[9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
[9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Une semaine s'était écoulée depuis qu'Ernestine, la petite servante en charge du bon approvisionnement du domaine de Monthoux, était allée en ville passer commande d'un nouveau lot de paniers. Les jardiniers de Monsieur le comte de Madame la comtesse avaient besoin de remettre à neuf leur petit stock. Il en fallait également un de plus en cuisines. Pleine de bonne volonté, Ernestine s'était renseignée : un certain Marc Duchamp s'était tout récemment établi à Braktenn comme vannier. Pourquoi donc ne pas lui faire bon accueil en étant l'une des premières à lui passer commande ? Elle avait découvert un homme de petite taille, au physique étrange, mais la pieuse domestique ne s'en était pas formalisée : seul comptait la qualité de son ouvrage et la probité de son commerce. Et le pauvre devait déjà bien assez avoir de mauvais regards comme cela, elle était certaine qu'il en perdait des clients superstitieux. Son choix s'était donc porté sur lui.
Le jour était levé sur la riche propriété du seigneur de Monthoux. La livraison serait pour ce matin-là. Malheureusement, une affaire urgente retenait Ernestine à d'autres besognes et ce serait Marthe - la teigneuse et râpeuse intendante - qui réceptionnerait la commande. La vieille pie savaient seulement que des paniers devaient être convoyés céans mais Ernestine, dans le feu de l'action, n'aura en rien évoqué la personnalité de l'artisan et encore moins... son physique. Il fallait dire que pour la petite servante, cela n'avait pas à faire l'objet d'un avertissement spécifique - à plus forte raison qu'elle ignorait l'étendue de la fixation de la pète-sec contremaître sur les phénomènes humains. Autant dire que Madame Marthe ne s'attendait en rien à ce qui allait se présenter.
Elle menait sa petite ronde de surveillance dans le parc du château. Son œil d'aigle harponnait le moindre faux pas des esclaves à la corvée de déblayage - en ce jour de décembre où un peu de neige venait de tomber. Elle épiait aussi les allées et venues des domestiques. Notamment du jardinier estropié qui officiait dans la serre de la comtesse Kalisha. La vieille pie ne digérait pas les remontrances subies de la part de Madame, alors qu'elle avait, la veille, été dans ses doits en giflant ce serviteur aux béquilles fort peu précautionneux. Qu'il file doux, celui-là. Entre deux inspections de travaux, ses yeux remontaient le long des élégants murs rosés du château, de ses statues, de ses petits balcons ornés de branches un peu trop décharnées en cette saison... mais les fleurs reviendraient les décorer au printemps.
On lui annonça alors l'approche de quelqu'un au portail. Une immense grille cuivrée qui faisait le tour du fief et de ses jardins. Ses multiples portes étaient rehaussées d'arabesques et de lettrines soucieuses de faire connaître à n'importe quel visiteur le prestige du maître des lieux. Des gardes ne relâchaient pas leur vigilance. Après avoir reçu l'autorisation de leur part - non sans que les soldats adressent eux aussi leur lot de regards surpris au petit homme - ce dernier allait pouvoir se présenter pour remettre la commission. Marthe avança vers la grille qu'un vigile ouvrait. Elle plissa les yeux, son nez de tordit d'une grimace mauvais signe : voyait-elle bien ce qu'elle voyait ? Serait-ce bien la silhouette d'une demi-portion qui se dessinait devant elle tandis qu'elle approchait ?
@Marc Duchamp @Hyriel Radgery
Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Marc s’avançait d’un pas peu assuré tandis qu’il tentait de se rappeler du chemin pour, déjà, sortir du quartier des artisans — une grande aventure en soi pour des pas et pieds aussi petits que les siens, il en avait bien conscience — et rejoindre la route qui menait à Monthoux. Connaissant son sens de l’orientation, qui brillait par son absence légendaire, il partait très tôt pour s’assurer d’arriver sur place à une heure raisonnable. Sa bourrique, une brave petite ânesse du nom de Carotte — et il n’avait aucune honte à avouer qu’il appréciait le prénom qu’il lui avait donnée —, ne se plaignit pas une seule fois durant tout le trajet, même après être passée trois fois au même endroit. Plusieurs fois, Marc tenta de demander son chemin aux âmes qu’il aurait crues bonnes et qui passaient par là, mais la patte d’oie rouge tissée sur son torse en éloigna plus d’une. Ce furent finalement une jeune femme et sa fille — déjà plus grande que lui —, venues de Monthoux pour se rendre à Braktenn, qui lui indiquèrent le chemin. Il les remercia chaleureusement et se promit de retenir leurs visages au cas où il croiserait à nouveau leur route.
Quand il arriva enfin à destination, Marc mit pieds à terre pour soulager un peu Carotte. Oh, pour sûr, il ne pesait pas bien lourd et les paniers qu’il transportait ne risquaient pas de la surcharger, mais il tenait beaucoup à elle et ressentait également le besoin de se dégourdir un peu les jambes. Heureusement pour lui, le château brillait tellement — littéralement, avec toutes ses grilles luisantes qui puaient plus la richesse que l’oseille qu’il accumulerait au terme de toute une vie — qu’il n’eut aucun mal à se repérer. Un soupir de soulagement accompagna son lever de yeux au ciel devant tant d’opulence et il poursuivit sa route dans cette ville qu’il ne connaissait ni d’Ève, ni d’Adam — si ces deux branquignols avaient seulement existé.
Il tâcha d’ignorer les regards tantôt suspicieux tantôt hargneux que certains, qui pétaient vraisemblablement plus haut que ce que leur derrière aurait pourtant dû leur permettre, lui jetaient. Il avait connu pire. Bien pire. Les jugements de ces corniauds-là lui passaient par-dessus la tête — littéralement, une fois encore. Même les expressions surprises des gardes n’égratignèrent pas sa personne. Visiblement bâtis comme des buffles mais rien dans le crâne, ceux-là, au contraire de sa brave petite Carotte. Et l’on disait bête comme un âne ?
Marc préféra se concentrer sur sa marche, souhaitant s’épargner une mauvaise chute par ce temps froid qui rendait le sol glissant. Mais au moment où il passa la grille et vit la silhouette d’une femme austère, aux habits noirs mornes et peu flatteurs, le nez retroussé dans une expression de dégoût à peine dissimulé, il sut que ce serait une autre paire de manches que cette énergumène-là. Sans se décourager, il leva la tête dans sa direction et lui adressa son plus beau sourire — qu’elle ne méritait certainement pas, mais les affaires étaient les affaires, avec tout leur lot d’hypocrisie et tout le tralala.
« Bien le bonjour, ma bonne dame ! Je me présente : Marc Duchamp, vannier de Braktenn. Je viens apporter la commande de paniers pour Monsieur le comte et Madame la comtesse qu’une certaine Ernestine a passé auprès de moi la semaine passée. »
Il indiqua à tour de rôle les paniers en saule, châtaigner, noisetier et osier suspendus sur le dos de Carotte, aussi sérieux que possible dans sa présentation des différents produits demandés. Avec un peu de chance, face à tant de professionnalisme, la femme qui le toisait d’un air mauvais verrait qu’il n’était pas un mauvais bougre. Même si son instinct lui disait qu’il valait mieux ne pas trop compter là-dessus.
Invité- Invité
Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Le petit homme avait beau lui sourire, il ne lui disait rien qui vaille. Avec son drôle d'insigne cousu à son vêtement, la cicatrice qui lui courait le long de la face, son poignet tors et sa taille de demi-portion. Faisant décidément fixette sur la marque à son habit - une patte d'oie - Marthe se demanda ce que cela pouvait bien signifier. Et si... Cette cruche d'Ernestine leur aurait-elle ramené un ladre ? Ou la victime de quelque autre pathologie dangereuse ainsi désignée ? L'intendante se pinça la lèvre. Gênée, elle laissa ses yeux s'échapper tantôt vers l'âne chargé des paniers, tantôt en arrière - sur Louis qui travaillait sagement sur son banc à astiquer les outils de jardinage.
La court-sur-pattes ramena son attention à lui en prenant la parole. "Ma bonne dame" - mais il s'entendait, celui-là ? Il s'adressait à la contremaître d'un domaine - la supérieure de tous les travailleurs de Monsieur le Comte, gens libres comme esclaves. Ses petits yeux retombèrent sur la face carrée du lascar. Elle croisa les bras, inexpressive à sa présentation, et hocha seulement la tête en se voyant confirmer qu'il était le livreur des paniers qu'Ernestine s'était chargée de commander.
-- Êtes-vous malade ? lâcha-t-elle après avoir reculé d'un pas pour garder ses distances au cas-où. Puis elle fit quand même l'effort d'inspecter le lot de paniers de bonne qualité sur le dos du baudet, pour commenter après avoir fait ses vérifications sur une liste qu'elle venait de tirer de sa poche : Bon. Le compte y est. Et je vois que la somme vous a déjà été réglée. Ernestine s'en était occupée, d'après le document.
S'il était marqué comme ladre ou que savait-elle encore, mais allait malgré tout lui-même faire des livraisons... quelle inconscience ! Provocation ? Déficience ? Si toutefois il n'avait rien, alors pourquoi ce symbole ? C'était louche.
Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Marc savait que la situation risquait de mal tourner, mais il s’était promis, par respect pour Martin comme pour la profession de vannier, d’honorer ses premières commandes sans provoquer de vague — une spécialité qui lui avait valu, quand il travaillait encore pour le compte de son frère, à rester à l’oseraie ou à ne faire les livraisons qu’en sa compagnie, jamais seul. Il garda le sourire. Si problème il devait y avoir, il n’en serait pas la cause, promis. Tant que la… — eh bien, il ne savait même pas qui elle était, sinon qu’elle était travaillait pour le comte et de la comtesse, donc elle devait probablement être une servante, comme Ernestine. Voilà, ce devait être ça. Tant que la servante, donc, ne critiquait pas ses paniers, réguliers, robustes, et même plutôt jolis même si ce n’était pas leur fonction première, Marc tiendrait sa langue. Mais il n’en pensait pas moins.
Le cagot avait fait bien attention à ne pas toucher directement les paniers au moment de détailler la commande, au cas où les superstitions avaient bel et bien rongé le peu d’intelligence dont la femme en face de lui devait être dotée au vu de ses réactions. Comme il s’y était attendu, elle n’avait fait preuve d’aucun enthousiasme lors de la présentation, probablement trop absorbée dans des craintes sans fondement. Tant pis. Au moins avait-il déjà été payé et honoré la commande en temps et en heure. Il aurait tout de même préféré avoir affaire à Ernestine, qui lui avait fait bonne impression en faisant fi de l’insigne qui l’ostracisait — d’autres évitaient sa boutique comme la peste, à croire que c’étaient ses confections, les ladres, et lui le vil esprit qui leur donnait corps.
Si Marc avait presque dû se pincer les lèvres pour éviter un sourire un peu trop enjoué, un peu trop moqueur quand la servante lui posa sa question ridicule, son pas en arrière lui arracha un rire aussi bref que franc. Il s’en voulut aussitôt, mais il était trop tard : il n’avait pas pu s’en empêcher.
« Pardonnez-moi, ma bonne dame, c’est que je ne m’attendais pas du tout à cette question ! » Bon, elle penserait ce qu’elle voudrait de sa réponse. Il tenta de se rattraper sans provoquer de remous supplémentaires : « Vous n’avez jamais affaire à des cagots, par ici ? Ma foi, je ne suis pas plus malade que v… vos collègues jardiniers, par exemple. Mais vous n’avez rien à craindre, ne vous en faites pas. » Ouf, il n’était pas passé loin de la catastrophe, mais il avait bien rattrapé. Il ne lui restait plus qu’à espérer que le reste de la transaction se passe sans encombre et à rentrer chez lui en espérant ne plus jamais croiser la route de cette femme peu avenante. Il enfila ses gants et ajouta : « Je vais déposer les paniers moi-même, comme ça vous n’aurez pas à toucher quoi que ce soit, si cela peut vous rassurer. Indiquez-moi le chemin, je vous suis. »
Invité- Invité
Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Il rit de son pas en arrière. Eh bien quoi ? N'avait-elle pas motif à se protéger en présence d'un ladre ? Ou se moquait-il ? Que se passait-il... Elle fronça les sourcils et son regard se fit plus coupant encore quand il réitéra son "ma bonne dame" : il la prenait pour une simple servante au même titre que l'Ernestine ou cet éclopé de Louis et ses trois camarades ? Elle portait pourtant un habit d'excellente facture témoignant de sa place élevée dans la hiérarchie. La demi-portion n'avait apparemment pas conscience de ces subtilités.
Au moins, la suite la rassura : elle ignorait ce qu'était un cageot - cependant sa réponse signifiait qu'il n'était donc ni un ladre, ni malade d'aucune façon. Elle hocha sèchement la tête avant de se retourner vers le béquilleux et ses trois collègues, occupés juste derrière à nettoyer leurs outils, quand il les lui mentionna. Parfait. Or il proposait de déposer lui-même les commandes sans qu'elle n'ait à les manipuler, ce qui ne serait pas de refus au cas où il mentait : les gens de leur espèce étaient fourbes. Il n'y avait qu'à se rappeler du cinéma du Louis, la veille, alors qu'une petite giflette et une chute ne pouvait pas lui avoir fait si mal que cela aux côtes. Il n'était pas en verre ! Non, c'était pour se faire plaindre par Madame la comtesse Kalisha et sa belle fille. Marthe n'en supposait donc pas mieux de la part du nabot.
-- Parfait. Et non en effet, je n'ai jamais eu affaire à un cageot. Dieu m'en préserve, nous avons eu assez d'ennuis avec des estropiés et autres bizarres dans ce domaine, songea-t-elle : cette godiche de Claire-Marie, et maintenant Louis imposé par Madame la comtesse. Dans ce cas, allez donc les remettre, justement, au jardinier aux cannes, là bas. Avec ses collègues, ils s'occuperont de les répartir : quelques-uns sont pour eux, les autres pour les filles de cuisines. (Et puisque le livreur n'avait pas fait d'histoire - lui, au moins - elle se fendit tout de même d'un) Merci. Bonne journée.
Et l'intendante ne se fit pas prier pour se retirer. Ce n'était du reste pas mal joué : si le cagot avait menti - ce que elle, innocente et de bonne volonté à croire ce qu'on lui disait, n'aurait pas suspecté - et que le béquilleux ou un de ses amis se retrouvaient avec quoi que ce soit de fâcheux, il y aurait une excellente raison pour inciter Monsieur le comte à les remercier. Marthe retraversa l'allée. Après un dernier coup d'œil décoché de loin au nabot et à l'éclopé, elle retourna à sa supervision des services du château. Des gardes surveillaient du reste que tout se passait bien dans le parc et ouvriraient les grilles au livreur quand il s'en retournerait.
Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Un peu de neige était tombé dans la nuit. Malgré tout, la température n’était pas insupportablement froide, aussi Hyriel, Eugène et Florentin travaillaient-ils à l’extérieur, pour une fois, et plus précisément au lavage des outils. Hyriel en faisait le moins possible, mais pas par fainéantise : en attendant le retour de Guillaume avec les anesthésiants qu’il lui avait demandés, sa côte lui faisait souffrir le martyr, et la bouger n’aidait pas. Ainsi, ses cannes à côté de sa chaise par principe, même si Florentin se chargeait de le transporter, il lavait les petits outils dans un baquet sur ses genoux pendant que les deux autres se chargeaient des plus grands.
Quand cette chère dragonne est passée inspecter leur travail, tous trois l’ont saluée avec un respect de façade avant de se remettre à leurs outils. Ils étaient de loin plus intéressants qu’elle. Toutefois, Hyriel ne put s’empêcher de suivre à distance l’échange entre la pie et un visiteur. Il n’entendait pas tout mais aux expressions de dinde offusquée de la madame, ça devait être très amusant ! Pauvre gars, il espérait tout de même qu’il ne s’en prenne pas trop… À en voir sa tête, toutefois, il semblait conscient de la tempête et l’herboriste en éprouvait de la compassion pour lui. Pas facile d’être « différent » face à la chouette enragée, il en connaissait un rayon, malheureusement.
Il passa la main sur sa côte en regardant la fin. Elle semblait l’envoyer vers lui. Bah, tant mieux en fait. L’herboriste-jardinier la regarda donc partir mais pas trop longtemps : il préféra sourire au rescapé qui s’approchait de lui, avec un l’air perdu de celui qui se demande à quoi il vient d’échapper. Quand il fut assez proche, les deux autres se redressèrent également, Florentin avec un air cordial et Eugène avec son expression neutre habituelle, et Hyriel inclina la tête avec un sourire malicieux.
« Salutations ! Alors, toujours en vie ? Que puis-je pour vous ? »
Il avait certes avisé les paniers mais préférait ne pas prendre trop d’initiative. Et puis le gars paraissait assez secoué comme ça, pas la peine de le brusquer.
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Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
D’abord un peu surpris par la réaction de la servante — n’avait-il pas clairement dit très bien, je vous suis ? —, Marc hausse les sourcils. Puis, son regard suit la direction indiquée et il aperçoit, un peu plus, trois hommes qui semblent prendre grand soin de leurs outils. Ah, des collègues jardiniers ! En voilà une bonne nouvelle ! Depuis son plus jeune âge, il passait sa vie soit à l’oseraie familiale, soit à l’atelier de son… frère. Inconsciemment, il se mord les lèvres. Le voilà seul, à présent, à la charge d’une boutique qui ne porte que son nom. Puis, il se reprend : ces gaillards-là doivent avoir plein de choses en commun avec lui. Le dur labeur dans les champs, ça le connaît. Et puis, une part un peu plus vile de lui a hâte d’entendre quelques ragots sur la pètesec qui semble — bonjour l’euphémisme — ne pas les porter dans son cœur, si tant est qu’elle en possède vraiment un.
« Oh, euh, d’accord, je m’y rends de ce pas ! » Son ton est un peu hésitant au début, mais il sourit amicalement — un sourire qui, au fond de lui, est en train de lui arracher son âme et manque de les lui faire recracher par les trous de nez. « Merci et bonne journée, ma bonne dame ! »
Marc retient son soupir de soulagement jusqu’à ce que Madame Aucun Intérêt lui tourne le dos. Elle le fuyait ? Bon sang de bois, ce n’était pas trop tôt, bon débarras ! Et par pitié, qu’elle ne revienne pas ! Il n’était pas sûr d’être doté d’assez de patience pour supporter une seconde manche, et pourtant, de la patience, ce n’était pas ce qu’il lui manquait. Mais certaines personnes avaient le don de lui ôter tout désir de civilité, et dans ces cas-là, sa langue retorse brûlait de pouvoir se délier. Enfin, une promesse était une promesse, et tout s’était à peu près passé convenablement.
Un peu perdu malgré tout, Marc prend le temps — comme toujours — de tapoter l’encolure de son ânesse dans un geste qui le rassure tout autant qu’elle, puis il prend les brides en main. « Allez, suis-moi, gentille Carotte, ce n’est pas encore fini. » La bourrique obéit sans broncher et avance à une allure aussi lent et tranquille que celle de son propriétaire. Il ne se presse pas pour venir à la rencontre des trois jardiniers, même si l’un d’entre a immédiatement attiré son regard — un estropié, comme lui. Enfin, peut-être pire que lui, il ne sait pas trop. Le gars semble en avoir bavé, entre ses atteles et ses béquilles pour des jambes qui lui semblent aussi peu fonctionnelles que son poignet paralysé. Marc éprouve aussitôt un élan de sympathie à son égard. Rares sont les accidentés de la vie qui s’en prennent à des gus tout aussi éclopés qu’eux, lui en tout cas préfère tenter d’en tirer quelque chose de positif.
Justement, l’homme arbore un sourire espiègle malgré son air un peu douloureux quelques instants plus tôt — sont-ce ses jambes qui le font souffrir à ce point ? La mine de Marc s’éclaire, il regarde dans la direction qu’a prise la servante avant de répondre — sait-on jamais qu’elle réapparaisse. « Je n’en suis pas très sûr, j’essaie encore de comprendre à qui, ou plutôt quoi, je viens d’échapper ! Elle est tout le temps comme ça, celle-là ? Comment vous, vous survivez ? » Bon, il doit bien l’avouer, là-dessus, il s’est un peu lâché. Il espère désormais que ça ne lui portera pas trop préjudice mais, dans le pire des cas, il ne lui restera plus qu’à déposer la livraison là et basta. « Elle m’a demandé de vous déposer tout ça, comment voulez-vous qu’on procède ? »
Invité- Invité
Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Non sans un sourire attendri, Hyriel nota le petit mot glissé à l’ânesse. Voir cet homme traiter aussi gentiment un animal le conforta dans son idée que c’était loin d’être un mauvais bougre. Il le regarda donc approcher en continuant d’astiquer quelques outils et s’efforça de sourire malgré tout quand il fut proche. Lui aussi guetta les alentours, à l’affût d’une présence de mauvais augure, mais la Marthe avait bel et bien fui.
La réponse l’amusa, il ne chercha pas à retenir un souffle de rire, et à la question qui suivit, il ne put que soupirer, autant étonné qu’abasourdi, sans s’apercevoir que sa main se portait d’elle-même à sa côte.
« Je me le demande tous les jours, surtout qu’elle m’apprécie encore moins que vous, je le crains. Quant à savoir si elle est tout le temps comme ça… je dirais que ça dépend avec qui : elle est de manière générale – et particulièrement quand vous n’êtes pas un “être humain parfait”, si je puis dire – un dragon croisé chouette avec des ascendances de fennec et de pie. En revanche, mettez-la à côté du maître de maison et vous aurez la plus douce et mielleuses des intendantes. »
Il prit un temps pour reconsidérer son propos, voir s’il n’avait rien oublié, et hocha la tête. Ça lui semblait correct.
Il avisa alors le chargement de paniers et y réfléchit à haute voix.
« Je pense que vous pouvez les déposer là et nous nous chargerons du reste, mieux vaut sans doute pour vous que vous évitiez de vous approcher du manoir si tôt après une telle rencontre avec son dragon. Enfin c’est vous qui voyez… »
Il haussa un sourcil interrogateur, lui laissant le choix.
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Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Le courant semble bien passer entre… Et bien, le… le jardinier à béquilles et lui, voilà. Enfin, non, ça ne va pas, ce n’est pas très respectueux, mais Marc se rend compte avec un peu de honte qu’il n’a pensé ni à se présenter, ni à s’enquérir de l’identité des trois hommes qui lui font face. Et maitenant que la conversation est engagée, il se voit mal demander, comme ça, l’air de rien : au fait, comment dois-je vous appeler ? Le cagot retient un soupir : décidément, le social et lui ne font pas bon ménage… Encore heureux que son intervention ait fait rire son vis-à-vis, tiens.
Marc rit de la réponse de son vis-à-vis et en rajoute une couche — une toute petite, c’est promis : « Et je parie qu’il n’y a que le maître de maison pour la porter dans son cœur, c’est ça ? Je comprends mieux pourquoi elle est aussi désagréable ! » Il affiche un sourire satisfait, mais voir la main du jardinier se poser un peu étrangement entre le torse et le bassin lui fait froncer les sourcils. Hors de question de lui faire porter quoi que ce soit, à celui-là, sa conscience professionnelle le lui interdit. Entre ses béquilles et ça, quoi que ce ça puisse être, il s’en voudrait de le mettre dans un état encore plus pénible qu’il ne l’est déjà, et le pauvre semble avoir du travail par-dessus la tête. Cependant, le cagot connaît très bien la fierté parfois mal placée qui peut caractériser les stigmatisés, et il ne désire pas froisser son interlocuteur, qu’il ne connaît pas assez pour savoir si ce dernier souffre de ce même petit défaut que lui. Alors, il décide de retourner les paroles de l’homme aux béquilles contre lui pour lui épargner cette peine : « Et vous voudriez vous exposer à ce dragon-chouette-fennec, comme vous dites, alors qu’elle vous en veut plus qu’à moi ? » Il a volontairement évité de la traiter de pie, car il aime les pies, ce sont à ses yeux de très beaux oiseaux, qu’importe ce qu’on en pense. « Vous vous la coltinez tous les jours ; moi, si ça se trouve, je ne la reverrai jamais, je ne risque pas grand-chose. Foi de Marc, je vais vous aider ! » Son ton laisse clairement entendre que sa décision est prise, et il en a même profité pour se présenter discrètement. Deux bonnes choses de faites, donc.
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Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
La surenchère du vannier ne manqua pas de faire rire Hyriel, ainsi que Florentin derrière – Eugène, lui, esquissa un sourire.
« Exactement ! Ces deux-là sont faits pour s’entendre. Mais juste entre eux. »
Parce qu’avec les autres… la côte d’Hyriel s’en souvient. La suite le laissa pantois. Il en redemandait, en plus ? Il avait le mérite d’être courageux… ou insensé. Un regard à Florentin lui apprit qu’il pensait de même et s’approcha.
« C’est très gentil mais vous êtes sûr ? Non parce que si besoin, je connais les couloirs pour l’esquiver, moi, mais vous… Sinon, je vous accompagne, si vous voulez. »
Non parce que quand même, si la Marthe l’avait pris en grippe, mieux valait qu’il ne tente pas le diable, quoi…
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Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Marc lâcherait bien une blague salace sur le compte du maître de Monthoux et de sa grande admiratrice au caractère de cochon — et peut-être un poil cochon tout court, qui sait quelles pensées l’habitent ? Toutefois, le cagot ne sent pas assez à l’aise, avec ces trois inconnus qu’il rencontre à peine et dont il ne connaît malheureusement toujours pas les noms, pour se permettre ce genre d’écarts de conduite.
Le vannier n’oublie pas non plus qu’il est en pleine livraison, et non pas en train de casser du sucre sur le dos des autres avec Marie, qu’il n’a plus revue depuis… Depuis que son frère est mort et que lui, le benjamin, a été en quelque sorte chassé de la famille malgré les protestations de la cadette. Sa décision de partir, pour s’épargner des peines interminables, était pour le mieux, mais Marie l’a très mal vécue. Enfin, qu’importe, il se rattraperait bientôt. Il songeait justement à partir en forêt lui trouver quelques plantes médicinales pour son fils et sa fâcheuse tendance à se blesser en toutes circonstances. De la fratrie, Marc a toujours été le seul à chercher plus loin que la vannerie. L’herboristerie lui réserve encore bien des secrets, mais il est sur la bonne voie.
Marc rigolera de sa farce avortée en solitaire, à l’atelier, ou soufflera ses honteuses mais drôles diableries aux oreilles innocentes de Carotte, auprès de laquelle il ne saurait se compromettre. Il se contente donc d’un « Oh, pitié, je ne veux pas imaginer ça » sur le ton de la plaisanterie et en se cachant les yeux, tout sourire. Presque aussi efficace, les risques en moins. Parfait pour clôre cette partie-là de la conversation.
Quant aux risques qu’il encourt à se promener dans le domaine, les bras chargés de paniers, Marc se dit justement que se voir accompagné d’un des trois employés devrait lui permettre de s’en sortir sans trop de souci face au dragon. Si tant est qu’ils le croisent encore, ce qui pourrait tout aussi bien ne jamais se produire. Quelles seraient les chances ? « Mieux vaut que ça tombe sur moi que sur vous trois réunis, ça vous fera un instant de répit et je pense pouvoir encaisser sans souci, j’ai l’habitude de ce genre d’individus. » Merci maman et papa, hein… « Mais je veux bien un guide, mon sens de l’orientation est… disons, discutable. Et puisque c’est si aimablement proposé, je ne peux pas vraiment refuser ! » Il se tourne vers le grand homme aux béquilles et ajoute : « En attendant, je vous laisse Carotte. Les paniers pour les jardiniers sont de là, ceux pour les cuisine ici. Je reviendrai vite et elle est très sage, elle ne vous posera pas le moindre souci. » Sur ces mots, il récupère, en plusieurs gestes experts malgré sa main déformée, tous les articles destinés aux cuisines. Et le voilà prêt à s’introduire dans le manoir et, s’il le faut, affronter à nouveau son dragon.
Invité- Invité
Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
La conclusion du vannier sur les ragots fit sourire – voire ricaner, dans le cas de Florentin – les trois compagnons. Pour la suite, ils ne cachèrent pas leurs réticences à le laisser aller seul mais durent bien convenir par des regards entendus qu’il avait raison : mieux valait qu’ils ne se fassent pas remarquer, surtout Hyriel. Florentin, toutefois, ne craignait pas grand chose, aussi se proposa-t-il pour accompagner. Il souffla de rire à la mention de son sens de l’orientation et posa ses outils.
« Pas de soucis, je suis votre homme ! »
Hyriel et Eugène, pour leur part, acquiescèrent aux instructions.
« Parfait ! Carotte ne craindra rien avec nous. Et encore merci à vous ! »
Eugène s’approcha de Carotte avec prudence et respect, puis tendit la main vers elle pour la saluer, très calme, pendant que Florentin observait le jeu des paniers.
« Vous voulez que je vous en prenne un ou deux ou ça va aller ? »
Et tout en marchant, il continua la conversation.
« D’ailleurs, j’m’appelle Florentin. Et vous ? Marc, c’est ça ? »
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Re: [9 décembre 1597] Une livraison au goût salé
Marthe était retournée à ses activités de supervision du côté des cuisines et réserves. Elle avait déjà oublié ce livreur de paniers laissé aux soins du jardinier et de ses aides. Elle n'avait pas que cela à faire ! Et elle reportait sur eux tout éventuel problème. L'intendante était donc occupée à donner des directives aux petits employés du château, dans un incessant ballet d'allées et venues auprès d'elle qui aimait orchestrer les gestes des uns et des autres. Il était intéressant de tenir une grande partie des ficelles du domaine en coulisses.
Elle interrompit l'une de ses prises de note dans le récapitulatif des tâches de la journée, en voyant dans l'embrasure de la porte des silhouettes s'approcher d'elle. Marthe ne discernait pas encore de qui il s'agissait mais espérait que ce soit pour une bonne raison.
» [26 décembre 1597] La bibliothèque
» [30 Décembre 1597] Récidives ?
» [10 décembre 1597]Hasard
» [22 Décembre 1597] L'invitation de la forêt