien de parfaitement ridicule sur leur relation.
Mais… Tôt ou tard, il faudrait bien s’expliquer sur son présent. Pourquoi ?
— J’ai promis de me taire sur ce que vous m’avez fait, déclara-t-elle après un instant d'hésitation, réprimant tant bien que mal tout sourire. Il fallait donc que je trouve un moyen de vous le faire payer sans me parjurer, vous pensez bien ! Vous savez, nous sommes tous des tyrans, à Monbrina. Alors, quand on a un tout petit peu mal à l’épaule, il est paaarfaitement évident que quelqu’un doit finir au bout d’une corde, vous comprenez ? On a une réputation à tenir ! On ne nous prendrait pas au sérieux, sinon ! Vous faire accuser de vol ça me semblait efficace.
Elle se mordit la joue pour ne pas éclater de rire. Elle disait absolument n’importe quoi ! Elle n’était pas venue pour se ridiculiser avec des sarcasmes boiteux.
— C’est quand même bien malheureux pour moi que vous ne vous soyez pas laissé piéger ! râla-t-elle en croisant ses mains contre sa poitrine. Franchement ! Comment je vais vous faire châtier pour m’avoir évité des côtes brisées, maintenant ?! C’est trop bête !
Elle déglutit, et s’efforça de reprendre contenance. Pourquoi fuyait-elle la véritable question ? Avait-elle le droit de faire une telle confession à un inconnu ? Après tout, elle lui devait une explication. Et de toute manière, elle voyait mal comment il aurait pu lui nuire sur une simple parole. Et puis… Cela avait-il la moindre importance que quiconque lui nuise, maintenant qu’Ariste n’était plus là ?
Elle posa son regard sur la broche avec un sourire triste.
— La semaine dernière… Le jour de notre rencontre. J’ai cru que j’allais mourir.
Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait eu si peur. Ni pourquoi elle n’avait pas réagi autrement. Sans doute était-ce l’idée même de vouloir vivre qui lui avait fait perdre ses moyens. Oui, c’était forcément ça.
— Pour la première fois depuis bientôt huit mois, l’idée m’en a déplu. J’ai… J’ai eu envie de vivre. Vous allez trouver ça stupide, mais… C’est exceptionnel de ressentir ça. Je me suis sentie vivante. Pour la première fois depuis que mon cœur m’a été arraché. Cela faisait huit mois que je m’accrochais à la vie simplement parce que j’étais incapable de désobéir à la dernière volonté de…
Mince… Etait-elle en train de pleurer ? Non ! Non ! Elle s’efforça de ne pas laisser couler les larmes qui gonflaient ses paupières.
— C’est vous qui avez prononcé le nom d’Alduis. C’est grâce à vous que j’ai compris. Il… Il connaissait mon Ariste. Et… Et depuis, j’ai compris qu’il y avait quelque chose de plus important encore : c’est à Alduis que mon cousin a dicté sa dernière lettre. Et sans cette dernière lettre, je ne serais pas là pour vous parler aujourd’hui. En fait… Je lui dois la vie. Et… Sans votre intervention, non seulement je n’aurais pas eu cet éclair d’envie de vivre, mais je n’aurais certainement pas non plus retrouvé Alduis, et cette partie de mon coeur qui a rendu cette dernière semaine beaucoup moins pénible que toutes les précédentes.
Eléonore pressa ses paumes un instant contre ses yeux pour ne pas avoir à se laisser pleurer. Il en avait déjà bien trop avoué. Des chose qu’il n’avait pas à savoir. Mais quelle importance ?
— Alors, ce geste (elle agita la main qui tenait toujours le grenat) , c’est le moins que je puisse faire. C’est peu par rapport à ce que notre rencontre m’a apporté.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eldred acquiesça silencieusement et elle récupéra le bijou. Un court silence s’installa et elle répondit enfin à sa question. Au début, le zakrotien fronça les sourcils, il ne comprenait pas où elle voulait en venir, mais bien rapidement, il sût déceler l’ironie et se détendit. Il afficha même un petit sourire avant de finalement rire devant la jeune femme qui faisait visiblement tout pour se contenir.
- Quel dommage en effet. Je ferai un effort pour me montrer moins prudent la prochaine fois. Que voulez-vous, c’est ça l’instinct de survie des guerriers !
La jovialité s’effaça cependant pour laisser placer à ce qu’il devinait être de la mélancolie. Il comprenait parfaitement ce qu’elle ressentait. Parce que lui aussi s’était laissé aller dans les rébellions dans le simple but de se sentir vivant et même mieux de mourir en se sentir vivant. Mais cela ne s’était pas vraiment déroulé comme il l’avait espéré. Il percevait toute sa détresse dans sa voix. Spontanément il posa une main réconfortante sur son bras.
- Ne vous privez pas de pleurer parce que je suis là, vous savez. Les chevaux n’iront pas cancaner sur votre compte et moi non plus. Je ne pense pas que vous devriez me remercier pour cela, mais si cela vous fait tant plaisir j’accepte. Chez moi, la vie est une tapisserie où chacun de nous est un fil qui forme un motif. Je crois que vous deviez être là ce jour-là pour faire de nouvelles rencontres dans votre vie. Et…
Il tourna un instant la tête vers la jument alezane qui l’observait attentivement de ses grands yeux humides.
- C’est encore récent, mais la douleur finira par s’estomper. Il faut accepter de les laisser partir, c’est ce que m’a dit Alduis et je crois qu’il a raison…
Il frictionna doucement son bras pour la consoler tout en sachant que c’était parfaitement inutile dans ce genre de moment.
- Quel dommage en effet. Je ferai un effort pour me montrer moins prudent la prochaine fois. Que voulez-vous, c’est ça l’instinct de survie des guerriers !
La jovialité s’effaça cependant pour laisser placer à ce qu’il devinait être de la mélancolie. Il comprenait parfaitement ce qu’elle ressentait. Parce que lui aussi s’était laissé aller dans les rébellions dans le simple but de se sentir vivant et même mieux de mourir en se sentir vivant. Mais cela ne s’était pas vraiment déroulé comme il l’avait espéré. Il percevait toute sa détresse dans sa voix. Spontanément il posa une main réconfortante sur son bras.
- Ne vous privez pas de pleurer parce que je suis là, vous savez. Les chevaux n’iront pas cancaner sur votre compte et moi non plus. Je ne pense pas que vous devriez me remercier pour cela, mais si cela vous fait tant plaisir j’accepte. Chez moi, la vie est une tapisserie où chacun de nous est un fil qui forme un motif. Je crois que vous deviez être là ce jour-là pour faire de nouvelles rencontres dans votre vie. Et…
Il tourna un instant la tête vers la jument alezane qui l’observait attentivement de ses grands yeux humides.
- C’est encore récent, mais la douleur finira par s’estomper. Il faut accepter de les laisser partir, c’est ce que m’a dit Alduis et je crois qu’il a raison…
Il frictionna doucement son bras pour la consoler tout en sachant que c’était parfaitement inutile dans ce genre de moment.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Eléonore parvint à retenir son fou rire jusqu’au bout. Même lorsqu’il répliqua.
— Ce serait gentil. Je n’ai pas l’habitude de comploter ainsi.
Et comploter pour nuire, elle ne le ferait jamais. C’était tellement plus agréable de préparer une sortie clandestine ou une excursion dans les catacombes. Ou même l’une ou l’autre plaisanterie osée, mais rien qui ne soit réellement méchant.
Mais bien vite, elle tenta d’expliquer plus sincèrement son geste. Et les larmes lui montèrent aux yeux. Eldred se voulait rassurant. Un ombre de sourire passa sur le visage triste d’Eléonore à sa remarque sur les chevaux. Elle n’avait pas rejeté la main qu’il avait posée sur son épaule. Elle laissa dévaler les larmes qu’elle ne savait plus contenir, en silence.
Elle inclina légèrement la tête pour écouter son histoire de motif. De tapisserie. D’inachevé. Elle se rendait compte que, si elle était fort renseignée sur de nombreux sujets, ce qui avait trait aux colonies lui était trop peu connu. L’avait-on volontairement écartée de ces sujets-là ? Pourquoi ?
Mais cela avait du sens. Et… Cela voulait peut-être dire que tant qu’elle n’aurait pas accompli cette fichue dernière volonté -- et ce qu’elle impliquait -- elle ne pourrait pas se libérer. Elle acquiesça.
— Et ?
Oui, mais la suite était difficile. Oui, c’était récent. Pour certains, huit mois suffisaient à être totalement remis. Pleurait-elle encore pour ses parents après huit mois ? Pour Louis ? Pour Tante Anne ? Sans doute y pensait-elle encore avec un pincement au coeur, quelquefois, mais cela ne l’avait pas clouée au lit pendant d’interminables mois.
— Mais… Je ne saurais pas. Je… Il n’y a que sa volonté qui me maintient en vie. Je pensais pouvoir réussir à me détacher un peu de lui, comme il me l’a demandé, en venant à la capitale… Et quelle fut ma première rencontre, je vous le demande : l’homme dont il s’était épris. Et… Je ne le regrette pas. Je… C’est cela, en partie, qui a changé, cette semaine. Je… Je… Hier, Alduis m’a demandé de ne pas l’abandonner. Je ne comprends pas. Dimanche, je suis partie comme une voleuse, mais après, il voulait quand même bien me revoir. Et il m’a demandé de ne pas l’abandonner. Et en ne l’ayant vu que… Trois fois… Trois fois, j’ai déjà l’impression que nous sommes… Liés.
Eléonore sortit un mouchoir pour éponger ses yeux.
— J’ai lu son nom des milliers de fois, et je me rends compte que si nous ne nous étions pas croisés, il serait juste resté ce nom et rien d’autre. Mais je sens qu’il y a… Quelque chose de pareil, chez nous. Et puis… Je lui dois la vie. Je… Je lui dois la vie, et je ne fais que venir l’ennuyer avec mes histoires… Comme toujours, je n’arrive pas à m’en empêcher. Égoïste, ingrate, désespérément faible et pitoyablement ennuyeuse. Et maintenant… Et maintenant, c’est vous que je viens déranger avec tout ça. Je voulais juste vous remettre ce bijou et… Je suis vraiment désolée. Si vous avez besoin de quoi que ce fut qui soit à ma portée, n’hésitez pas à me le demander.
Elle s’efforça de ramener un sourire sur ses lèvres, et de reprendre un semblant de contenance -- sans arrogance.
— Merci.
— Ce serait gentil. Je n’ai pas l’habitude de comploter ainsi.
Et comploter pour nuire, elle ne le ferait jamais. C’était tellement plus agréable de préparer une sortie clandestine ou une excursion dans les catacombes. Ou même l’une ou l’autre plaisanterie osée, mais rien qui ne soit réellement méchant.
Mais bien vite, elle tenta d’expliquer plus sincèrement son geste. Et les larmes lui montèrent aux yeux. Eldred se voulait rassurant. Un ombre de sourire passa sur le visage triste d’Eléonore à sa remarque sur les chevaux. Elle n’avait pas rejeté la main qu’il avait posée sur son épaule. Elle laissa dévaler les larmes qu’elle ne savait plus contenir, en silence.
Elle inclina légèrement la tête pour écouter son histoire de motif. De tapisserie. D’inachevé. Elle se rendait compte que, si elle était fort renseignée sur de nombreux sujets, ce qui avait trait aux colonies lui était trop peu connu. L’avait-on volontairement écartée de ces sujets-là ? Pourquoi ?
Mais cela avait du sens. Et… Cela voulait peut-être dire que tant qu’elle n’aurait pas accompli cette fichue dernière volonté -- et ce qu’elle impliquait -- elle ne pourrait pas se libérer. Elle acquiesça.
— Et ?
Oui, mais la suite était difficile. Oui, c’était récent. Pour certains, huit mois suffisaient à être totalement remis. Pleurait-elle encore pour ses parents après huit mois ? Pour Louis ? Pour Tante Anne ? Sans doute y pensait-elle encore avec un pincement au coeur, quelquefois, mais cela ne l’avait pas clouée au lit pendant d’interminables mois.
— Mais… Je ne saurais pas. Je… Il n’y a que sa volonté qui me maintient en vie. Je pensais pouvoir réussir à me détacher un peu de lui, comme il me l’a demandé, en venant à la capitale… Et quelle fut ma première rencontre, je vous le demande : l’homme dont il s’était épris. Et… Je ne le regrette pas. Je… C’est cela, en partie, qui a changé, cette semaine. Je… Je… Hier, Alduis m’a demandé de ne pas l’abandonner. Je ne comprends pas. Dimanche, je suis partie comme une voleuse, mais après, il voulait quand même bien me revoir. Et il m’a demandé de ne pas l’abandonner. Et en ne l’ayant vu que… Trois fois… Trois fois, j’ai déjà l’impression que nous sommes… Liés.
Eléonore sortit un mouchoir pour éponger ses yeux.
— J’ai lu son nom des milliers de fois, et je me rends compte que si nous ne nous étions pas croisés, il serait juste resté ce nom et rien d’autre. Mais je sens qu’il y a… Quelque chose de pareil, chez nous. Et puis… Je lui dois la vie. Je… Je lui dois la vie, et je ne fais que venir l’ennuyer avec mes histoires… Comme toujours, je n’arrive pas à m’en empêcher. Égoïste, ingrate, désespérément faible et pitoyablement ennuyeuse. Et maintenant… Et maintenant, c’est vous que je viens déranger avec tout ça. Je voulais juste vous remettre ce bijou et… Je suis vraiment désolée. Si vous avez besoin de quoi que ce fut qui soit à ma portée, n’hésitez pas à me le demander.
Elle s’efforça de ramener un sourire sur ses lèvres, et de reprendre un semblant de contenance -- sans arrogance.
— Merci.
Re: 17 décembre 1597 – Que ne faut-il pas inventer ? [Terminé]
Après ce vague moment de légèreté où il avait lui-même ri, la discussion prit un tournant bien plus sérieux lorsqu’elle évoqua avec lui, la vraie raison de ce présent. Du rire, on passa aux larmes, sans réelle transition. Il tenta de la réconforter comme il le pouvait, sans doute maladroitement. Il la laissa réagir sur son histoire de tapisserie. Ses propos étaient confus et il avait du mal à en suivre le fil -justement- mais acquiesça à sa dernière phrase.
- Ce n’est pas sa volonté qui vous maintient en vie. C’est parfaitement faux. C’est vous qui vous y accrochez. Et je vous assure que la différence est de taille. Mourir ne ramène pas les morts. Mais vous pouvez vivre avec leur souvenir sans en souffrir éternellement. Cela n’appartient qu’à vous. Vous avez le droit de vivre et non le devoir.
Il n’était pas parfaitement bien placé pour émettre ce genre de commentaire, mais si cela pouvait l’aider… Sans parler du fait qu’il essayait réellement de se pardonner. On est toujours plus dur avec soi-même qu’avec les autres. Il reprit peu après :
Quant à Alduis, ne cherchez pas de raison particulière. Moi aussi j’ai cette même impression. Je l’ai rencontré il y a neuf ans, mais cela ne fait même pas un mois que j’ai fait sa connaissance. Et pourtant c’est comme si nous avions toujours été amis. Parfois, il faut accepter les choses sans se poser de questions
Il l’observa s’éponger les yeux tandis qu’elle reprenait de plus belle. Pendant ce temps, la jument -visiblement compréhensive- avait posé sa tête sur l’épaule du guerrier. Il eut un sourire bienveillant.
- On ne vous a jamais dit que vous réfléchissiez trop ? Si Alduis n’avait pas envie de vous voir, il ne vous verrait pas. Ce n’est pas le genre à s’embarrasser du moindre protocole, croyez-moi… Vous voulez un conseil ? Laissez les choses arriver. Oh et soyez moins dur avec vous-même aussi, se flageller n’amène rien de bon à part une vilaine douleur qui ne fait pas disparaitre celle que vous essayez de camoufler. Je vous remercie pour votre proposition. Si vous avez besoin de parler, n’hésitez pas à venir me trouver.
Même si ses paroles pouvaient paraitre rudes, il n’y avait rien de malveillant derrière tout cela bien au contraire. Il ne comprenait décidément pas ce que ces Monbriniens avaient avec le fait de se rabaisser sans arrêt. C’était donc ainsi qu’on les élevait ? Lui regretta ses marécages sauvages.
- Ce n’est pas sa volonté qui vous maintient en vie. C’est parfaitement faux. C’est vous qui vous y accrochez. Et je vous assure que la différence est de taille. Mourir ne ramène pas les morts. Mais vous pouvez vivre avec leur souvenir sans en souffrir éternellement. Cela n’appartient qu’à vous. Vous avez le droit de vivre et non le devoir.
Il n’était pas parfaitement bien placé pour émettre ce genre de commentaire, mais si cela pouvait l’aider… Sans parler du fait qu’il essayait réellement de se pardonner. On est toujours plus dur avec soi-même qu’avec les autres. Il reprit peu après :
Quant à Alduis, ne cherchez pas de raison particulière. Moi aussi j’ai cette même impression. Je l’ai rencontré il y a neuf ans, mais cela ne fait même pas un mois que j’ai fait sa connaissance. Et pourtant c’est comme si nous avions toujours été amis. Parfois, il faut accepter les choses sans se poser de questions
Il l’observa s’éponger les yeux tandis qu’elle reprenait de plus belle. Pendant ce temps, la jument -visiblement compréhensive- avait posé sa tête sur l’épaule du guerrier. Il eut un sourire bienveillant.
- On ne vous a jamais dit que vous réfléchissiez trop ? Si Alduis n’avait pas envie de vous voir, il ne vous verrait pas. Ce n’est pas le genre à s’embarrasser du moindre protocole, croyez-moi… Vous voulez un conseil ? Laissez les choses arriver. Oh et soyez moins dur avec vous-même aussi, se flageller n’amène rien de bon à part une vilaine douleur qui ne fait pas disparaitre celle que vous essayez de camoufler. Je vous remercie pour votre proposition. Si vous avez besoin de parler, n’hésitez pas à venir me trouver.
Même si ses paroles pouvaient paraitre rudes, il n’y avait rien de malveillant derrière tout cela bien au contraire. Il ne comprenait décidément pas ce que ces Monbriniens avaient avec le fait de se rabaisser sans arrêt. C’était donc ainsi qu’on les élevait ? Lui regretta ses marécages sauvages.
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