[RP Solo][Flashback] 1566-1584 La destinée Agaësse
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La destinée Agaësse
Chapitre I : Les manipulations d'un frère
13 Mai 1566
Seul dans son bureau, le jeune homme étudiait les documents maritimes tout en suivant les cartes marines pour établir om se situaient en ce moment les vaisseaux que lui et son père avaient actuellement affrétés. Dans quelques jours, un navire reviendrait des Indes, les cales chargées de produits onéreux et contribuerait à faire grossir un peu plus leur fortune. Les affaires étaient florissantes. Tout allait bien de ce côté-là.
Il se redressa dans le fauteuil et son regard se posa sur une peinture, fixé au mur, qui représentait un vaisseau en perdition au milieu d'une tempête. Ses intérêts risquaient de l'être eux aussi. Son esprit ressassait encore le mariage stupide de sa sœur Rose avec un vulgaire marchand de tissu sans fortune. Leur père, dans al folie du vieil âge sans nul doute, avait décidé d'accorder une dot de quinze mille rilchs. Ridicule ! Tout ceci se révélait parfaitement ridicule. Et il discutait avec son gendre comme s'ils seraient du même pied d'égalité, l'interrogeant sur ses opinons politiques ou intellectuelles. Le jeune homme savait certainement y faire pour faire tourner la tête rêveuse de Charles Agaësse et assurer ainsi son avenir. Il était intelligent. Henri ne pouvait lui retirer cette qualité. Il avait parfaitement joué et récolté les lauriers de son travail. Désormais, en vertu des liens du mariage, cela devenait impossible de l'attaquer.
es inquiétudes se dirigeaient vers son autre sœur, Rosina. Bientôt, elle rencontrerait elle aussi un homme qui lui ferait tourner la tête et réussirait à l'épouser. Une seconde dot, au montant faramineux, serait versé. Son esprit réfléchissait à un plan pour contre cette éventualité et il avait découvert depuis peu une superbe pièce pour cette partie qui s'engageait. Elle serait même facile à persuader. Il était presque assuré même de le faire renoncer à la dot.
Un sourire carnassier se peignit sur sa face sinistre. Tout tournerait en sa faveur.
***
28 Mai 1566
Quand on ne cherchait pas à se la compliquer, la vie se révélait si si simple et si paisible. Rosina appréciait la sienne et ces petits bonheurs que le quotidien lui apportait. Ses journées se répétaient mais la satisfait. Le matin, elle suivait sa mère qui lui enseignait quelques leçons sur comment être une bonne maîtresse : bien connaître la cuisine pour être certaine de ne pas se faire duper par une employée, se soucier de tenir le foyer en ordre afin de respecter le travail de la servante, elle était payée pour nettoyer et non ramasser leurs affaires, et tenir le compte des dépenses. Augustine Agaësse enseignait toutes ces manières avec douceur et patience et Rosina s'appliquait à bien suivre son exemple, désireuse de lui ressembler le jour où elle-même serait mariée comme l'était à présent sa chère sœur Rose depuis treize mois.
Ne plus pouvoir trouver Roser à tout moment pour l'entretenir de certaines inquiétudes la peinait parfois. Rosina aimait se glisser dans sa chambre et discuter avec elle de longues heures sur différents sujets. Surtout celui des garçons. Elles se retrouvaient heureusement chaque après-midi dans la boutique de son époux. Pendant que Paul rencontrait des clients, elle tenait le magasin. Les deux sœurs poursuivaient ainsi leur relation, sans que le mariage et la séparation n'ait finalement changé quelque chose.
Aujourd'hui, malheureusement il pleuvait et sortir serait imprudent. Rose la gronderait dès son arrivée dans la boutique. Rosina n'était cependant pas triste de cette perturbation. Elle demeurait dans sa chambre à lire tout en écoutant son fère Jules qui lui faisait de temps en temps la conversation tout en travaillant à une esquisse.
"Tu es un tel artiste, Jules. Tu devrais rechercher un mécène pour que celui-ci favorise ton art."
"Non, j'ai encore du travail avant d'atteindre ce niveau. Joseph me le disait encore hier."
Comme à l'accoutumée, dès que l'on évoquait son don, le jeune homme se tassait et baissait la tête.
"Qui est ce Joseph ?"
Les joues de Jules rosirent un peu plus.
"Un... ami."
"Oh, vraiment ? Allez-, parle-moi de lui ! Si tu lui as montré tes dessins, c'est que un ami dont tu es très proche ! Allez, mon grand frère chéri, je veux tout savoir !"
Le jeune homme garda la tête penchée vers son chevalet, entièrement dissimulé derrière. Une longue hésitation le traversa avant de prendre à nouveau la parole.
"C'est... Il s'agit..."
Il n'eut pas le temps de poursuivre : la porte s'ouvrit et Henri entra dans la pièce. Il s'approcha avec sévérité de son cadet et annonça d'un ton sec :
"Père te réclame. Tout de suite."
Jules opina de la tête et s'empressa de se retirer. Satisfait, Henri referma la porte et tira le loquet. Nul besoin d'être dérangé. Leur conversation demeurerait intime. Il s'avança vers la toile inachevée et esquissa un rictus moqueur.
"Quel dommage de finir à la rue avec un talent pareil !"
"Comment ça ? Pourquoi Jules finirait à la rue ? Il a du talent ! Il vivra de son art !"
"L'art ne nourrit, naïve petite sœur. Pour l'heure, tant que nos parents vivent encore, ils l'entretiennent. Un jour viendra, ils ne seront plus. Je ne le garderai pas. Un homme doit trouver un emploi de ses seuls moyens. Ou il n'en est pas un. Or, j'ai entendu que mère ne se porte bien. Père s'en inquiète. Selon le médecin, sa maladie l'emportera dans cinq ou six ans. Pour le moment, elle n'est pas visible mais dans un an, elle ne saura plus quitter le lit."
"Maman ! Oh non ! C'est horrible !"
"Si tu étais mariée quand ce drame se produira, tu pourras accueillir Jules. A ce sujet, un de mes amis cherchent une jeune fille. Il est intelligent, sensible et ouvert à la culture. Rien de bien étonnant pour un libraire. Si tu l'épousais, il serait ravi d'héberger un artiste, lui, sous son toit."
]"Je ne veux me marier par intérêt, Henri !"[/color]
"Allons, une rencontre n'engage à rien, Rosina. Il aime la littérature, l'art, exactement comme toi. Pourquoi refuser de le connaître ? Et si tu te découvrais une inclinaison alors ?"
Rosina contempla son frère, pensive, et jugea que celui-ci avait raison : une rencontre n'engageait pas aux fiançailles.
***
16 Juin 1566
Rosina se tenait devant la fenêtre du salon, les mains jointes sur sa poitrine, le coeur tambourinant à ses tempes. Aujourd'hui, elle allait rencontrer ce prétendant que son frère Henri aimerait la voir épouser. Elle s'était renseignée depuis au sujet de ce Romain Bellanger et il jouissait d'une excellente réputation, aussi bien l'homme que son commerce. Avec Rose, elles avaient poussé l'imprudence à visiter la librairie, sous couvert d'innocentes clientes, et elle n'avait pas approché le jeune homme, restant bien en retrait. Sa sœur s'était chargée des transactions. Rosina l'avait trouvé bel homme, sûr de lui, à l'aise dans son métier. A cela se rajoutait la qualité non négligeable de tous ces ouvrages à portée de main. Si elle l'épousait, comme Henri le désirait, elle pourrait y accéder librement. Mais elle ne se braderait pas si facilement. Son mariage se ferait selon l'inclination de son coeur, comme pour Rose, et rien ne se mettrait au travers de cette résolution.
"Seigneur ! Là voilà, elle aussi amoureuse !"
Un rire cristallin troubla les pensées de Rosina. elle se tourna et sourit à ses parents dans le canapé. son père avait passé un bras autour des épaules de son épouse alors que celle-ci souriait tendrement à sa fille. Elle dissimulait sa tristesse de savoir sa mère malade, elle qui s'appliquait si bien à le cacher. Elle prétendait se reposer l'après-midi. Quelle naïveté de l'avoir cru ! Rosina n'en ressentait qu'une admiration encore plus vive pour cette femme vive et courageuse, entièrement dévouée à sa famille. Quand elle serait mère à son tour, elle ferait tout pour se conformer à son image.
"Je ne suis pas amoureuse. Je vous jure."
"Mais oui, ma chérie. mais oui."
Un nouveau rire complice unit les époux et Rosina préféra ne pas insister. De toute manière, même Rose ne la croyait pas. Elle affirmait que pour avoir eu l'audace de se rendre à cette librairie, elle avait forcément des sentiments pour cet homme. Le rouge colorait ses joues. Non, elle n'était pas amoureuse. Pas du tout. Elle ne voulait pas l'être. autrement, ce serait conforter les désirs de son frère Henri.
Finalement, le libraire se présenta au domicile et une servante l'introduisit au salon. Il présenta ses hommages aux parents avant de saluer Rosina et de lui offrir un bouquet de fleurs superbes. elle l'accepta poliment tout en lui accordant un sourire
Romain observa cette toute jeune femme dont son ami Henri Agaësse lui avait évoqué l'existence et esquissa un sourire en s'installait dans le canapé avec elle, face à ses parents. Elle était assurément magnifique et ses manières excellentes. Il essayait depuis quelques années de séduire les filles mais toutes se dérobaient, comme s'il les faisait fuir. Cette proposition était donc inespérée : en échange d'un refus de dot, le frère livrait habilement la sœur. Il lui avait même fourni toutes les idées pour s'attirer ses bonnes grâces et que celle-ci accepte ses avances.
"J'ai entendu dire par votre frère que vous étiez une fervente admiratrice de Rabelais. Je trouve moi-même cette ouvre aussi divertissante qu'instructive. Par ailleurs, le registre des langage est si travaillé."
"Oh, je vois que Henri vous a renseigné sur mon écrivain favori. Je ne boude cependant pas, monsieur, sur de nombreux autres auteurs. Hier, je terminais justement un traité sur l'éthique et ka morale. D'un certain Nicolas Flumet. Vous connaissez, je présume."
"Naturellement. Il n'a pas bonne presse. Ses idées sont... délicates. Mais il est important de se renseigner sur tout domaine si on souhaite élever son esprit au maximum de ses capacités."
"J'en suis tout à fait d'accord."
Finalement, Henri avait peut-être raison. Comme Rose. Cet homme instruit, attaché à la litétrature, pourrait bien lui correspondre. A cela se rajoutait la qualité de bien savoir parler. Elle ne devait toutefois pas s'attacher trop vite. Elle ne connaissait pas encore son caractère.
"Aimez-vous le théâtre, Rosina ? Je possède une loge. Nous pourrions assister à quelques représentation. Avec un chaperon, cela va de soi.
Le coeur de Rosina bandit dansas poitrine. Elle aimait beaucoup les tragédies mais ses parents, eux, préféraient les comédies et les farces, celles que les simples saltimbanques jouaient dans les rues. Comme ce serait extraordinaire d'assister à une vraie pièce !
"Quelle merveilleuse idée ! Jules, mon frère, apprécie lui aussi beaucoup le théâtre. Il nous servirait de bonne grâce de chaperon !"
"Ce serait assurément de belles sorties. Surtout accompagnée d'une aussi jolie femme."
Rosina piqua un fard et Romain esquissa un sourire charmeur, dissimulant sa duplicité. Il observa d'un bref regard les parents conquis eux aussi. Tout se déroulait selon leurs plans.
***
23 Août 1566
Depuis deux mois, Rosina rencontrait une à deux par semaine Romain Bellanger et se plaisait en sa compagnie. Il la laissait librement discuter de tous les sujets qui l'intéressaient et l'amenaient à l'opéra, au théâtre ou à des expositions. Naturellement, Jules les accompagnait mais s'arrangeait pour demeurer en retrait afin de laisser de l'intimité au couple. La jeune femme se laissa aller à penser que cette histoire pourrait fonctionner et qu'un mariage serait réellement possible. Elle était cependant encore jeune. De toute manière, même si elle s'y décidait, son père refuserait de la conduire à l'autel avant ses vint ans. Ils avaient ainsi encore le temps de bien se connaître.
Dans la matinée, dans sa chambre, Rosina lisait lorsque son frère releva la tête de sa peinture.
"Rosina, aimes-tu ton prétendant ?"
"Je crois, oui."
"Lui, il ne t'aime pas. Il simule."
"Tu dis des bêtises, Jules ! Pourquoi ferait-il cela ?"
"C'est un commerçant bien en vue. Il a besoin d'une épouse pour être respectable. Un homme célibataire, c'est louche. Et il souhaite, bien sûr, un héritier. Tu n'es que ça pour lui, petite sœur : un beau visage et un ventre."
"C'est ridicule, Jules."
"Si un homme te contemplait, ma belle, comme Joseph me regarde, tu le comprendrais toi aussi."
"Comme... Comme Joseph te regarde ?"
Jules blêmit. il soupira.
"J'aime un homme. Depuis deux ans. Et il m'aime également. Oui, ce n'est pas commun. Et alors ? Nous sommes heureux et c'est tout ce qui importe. Alors, si tu souhaites être toi aussi heureuse, Rosina, comme le sont Rose et Paul, comme le sont nos parents, romps avec cet imbécile fat. Tu mérites un homme qui se souciera sincèrement de toi."
Rosina demeura perplexe, incapable de répondre, perturbée par ces révélations que son frère venait de lui faire et ne sachant pas comment y faire face.
***
27 Août 1566
Le premier trimestre de sa grossesse était dépassé depuis presque un mois et Rose commençait à éprouver quelques difficultés pour se mouvoir. Elle restait ainsi assise derrière le comptoir, à attendre les clients. Son époux lui recommandait de ne surtout pas se fatiguer. Certains jours, quand elle avait mal dormi, trop inquiet, il lui proposait même de ne pas ouvrir. Ce serait ridicule. Ils n'étaient pas assez aisés pour se permettre ce luxe.
La main posée sur ce ventre qui s'arrondissait, Rose vit sa sœur passer la porte et entendit le carillon retentir. Elle lui adressa un sourire, ravie de l'accueillir, puis nota son visage contrarié. Que lui arrivait-il ? Une dispute de couple ? Son prétendant se laisserait-il déjà ? Elle la laissa la saluer, puis s'asseoir à ses côtés.
"Rose... Je ne savais pas quoi dire. Je devais en parler à quelqu'un. je n'arrive pas à garder ça pour moi. Jules.. Jules, il m'a dit qu'il aimait un homme. Depuis deux ans. Ils.. C'est dangereux. Ils.. Ils vont le brûler s'ils le découvrent."
Rose pâlit. Leur frère cachait un tel secret ? Quel sulfureux scandale ! Si on le découvrait leur famille était assurément ruinée. Elle ne devait cependant pas inquiéter Rosina. Elle était trop jeune pour porter ce poids.
"Il ne lui arrivera, sœurette, je te le promets."
"C'est vrai ?"
"Bien sûr. On dit toutes ces choses affreuses. mais ce sont des histoires pour effrayer les gens à la veillés. Comme l'ankou ou les loup-garous. Crois-tu encore au loup-garou, Rosina ? Alors pourquoi croirais-tu qu'on brûle des hommes ? Sois un peu intelligente !"
Rosina contempla son ainée, perplexe, puis sourit. Elle se sentit à présent effectivement ridicule d'avoir imaginé toutes ces choses possibles. Non, qui ferait rôtir une personne en place publique ? Ce serait indécent et absolument pas chrétien. Rose observa sa cadette s'apaisa et songea à rencontrer au plus vite leur frère Henri. Grâce à ses relations, il séparerait les amants et il pourrait même envoyer Jules loin de la capitale et des tentations. Un voyage en Italie, à découvrir les grands peintres, à s'instruire, tout ceci lui ferait oublier ces folies de jeunesse.
***
28 Septembre 1566
Dans le secret de son bureau, Henri se réjouissait de la tournure prise par les événements. Son frère homosexuel, c'était assurément la meilleure des nouvelles. le mois dernier, en recevant Rose, il avait joué tout le long la compassion et le sens du devoir familial en bon comédien que l'armateur savait être. A la fin de leur rencontre, Rose était persuadée que Jules partirait bientôt pour l'Italie. Quelle sotte ! Il avait attendu un peu et avait suivi un soir son frère pour le découvrir avec cet amant, puis filer ce fameux Joseph et obtenir ensuite des renseignements à son sujet. Il avait alors concocté un plan parfait pour récolter une part plus importante de l'héritage que ses parents laisseraient à leur décès à leurs enfants.
Quinze jours plus tôt, il avait payé un homme pour attirer l'attention les soldats de guet en patrouille là où son frère retrouvait son amant. Ils avaient ainsi aperçus, de leurs propres yeux, les deux hommes coupables d'un grave délit. Des témoignages incontestables. Dès le lendemain, Henri s'était présenté à la prévôté, déclarant comprendre la faute terrible commise par son cadet, puis avait prétendu souhaiter dissimuler le scandale et surtout protéger ses parents. Grâce à des mots choisis avec soin et une jolie bourse, le commandant avait accepté à sa requête. Le nom des Agaësse ne serait pas communiqué. tout était réglé.
Pendant le bûcher, Henri rédigeait une fausse lettre, écrite en théorie par Jules, où celui-ci annonçait son départ vers l'Italie afin d'étudier l'art. Ses parents s'étaient outrés de ce départ à la hâte, tel un voleur, mais ne soupçonnaient rien. Il ne restait plus qu'une dernière touche pour parfaire le tableau.
Henri se rendit à la demeure de ses parents et visita Rosina.
"Bonjour, ma sœur. As-tu des nouvelles de Jules ?"
"Il... il est en Italie."
Quelque chose clochait dans ce départ trop rapide. Rosina le pressentait. Elle observa son frère, méfiante.
"En réalité, Jules n'est plus nulle part. A moins de considérer les cendres sur la grande place comme un quelque part. Tu as été très gentille, ma chère sœur, de raconter ce secret à Rose. Elle est venue aussitôt m'en avertir et me demander de l'éloigner de cet amant. Vous êtes toutes deux des alliés si précieuses !"
"Tu... Tu l'as dénoncé !"
Rosina cracha dans cette phrase tout le mépris et le dégoût que son frère lui inspirait cet instant.
"Désormais, ma chère soeur, tu as un choix à faire. Souhaites-tu briser le coeur de nos parents ? Non, je ne crois pas. Tu es une trop gentille fille, n'est-ce pas. Etends bien cela : tu vas me jurer d'épouser le libraire Bellanger et te montrer de plus en plus affectueuse envers lui. Autrement... Autrement, nos parents apprendront la vérité sur la mort de Jules. qu'en penses-tu ? Faut-il mieux croire son fils en Italie, ne donnant plus de nouvelles, ou le savoir en cendres ? Choisis, ma chère sœur. Choisis bien."
"Monstre !"
Henri ne tiqua pas à cette insulte. Rosina bouillait de colère mais se savait impuissante. Si elle refusait de plier à ce chantage odieux, ses parents et Rose sauraient cette vérité infâme. Sa mère en mourrait de chagrin, elle qui pleurait déjà l'absence de son fils cadet. Il y avait Rose également qui se reprocherait la responsabilité de cette mort injuste.
"J'ai compris, Henri. J'épouserai Romain Bellanger quoique il se passe. Je le jure sur la tête de feu Jules."
Un rictus de triomphe naquit sur le visage d'Henri. Rosina s'avança et le gifla.
"Désormais, ne viens plus m'adresser la parole quand nous sommes seuls, Henri. Pas une fois. Où tu recevras une gifle semblable à celle-ci. J'épouserai le libraire pour garder la mémoire de Jules intacte. Mais toi, Henri, tu n'es plus mon frère. Tu n'es plus rien."
Re: [RP Solo][Flashback] 1566-1584 La destinée Agaësse
Chapitre 2 : Solitude
Septembre 1575
La jeunesse l'avait fui et toute innocence lui était totalement retiré. Seule devant le miroir de la coiffeuse, les yeux rougis, Rosina se découvrait, défaite, et n'arrivait pas à croire que cette personne soit elle. Pas plus que son arrivait à accepter que son époux venait de la battre. Qu'avait-elle fait pour le mériter. Rien. Au contraire, elle agissait de manière vertueuse, fidèle à ce que sa mère aurait fait dans une situation analogue.
Depuis une semaine, Auguste Bellanger ne quittait plus le lit. La goutte le paralysait. Sûr de ce constat, Romain avait décidé qu'i serait désormais le chef de cette maison. Son poignet avait alors saisi le poignet d'Annie, la maitresse de son père, qui restait dans ce domicile depuis plus de vingt ans, et lui avait ordonné de disparaître avec sa marmaille. Rosina en avait été révulsée. Après son mariage, qui remontait à bientôt six ans, de longues années qu'un quotidien, sinistre, elle avait apprécié la présence bienveillante d'Annie et cette derrière lui avait permis de prendre ses marques dans sin nouveau foyer. Elle ne pouvait décemment pas l'abandonner. Rosina s'était opposée à son mari et il l'avait battu. D'abord, de la main, puis de sa ceinture. Elle était restée étendue sur le sol, comme morte. Il en avait profité pour mettre la malheureuse Annie et ses cinq enfants à la porte. Même les deux petits de huit et onze ans. Qu'allaient-ils devenir ? C'était absolument inhumain.
Comment en était-elle arrivée là ? Comment sa vie avait-elle pu dériver à une pareille extrémité ? Elle songea à cet avertissement de son frère Jules qui lui recommandait de fuir le libraire. Il avait eu raison. Mais dans sa naïveté de jeunesse, elle ne voulait pas y croire. Elle aimait trop se sentir exister dans les yeux d'un homme. Puis, il y avait eu le chantage et le serment. Tout partait de là. Elle avait été piégé par un sinistre manipulateur.
Elle voulait sa mère.
Elle voulait un câlin des maman, comme quand elle était enfant. Dans ses bras, tout s'effaçait.
Mais sa mère était décédée au début de cette année. Elle était seule. Rose prêtait de moins en moins attention à elle, affairée à ses responsabilités maternelles. quoique.. Cette fois, c'était grave. Elle l'écouterait.
***
Depuis le triste décès d'Augustine Agaësse, Rose se rendait chaque jour avec ses deux petites filles et son neveu dans la maison de son enfance, soucieuse de distraire son père. Il était toujours si ravi de passer du temps avec ses petits-enfants et en oubliait pendant ces quelques heures le chagrin de sa perte
Dans le salon, Charles écoutait Léonard, âgé de cinq ans, lui lui racontait l'un de ses rêves. Il avait une nouvelle fois passé la nuit au domicile des Mercier. Rose appréciait de s'en occuper, surtout que le pauvre petit avait perdu sa mère à la naissance, mais elle jugeait que son frère Henri se déchargeait trop sur elle pour assurer l'éducation de son fils. Il devait lui aussi tisser des liens avec cet enfant. Rose en discutait de temps en temps avec son époux et Paul partageait ses vues mais ni l'n ni l'autre n'en auraient touché mot à Henri. Il se montrait trop susceptible. Elle préféra reporter l'attention vers ses filles. A huit ans, Amélie restait dans un fauteuil, à broder. Les jeux ne l'intéressaient déjà plus et elle souhaitait se conformer dès maintenant à sa condition de femme? Quelle erreur ! Elle regretterait un jour son insouciance perdue. Sur le tapis, Anna s'amusait avec sa poupée et inventait des histoires à voix haute. Quelle superbe scène touchante !
La servante vint leur annoncer l'arrivée de Rosina mais indiqua qu'elle demandait à voir Rose rapidement. La mère se leva et retrouva sa cadette, en larmes, effondrée, sur les marches de l'escaliers. Elle vint s'asseoir près d'elle.
[b]"Il m'a battu !"
"Qui ça ? Il faut aller porter plainte."
Rosina sanglota, désespérée
"Non. Je ne peux pas. Il... c'est mon mari. Il voulait chasser Annie. Et les enfants. J'ai voulu l'arrêter. il m'a battu. Je pensais mourir, Rose !"
L'aînée était terrorisée par cette révélation soudaine. Son beau-frère était un homme si gentil, charmant et attentionné. Pourtant, elle savait que certains individus, derrière le vernis, dissimulaient une âme sinistre. Que pouvait-elle faire ? rien. Sa soeur était mariée au libraire. Il avait le droit de la battre s'il jugeait cela nécessaire.
"Je.. Il va falloir porter ta croix, Rosina. Pense au Christ. Il a subi avec courage les flagellations. S'l recommence, pense qu'à chaque coup, tu te rapprocheras du Paradis."
Rosina s'effondra dans ses bras, ruisselante de larmes, et Rose se sentait horrible d'avoir formulé de pareilles paroles. mais qu'aurait-elle pu dire ? face à la puissance d'un matin, une femme n'était rien.
***
Le crépuscule se profilait dans le ciel et Rosina se trouvait toujours dans le cimetière, face à la tombe de sa mère. Elle ne désirait pas rentrer. Rentrer, pour quoi faire ? Subir de nouveaux coups ? Elle s'y refusait. Il l'avait battu une fois. Par surprise. Elle refusait qu'une seconde fois existe. Sa mère ne lui reprocherait pas cette décision. Elle la voudrait heureuse. Tout comme son frère Jules. Il lui avait demandé ne plus fréquenter le libraire. Elle devait enfin s'éloigner de lui et respecter son désir.
Elle le ferait.
De toute manière, ce mariage était une union sordide, inféconde, né de deux êtres manipulateurs. Elle disparaitrait, sans donner à quiconque de nouvelles, pas même Rose, et reprendrait cette liberté qui lui avait été volé.
***
25 Juin 1579
Le temps avait continué de passer et les blessures s'étaient aggravées. Dans la cuisine des Bellanger, les deux sœurs se confiaient leurs tourments. Rosina avait tout raconté à son aînée de ses aventures libertines et de cette rencontre ave le véritable père de son enfant. Elle l'avait entendu sans la juger, compatissante. Rose évoquait à son tour sa douleur d'avoir perdu durant l'hiver dernier. Une mauvaise fièvre. Il croyait fort et pensait guérir seul. Puis, un matin, Rose s'était levée veuve, le corps inerte de son mari couché contre elle. Leur père s'était chargé de vendre le commerce de draps et de les inviter dans sa demeure. A treize ans, Amélie assumait avec sérieux le rôle de ménagère et suppléait parfaitement sa mère. Anna, neuf ans, restait encore marquée par le deuil, mais son grand-père lui accordait beaucoup d'attention. Rose s'inquiétait plus encore pour sa dernière fille, Charlotte, née trois mois après al mort de son père.
"On va devenir quoi après la mort de papa ? Henri.. Henri ne nous laissera jamais la maison, non ?"
"Je... C'est possible, oui. Il faut que tu économises le moindre sou, Rose."
"J'ai déjà l'argent de la vente de la draperie. Pis, j'aurais ma part de l'héritage."
"Si je pouvais te donner la mienne. Mais Romain s'en emportera."
Elles poussèrent un long soupir, minées par le sombre destin qui s'annonçait. Des cris joyeux et des sanglots les tirèrent de leur mélancolie. Alexandre et Charlotte venaient de se réveiller de leur sieste et réclamaient le bon lait maternel.
***
23 Mars 1584
Rosina retenait difficilement les larmes qui perlaient à ses yeux en relisant la lettre de sa sœur. Elle décrivait son installation dans cette ville lointaine, dans une petite maison. Une relation lui avait déniché un emploi là-bas. Depuis deux ans, depuis leédcèsde leur père, l'argent manquait. La petite Charlotte était fragile et tombait presque chaque mois malade. Les potions et les médicaments coûtaient cher et peu à peu l'héritage avait fondu.
Elle avait essayé de persuader Henri de les aider. En vain. Il avait même osé traité son fils de bâtard.
Son regard se baissa vers Alexandre, à quatre pattes, qui faisait avancer un chien à roulettes, et devint sévère.
"Alexandre, ne devrais-tu pas être en train d'étudier ?"
Le garçon se relava, penaud.
"Pardon, maman."
Il reprit ses béquilles et alla s'installer à nouveau à la table, devant les livres et les exercices de latin. Rosina vint le voir et se pencha pour l'embrasser.
"Quand tu seras adulte, mon chéri, tu vas être une personne importante. Tout le monde te respectera et t'enviera. Mais pour cela, tu dois étudier"
"Oui, maman."
Tout en contemplant la silhouette de son enfant travailler à ses déclinaisons latines, Rosina esquissa un sourire. Son fils dépasserait un jour ceux de son frère Henri. Il dépasserait le libraire Bellanger. Il dépasserait tout le monde. Il serait le meilleur, un homme vertueux, intelligent et instruit, comme l'était autrefois Jules. Oui, il serait comme Jules, mais Jules qui réussirait et qui triompherait de l'adversité. D'ailleurs, César, tout puissant avait-il pu être, n'avait jamais égalé l'aura du grand Alexandre.
Sur cette pensée, Rosina se pencha et embrassa la nuque de son fils.
"Tu es brave petit empereur !"
FIN
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