[5 janvier 1598] une nouvelle tavernière ...

Enola faisait le tour de la taverne, s'imprégnant des différentes odeurs des boissons et repas de la veille, du bois patiné, des effluves corporelles. Tout cela, accompagné du bruit du vieux parquet grinçant, lui semblait familier. Après tout, à Hô-Yo aussi il y avait des tavernes, et elle les connaissait.

Mais Hô-Yo était derrière elle, et comme à son habitude, elle préférait regarder en avant, pour voir ce que lui réservait la vie. Et aujourd'hui, c'était cette taverne. La taverne de l'Ours Noir, à Braktenn. Elle était arrivée depuis peu dans la capitale, et aidée d'un Braktennois voulant rester discret, elle avait pu s'établir comme tavernière. Et quoi de mieux que la taverne quand on aime graviter auprès de toutes les sphères sociales.

Ainsi, en ce 5 janvier 1598, Enola prenait ses marques. Sa première ouverture était le soir-même, et elle voulait se sentir le plus à l'aise possible, même si sans les clients, ce n'était pas tout à fait pareil. Elle passa entre les tables, remis quelques chaises en place, rassembla différentes choppes sur un plateau et repartit dans la cuisine pour les déposer dans une bassine remplie d'eau à peu près propre.

Après une vaisselle sommaire, elle entreprit de passer un rapide coup de balai au rez-de-chaussée et de faire un point sur les réserves de boissons.
Une fois cela terminé, et les comptes mis au point, elle rejoignit sa chambre, où elle défit le peu de bagages en sa possession, puis se reposa en attendant la soirée qu'elle espérait animée ...

Enola entendit frapper à la porte alors qu'elle se reposait en fixant le plafond, laissant son esprit vagabonder. Se relevant doucement, elle remit ses chaussures, prit un torchon sur le coin du comptoir et alla ouvrir la porte tout en se demandant qui pouvait bien venir à cette heure-ci.

Elle ouvrit la porte, et vit une femme qui semblait nerveuse. Enola aimait les nouvelles rencontres et dit d'un air curieux en souriant :

Bonjour, que puis-je pour vous?

Enola regarda la femme discrètement pendant qu'elle prenait place. Elle semblait figée dans ses mouvements, comme si quelque chose la gênait. Avait-elle un handicap ? Un peu d'aide serait effectivement la bienvenue mais ... pensait-elle pendant qu'elle l'écoutait.

Eh bien, cela me paraît intéressant. Mais quel est votre nom s'il vous plaît? J'aime savoir à qui je parle. Je me présente, je suis Enola Sonh-Wât, la nouvelle tenancière de cet établissement.
Vous semblez avoir effectivement quelques compétences qui pourraient m'intéresser. Vous dîtes être capable de savoir converser avec tout le monde, certes, mais savez-vous écouter et surtout retenir ? Car l'un est aussi important que l'autre, et j'y suis attachée.
Aviez-vous un emploi auparavant ? Si oui, où ? Oh je ne souhaite pas les détails, pas pour l'instant non, mais cela pourrait m'aider dans ma décision.  

A ces paroles, Enola passa derrière le comptoir, et se servit un verre d'eau. Elle ne s'attendait pas à devoir prendre des décisions de ce genre si rapidement, même si tôt ou tard, il fallait y passer. D'un côté avoir une aide serait de bonne augure pour peu que la personne se débrouille, mais d'un autre, l'idée de verser un salaire ne lui semblait pas raisonnable dès le début de son activité ...

En entrant et en s'installant sur l'une des chaises, Louise avait fait de son mieux pour dissimuler la raideur de ses épaules mais sans être certaine d'y être parvenue. Elle avait ressenti ne douleur assez forte en faisant un mouvement trop rapide. Louise oublia ce détail qui reviendra peut-être plus tard, et se concentra sur la descriptions de ses compétences. Entretemps, la tenancière se présenta. Enola Son-Wât ? Cela sonnait pas un nom très monbrinien. Mais peu lui importait.

"Je me nomme Louise Michalet."

Elle donna ensuite la liste de ses compétences et sentit que cette Enola Son-Wât s'y intéressait. Naturellement, elle la questionnait et cherchait à bien analyser as situation. Rien de plus normal. Elle faisait elle-même pareil quand une nouvelle fille se présentait au lupanar.

""Oui, je possède un grand sens de l'écoute et je sais retenir bon nombre d'informations ou de confidences."

Que soit dans un lit ou une salle, les hommes pouvaient se montrer si bavards avec un catin. Surtout quand on savait les encourager à se confesser. Louise se mordit les lèvres à la question de son dernier emploi. Cela devait bien arriver. Elle inspira doucement se décida à y répondre avec sincérité.

"J'étais prostituée. Je le suis depuis un peu plus de vingt ans. Avant cela, j'effectuais un apprentissage de couturière mais une épidémie de variole décima une bonne partie de mes connaissances, dont le maitre qui me formait. Il a ensuite fallu se résoudre... Il faut bien vivre. Ou survivre."

Elle pourrait sûrement arrêter là. L'explication se suffisait et toute personne comprendrait qu'une prostituée souhaite une profession plus honorable. Louise n'en fut pas capable. Ce ne se serait pas honnête.

"J'ai été renvoyé du lupanar où j'officias depuis tant d'années, où j'avais fini par devenir co-gérante du fait de mon instruction, le mois dernier. J'ai eu des problèmes avec la justice. Une triste affaire où on m'a reproché d'avoir voulu soigner mes collègues et amies avec de bons remèdes. J'avais découvert un guérisseur qui faisait de véritable miracles. Avant ça, certaines filles s'essayaient à des mixtures pour le moins improbables dans l'idée de paraître toujours plus belles. d'ailleurs, lors de sa première visite, en découvrant ces produits, a eu un mot ou nous féliciter d'être encore en vie. Malheureusement, la justice, épaulé de la religion, considère que toutes les préparations de ce guérisseur étaient l'ouvre de Satan. Pourtant, il n'en fut jamais question. Tout ce qu'il faisait, c'est assurer des soins et des services de qualité."

Louise observa la tenancière assise derrière son comptoir. Que pensait-elle de ces révélations ? Tout allait se jouer maintenant.
.

Enola écouta attentivement Louise. Malgré les difficultés que cette femme ait pu rencontrer, elle semblait aller de l'avant et cela toucha Enola, elle se reconnaissait un peu en elle. Les compétences énoncées montraient une certaine polyvalence, et le fait qu'elle ait été prostituée pouvait présenter certains avantages.


Je vous remercie d'avoir été sincère sur vos expériences passées, Louise. Je peux vous appeler Louise ? Vous pouvez m'appeler Enola, ce sera plus simple.
Le fait que vous ayez été prostituée ne me gêne en rien. Simplement, si vous rencontrez d'anciens clients, que ferez-vous ? Je tiens à ce que cet établissement soit respecté et respectable. Il va de soi que je ne permettrai pas aux clients de faire n'importe quoi ici, et ce avec qui que ce soit. Mais je tiens à ce que cette règle soit respectée par tous.

Pour être tout à fait franche, j'ai remarqué que vous faisiez le moins de gestes possible. Avez-vous un handicap ? Je souhaite le savoir, car comme dans un lupanar, le travail à la taverne demande de la résistance physique, ici c'est le client qui se repose, pas les employés ! Et lorsque l'établissement ferme, le travail est loin d'être terminé. Pensez-vous en être capable ?


Enola resta malgré tout sur sa réserve à l'énoncé de l'épisode en justice. Un guérisseur ? Louise se souciait-elle de ceux dans le besoin ? Ou y avait-il autre chose ? Elle se nota mentalement d'en parler à sa connaissance braktennoise, il serait peut-être au courant.

Et la porte s'ouvrit sur cette créature, qui soufflait toujours son vent de curiosité et d'effroi partout où elle passait. Réactions que l'intéressé laissait - depuis le temps - glisser comme le long des plumes d'un canard. Force et pouvoir de l'habitude. Sa morphologie ne pouvait en effet que retenir l'attention de qui le découvrait. Ses membres grotesques et raidis, les uns tordus, les autres atrophiés, obligeaient sa corpulente personne à reposer sur un large fauteuil roulant. Un ventre rebondi se déployait au pied de sa colonne vertébrale en virage, dont il accentuait la courbure. Cette composition baroque révulsait son public, mais se rachetait en l'amusant tout autant, de par les grimaces perpétuelles de son visage lorsqu'il s'essayait à sourire. Cet infirme – reflet de miroir déformant, pourtant bien en chair et en os – vous proposait malgré lui un jeu original : quel animal vous évoque cette main contractée, qui termine un large bras bouffi ? Et cette autre crochue, retournée vers l'intérieur ? Ce pied gonflé ? Le mollet arqué de cette jambe plus courte que sa voisine ? Une farce vivante.
Derrière de petites lunettes chaussées sur un nez tors et écrasé, ses billes marron parcoururent rapidement l'établissement encore vide : l'homme comprit que ce n'était pas encore ouvert... Il était rentré pourtant à la suite de Louise, mû par l'envie spontanée de la revoir. Lénius se réjouit de la savoir ici et la repéra en conversation avec... une inconnue. La créature n'avait encore jamais vu cette femme, apparemment la nouvelle tenancière ? Il haussa un sourcil. Sa grosse paluche couverte de sacs spongieux vint pincer la pointe de son bouc - assorti à sa chevelure courte, ébouriffée. Au moins une harmonie au milieu de ce chaos biologique. La tête ronde de l'homme afficha, comme toujours, par principe, sa mine badine. Elle possédait Diable-sait-quoi d'étonnant, dans son large sourire pourtant confus : égal au reste du corps, tordu, et la moitié des dents ayant pris des libertés. Certaines manquaient à l'appel, tandis que les restantes étaient pointues et convexes. Dents de l'amer, ultime plaisanterie d'un ivre créateur.

La nouvelle tenancière aurait pour ainsi dire de quoi être frappée du spectacle. Son cadeau de bienvenue, de la part de la gargouille de Braktenn ! Plaisanterie à part... Lénius n'avait en vérité pas le souhait de lui faire peur. Au contraire il inclina légèrement la caboche pour la saluer - sans pour autant approcher : il n'était pas question, pour le moment, de déranger Louise et cette femme dans leur discussion. L'infirme roula donc jusqu'à une table, après avoir souri à son amie. Il attendra sagement, se faisant des plus discrets - à plus forte raisons dans la mesure où l'Ours Noir n'était pas encore officiellement ouvert au public en ce jour.
Voilà un moment que le difforme saltimbanque n'avait pas reparu à la taverne, lui pourtant client régulier. Il fallait dire que les récents événements ne l'avaient pas mis dans la disposition à être fêtard comme si de rien n'était. Hyriel, leur ami commun, avait frôlé le bûcher pour le simple crime de soigner, sans diplôme, des pauvres gens... et d'être estropié - ce qui lui valait bien sûr tous les soupçons de diablerie. Quant à Louise... elle avait été flagellée pour avoir embauché un "sorcier" susceptible d'aider les filles du Lupanar. Au moins, l'ancienne gérante de la maison close se remettait de son supplice : ces derniers jours, Lénius était régulièrement venu prendre de ses nouvelles. Il se réjouissait de la voir sur pieds, prête à chercher un nouvel emploi. Quant à Hyriel, ils avaient fait du beau travail tous ensemble ! Sauvé du bûcher. Une évasion rondement menée par la jeune Cassandre, Phaïdée, Louise et lui-même. Au palais royal, Eymar avait également joué son habile partition, faisant circuler de folles rumeurs quant à l'herboriste infirme. Lénius n'avait aucune idée d'où se trouvait son ami désormais... Sûrement loin, le temps de se faire oublier. Mais au moins était-il sauf. Et tôt ou tard, ils se reverraient.

L'animation qui lui parvenait encore depuis la rue le sortit de ses pensées. Juste avant de rentrer dans la taverne, il avait étiré comme de coutume un large sourire provocant, en réponse aux remarques déplacées jaillies autour de lui sur le trottoir alors qu'on le pointait du doigt : "Argh ! T'as vu ?" "C'qu'il est moche !" "C'est un morceau de cathédrale ma parole !" "Ou du Diable... C'est contagieux ?" Lénius avait toujours envie de répondre : "Moins que ta connerie."
Du haut de son trône roulant, il avisa la nouvelle tenancière, toujours en conversation sérieuse avec Louise. Jolie femme. Beau maintien. Une chevelure vénitienne, dont un rai de soleil découpait les contours sur le mur sombre derrière elle. Des pommettes saillantes, des lèvres dont l'ourlet se faisait avenant pour assurer prochainement le bon accueil. Depuis quand était-elle en poste ? Quelles circonstances l'avaient amenée à remplacer Madame Lefèvre ? Décidément, Lénius avait manqué des choses ces derniers jours. Mais il ne tarderait pas à en savoir davantage. Au dos de son fauteuil roulant, il surveilla d'une lorgnade que personne n'avait touché à sa lyre, qui y restait suspendue à l'abri dans sa housse.

Enola entendit des rumeurs moqueuses de la rue. Elle n'avait pas complètement fermé la porte après l'entrée de Louise afin de laisser de la lumière filtrer. C'est alors qu'elle vit entrer du coin de l'oeil une personne en fauteuil roulant. Qui cela pouvait-il bien être ? Se demanda-t-elle. Enola perçut un échange de signe de la tête entre Louise et le nouvel arrivant, comme s'ils se connaissaient. Elle reporta son attention sur Louise, après tout elle ne pouvait pas être au four et au moulin.

Elle rendit son sourire à Louise, chacun avait son passé, et cette dernière eut le courage de lui en parler ; après tout, elle aurait pu mentir.


Merci d'avoir répondu avec franchise à mes questions, ça n'a pas du être facile. Pour ma part, le passé ne concerne que celui auquel il appartient. Et j'ai le sentiment que vous êtes à même de gérer une situation difficile avec un client.

Je vois également que le travail ne vous fait pas peur. J'ai peut être un poste pour vous ici. Voici ce que je vous propose : venez ce soir un peu avant l'ouverture, nous ferons un essai pendant quelques heures. Si vous convenez, alors je réfléchirai pour vous employer. Cela vous va-t-il ? Je vous laisse quelques minutes de réflexion, je vois que nous avons un invité près de l'entrée.

Enola se tourna vers l'infirme d'un air interrogateur. Contournant le comptoir, elle s'avança vers lui et découvrit un homme au physique ingrat, avec des membres noueux, assis sur un fauteuil roulant, derrière lequel dépassait un sac qui semblait contenir un objet précieux pour l'homme, au vu des regards qu'ils lançaient derrière lui, comme si quelqu'un voulait lui voler.

Bien le bonjour, les quolibets que j'ai entendu dehors vous étaient-ils destinés? Que puis-je pour vous ? Nous ne sommes pas encore ouverts, j'étais en discussion avec la femme assise là-bas, peut-être la connaissez-vous ?

Enola ne sut définir l'âge de cet homme. C'était bien la première fois qu'elle voyait un être pareil, que la nature n'avait pas gâté. Mais il semblait s'en accommoder et elle ne se voyait pas le jeter dehors sous prétexte d'un physique déconcertant. Elle attendit que son nouvel hôte lui réponde.

Lénius n'avait pas manqué le regard interrogateur de la nouvelle tavernière à son attention. Il les aura saluées de loin, se sera installé à table avant de laisser Louise et la jeune femme terminer leur conversation. Celle-ci semblait importante - et son amie satisfaite, de ce qu'il voyait de loin depuis son poste. Puis la tenancière avança vers lui. L'invalide apprécia de ne sentir nulle méfiance, nulle curiosité déplacée, nul dégoût dans son regard. Au contraire, elle était avenante. Il lui sourit donc volontiers, mais de l'un ce ses sourires quelque peu pincés visant à dissimuler le plus possible le chantier débraillé de sa dentition. Sa voix sonore et chantante engagea :

-- Bonjour Madame. (Jetant un coup d'œil vers la rue, avant de répondre au sujet des injures) Oui, je le crains. Mais ne vous inquiétez pas, j'ai le cuir dur et l'habitude depuis le temps. (Empruntant une fausse fierté comique) Et vous savez, je suis très économe de ma colère, il y aurait trop de nécessiteux.

Colérique, il l'était. Mais disons qu'il réservait cela à certains salauds de premier choix. Des ordures de haute catégorie qui avaient ruiné sa vie, celle de ses parents, celle de ses amis Tristan, Louise, Hyriel... Sans oublier le roi et son gouvernement qui causaient tant de malheur. Les petites frappes des boulevards, à côté, relevaient du cadet de ses soucis. Lénius se pinça la lèvre, quelque peu gêné, quand la tavernière souligna que l'établissement était censé être fermé - il craignit d'avoir commis une bévue en entrant et déclara aussitôt :

-- Désolé, la porte était restée entrouverte et j'ai suivi mon élan à me glisser dans les pas de mon amie.

Il pointa Louise du menton, avec un sourire. Et justement, alors que la tenancière désignait elle aussi Louise et l'interrogerait au sujet de leur possible lien, cette dernière approcha. Il l'accueillit d'une mine aussi ravie qu'enjouée. Sa grosse paluche vint recouvrir la main que son amie lui posait à l'épaule dans ce geste fraternel qu'ils avaient souvent, en particulier depuis qu'il n'était plus son client au Lupanar. Désormais, elle était une amie chère. Il sourit et hocha la tête à la flatteuse présentation qu'elle faisait de lui auprès de la tavernière.

-- Merci, merci beaucoup. Eh oui ! Faute de régaler les yeux je m'emploie à réjouir les oreilles par un peu de poésie lyrique et de musique. (un temps, à la tenancière) Enola ? Voilà un charmant prénom. Exotique, n'est-ce pas ? Seriez-vous originaire d'ailleurs que de Monbrina ? C'est en tout cas un vrai plaisir que de faire votre connaissance et vous ne manquerez pas d'avoir à souvent me supporter, en tant que client régulier de ce chaleureux établissement ! Soyez la bienvenue à sa tête, d'ailleurs.

Dans son entrain, il se retourna vers Louise qui prenait de ses nouvelles.

-- Bien, je te remercie. La routine reprend... Les chansons dans les rues, les numéros comiques pour qui m'en demande, quelques virées dans le château d'un tel ou un tel afin de les divertir. Et toi ? Quelles sont les nouvelles ?

...Depuis leur dernière entrevue, il y avait quatre jours. Il songea à sa santé. Comment allait son dos ? La rémission de ses blessures ? Et sa recherche d'emploi, pourvu qu'elle ne vive pas encore trop longtemps avec cette nouvelle difficulté. Il gardera cependant sa question assez ouverte pour laisser le soin à Louise de confier ce qu'elle souhaitait, et de cacher ce qu'elle désirait en présente d'une tierce personne.