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[8 Décembre 1597] Quand futilités et confessions vont de mèche[Terminé]

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Message par Nehalan De Torienel Mar 2 Fév - 17:59

Quand Nehalan était rentré chez lui la veille, il avait affronté avec une bravoure qu’il ne se connaissait pas les remontrances de Monsieur votre père. Il avait dîné, puis était monté se coucher, ainsi qu’il le lui avait demandé, non sans avoir promis qu’il ne partirait plus jamais sans prévenir. Il s’était bien gardé de lui faire part de son passage à l’église Saint Eustache. Les réprimandes n’en auraient qu’été plus grandes. Le jeune homme s’était couché avec la ferme intention d’oublier ce fâcheux incident une bonne fois pour toute. Il ne boirait plus jamais dans un bénitier, jamais. Il avait retenu la leçon.

Mais il y avait un problème. Il ne parvenait pas à se sortir sa faute de la tête. Outre le fait qu’il aurait pu déranger des fidèles à cause de sa préciosité, il avait pêché. Qu’allait-il devenir ? Ce qu’il avait fait était tout bonnement impardonnable. Ignoble. Digne d’un délinquant ou d’un gamin des rues. Dans son miroir, il ne voyait plus qu’un démon. Il devait trouver un moyen de laver sa faute. Quoi qu’il en coûte. Il ne pouvait plus vivre une seconde de plus avec cette culpabilité qui pesait toujours un peu plus sur sa conscience. Le jeune homme marchait maintenant de long en large devant le miroir, sans oser y poser les yeux. Un moyen de s’absoudre de son pêché… Il stoppa ses allers-retours. Quand on voulait se faire pardonner ses fautes, on allait se confesser. Il connaissait le chemin pour aller à l’église maintenant. Il lui suffisait de s’y rendre et de demander conseil au prêtre.

Le jeune homme termina de s’habiller en toute hâte, descendit les escaliers aussi calmement qu’il le pouvait, parfaitement conscient de ce qu’il risquait s’il allait trop vite. Ne trouvant pas son père, il lui griffonna un petit billet, qu’il dupliqua en plusieurs exemplaires. Il en remit un au majordome, en glissa sous la porte de la chambre paternelle, et déposa le dernier dans son bureau. Il s’assura d’avoir sur lui une bourse, s’enroula dans une écharpe, enfila une paire de gants bien chauds et boutonna son manteau jusqu’au col. Sans oublier de chausser une paire de bottes fourrées, pour éviter les douleurs au pieds. Il était fin prêt pour affronter la tourmente. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, il n’en avait cure à présent.

En ouvrant la porte d’entrée, Nehalan se ravisa. Il en avait cure. Malgré tous ses accoutrements, il sentait la froideur de l’hiver transpercer ses murailles qu’il pensait infranchissables. Il ne devait pas se décourager.  Ce serait encore plus grave. Il était impératif qu’il se rende à l’église pour obtenir le pardon céleste. Le blondinet fit donc un pas dans la rue glaciale, puis un autre, et encore un autre. Ce n’était pas si terrible. Il devait s’en convaincre. Il n’aurait qu’à demander à ce qu’on lui fasse couler un bon bain chaud à son retour.

***

Nehalan s’arrêta devant la porte de l’église, d’où sortait une ribambelle de fidèles. Parfait. Le prêtre serait encore à l’intérieur, il ne lui restait plus qu’à se faufiler jusqu’au confessionnal et à attendre qu’il daigne s’occuper de lui. Cela semblait la meilleure chose à faire. Il espérait qu’il ne recroiserait pas Alexandre. Il avait trop honte de ses actes pour affronter le regard du seul témoin de son crime.

Le jeune homme poussa un soupir. Il allait rentrer dans cette église, trouver le confessionnal et s’y cacher en attendant qu’un généreux prêtre vienne à son secours. Rien d’insurmontable. Encore fallait il avoir le courage de monter les marches. Il pouvait le faire. Il en était capable.

Il se décida enfin à pénétrer dans le lieu sain, tout en faisant de son mieux pour éviter les pieux sujets du Roi. Une fois sur le seuil, il chercha du regard le confessionnal, en prenant soin d’éviter de regarder le bénitier. Quand il vit sa destination, il comprit qu’il devrait toutefois passer devant, à son plus grand dam. C’est ainsi que Nehalan de Torienel parcouru ces quelques mètres comme s’il allait à la mort, passant devant celui qui fut son fruit interdit, prêt à affronter le jugement implacable du Seigneur.

C’est avec soulagement qu’il claqua presque la porte du confessionnal et s’assit sur le banc de bois, avec le sentiment d’être un condamné à mort la veille de son exécution.
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Message par Thierry d'Anjou Mer 3 Fév - 11:52

Deux journées entières à donner, pour chacune d'entre elles, quatre messes. Comme cela s'avérait long et ennuyeux ! Pourquoi devait-il s'astreindre à ces rituels grotesques et agaçants ? Il revenait à peine des colonies que le prêtre en était déjà las de rompre le pain béni et de partager le sang du Christ. Pourquoi tous ces fidèles venaient ? Ne pouvaient-ils pas tous se casser la jambe et demeurer chez eux ?

A la fin de la seconde messe de la matinée, Thierry circula entre les paroissiens qui discutaient entre eux, écoutant ici et là les informations et les rumeur. Tout pouvait resservir. Certaines pourraient même intéresser son cher ami le ministre des affaires étrangères. Ce dernier, pour célébrer son retour, lui avait fait parvenir un superbe lit, accompagné d'un message codé pour le renseigner sur les origines d'untel don. Thierry lui avait répondu par un billet là aussi crypté, grâce au latin, et ne doutait pas que son ami apprécierait l'exercice. Son regard aperçut soudain un enfant se glisser dans le confessionnal, dans une démarche honteuse. Qu'avait-il pu commettre pour justifier une pareille gêne ? Intrigué, le curé s'avança d'un pas rapide et vint s'installer dans la partie qui lui était réservé.

Derrière la grille attendait un jeune garçon, plus jeune que son fils, mais pas non plus un enfant comme il le croyait en le voyant de loin. Sa silhouette ployait, comme coupable d'un très grave crime.


"Bonjour, mon garçon."

Sa voix se fit douce même si celle-ci gardait de la distance. Contrairement à n'importe quel religieux, il n'utilisait jamais les termes de fils pour s'adresser à un interlocuteur. Cela avait beau être rituel, le mot à ses yeux ne pouvait désigner que son petit Alex. Aucune autre personne.

"Puis-je savoir ce qui te met dans un tel état ? Aurais-tu mangé le gâteau préparé par ta maman alors qu'il fallait attendre le goûter ? Tu as blessé ton frère lors d'une dispute ?"

Il le sentait vulnérable, en proie à une culpabilité excessive, et tentait de l'encourageait à se détendre avant de se confesser. A son âge, on ne pouvait avoir commis grand cas qui puissent lourdement sur la conscience. Quelle stupide religion qui poussait les enfants à se flageller pour leurs bêtises ! Il se rappelait des nombreuses déclarations d'Alex, plus jeune, qui se reprochait d'être faible et ne pas réussir à marcher comme n'importe quelle personne normale.
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Message par Nehalan De Torienel Mer 3 Fév - 18:19

Le prêtre mettait du temps à arriver. Peut-être devait-il aller le voir ? Ou bien était-ce lui qui avait cette impression ? Sans vraiment s’en apercevoir, il croisait et décroisait ses mains, regardait avec anxiété les parois sombres de la boite dans laquelle il s’était volontairement enfermé. Il avait eu raison de venir. Il en était convaincu. Pourtant, l’attente de son châtiment ne faisait qu’augmenter la peur et le doute qui s’unissaient dans son ventre en un joyeux mélange.

Le jeune garçon sursauta quand il entendit la porte du confessionnal s’ouvrir. L’heure était venue. Il perçu le craquement du banc, tandis que son implacable juge s’y installait. Celui-ci fini par lui souhaiter le bonjour, d’une voix bienveillante. Il n’osait regarder la grille. Il aurait préféré disparaître dans la pénombre. Il finit par murmurer un faible « Bonjour monsieur… », la gorge sèche.

Nehalan entendit à peine les suppositions de l’homme de Dieu. Sa mère ne cuisinait pas. Sa mère ne lui avait jamais cuisiné le moindre gâteau. Comment aurait-il pu le manger alors ? Quant à blesser son frère… encore faudrait-il que l’un des deux soit présent pour que cela puisse arriver. Le blondinet soupira.

« Rien de tout cela mon père… »

L’heure était venue d’avouer sa faute. Il était en sécurité ici. Personne ne pouvait l’atteindre, il était seul dans sa boite. Avouer ne lui apporterait que soulagement et pardon. Il n’avait rien à perdre et tout à gagner. Alors pourquoi avait-il si peur ? Il devait le faire. Il en était capable. Il devait faire preuve du même courage qu’il avait eu la veille, devant son père. Il devait se montrer fort, lui que tout le monde disait faible.

« Je… Hier j’ai… » goulument bu l’eau bénite de votre bénitier.

Le blondinet secoua la tête. Il n’y arriverait pas. Comment allait réagir son interlocuteur à l’entente de sa faute ? Il serait très mécontent, c’était certain ! Il pressentait déjà que sa peine serait lourde. Mais il la méritait. Il était prêt à l’accepter, quelle qu’elle soit. Il avait fauté, et devait être puni. Il n’allait pas reculer alors qu’il avait déjà parcouru tout ce chemin !

« Hier j’ai… je… Je me suis honteusement abreuvé dans votre bénitier… »

Tout était dit. Il avait bu dans un bénitier et il venait maintenant d’avouer sa faute. C’était presque fini. Le plus dur était passé, il ne lui restait plus qu’à attendre la sentence.
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Message par Thierry d'Anjou Jeu 4 Fév - 10:42

Le bois dur qui lui servait d'assise frottait ses fesses, à peine assis, et lui faisait déjà mal. Sans compter la paroi peu confortable sur laquelle son dos était forcé de s'appuyer. Pourquoi ne mettait-on jamais une banquette, pourvu d'une soie douce, comme celles des maisons closes, dans la partie réservé au prêtre ? Ils y passaient des heures, dans une position atroce. Cela se révélait bien charitable de les laisser souffrir, sans une pensée à leur égard.

De l'autre côté de la grille, le garçon demeurait tendu, incapable de relever la tête et de le regarder en face. Quel mal avait-il pu faire, que diable, à son âge pour souffrir ainsi de sa faute ? Il songea à Alex enfant, quand celui-ci venait une à deux fois par semaine se confesser et s'imaginait être indigne de la confiance de son père adoptif, qui l'avait pourtant gardé toutes ces années, depuis sa naissance, au lieu de l'échanger contre un enfant plus solide. Son fils se flagellait mentalement, à l'instar du Christ, pour son infirmité et se reprochait de ne pas savoir plus d'un mètre sans utiliser ses béquilles. Thierry avait usé avec douceur de la parole divine pour lui faire comprendre lentement que Dieu l'aimait et considérait cette faiblesse comme une force, car celle-ci lui donnait l'énergie de se dépasser que lui répondait parfaitement aux volontés du Seigneur. A chacun de leurs entretiens, il l'avait ainsi rassuré de ses doutes et dissipé ses peurs et ses inquiétudes, comme tout bon père se devait de faire.

Le prêtre fixa la silhouette ployée et tremblante du garçon. Il avoua péniblement sa faute. Les mots lui venaient difficilement et il ravala une fois la fin de sa phrase avant de réussir à annoncer la vérité qui le rongeait. En entendant cette confession, Thierry ne sut résister : il éclata spontanément de rire.

S'abreuver dans un bénitier ? Dans le bénitier de son église ? Quelle très mauvaise idée, décidément ! Pas du point de vue de la religion, plutôt de la santé de ce pauvre garçon. Entre les bêtises des enfants et celles de son ami Coldris, il avait eu de la chance de boire de l'eau bénite et non de l'encre rouge ou de la pisse qui y avait été mélangé.

L'hilarité cessa assez rapidement mais resta un sourire aux lèvres. Il reprit d'une voix fort amusée :


"Je ne vois pas en quoi il s'agit d'une faute, mon garçon. Vous aviez soif, vous avez bu à la source où tu pouvais te désaltérer, il n'y a aucune faute à cela et le Seigneur ne te reprochera rien de cet acte."

Des pensées espiègles s'agitaient dans son esprit roublard et malicieux. Cet enfant, qui semblait d'âge pubère, mériterait quelques leçons pour mieux appréhender les délices de la vie.

"Mon garçon, tu sais, les péchés que tes parents ont pu agiter tout ce temps, ce n'était que pour te faire peur. Pour te contrôler et ainsi éviter que tu ne fasses des bêtises qui les auraient gêné. Pour te tenir en public. Au contraire, la religion est bien plus souple et Dieu préfère les fidèles qui le prient et s'amusent que ceux qui le louent en s'interdisant de vivre."

Il fixa le garçon à travers les grilles. Il était temps pour ce garçon de faire des bêtises. Cela se révélait même vitale. Sa tête se tourna vers l'extérieur du confessionnal. L'église vidait. Il ne restait que quelques personnes dans les chapelles, à prier. Les autres devaient être parties au travail ou préparer le repas de midi. Des pensées de plus en plus malicieuses s'agitaient en lui.

"Suis-moi, mon garçon !"

Sans le laisser le temps de répondre, le prêtre sortit du confessionnal et se dirigea d'un pas rapide vers l'autel. Cela allait drôle ! Infiniment drôle !

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Message par Nehalan De Torienel Jeu 4 Mar - 16:55

Le prêtre riait. Riait-il de sa faute ou bien de lui ? Nehalan le regardait hoqueter à travers la grille du confessionnal, décontenancé. Aussi loin qu’il s’en souvienne, c’était la première fois qu’il voyait un homme d’Eglise rire ainsi à gorge déployée. Cela signifiait-il que sa faute n’en était réellement pas une ? Cette hypothèse lui fut confirmée par le prêtre lui-même, une fois qu’il eu réussi à se calmer. Le jeune homme n’en revenait toujours pas. Le regard sévère d’Alexandre quand il l’avait pris sur le fait lui revint en mémoire. Était-ce le prêtre qui se montrait très tolérant, ou bien l’infirme qui était un peu trop croyant ?

Pendant qu’il essayait de mettre en relation ces deux réactions diamétralement opposées, le prêtre continuait son monologue. Ses parents lui auraient délibérément menti pendant toutes ces années, encouragés par le vieux prêtre qui donnait la messe à Torienel.

« Impossible… » ne put-il s’empêcher de lâcher dans un murmure, avant de se rappeler qu’on lui avait toujours dit de ne jamais contrarier un homme de Dieu. Pourtant, après ce que l’un d’eux venait de lui dire, il ne savait plus en qui avoir confiance. En quelques mots, cet homme venait de remettre en question une grande partie de son enfance.

Il n’eu toutefois pas le temps de s’appesantir plus sur ce point, que déjà le prêtre sortait du confessionnal et l’invitait à le suivre. Nehalan ouvrit à son tour la porte de bois, qu’il manqua de refermer aussitôt, aveuglé par la lumière qui agressait ses yeux. Clignant des paupières, il rattrapa le prêtre en trottinant presque pour se maintenir à sa hauteur. Tout en s’efforçant de contrôler sa respiration, il demanda d’une petite voix :

« Où m’emmenez-vous ? »

En voyant l’air malicieux de son guide, il dégluti. Quelle idée saugrenue pouvait-il bien avoir derrière la tête ? De ce qu’il s’avait, on faisait pénitence en récitant des prières, ce qui ne semblait pas faire partie des projets de ce prêtre.
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Message par Thierry d'Anjou Jeu 4 Mar - 23:08

De l'autre côté de la grille, Thierry soupira en constatant que l'endoctrinement du garçon était total; Les parents et les professeurs avaient bien œuvré pour saper toute volonté de contestation dans l'esprit de l('enfant. Cela n'avait rien de drôle. Une existence pathétique l'attendait et le prêtre se résolut à enrayer leur belle mécanique en y incorporant quelques vilains grains de sable. Son cher ami Coldris se régalerait d'entendre cette histoire.

Rapidement, il quitta le confessionnal en ordonnant à l'enfant de le suite. De formidables idées s'agitaient dans son esprit facétieux et celles-ci promettaient d'être divertissantes. Il marcha d'un pas rapide sans tenir compte de l'intervention du garçon qui voulait savoir où ils se rendaient. A quoi bon répondre ? Il le découvrirait bien assez tôt.

Ils s'immobilièrent devant l'autel et un sourire malicieux, qui n'indiquait rien de bon, ornait le visage joueur de Thierry. Semblable à celui d'un enfant sur le point de commettre une grosse bêtise.


"Tu connais le blasphème, mon garçon ?"

Thierry ne pu retenir un rire gras. Il prit le calice posé sur la table et la bonne bouteille cachée sous la nappe de l'autel. Il a bénit, comme pour la messe, et s'exclama :

"Oh, toi, Bacchus, sois remercié du vin de ce jour !"

Il leva la coupe, comme pour triomphe, et put goulument le délicieux vin à l'intérieur. Une merveille. Le prêtre se tourna, amusé, vers le garçon puis alla poser le calice près de la grande croix, là où était dessus cloué le Christ.

"Tu as déjà uriné, mon garçon ailleurs que dans un pot d'aisance ?"

Thierry se doutait que le garçon aurait besoin d'une démonstration. Il releva ainsi sa soutane et se soulagea dans cette fameuse coupe, censée recueillir le sang précieux du Christ, les yeux croisant le regard du fameux supplicié. Il aurait bien éclaté bruyamment de rire. Il rirait plus tard quand il raconterait la scène à Coldris Ce serait encore plus drôle.

"Alors, mon garçon, tu essaies ? Allez, il faut te libérer de toutes les mauvaises influences subies !"

Le prêtre avait rapidement correctement sa soutane et vint prendre l'enfant dans ses bras.

"Vois le Christ. Sais-tu pourquoi il est réellement mort, mon garçon ? Pour des raisons pratiques, pour la bonne éducation, on affirme que c'est pour racheter nos péchés. En réalité, le Christ était un dangereux contestataire d'une foi nouvelle dans les terres de Judée et les Romains souhaitaient étouffer la révolte. Alors, le Christ, le vrai symbole de sa mort, c'est la révolte. Par conséquent, mon enfant, si tu souhaites te montrer véritablement pieux, suis l'exemple du Christ. Son vrai exemple !"

Le prêtre expliquait cela habilement ces mots, avec douceur et patience, sans rien trahir du fou rire intérieur qui l'envahissait? Que cela se révélait facile de duper les gens crédules !
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Message par Nehalan De Torienel Ven 5 Mar - 0:13

Le prêtre ne semblait pas décidé à lui répondre. C'était un bien curieux personnage qu'il venait de rencontrer. La finalité de leur destination ce présenta d'elle-même à lui, alors que l'homme d'Eglise s'arrêtait devant l'hôtel. Le sourire qui ornait son visage ne s'accordait plus du tout avec la bienveillance dont il avait pu faire preuve dans le confessionnal. La question qui suivit le figea sur place. Cette fois-ci la peur le gagna complètement. Il n'était pas capable de dire exactement pourquoi, cet homme, en qui il plaçait naturellement sa confiance, au vu de son statut, le terrifiait tout à coup.

Il eu à peine le temps de balbutier une affirmative, que le prêtre rendait déjà honneur à des dieux païens avant de boire goulûment le vin de messe. Dans quoi était-il tombé ? Quel rituel étrange l'homme en face de lui avait-il entamé ? Était-il réellement prêtre ?  Sûrement, pour être aussi cultivé.

Le jeune homme n'était plus très sûr qu'il voulait le suivre sous le grand crucifix du Christ, où il alla déposer la coupe savamment décorée. Encore plus lorsqu'il lui demanda où il avait déjà uriné.

"Euh...Je...non Monsieur, je... n'en vois pas l'utilité à vrai dire..."

Entre deux balbutiements, il eu le temps de voir le prêtre relever sa soutane, baissa un instant les yeux, puis détourna aussitôt le regard, affreusement gêné. Les seuls qu'il avait vu était ceux de ces frères, quand ils étaient enfants et prenaient leur bain ensemble... Et cet homme, sortait le sien sans gêne, pour, uriner dans une coupe qui servait à le messe !

Il allait se réveiller de ce cauchemar.  Ce ne pouvait être autre chose qu'un mauvais rêve. Il se pinça, dans l'espoir de se réveiller, bien au chaud sous son édredon de plumes, mais il dû se rendre à l'évidence. Tout ceci était bien réel.  On l'invitait réellement à se soulager dans le calice de l'église. Un prêtre venait à l'instant se charger de lui montrer l'exemple. Et on qualifiait à présent son éducation de "mauvaise influence".

Il ne pouvait pas faire ça. Il ne pourrait pas. C'était moralement incorrect. Il n'avait pas le droit. Enfin si... on venait de le lui donner en vérité. Mais il n'était plus certain que ce prêtre représente un modèle de stabilité mentale ou de modèle à suivre, ainsi qu'il avait pu le croire.  Quel homme de Dieu saint d'esprit l'aurait incité à blasphémer ainsi ?

Il n'eut pas le temps de réfléchir plus. Le prêtre venait de se coller à lui, de le serrer dans une étreinte à l'opposé du réconfort. Nehalan fronça le nez. Cet homme empestait ! Pris d'un soudain vent de panique, il en oublia un instant l'odeur immonde qui se dégageait de lui pour vérifier que la soutane était bien en place. Soulagé, il se concentra sur le discours abracadabrantesque mais somme toute parfaitement logique du prêtre. Il semblait avoir raison. Mais, cette histoire de Judée et de Romains, on ne la lui avait jamais racontée. Pourtant, malgré le vocabulaire peutrecherché de son discours, il devait bien admettre qu'il était convaincant. Alors pourquoi tout le monde priait-il de la mauvaise manière ? Cet homme n'était-il pas plutôt un mouton noir dans une bergerie ? Et dans ce cas-là, qui écouter ? Peut-être était-ce une histoire secrète, transmise de religieux, en religieux ? Mais pourquoi ne pas la révéler aux autres alors ? Tout cela n'avait aucun sens. Qui voyait juste ?

Déglutissant, il finit par parvenir à articuler quelques mots :

" Monsieur... votre histoire me paraît vraisemblable mais... suis-je vraiment obligé de me... soulager au regard de tous, devant la représentation même de notre religion ? Le blasphème est puni de mort et... l'Enfer et... ce n'est pas moral et puis cette coupe est si belle, elle sert à boire d'ordinaire, ce... ce ne serait pas convenable..."

Il grimaça, imaginant les pires tourments que lui ferait subir son interlocuteur s'il ne s'exécutait pas et les milles autres souffrances qu'il endurerait dans cet Enfer qu'on lui avait appris à craindre.
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Message par Thierry d'Anjou Ven 5 Mar - 11:31

Pendant l'acte blasphématoire devant le crucifix, Thierry n'avait pas raté une miette du visage de l'enfant qui se décomposait tandis que lui se soulageait. Il se révélait décidément bien plus candide que son fils ne l'avait jamais été. Ce qui n'avait rien d'un petit exploit. Il se rhabilla nonchalamment, sans se presser, et revint prendre le prendre dans ses bras, comme pour le consoler. Un bon prêtre se devait d'éduquer les brebis aux vérités du dogme.

Face à son sermon, l'enfant paniquait et s'inquiétait des conséquences pour tour acte de blasphème. Thierry s'écarta en lui souriant tranquillement, puis s'assit sur l'autel, comme si ce serait un vulgaire banc. Les questions se révélaient intéressantes et leurs réponses perdaient un peu plus le garçon.

"Cette histoire est la triste vérité. Le Christ était appelé le Messie et le peuple Juif a, depuis des temps immémoriaux, attendu un messie qui devait les aider à repousser les armées qui occupaient la Judée. Mais le Christ a refusé d'être un Messie de violence. Il souhaitait annoncer au monde un message de paix et d'amour entre les hommes. Malheureusement, Romains et Juifs ont mal interprété la chose et l'ont considéré en fauteur de troubles. Lors des premiers siècles de chrétienté, on honorait la mémoire du Christ, mort pour ses idées. C'était un révolutionnaire. Un résistant. Mais quand l'empereur Constantin décida de se convertir, il comprit l'intérêt de cette religion, que celle-ci servirait à canaliser les ardeurs d'une population. Car, pendant presque quatre siècles, des martyrs se sont illustrés par ce désir à préférer la mort plutôt que de renier le Seigneur. Ainsi, il a façonné les premières bases de l'Église. De là a commencé à naître les idées de péché et de culpabilisation."

Il marqua une pause, puis fixa d'un sourire mystérieux le garçon.

"Cela a été si facile pour tes parents de t'éduquer, n'est-ce pas ? On menace un enfant d'aller en Enfer à la moindre bêtise et il devient obéissant."

Il était à présent de s'attarder sur cette peur de l'Enfer et de l'effacer.

"l'Enfer, le Paradis.... Ce sont des idées bien pratiques pour contrôler une population, mon enfant. En réalité, ni l'un ni l'autre n'existent. Nous ne disposons que cette vie, mon garçon, puis nous disparaissons. Dans le néant. Avant la naissance, tu n'es rien, puis après la mort, tu redeviens rien. Ceci est une pensée effrayante, je le conçois, mais il s'agit de la réalité. De la dure réalité. Il te faut ouvrir les yeux."

Sa main se posa sur une assiette d'hostie. Il la saisit et la croqua sans prendre le temps de la bénir.

"Oui, la société punit les actes blasphématoire et tout ce qui sort du cadre de ce qu'elle prévoit. Comme les Romains et les Juifs ont châtié le Christ alors qu'il diffusait un simple message de paix et d'amour? Ne commences-tu pas à comprendre, mon garçon ? La révolte est saine. naturellement, elle doit être prudente. Ces actes que je te demande, je ne le fais que parce que nous sommes seuls. Mais si tu essayais, tu comprendrais à quel point il est bon de transgresser les règles que la société pense fixer."

Il marqua une pause, puis reprit nonchalamment :

"Par exemple, un de mes amis, quand il me rend visite, à chaque fois, il pisse dans le bénitier."

Le prêtre sauta de l'autel et marcha d'un pas rapide pour récupérer le calice et l'apporter au garçon.

"Ceci est effectivement une belle coupe. Mais le Christ nous a t-il demandé de l'honorer en nous recueillant devant des objets aussi précieux ? Le Christ vivait pauvrement, en allant de village en village. Il a autrefois chassé les marchands du temple qui accumulaient les richesses. Pisser dans ce calice, mon garçon, c'est véritablement honorer le Christ et ce qu'il fut réellement."

Il déposa la coupe dans les mains de l'enfant et s'écarta.

"Que décideras-tu, mon garçon ? vas-tu respecter toutes ces règles ? Seras-tu... convenable ? Ou préféreras-tu reconnatre le véritable visage de notre Seigneur ?"

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Message par Nehalan De Torienel Dim 28 Mar - 14:16

Le jeune garçon écoutait avec attention la fin de l’histoire sur le Christ. Tout cela lui semblait bien beau mais… " Je ne comprends pas très bien… si toute cette histoire est vraie, pourquoi personne ne la raconte-t-il ?"

Il eut un sursaut au sourire du prêtre. Qu’avait-il prévu de lui faire subir ? Il comptait déféquer maintenant ? La suite le rassura. Il n’avait jamais fait de bêtises, c’étaient ses frères que l’on punissait en général, pas lui. Et puis, il était certain que ses parents n’avaient eu aucune difficulté à les élever, puisque c’était à Léontine que revenait cette tâche. Elle ne les avait jamais menacés non plus. C’était à l’église qu’on lui avait parlé de l’Enfer et du Paradis. Des notions qui n’existaient pas selon le prêtre en face de lui.

Nehalan senti les larmes lui monter aux yeux. Il ne devait pas pleurer. Il n’avait pas le droit. Les larmes, c’était bon pour les enfants et les filles. Lui, il allait devenir un homme, et un homme fort. Il n’avait pas le droit de pleurer.

"Vous mentez ! Cela ne peut pas être vrai ! Vous dites tout cela simplement pour me contraindre à faire comme vous !"

Les larmes jaillirent. C’était faux. Il ne pouvait pas dire la vérité. On ne pouvait pas lui avoir mentit durant toutes ces années. Les histoires que lui racontaient les moines, les contes de sa nourrice, tout cela était faux ? Pas elle… elle ne lui aurait pas menti. Elle ne pouvait pas ! Il n’écoutait même plus les propos de l’homme en face de lui. Il criait pour couvrir sa voix.

"Je ne serais jamais comme vous ! Vous ne me connaissez pas ! C’est vous qui mentez ! Vous n’avez pas le droit d’insinuer toutes ces choses sur ma famille !"

A ces mots, il parti en courant vers la sortie de l’église, ses pas claquants de plus en plus vite sur le sol dallé. A travers ses yeux remplis de larmes, il distinguait la porte salvatrice. Mais déjà son souffle se faisait plus erratique. Pas maintenant ! Le chemin à parcourir lui semblait interminable. Il devait y arriver. Il ne voulait plus voir cet homme. Plus jamais.

Il voyait la porte se rapprocher, à mesure que ses foulées rétrécissaient. Sa vision diminuée par la tristesse et obscurcie par son cœur dont les battements s’accéléraient à une vitesse folle ne lui permit pas de voir qu’il déviait légèrement de sa trajectoire. Suffisamment pour foncer tête baissée dans l’un des bancs de prière.  Le bois rencontra violement ses tibias. Le jeune homme poussa un cri de douleur en touchant le sol de pierres. Ses pleurs redoublèrent. Il ne valait rien. Même fuir, il ne savait pas le faire correctement. Il ramena ses jambes contre lui, dans une tentative vaine d’atténuer la douleur.

Il ne voyait plus rien. Entre ses pleurs et sa respiration déjà erratique, il ne parvenait plus à respirer. La bouche grande ouverte, les yeux révulsés, il regardait le sol de pierre et les pieds de ces bancs maudits, en attendant que son souffle daigne s’apaiser. Il n’avait pas la force de faire autre chose, si ce n’était pleurer faiblement, en boule sur le sol gelé, comme une petite créature rabougrie.

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Message par Thierry d'Anjou Dim 28 Mar - 20:53

L'enfant écoutait ses révélations mais refusait de le croire. Cela se révélât normal. Il avait éduqué pour avaler ces belles fables et se conforter à une certaine vision du monde. Quelle chance il avait de le rencontrer ! Il allait lui ouvrir les yeux sur ces mensonges et pouvoir décider avec raison des ses choix. Il poursuivit avec patience.

"Relis la Bible avec attention, mon garçon. Souviens-toi du Christ qui s'énervait contre les marchands du temple ? Penses-tu que le Christ aimerait voir ses églises si belles, remplies d'objets précieux, alors que le peuple meurt de faim ? Songe à la femme adultère, qui devait être lapidée. Que leur dit le Christ ? Il ne jugeait pas les péchés. Pour lui, tout homme en commet. C'est dans la nature. Il faut les accepter et ne pas en avoir honte. Voilà le sens de son vrai mensonge, mon garçon, mais que le temps a déformé."

Soudain, des larmes piquaient les yeux de l'enfant et commençaient à couler. Il les refoulait. Il luttait. Thierry soupira. quel âge avait-il donc ? Il n'avait donc pas encore appris à contrôler ses émotions ? Si cela avait été Alex, il ne se plaindrait. Alex était pur, rayonnant, courageux... Il ne pleurait qu'en derniers recours et en aucun cas pour des broutilles. Le prêtre l'entendit se révolter et assurer qu'il ne serait jamais comme lui. Un sourire doucereux flotta sir son visage.

"Qui sait à quoi tu ressembleras adulte, mon petit enfant."

Le garçon se décida à fuir et Thierry s'apprêtait à se retourner pour vaguer à une autre activité mais le découvrit en train de heurter un des bancs. Son regard se tourna vers as petite personne et le contempla en train de geindre lamentablement, tel un petit enfant. Quel âge avait-il, sérieusement ? Sortait-il à l'instant de la nurserie ? Il soupira de l'entendre gémir. Seigneur ! Rien ne lui serait donc épargné ?

Le prêtre se décida à s'avancer mais s'amusa à passer devant la chose gémissante, comme si celle-ci ne se trouvait pas présente. Il fit semblant de s'étonner en se retournant et s'exclama :


"Je crois avoir entendu un bruit..."

Il se rapprocha d'u pas plus rapide vers le petit garçon, puis s'immobilisa à sa hauteur, le fixant d'un air condescendant, et déclara :

"Bonjour, mon cher enfant, comme tu parais malheureux. Pourquoi n'implores-tu pas le Christ de venir te prêter assistance puisque tu tu estimes être un bon chrétien ?"

Ses yeux rieurs se moquaient ouvertement de l'enfant en larmes.
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Message par Nehalan De Torienel Dim 28 Mar - 23:19

Le froid qui remontait des pierres colonisait son corps, créateur d'une coquille autour de lui. Il ne valait rien. Des points noirs se mirent à danser devant ses yeux. Il senti la glace traverser sa peau et construire la cage dans sa poitrine. La cage qui se resserait, encore et encore. C'était chaque fois la même chose. Presque automatiquement, sa bouche s'ouvrit en grand, pour capter un maximum d'air.

La cage durcissait. Les barreaux se faisaient de plus en plus épais. S'il ne voulait pas qu'ils se rejoignent, il devait agir. Sinon ce serait pire. La cage ne devait jamais devenir complètement hermétique. C'était la règle.

Il avait l'habitude. Il devait se calmer. Il avait l'habitude. Rien n'était différent. Il avait l'habitude. Il devait se retourner sur le dos. Calmer sa respiration. Il avait l'habitude. Il avait l'habitude. Rien de différent.

Deux pieds apparurent dans son champ de vision. Tout était différent. Il était là et il se jouait de lui. Pourquoi ne l'aidait-il pas ? Ne constatait-il pas sa détresse ? Ses pleurs redoublèrent. Les filets d'eau salée coulaient à présent dans la bouche.

Il devait se calmer. Faire abstraction du démon qui le regardait agoniser. Lentement, il bascula sur la dos. Il entendit ses bras en croix, ses jambes aussi. Il devait détendre au maximum.

Nehalan finit par fermer les yeux pour ne plus voir ce sourire maléfique penché sur lui. Il devait lui répondre qu'il avait tors, qu'il n'était pas un enfant, qu'il n'était pas malheureux. Il voulait lui rabattre son caquet une bonne fois pour toute mais pour le moment, il devait se concentrer sur sa respiration. Ne pas mourir. Respirer. Respirer. Ne pas penser à tout ce qu'il lui avait dit. Respirer. Penser à la douce voix de Léontine. Penser aux notes de musique. Respirer. Il devait respirer.
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Message par Coldris de Fromart Lun 29 Mar - 13:35



D’après ses informations, Thierry était enfin de retour à la capitale après avoir purgé sa peine de maçonnerie divine sous le délicieux automne iswylan. Excepté quelques puissants orages, il avait dû faire un temps particulièrement clément pour les travaux de construction. Autant dire que les choses auraient pu être bien pires.

Puisque son vieux compagnon de débauche ne daignait pas venir lui présenter ses hommages, il avait décidé de franchir le seuil de sa geôle spirituelle plus couramment appelée « église Saint-Eustache ».

Il passa donc l’immense porte qu’il connaissait si bien et s’apprêtait à tracer droit jusqu’à la cellule du curé lorsqu’il remarqua un bien étrange spectacle : un jeune homme crucifié sur le sol en train de happer l’air telle une carpe égarée dans une flaque de vase en plein été, penché sur le moribond le vautour se délectait du spectacle. Coldris haussa un sourcil en se rapprochant de la scène.

— Tu as besoin d’aide mon garçon ?

Oh c’était à coup sûr l’un de ces angelots de bonne famille étouffés par le petit cocon soyeux et en quête d’aventure. A en juger par les larmes ruisselantes de ses joues celui-ci avait eu un peu trop d’aventure à son goût. Il leva ses prunelles séracs vers celles de Thierry. Décidément, il n’y avait pas que la météo qui semblait avoir été clémente, la sentence l’avait été tout autant. À peine avait-il foulé les pavés fangeux braktennois qu’il était déjà en train de souiller la jeunesse dorée de ses paroles pernicieuses. Il expira un long sourire et sa voix glaciale rompit le silence religieux des lieux.

— De toute évidence vous avez apprécié votre retraite au point de vouloir y retourner dans les plus brefs délais. Si je puis me permettre, Lodmé est tout à fait charmante en hiver.

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Message par Thierry d'Anjou Lun 29 Mar - 14:18

Thierry ne s'amusait finalement pas plus que cela du spectacle de ce garçon qui gémissait au sol. Il 'apprêta à tourner les talons pour l'oublier quand les portes qui s'ouvrirent, suivirent de pas caractéristiques, le retinrent. Son visage blêmit de reconnaître Coldris. Un Coldris de mauvaise humeur en découvrant le résultat de ses dernières expériences. Il désapprouvait. Rien qu'à le voir fixer l'enfant, le prêtre le percevait.

"Mon cher Coldris, je suis si heureux de vous revoir !"

Il s'inclina poliment et sourit à son précieux ami.

"Je pensais vous visiter dans la journée. Ou celle de demain. Avant-hier, le devinerez-vous, mais la gentille princesse Kalisha est venue me demander d'être son confesseur ! Elle me considère plus divertissant que celui qui lui a été attribué ! En même temps, il ne fait que parler de péchés, de ses responsabilités pour ne pas être encore tombé enceinte... Elle a adoré entendre quand j'ai proclamé que c'était surtout difficile de l'être quand une femme était fécondée par un tas de graisses ! Je pourrais continuer à vous conter longtemps dessus et..."

Il s'interrompit en entendant les paroles glaciales et la menace du ministre. Un frisson lui parcourut l'échine de s'imaginer dans un lieu pire que celui de sa dernière sentence. il s'exclama aussitôt :

"Non, Coldris, ce n'est pas du tout ce que vous croyez ! Je discutais avec ce garçon, je vous jure ! Puis, il a eut un malaise ! Et il a fait cette chute qui a été... spectaculaire. Je suis resté surpris mais j'allais l'aider."

Immédiatement, il bondit pour relever l'enfant et l'installa d'autorité sur un banc.

"Comment te sens-tu ? Tu veux une couverture ? une boisson chaude ? Tu veux que je te porte dans un lit à côté pour te reposer ? Ou tua s besoin d'un médecin ? N'aie pas peur de demander."
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Message par Nehalan De Torienel Lun 29 Mar - 22:39

Respirer. Il devait respirer. S'appaiser. Le clavecin. Léontine. La cage. La glace devait fondre. Il devait réchauffer. Les barreaux s'épaississaient. De la chaleur. Du feu. Sa poitrine se souleva. Il poussa un long sifflement aigu. Respirer. Respirer. Le plafond de l'église dansait devant ses yeux. Respirer.

Sa vision se précisa. Il pu observer le charognard se détourner de lui. Tant mieux. S'il ne voulait pas l'aider, qu'il parte. Respirer. Les barreaux cessèrent de se resserrer. Respirer. Le bouchon dans ses narines explosa. Respirer. Les noirs corbeaux s'envolèrent vers d'autres cieux.

Les portes claquèrent. Respirer. Des pas fermes sur le sol. Respirer. Les bouchons, de nouveau, qui obstruaient ses voies nasales. Respirer. On parlait. Des pas précipités. Le prêtre à nouveau au dessus de lui. Respirer. La glace durcissait. Deux voix. Une ferme, l'autre mielleuse. On ne se souciait pas de lui. Respirer.

"J'allais l'aider."

Nehalan eu un sursaut. Une inspiration vaine plus forte que les autres. Une sorte de rire. L'aider. Pour qui se prenait-il ? Il l'avait regardé s'engluer et se débattre en riant. Respirer. Plus de larmes. Un regard noir, une fusillade. Cet homme était un monstre.

Une lave de ténèbres se mit à bouillir dans son ventre. Si seulement la chaleur du liquide avait fait fondre la cage ! Mais elle était froide. Elle se contentait de bouillir, de gronder. L'orage menaçait mais il n'éclatait pas.

Il jeta un regard au nouveau venu. Qu'attendez-vous ? Aidez-moi !

Il fut brutalement relevé, puis installé sur un banc. Ne le laissez pas me faire de mal. Les liens se resserèrent, le rappelant à sa réalité première. Il devait respirer. Respirer. Ne pas mourir. Respecter La règle. Respirer. Il ferma les yeux. Respirer. Il sentit peu à peu les bouchons disparaître. La glace commençait à fondre !

Respirer. La présence mielleuse du prètre l'insupportait. Respirer. Qu'il n'hésite pas à demander hein ?

"Je. Ne. Suis pas. Un. Enfant." C'était trop tôt. Respirer. Il s'était bêtement laissé enhardir. Respirer. "Je... pas. Mal-heureux." Respirer.  Chaque syllabe lui demandait un effort considérable. S'il n'y avait eu que la cage, il se serait tu. Mais il y avait cet homme qui rappelait à lui la colère sourde qui grondait dans son ventre. Respirer. 

La glace fondait doucement. Respirer. Sa bouche commença à se refermer. L'air entrait de nouveau par ses narines. Respirer.

"Je. Je ne veux. Rien venant de vous." Respirer. Ses poumons se gonflaient de nouveau à un rythme plus raisonnable. Respirer. Il le fusilla de nouveau. Respirer. "Pas besoin. Du Christ." Respirer.

Le calme était revenu. La cage, bien que toujours présente, s'était agrandie. Les barreaux, se faisaient plus fins à mesure que les minutes s'écoulaient. Il se mit à frissoner. Après tout ce temps passé sur le sol de l'église, il mourrait de froid. Pas question de demander quoique ce soit au prêtre cependant.

Il n'accepterait rien de ce... de ce... salaud de barbare malautru !
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Message par Coldris de Fromart Mar 30 Mar - 13:24



Oh Thierry avait donc vu la Princesse Kalisha. Il ne put empêcher ses commissures de se redresser dans un rictus étrange. C’était surtout plus facile et agréable de se laisser consoler par un prêtre en manque de femme que de se faire besogner par un goret. C’était peut-être bien la seule vraie malédiction de cette sentence, au fond : pas de femme et pas d’alcool. Être accueilli par la candide Princesse djerdanne, il y avait somme toute pire. Il aurait tout le loisir de creuser un peu plus l’intervention divine de son ami lorsque ce contretemps qui gisait à terre serait résolu.

C’était toujours aussi délectable de le voir grimacer à la simple évocation des colonies. Mais cela ne l’empêchait pas de lui mentir éhontément ce dont il avait une sainte horreur. Ses yeux roulèrent vers les ogives. Il assista de marbre au pathétique spectacle auquel se livrait cet enfant de la messe de minuit que l’on avait vêtu d’une soutane propre -ce qui méritait d’être souligné-. Il soupira, puis jaugea le blondinet dont les phrases sortaient plus hachées que la viande de chez un boucher.

— De l’air, Thierry. Il veut de l’air. répondit-il sèchement non sans une pointe d’ironie.

Car force était de constater qu’il en manquait à plus d’un titre. Qu’est-ce que le curé dépravé avait bien pu lui faire subir à peine de retour ? Il avait tout un tas d’idées qui lui venaient subitement. Oh il connaissait suffisamment son compagnon de débauche pour avoir une idée de l’absence de limites qui était la sienne. Il reposa on regard sur l’angelot essoufflé : en l’état, il aurait sans conteste eu plus besoin d’Éole que du Christ, cela ne faisait aucun doute.

— Du calme mon garçon. Le Christ ne compte pas bouger de sa croix. Bon alors, dis-moi que t’as donc fait ce diable de prêtre pour te mettre dans un état pareil?

Après tout, les problèmes diplomatiques c’était son affaire, non ?

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Message par Nehalan De Torienel Mer 31 Mar - 18:50

Respirer. La cage disparaissait peu à peu. Respirer. Oui il lui fallait de l’air. Cela lui semblait évident. Pourquoi avait-il fallu autant de temps à ce Coldris pour le comprendre ? Souffrait-il de troubles de l’esprit ? Pourtant ses phrases lui semblaient parfaitement claires et bien arrangées. Nehalan laissa sa respiration achever de s’apaiser, avant de poser les yeux sur celui qui avait métamorphosé le prêtre. Si ses paroles lui avaient à première vue parues bien intentionnées, il ravisa son jugement quand il plongea ses prunelles dans les siennes. Deux yeux d’un bleu glacial qui semblaient scruter les tréfonds de son âme. Il frissonna. Cet homme ne pouvait souffrir de déficits mentaux. Pas avec un tel regard. Il avait donc fait exprès de le laisser se débattre avant de repousser le prêtre trop envahissant ? Voulait-il l’aider, ou était-il de mèche avec Thierry ?

Il balaya cette pensée d’un revers mental de la main. Personne ne pouvait avoir l’esprit aussi tordu. Pourquoi faire semblant de l’aider, s’il souhaitait son malheur ? Ridicule. Son cœur lui disait qu’il pouvait lui faire confiance.

"Que t’as donc fait ce diable de prêtre pour te mettre dans un état pareil ? "

Le barrage qui s’était instinctivement construit s’écroula. Un flot interrompu d’images et de mots s’écoula en pagaille dans son esprit. La peur, la honte. Le confessionnal. Un rire gras. Et puis… et puis… un glouglou outrageant. Quand on meurt, on retourne au néant. La peur. On ne pouvait pas lui avoir menti ! Trahison. Blasphémer. Alors qu’il venait pour se faire pardonner d’un acte similaire. Un… Un… un autre que le sien. Une étreinte suintante. Une présence vicieuse. Ni Paradis, ni Enfer. Si c’était le cas, blasphémer n’était pas un problème. Mais c’était faux. Le mensonge. Le reflet étincelant d’une coupe. Des larmes. La course effrénée. Fuir. Fuir les mensonges. Fuir ces paroles qui trouvaient un terrifiant écho en lui. Fuir cette vérité qu’il ne pouvait accepter. Un pic de douleur soudain. Le sol froid. La cage. Le froid. La glace. Un rire. Les portes. Une conversation décomplexée, au-dessus de son agonie. Les corbeaux. Le miel vicié qui sortait de cette bouche génératrice d’insanités quelques minutes avant.

Respirer.

"Il m’a…Je. Je… Il m’a…enfin il a…"

Nehalan secoua la tête. Que lui avait-il fait ? Rien en réalité. Il avait simplement parlé et…uriné. Il ne lui avait strictement rien fait. Tout était de sa faute. S’il avait réagi en adulte, s’il était simplement parti sans écouter toutes ces choses, il ne se serait pas retrouvé à demi-mort sur le sol. Son regard se posa sur l’autel. Il ne pouvait soutenir plus longtemps celui de Coldris qui le jaugeait de toute sa hauteur. Cet autel où Thierry avait posé son derrière. Cet autel souillé par tant d’insanités. Cet autel auprès duquel des centaines de personnes venaient se recueillir. Il ne pouvait avouer ce qu’il s’était réellement passé. Il ne pouvait se couvrir ainsi de honte et entendre une fois de plus le rire malsain du prêtre.

"Il ne m’a rien fait monsieur. C’est de ma faute. J’ai couru alors que je suis malade. Veuillez m’excuser de vous avoir dérangé." Avec un peu de chance, son interlocuteur se satisferait de cette version. Avec un peu de chance, il finirait par parvenir à enterrer cette honte au fond de lui, là où personne ne viendrait la chercher.
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Message par Thierry d'Anjou Jeu 1 Avr - 10:03

Sa présence ne semblait pas utile et contrariait même le puissant ministre. Or, si Thierry savait une chose, c'était bien celle-là : on ne discutait pas l'autorité de Coldris. Il se retira rapidement, en silence, et disparut telle une ombre pour rejoindre la cellule. son ami l'y rejoindrait. Tôt ou tard. Il se devait de bien l'accueillir et lui faire oublier la scène. Il raconterait la scène entière, combien la naïveté exaspérante de ce garçon lui avait envie de tester jusqu'où celui-ci serait capable dans sa cofinance aux prêtres et à la religion. Coldris comprendrait. Il haïssait les grenouilles et les têtards, comme cet enfant, étaient leur forme primitive.

Laissant la porte ouverte pour entendre ce qui se disait, Thierry sourit. L'enfant ne confessait rien. Avec un prête, même inconnu, il aurait ouvert son âme, mais face à un homme, venu lui apporter son aide, soucieux de son bien, il se refermait. Quelle amusante dichotomie et fort utile ! Coldris ne pourrait rien prouver et devrait se contenter de sa version. Quel dommage !

Le prêtre s'avança dans la cellule et s'arrêta devant un mur pour tapoter la pierre. Une niche s'ouvrit et sa main s'empara d'une excellente bouteille de Bourbon. Coldris adorerait. Il rejoignit la table et servit la boisson avant de s'asseoir, attendant son hôte. Il viendrait. Bientôt. Il le savait.

Ils ne s'étaient pas vus depuis si longtemps et avaient tant à se dire.

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Message par Coldris de Fromart Jeu 1 Avr - 11:33



Ses prunelles sérac jaugeaient le garçon assis sur son banc. Il n’avait posé qu’une simple question, mais il pouvait voir un passé un flot ininterrompu de pensées derrière ses pupilles qui se contractèrent. Coldris ignorait combien de temps avait pu durer leur rencontrer. Sans doute trop au goût du sensible blondinet. On aurait presque dit Alduis. Quoiqu’à son âge, il faisait tout de même preuve de plus de discernement et de répartie. Cependant, vers ses cinq ans, il avait peu ou prou cette même attitude spectrale, quasi transparente. S’il avait pu disparaitre complètement nul doute qu’il ne l’aurait fait. En attendant, il lui avait posé une question (et offert la possibilité de vider allègrement son sac sur le prêtre qui avait disparu) et il attendait toujours stoïquement la réponse. Réponse qui lui arriva de nouveau sous forme de brunoise inintelligible.

Eh bien ? interrogèrent de nouveau ses yeux pour qu’il crache enfin le morceau. Enfin si tant est qu’il en soit capable. Il avait quoi? Seize ans tout au plus ? À son âge, il avait déjà pris sa vie en main et traçait son avenir chaque nouveau jour qui passait. Cette jeunesse était désespérante d’oisiveté. Il se tourna pour suivre son regard vers l’autel. Thierry s’y était-il donc allongé telle une nymphe en soutane ? L’idée avait plutôt de quoi faire sourire, mais peut-être avait-il été effrayé de cette scène atypique ?

Puis enfin, il parla ! Amen.

Tout ça pour lui dire qu’il n’avait rien fait ce qui était manifestement faux quand bien même il n’avait pas l’air de mentir. Dommage, pour lui. Quel manque cruel d’audace. Il fronça les sourcils et décida qu’il était temps de lui apprendre à peser ses mots.

— Voilà qui est fort mal élevé que de courir dans la maison de Dieu, mon garçon. Un minimum de décence est requis ici et Notre Seigneur désapprouve manifestement ta conduite. rétorqua-t-il sèchement en appuyant ses propos d’un regard sévère.

— Bien si tu n’as rien de plus à confesser, je te souhaite une excellente journée, et tâche de faire preuve de plus de retenu à l’avenir.

Sur ce, il se détourna et entreprit de se diriger vers la cellule. Évidemment Thierry n’avait pas fermé la porte complètement... Il esquissa un sourire en coin à l’idée du rire qui avait dû être le sien à ce moment.


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Message par Nehalan De Torienel Ven 2 Avr - 1:56

Thierry se retirait ! Le jeune homme ne put retenir un soupir de soulagement. Il ne s'était pas aperçu à quel point la présence du prêtre l'oppressait. A présent qu'il était parti, il se sentait plus léger. Pas assez toutefois pour raconter ce qui venait de ce passer au nouveau venu. Il préféra éluder la question, ce qui lui valut de sévères réprimande. Il baissa les yeux sur ses genoux, honteux.

" Pardonnez-moi... j'ai réagit comme un enfant irresponsable."

Lorsqu'il releva les yeux, Coldris lui avait tourné le dos. Il s'en allait. Comme le prêtre un peu plus tôt. Et il allait visiblement le rejoindre, au vu de la direction qu'il prenait. Peut être allait-il essayer de tirer les vers du nez de Thierry. Il devait être suffisament perspicace pour avoir compris qu'il avait dissimulé la vérité. Le comportement de l'homme d'Eglise lui revint en mémoire. Il ne dirait pas la vérité, il dirait ce qui l'arrangerait, alors qu'il devait être punis pour son blasphème. Même si cela impliquait de se couvrir de honte, il voulait qu'il soit punis.

C'était comme un désir vicéral qui accaparait toute son attention. Il ne l'avait pas blessé physiquement, pour ça il n'avait pas besoin d'aide, mais ses mots l'avaient entaillé aussi sûrement qu'un poignard bien aiguisé. Il le détestait d'avoir exacerbé ses interrogations. Il le haïssait de l'avoir forcé à remettre en question toutes ces choses qui faisaient  si mal. Il devait payer pour ça. Il se leva brusquement de son banc.

"Monsieur ! Attendez !"Le temps sembla s'arrêter, l'espace de quelques secondes. Il observa ce dos large drapé de noir, ces épaules carrées et ce crâne chauve. "Qui êtes vous ?" Cela importait peu au fond, et cela ne changerai rien, mais il se dégageait de cet homme une sorte d'aura fascinante dont il ne souhaitait que percer les mystères. L'identité lui semblait un bon départ.

Le jeune homme se rassit sur le banc. Maintenant qu'il avait retenu son attention, il devait lui raconter ce qu'il s'était passé, autrement il serait vraiment le dernier des idiots. Il avait le sentiment qu'il n'aurait pas de seconde chance. Ou plutôt il était déjà en train de l'utiliser. Il inspira. Il devrait parler à haute et intelligible voix, pour montrer au prêtre qu'il avait échoué et pour se donner la force de continuer. Parce qu'il avait parfaitement réussi au contraire. Il devrait être concis, ce serait moins douloureux.

Commencer par donner le contexte, décrire les choses avec une froideur scientifique pour ne pas se laisser déborder par l'émotion. Il se ferait sans aucun doute sermoner. Après tout il s'était aussi rendu coupable d'actes répréhensibles. A ce stade, il n'en faisait guère grand cas. Seuls comptaient ses désirs de vengeance, si grisants.

"Hier, j'étais perdu et j'avais soif. Comme il y a toujours de l'eau dans le bénitier des églises, je me suis dit qu'elle serait plus saine que celle à l'extérieur, alors je suis rentré et je me suis servit. Un homme en béquilles très gentil m'a fait remarquer que ce n'était guère convenable de voler ainsi un cadeau du Seigneur pour ses fidèles. Comme je me sentais coupable, je suis venu me confesser ce matin."

Nouvelle inspiration. Avouer sa faute, une seconde fois en l'espace de quelques heures, avait été une épreuve difficile. Il l'avait surmontée avec brio, voilà qui était encourageant. Il leva les yeux vers son interlocuteur, enhardi par son succès, mais ses prunelles céruléennes impénétrables lui firent bien vite changer d'avis. Il n'était pas assez courageux pour affronter pareil regard.

"Il s'est moqué de moi. Au début je n'ai pas compris, puis il m'a emmené devant l'autel et il a commencé à me poser des étranges questions sur le blasphème et...et des urinoirs." Il plissa les paupières, à mesure qu'il reinvoquait ces images, volontairement cette fois-ci. S'en tenir aux faits. "Il a prit cette belle coupe là-bas, il l'a posée devant le Christ, puis il a... il s'est soulagé dedans avant de m'ordonner d'en faire de même." Le plus dur était passé. Du moins il pensait. Ce n'étaient pas toujours les actes qui s'avéraient les plus violents.

"Ensuite, il m'a raconté une étrange histoire à propos du Chris et a soutenu que blasphémer constituait un honneur supérieur à la prière. Il a dit de vilaines choses sur ma famille, il les a traités de menteurs. Et puis... il a dit..."Sa voix se brisa. Une petite voix au fond de lui chuchotait qu'il avait peut être raison. "Monsieur, il a dit qu'avant de naître, nous ne sommes que le néant, et qu'en mourrant, nous y retournons. Ce n'est pas vrai n'est-ce pas ?" Il leva les yeux vers son interlocuteur. Le besoin qu'on infirme cette théorie si vraisemblable avait surpassé toutes les autres peurs. Il poursuivit. "Alors... alors je me suis emporté et j'ai décidé de partir. Sauf que je ne peux pas courir, à cause de ma maladie. Et j'ai malencontreusement rencontré un banc. Alors je suis tombé. Ensuite... ensuite vous êtes arrivé."

Il avait terminé. Il baissa de nouveau les yeux, la gorge sèche, la peur au ventre. Il avait honte. Si honte ! Et il allait se faire réprimander. L'homme en face de lui avait l'air bien plus sévère qu'Alexandre. Il ne se contenterai pas de lui dire que c'était mal.
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Message par Coldris de Fromart Ven 2 Avr - 11:05


Coldris laissa le blondinet planté là, vidant le reste de ses poumons sur son banc de messe. Il avait mieux à faire que de consoler un marmouset qui de son propre aveu avait fait l’imbécile. Tant pis pour lui. Thierry lui ferait bien part de ses exploits autour d’un bon verre. Au moins avait-il l’honnêteté de réaliser qu’il n’était qu’un enfant. A son âge, il serait quand même temps de quitter les jupons de sa nourrice, ou à défaut de s’intéresser à ce qu’il y avait dessous.

Il n’avait pas fait quelques pas qu’il entendit le banc crier à la brutalité dans un grincement outré. Tiens donc. Coldris s’immobilisa. Un sourire amusé se dessina, bien vite dissimulé sous son masque de sévérité lorsqu’il se retourna.

— Oui mon garçon ? s’enquit-il avec un profond calme.

A sa question, il manqua de s’étouffer. Qui était-il ? Son prénom ne lui suffisait donc pas ? Ce n’était tout de même pas comme s’il s’appelait Louis ou Paul. Alors certes, il y avait eu bon nombre de Coldris depuis des siècles mais certainement très peu hors de sa propre famille, et il était certain de deux choses : il était le seul à Braktenn et le seul Coldris de Fromart auquel on pensait lorsque son nom faisait trembler les lèvres, c’était lui et personne d’autre. Il le toisa un instant avant de piquer ses deux prunelles de glace dans les siennes.

— Eh bien, es-tu dissipé durant les leçons de ton précepteur pour ne pas savoir à qui tu t’adresses ?

Et ce fut tout ce qu’il offrit comme réponse. Il n’aurait qu’à chercher dans les affres de sa mémoire qui était ce « Coldris » qui se trouvait devant lui. C’était le minimum requis pour devenir un courtisan digne de ce nom que de connaitre les éminents personnages de cet empire. Le gamin se rassit aussitôt et commença à lui narrer ses tribulations.

Hier, j'étais perdu et j'avais soif. Comme il y a toujours de l'eau dans le bénitier des églises, je me suis dit qu'elle serait plus saine que celle à l'extérieur, alors je suis rentré et je me suis servis.

Heureusement qu’il était rompu à la dissimulation, car il aurait volontiers laissé échapper un rire tonitruant à cette première phrase. N’avait-il jamais entendu parler des tavernes ? Il n’avait pas l’air dans le besoin contrairement à l’enfant qu’il avait été. Belle toilette, manière d’une petite perle engoncée dans son écrin de soie, il ne devait pas jeuner pour d’autres raisons que pour Carême. Mais le plus amusant était incontestablement l’idée d’aller se rincer le gosier dans un bénitier. Et très précisément l’un de ceux où il adorait se soulager par pure provocation. Il imaginait sans mal la réaction de Thierry à cette simple confession.

Un homme en béquilles très gentil m'a fait remarquer que ce n'était guère convenable de voler ainsi un cadeau du Seigneur pour ses fidèles

Ah tiens donc ! Alexandre ! Son sourire -qui n’avait rien d’un sourire- s’étira subitement.

— Je connais fort bien ce jeune homme en effet. Il aime à houspiller les fornicateurs mais ne fait guère mieux en privé. Elle est belle la morale !

Et il garda pour lui qu’il préférait Sodome aux rivages de Cythère. Quand bien même il se souvenait parfaitement de ses paroles au sujet de ces « relations contre nature » qu’il ne manquerait pas de lui faire payer un jour ou l’autre. Son propre fils ! Il chassa ses pensées et écouta attentivement la suite.

Il a commencé à me poser des étranges questions sur le blasphème et...et des urinoirs.

Sacré Thierry. Il n’avait pas dû manquer à la paroisse de Saint-Eustache (quoique sans doute à certaines paroissiennes en manque d’affection), mais lui se réjouissait de son retour. Il n’avait même pas besoin d’écouter la suite pour savoir où il comptait en venir. Il plissa néanmoins franchement les sourcils, bien décidé à profiter un peu de cette fraiche naïveté tout juste éclose de son cocon de velours soyeux. Coldris suivit du regard l’indication vers la coupe avant de peindre l’indignation sur ses traits.

— Se… Se soulager dans le calice! Mais quel homme irait faire une chose pareille ! Et un homme de Dieu dis-tu en plus ! Il fronça les sourcils sévèrement Es-tu bien sûr de ce que tu avances mon garçon ? Une accusation de blasphème à l’encontre d’un prêtre, c’est un fait très grave !

Intérieurement, le ministre riait à gorge déployée. Quant à Thierry, il devait en avoir les larmes aux yeux à force de contenir son rire, là-bas dans sa cellule. Cela n’en rendait que le jeu plus amusant encore. Cèderait-il ? Il acquiesça vigoureusement avant de se passer une main sur son menton, écarquillant légèrement les yeux de stupeur. Il reconnaissait bien là tout le talent de son compagnon de débauche.

Il a dit de vilaines choses sur ma famille, il les a traités de menteurs. Et puis... il a dit...
— Scandaleux… C’est proprement scandaleux grogna-t-il tout en l’invitant à poursuivre.

Monsieur, il a dit qu'avant de naître, nous ne sommes que le néant, et qu'en mourant, nous y retournons. Ce n'est pas vrai n'est-ce pas ?
— Bien sûr que non, mon garçon ! tonna sa voix sous la nef Comment peux-tu croire de pareilles sottises et douter de Notre Seigneur tout puissant ?

Coldris s’appuya sur le dossier du banc et se pencha légèrement avant.

— Ne comprends-tu donc pas qu’il teste ta foi en t’imposant cette épreuve car tu as osé boire son don à ses fidèles ?

Il évitait à tout prix de penser à Thierry pour ne pas se trahir dans son jeu alors que le gamin se raccrochait désespérément à ses paroles comme s’il risque de se noyer d’un instant à l’autre sans réaliser que c’était surtout dans sa propre naïveté qu’il risquait de se noyer à l’heure actuelle.

— Je comprends mieux en effet. déclara-t-il dans un hochement de tête J’écrirai à l’évêché afin de lui faire part de ton expérience. Il est inacceptable de laisser professer des curés de cet engeance dans nos paroisses…Uriner dans le calice… J'espère bien que tu ne l'as pas imiter dans ses pratiques impies! Aies donc le courage d’affronter les épreuves la prochaine fois, si tu veux espérer un jour le salut pour ton âme de pécheur.

On n’avait pas idée de faire si lâche et si naïf. C’était ça la prochaine génération qui devait siéger à la Cour ? Voilà qui était parfait ! Si seulement ils pouvaient tous être aussi niais que celui-ci, il y aurait moins de débats stériles et bien plus d’heureux ignares. De quoi gouverner avec aisance pour le futur souverain.

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Message par Thierry d'Anjou Ven 2 Avr - 11:51

Depuis la cellule, Thierry attendait patiemment que son hôte ne vienne le rejoigne. Les échos du petit garçon lui parvenaient et ses oreilles prêtaient attention à la moindre parole. L'enfant refusait de raconter la scène et se croyait en faute. C'était décidément bien trop facile d'abuser des gens naïfs. On pouvait tout accomplir avec eux et ils continueraient de bêler bien gentiment. Une idée lui traversa la tête. Le prêtre se leva et alla chercher dans le fond de la cellule l'agneau en bois, recouvert de laine, qui servait pour al crèche. Il devrait bientôt la faire monter. Par conséquent, la présence de la relique n'intriguerait pas.

Alors que Thierry la disposa à l'entrée de la cellule, prête à accueillir Coldris quand ce dernier viendrait, il remarqua le petit garçon retenir le ministre. Se déciderait-il à parler ? Ou comptait-il s'accrocher à son pantalon comme si ce serait les jupons de sa nourrice ? Il risquait de découvrir le véritable sens du mot Enfer si sa naïveté le poussait à cette imprudence. Ses yeux s'écarquillèrent. Monsieur ? Il ne l'avait pas entendu appeler Coldris ? Combien de Coldris circuleraient en ville selon lui ? Si de nombreux individus tels que son ami seraient présent, la prévôté devrait instituer l'installation de panneaux. Attention risque de passage de Coldris. Ou attention zone de Coldris. Thierry s'étouffait à contenir le fou intérieur qui le gagnait.

Se forçant au sérieux, le prêtre écouta Nehalan se confesser, pour la seconde fois de al journée. Quel courage ! Quelle abnégation ! Il jeta un regard insolent au Christ figé derrière l'autel et traça le geste nécessaire quand on prononçait l'absolution. Que ce garçon soit béni ! Son sourire s'étira alors que son ventre se durcissait. Comme il éprouvait l'envie d'éclater de rire. Que Coldris pensait-il de ces révélations ? Sans doute, que les bénitiers constituaient son terrain de chasse. Quelle idée ! Est-ce que Coldris se rendait dans sa salle de jeux pour lui emprunter ses peluches ou ses soldats de plomb ? Bien sûr que non !

Thierry retrouva u brin de sérieux à entendre Coldris émettre une opinion au sujet d'Alexandre. Il avait peut-être raison mais il n'avait pas le droit de le critiquer. Cela ne se faisait pas. Miaos il ne lui dirait pas. On je contrariait pas Coldris avec ses états d'âme.

L'enfant se mettait à présent à raconter toute la scène qui venait d'avoir lieu devant l'autel. Elle était drôle mais l'écouter narrer se révélait plus cocasse encore. Le prêtre retourna dans la cellule, les larmes aux yeux, se pinçant les joues pour ne pas éclater de rire. Mais quel idiot ! Et s'il savait à qui il disait ces choses-là ! Thierry n'osait pas imaginer ses pensées ou sa vessie exploserait.

Naturellement, Coldris prétendait s'indigner, comme s'il prenait sincèrement le parti de l'enfant. Quelle merveilleuse pièce ! Le garçon continuait à rapporter et le ministre se moquait de lui et insinuait même que tout ceci serait pour tester sa foi. Thierry faillit éclater de rire. Quel génie ! Quelle intelligence ! Il se révélait absolument prodigieux ! Il promettait même d'écrire à l'évêché pour rapporter ces anecdotes. Quelle bonne farce ! Si cet évêché bougeait, après toutes ces années, ce serait un authentique miracle. Ila vait tout accompli pour attirer leur attention. Il baisait même la sœur de l'évêque au sein même du palais épiscopal.

Qu'en conclure ? Le Ciel approuvait sa conduite et rien ne saurait jamais lui arriver.

Son regard se porta vers l'agneau à l'entrée de la cellule et il sourit. Avec un troupeau aussi crédule, il se révélait si simple d'échapper à l'opprobre et au châtiment. Ces jeux étaient trop simples. Indignes de leurntelligence supérieure à lui et Coldris.


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Message par Nehalan De Torienel Ven 2 Avr - 15:33

Le dénommé Coldris s’était arrêté. Il se tourna lentement vers lui, le regard sévère. Si ses yeux avaient auparavent quelque chose d’effrayant, ils venaient de devenir terrifiants. "Euh…je…non mais…" Il énuméra mentalement toutes les fonctions importantes et les noms associés qu’il avait étudiée avec LUI. "Je suis désolé Monsieur, mais… mais mon professeur ne m’a jamais parlé d’un certain Coldris. Et pourtant il m’a parlé de sa Majesté, du Premier Ministre, du Ministre des Finances, du Ministre du Commerce…" Il énuméra ainsi tous les noms de personnes importantes de l’Empire, en descendant l’échelle sociale. "J’ai appris leurs noms par cœur mais il n’a jamais fait mention d’un Coldris. Je suis désolé, vous voyez bien que je suis attentif, j’ai aussi appris toutes les dates des conquêtes de l’Empire…le latin… le grec… la littérature…j’ai aussi étudié des traités de médecine, de stratégie militaire, les mathématiques…" Il secoua la tête, perdu dans ses réflexions. "Non je ne vois vraiment pas… mes excuses Monsieur Coldris."

Nehalan lui adressa un regard désemparé avant de s’assoir sur le banc pour lui raconter ce qu’il s’était passé. Le plus dur était passé quand il l’interrompit la première fois, à propos d’Alexandre. Les fornicateurs… qu’est-ce que ça pouvait bien être… "Je ne comprends pas vraiment ce que vous voulez dire…" Il leva ses yeux interrogateurs vers lui, dans l’attente d’une réponse. S’il ne voulait pas lui dire, il irait chercher dès son retour à l’hôtel. Et s’il ne trouvait pas la signification de ce mot étrange, il demanderait à Monsieur votre Père, il devait sûrement savoir lui.

Il poursuivit ensuite son histoire avec les actes révoltants de Thierry. Il acquiesça d’un signe de tête convaincu quand Coldris s’indigna avec lui de ce comportement tout bonnement inacceptable. La colère grondait. Elle vibrait avec ses cordes vocales. Il continua son récit, pour en arriver à sa question épineuse. Si cette affirmation le rassura, il rentra sa tête dans ses épaules, comme pour tenter d’échapper à cette pluie de reproches.  

"Je ne sais pas Monsieur… il avait l’air si sûr de lui ! Je n’avais pas pensé à ça… pardon Monsieur, vous avez sans doute raison. "

Il annonça qu’il allait contacter l’évêché. Nehalan se redressa. Il avait bien fait de le retenir. Grâce à son courage, Thierry serait châtié de sa témérité, comme il le méritait. Il se rembruni aux dernières paroles de l’homme en face de lui. S’il avait vraiment été courageux, il aurait tenu tête au prêtre, au lieu de fuir en bêlant comme un agneau sacrifié sur l’autel de la bêtise. S’il avait été courageux, il lui aurait dit qu’il avait tors sans pleurer comme un nourrisson affamé. Il se contenta d’un " Non Monsieur, oui Monsieur, pardon Monsieur, merci Monsieur ", avant de se lever.

" Je vous prie encore une fois de m’excuser de vous avoir dérangé Monsieur Coldris, et de ne pas avoir su qui vous étiez. Je vous remercie également d’avoir prêté attention à mon récit. Enfin, je vous souhaite une agréable fin de journée, tout comme je vous remercie de prendre les dispositions nécessaires pour que ce…ce…s-salaud de prêtre…inconvenant  soit interpellé pour ses actes."

Il s’inclina devant cet homme qui semblait si important et imbu de sa personne au point de penser que l’on connaissait forcément son nom, se redressa puis marcha d’un pas raide vers la sortie. Rester digne. Il s’arrêta sur le pas de la porte, et se retourna vers la scène du crime, hésitant. La colère grossissait. Elle tendait chacun des ses muscles et fronçait ses sourcils. Sa raison tentait tant bien que mal de lui dire de ne pas faire ça mais il finit par craquer. Il se mit à crier.

"Je sais que vous m’entendez, espèce de… vieux fou !" Sa voix claironnante se répercuta contre les voûtes de l’église. La raison tirait la sonnette d’alarme. Il devait s’arrêter, et maintenant. Pourtant il continua. La colère animait chacun de ses membres. " Vous vous êtes bien caché hein ? Je… Je vous déteste !" Sa conscience lui criait de partir sans rien ajouter, elle hurlait tout ce qu’elle pouvait, remuait ses entrailles, rien n’y fit. La colère la balaya d’un revers de la main et elle s’écroula, muette. Des larmes de rage se mirent à briller au coin de ses yeux. "Vous êtes un monstre sans cœur ! Un… Un… Un salopiau !" L’insulte lui revint en pleine face, comme une onde de choc. Il la répéta encore plus fort, grisé. "Salopiau !"

Il se détourna bien vite, sans attendre qu’on vienne le disputer sévèrement, à raison. Il franchi le pas de la porte sans un autre regard en arrière. Il voulait oublier cette terrible journée, l’enfouir dans son cœur jusqu’à ce qu’elle disparaisse d’elle-même. Le jeune homme ferma les yeux, aveuglé par la lumière froide du soleil hivernal. Il descendit les marches, le regard vide, les bras ballants le long du corps. Il était lessivé. Il avait l’impression que son corps et son esprit avaient été roués de coups pendant de longues heures. Chacun de ses muscles lui faisait mal. Il essuya d’un geste rageur ses petites larmes, qui s’échouaient sur ses joues. Sa conscience reprenait connaissance.

Pour la troisième fois de la journée, ce qui s’était passé dans le lieu saint lui revint en accéléré. Il secoua la tête. Mais qu’avait-il fait ? Quel idiot, quel idiot, idiot ! Insulter un homme d’église ! Mais quel…crétin ! Abruti ! Ce serait lui qui serait interpellé par l’évêque après une conduite pareille. Il revint chez lui tête basse, plus honteux qu’il n’en était parti. Fort heureusement, Monsieur votre père était absent. A son retour, il avait eu le temps de se recomposer un visage neutre, voire souriant. Il n’eut droit à aucune remarque, il avait dû trouver son billet.
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Message par Coldris de Fromart Ven 2 Avr - 16:29


Il n’avait jamais entendu son prénom. Jamais.

J.A.M.A.I.S.

Il était trop occupé à compter les pattes de mouches ou bien son précepteur ne le frappait-il pas suffisamment fort pour faire entrer dans sa caboche creuse le nom des membres du gouvernement ?

— Je te conseille fortement de renvoyer sur le champ cet incompétent en ce cas et de montrer un peu plus de curiosité à l’égard de la politique de l’empire. conclut-il glacialement.

Il avait tout de même réussi à oublier le deuxième homme le plus important après le roi. Il allait sans doute chercher qui était ce fameux Coldris en rentrant chez lui. Ou mieux peut-être posera-t-il la question directement : « j’ai rencontré un Monsieur Coldris à l’église savez-vous de qui s'agit-il ? ». Oh si seulement il pouvait avoir la présence d’esprit de poser sa question en plein diner familial ou en public !

D’ailleurs il n’avait jamais entendu parler de fornication. Le vicomte roula des yeux. S’il n’avait pas été tenu de garder son rôle, il lui aurait volontiers offert une définition du terme. Quoique… Il pouvait sans doute en profiter un peu…

— Les fornicateurs? Ce sont des adeptes des plaisirs la chair. Des pêcheurs par gourmandise somme toute. Certains se damneraient pour des brioches quand d’autres ne peuvent pas résister aux abricots ou aux sucettes. Mais qui ne rêvent pas secrètement de croquer dans ces religieuses ?

Au fond ce n’était pas un mensonge. Il fallait juste lire entre les lignes. Allait-il dire à sa mère ou sa sœur qu’elle forniquait en engloutissant son deuxième beignet au miel de la soirée ? Ce qu’il aurait aimé être une petite souris. Pensée complice à Thierry qui devait être sur le point d’étouffer dans sa cellule. Quel enfant naïf et manipulable ! Vivement qu’il puisse en rire en compagnie de son ami. Pour l’heure, il devait être l’acteur parfait de sa propre pièce, alors il ravalait son rire et, visage grave, se scandalisa des agissements du curé. Et dire qu’il ne trouvait pas le courage de dire autre chose qu’un bête « oui Monsieur ». L’avait-on fait eunuque pour qu’il manque à ce point de couilles ? Il y eut bien ce « salaud » murmuré aussi fort que l’aurait fait une petite souris...

— Pardon ? s’exclama-t-il Est-ce donc de telles manières que l’on enseigne aux gentilshommes ?

Il s’inclina finalement et Coldris se contenta d’une vague inclinaison de la tête. Il le suivit du regard disparaitre, raide comme un balai de palefrenier, jusqu’au seuil avant de se retourner pour insulter copieusement Thierry. Le ministre dû cette fois-ci se mordre les joues pour ne pas éclater de rire avant de reprendre son sérieux et de laisser claquer sa voix polaire sous la nef :

— Terrez-vous donc tant que vous le pouvez misérable rat de bure ! Notre Seigneur voit tout et vos actes seront châtiées dans cette vie ou la suivante, croyez-moi !

Une fois le jeune garçon définitivement disparu, il fit volteface sans pouvoir retenir ses commissures de s’agiter. Il poussa la porte de la cellule et découvrit cet… Agneau en plein milieu, accompagné d’un bêlement malicieux de Thierry qui se tenait derrière. C’en fut trop pour Coldris qui laissa définitivement son rire s’échapper. Il lui fallut quelques instants avant de pouvoir enfin se calmer et réussir à le saluer entre deux sursauts.

— Vieux fou ! Bienvenue à Braktenn! déclara-t-il dans une accolade fraternelle.

Quoi qu’il en dise, sa compagnie lui avait manqué durant ses deux mois. On ne s’amusait jamais autant qu’en sa présence.

Coldris de Fromart
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Message par Thierry d'Anjou Ven 2 Avr - 17:21

Derrière le mur de la cellule, près de la porte, Thierry se tapissait en écoutant la suite de la conversation qui se tenait dans son église. Les explications de Nehalan sur la qualité de son éducation lui coupa toute envie de rire. Quelle était ce manquement terrible d'un pédagogue à rien évoquer de la politique d'un pays ? A dix ans, il savait tout des arcanes qui régissaient Monbina. Beckie. Leur mère s'étai évertué à leur inculqué la meilleure instruction qui soit et les forçait à retenir et à se montrer attentif. Cet enfant avait été confié à un incapable. Ou on le laissait se débrouiller seul. Quelle stupidité !

Naturellement, le magnifique Coldris, pourfendeur de la naïveté sous sous toutes ses formes, parangon de la culture, le rembarra sèchement et efficacement. L'enfant allait-il pleurer ? Peut-être. Mais il risquait d'essuyer pire. Bien pire.

Les confessions se poursuivaient et Coldris dona une leçon sur la fornication pour essayer de pallier aux manquements de l'éducation de ce garçon. Seigneur ! Thierry ne sut se contenir aux paroles que prononçait son ami : il éclatait de rire. Comment faire autrement ? C'en était à se pisser dessus même ! Et le petit n'allait pas comprendre. Le prêtre en était intimement persuadé. Avait-on décidé de le faire moine ? Il en pleurait de rire et des larmes coulaient le long de ses joues. Quelle pièce excellente !

L'enfant remerciait son interlocuteur et Thierry tendit particulièrement l'oreille pour savoir quand celui-ci quitterait enfin l'église. Son ami et lui-même avaient de meilleurs projets que de pouponner un bambin inculte. Ses oreilles perçurent alors l'insulte proférée à son égard et il sourit. Comme il pouvait le prévoir, Coldris le reprit sévèrement.

Après l'intermède le garçon se crut malin à l'insulter, lui, comme si cela lui ferait quelque chose. Quel petit sot ! Il n'avait même pas le courage de rester à attendre une réponse : il prenait la fuite. Quelle manque d'audace décevant ! Il s'amusa en revanche de l'intervention de Coldris et dut se pincer les joues. On se divertissait jamais autant qu'en sa présence.

Enfin, il fut temps de leurs retrouvailles ! Enfin !

Soucieux de l'accueillir sous les meilleurs auspices, quand Coldris arriva devant le joli agneau, Thierry poussa un bêlement joyeux. Sn ami éclata de rire et lui tomba dans les bras. le prêtre fit de même.


"Je vous remercie, Coldris. Il est si agréable de revenir et de rencontrer enfin une personne avec de l'esprit."

Il s'écarta ensuite et posa la main sur la tête de l'agneau.

"Ils sont épuisant, ces imbéciles. Imaginez-vous entendre leurs bêlements ridicules à longueur de journée. A s'inquiéter d'avoir bu dans un bénitier. Il est naturel que la religion soit utilisée pour contrôler le peuple mais que les gens tombent à un niveau si bas en intelligence, c'est absolument pitoyable."

Le prêtre s'avança vers la table et indiqua les verres servis.

"Bourbon premier choix. Je présume que cela vous seyera, n'st-ce pas, votre Excellence ?"
Thierry d'Anjou
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[8 Décembre 1597] Quand futilités et confessions vont de mèche[Terminé] Empty Re: [8 Décembre 1597] Quand futilités et confessions vont de mèche[Terminé]

Message par Coldris de Fromart Sam 3 Avr - 16:35


Quel plaisir de retrouver son ami ! Ces dernières semaines avaient été si longues ! Personne avec qui parler et encore moins se divertir. Rien n’avait la même saveur lorsqu’on ne pouvait le partager avec qui que ce soit. Il avait d’ailleurs récidivé dans son amour du laudanum pour combler le vide qui le grignotait, ouvrant des brèches à ses fantômes. C’était ça ou parler à une pierre tombale ou à un portrait. Ou bien écrire des lettres qui ne seraient jamais lues. Ce qui n’était peut-être guère mieux.

— Ils sont à l’image de leur religion : de braves moutons en quête de berger. Si vous trouvez celui de Panurge, faites-moi signe, je tiens absolument à assister à la scène. D’ailleurs qu’avez-vous pensé de ma prestation depuis votre loge ?

Du Bourbon. Merveilleux. Que pouvait-il espérer de plus ? Il acquiesça, ravi en se servant un verre.

— Evitez tout de même de trop martyriser vos fidèles mon ami. A peine arrivé, cela ferait tache et je ne pourrais pas toujours vous sauver la mise.

Sur ce, il trinqua à son retour.

— Puis-je espérer compter sur votre compagnie ce soir ou préférez-vous célébrer les Vigiles ? s’enquit-il sourire en coin connaissant pertinemment la réponse à sa question.

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