[RP flashback/solo] Miracle ou malédiction ?

Un soir dans la demeure du marquisat, la jeune héritière de Phietom courait à toute allure dans les grands couloirs fuyant sa nourrice qui cherchait à l'enfermer dans sa chambre pour l'inciter à s'endormir sans trop tarder. Alexei était peut-être plus sage qu'elle, mais ce n'était pas cela qui allait l'arrêter dans sa course effrénée. Elle bouscula sur son passage deux, trois domestiques ou esclaves qui bloquaient son passage et en frôla un avec agilité. Elle continua de courir puis reprit enfin son souffle lorsqu'elle n'entendit plus les appels de sa gouvernante, la poursuivant du mieux qu'elle pouvait jusqu'à maintenant. Après avoir vérifier derrière elle la moindre trace de nourrice, Leyria s'en alla sans perdre de temps en direction du bureau du marquis.

Le but précis de tout ce remue ménage ? Officiellement elle voulait juste souhaiter une bonne nuit à son père. Officieusement... Elle cherchait à ne plus douter sur ce qu'elle représentait pour lui. Il l'aimait. Après tout, il était son père, non ? Alors pourquoi avait-elle l'impression qu'il la jugeait parfois méchamment avec un brin de mépris ?... La première fois qu'elle le remarqua, elle crût se faire de stupides idées en étant à côté de la plaque. Mais au fil du temps, elle commença à se questionner de plus en plus jusqu'à que cela devienne une source de stress. C'est pour cela qu'elle voulait mettre fin à ses doutes qui n'avaient ni queue, ni tête. Et ce soir, elle avait enfin prit son courage à deux mains pour lui parler, seule avec lui.

Arrivant près du bureau, elle poussa une longue respiration avant de se retrouver au pied de la porte. Mais avant qu'elle puisse toquer une seule fois sur le bois dur et noir de la porte qu'elle s'arrêta net par le bruit de quelques paroles en pleine conversation dans la pièce. Elle aurait pu, abandonné l'idée de discuter avec son père. Mais la curiosité la mena à pousser discrètement la porte ne laissant qu'une fine ouverture, tout du moins lui permettant d'attendre sans problème la conversation. Elle reconnu directement la voix du marquis de Phietom ainsi que celle du comte de Sasan, ami de son paternel qui séjournait quelques jours ici. Elle écouta la suite avec attention.

"- Je sais que cela a été fort difficile pour vous, mon ami... Il est vrai que nous avions tous crûs que votre épouse était stérile et que l'espoir pour l'héritage du marquisat s'affaiblissait de plus en plus. Mais regardez... Dieu a écouté vos prières et vous a finit par vous offrir un enfant..."

"- Une fille ! Dieu m'a donné une fille, Antoine ! - il eut un long soupire - Pendant toute ma vie, j'ai travaillé et donné tout de moi-même pour élever mon Marquisat à la caste la plus prestigieuse à la Cour. Et voilà que tous ces beaux efforts sont d'un coup jetés à l'eau à cause d'une femme incapable de m'offrir un fils... Notre nom va sombrer dans l'oublie."

Un long silence pesant envahie la pièce puis, l'une des deux voix masculines reprit :

"- Allons allons. Ne soyez pas si pessimiste. Vous souvenez vous donc pas de ce qu'on disait à propos de la naissance tant attendu de votre héritier ? Nous l'appelions "le miracle de Dieu"."

"- Un miracle ?! J'appellerais cela une malédiction !"

La conversation continua. Leyria n'écouta plus. Son esprit ne répétait qu'un seul mot.

Une malédiction

Elle avait maintenant sa réponse. Son père ne l'aimait, elle n'était qu'à ses yeux que le fruit d'une malédiction. De grosses larmes commencèrent à couler sur ses joues. Sur le coup, elle aurait préféré ne pas jouer les curieuses et assister à tout cela. Mais de l'autre...

Pourquoi ? Pourquoi ferait-elle sombrer le marquisat dans l'oublie ? Pourquoi était-ce la faute de sa mère ? Pourquoi son père était-il si furieux à ces idées ?

Elle chercha en vain la raison à ces questions qui lui turlupinaient de plus en plus et prenaient toute la place dans ses pensées. Elle n'entendit qu'à moitié l'arrivée de sa gouvernante excédée par le comportement de l'enfant. Celle-ci râla et la prit violement par le bras en la fâchant. Le marquis arrêta ses échanges avec le comte et se dirigea vers la porte, attiré par le bruit. Lorsqu'il l'ouvrit, ses yeux se posèrent directement sur ceux de Leyria. Cependant, le visage attristé et bouleversé de sa fille ne le toucha guère. Au contraire, il lui jeta un regard méprisant en retour.

L'expression de son père ne fit que d'affirmer tous les doutes sur leur relation qu'elle se faisait jusqu'à maintenant. Elle baissa les yeux, cherchant à cacher ses larmes. Sa nourrice s'excusa du dérangement et brusquement, emmena par le bras l'enfant dans sa chambre.

Une fois que l'héritière fut en robe de chambre et prête à se coucher, la dame la laissa enfin seule, en pensant bien à fermer à clé la pièce afin de ne pas avoir affaire à une autre course poursuite dans ce genre. La chambre était dans le noir complet mais Leyria ne ferma point l'oeil. Elle ne pouvait pas dormir. Elle se plongea dans une longue phase de réflexion mêlé par quelques larmes.

Après quelques heures, elle comprit petit à petit que l'affection ne s'arrêtait qu'en fonction du sexe de la personne. Elle était une fille et ne pouvait recevoir la même estime qu'un garçon aurait eu à sa place.
Car les garçons étaient mieux que les filles. Ils étaient mieux en tout. En beauté, en force, en intelligence... C'étaient ce qu'ils pensaient. Leyria ne voulait croire à de telles bêtises. Elle n'était pas nulle. Elle n'était pas moche. Elle n'était pas faible. Elle n'était pas stupide. Ils avaient tord et elle leur prouverait qu'elle a raison.

Maintenant, elle avait la réponse à toutes ces questions.

Papa est furieux. Il est furieux car je suis une fille.