[22 Décembre 1597] L'invitation de la forêt

Depuis deux jours, Cassandre recherchait son ami Nicolas mais il était introuvable. aucun de ses contacts ne l'avait aperçu. Il se cachait quelque part. Ou alors il était arrivé quelque chose. Pour être sûre, elle avait été vérifié dans les cimetières, au cas où, mais aucun fossoyeur ne se rappelait s'être occupé du corps d'un petit garçon qui répondait à la description de son ami. Il était juste... ailleurs. Elle entreprenait alors de fouiller la ville, dans tous les endroits possibles, pour trouver le refuge de son camarade. Au moins, ça l'occupait et ça l'empêchait de penser à Hyriel.

Finalement, après tous ces efforts, elle avait su remonter des informations, glanées ici et là, qui lui avaient permises de découvrir qu'un garçon semblable à Nicolas aurait été vu quelques jours plus tôt, rôdant dans un vieil entrepôt près du port.



Depuis l'arrestation de cet homme aperçu dans sa cage, qu'on disait être un sorcier, Nicolas n'était pas sorti du grenier de l'entrepôt où il logeait clandestinement. Personne ne venait ici. L'entrée, discrète, située en hauteur, dissuadait les gêneurs. Même les autres enfants des rue ne venaient pas là. L'accès était trop compliqué et demandait d'escalader deux étages avant de découvrir dans une paroi du mur une brèche. Il était en sécurité et e paix ici Personne ne pouvait le déranger durant son sommeil.

Dans un recoin de la pièce, Nicolas s'était arrangé un lit avec de vieilles étoffes ramassées chez des commerçantes qui ne savaient plus qui en faire. Sur lui, il gardait sa réserve de nourriture. Ca, c'était trop précieux pour le laisser dans une cachette. Il avait fini hier soir les derniers biscuits si gentiment donnés par la Sainte Irène. Il allait devoir sortir demain pour espérer gagner quelque pièce ou recevoir un peu de nourriture. Les gens s'étaient-ils calmés de leurs méchancetés ? Il n'avait pas du tout envie de les entendre raconter toutes ces histoires sur le fameux sorcier. C'était méchant. Et effrayant.

Pour s'occuper l'esprit, Nicolas rampa jusqu'à un endroit du plancher où il avait laissé es coquilles de noix. C'étaient de beaux vaisseaux qui voguaient sur les océans et allaient explorer des terres inconnues. Le garçon déplaçait les coquilles et soufflait dessus pour faire la tempête.

"Capitaine ! Capitaine ! On va couler ! On va mourir !"

L'enfant fit passer ses coquilles par la droite.

"Mais non ! J'ai vu pire ! Regardez, je suis le plus grand navigateur ! Meilleur que la Colombe !"

Il joua un moment lorsque Cassandre apparut dans son dos, silencieusement, et tapota son épaule en criant.

"BOUH !!"

Nicolas sursauta, paniqué, et se retourna vers la fillette qui éclatait de rire.

"T'es folle ! Tu m'as fait peur !"

Les mains sur les hanches, Cassandre le fixa avec sévérité.

"Je t'ai répété cent fois, Nico, de toujours être sur tes gardes. Et si ça avait été quelqu'un avec de mauvaises intentions ? Tu aurais été enlevé ? Ou tu serais mort."

Nicolas marmonna, boudeur.

"C'est ma cachette. Y a pas de danger, ici.

"Il y a toujours du danger. Il faut que tu apprennes la prudence, Nico, ou tu auras des problèmes."

Il l'observa s'éloigner et se diriger vers le trou dans le plancher qui permettait d'accéder au grenier. Elle partait déjà ? Elle n'avait donc rien d'autre à lui ? Qu'elle pouvait être bizarre Cassandre quand elle s'y mettait !

"Sylvère ! Je l'ai trouvé ! Tu viens ?"

Assise au bord du trou, jambes pendantes dans le vide, elle ajouta.

"Enfin, t'as peut-être les capacités de venir. Je suis tellement meilleure que toi !"

Nicolas, resté sur le plancher, intrigué, l'observa et se demanda à qui elle pouvait parler comme ça. En tous cas, ça devait être un de ses larbins. Le pauvre, il devait en voir à subir tous ses caprices.

Cassandre était venue le prévenir qu’elle avait retrouvé le jeune Nicolas, au gré de quelques informations et difficultés. Nouvelle occasion pour lui de gagner la ville, il avait accompagné la petite princesse forestière jusqu’au fameux entrepôt où le jeune enfant avait été vu pour la dernière fois.

Bien sûr, quand il avait fait la proposition de l’accueillir dans la forêt, c’étaient des paroles sérieuses. Et il comptait bien le faire.

Pour une fois, il n’avait pas enfilé de déguisement farfelu, juste de quoi cacher son visage. Cassandre l’avait prévenu que Nicolas était plutôt impressionnable, alors autant éviter de l’inquiéter bêtement. Sylvère aimait rire avec beaucoup de choses, mais pas cela.

La cachette de Nicolas se situait deux étages plus haut. Peut-être que cela dissuadait les gens de monter, mais Cassandre et lui n’étaient pas comme la plupart. Tous les jours depuis des années, Sylvère montait jusqu’à la cime de l’arbre le plus grand de la forêt et y dormait. Ce n’était pas pour se laisser impressionner par deux pauvres étages.

Cassandre la première passa. Pour le moment, Sylvère se contenta d’attendre en bas qu’elle lui fasse signe que tout était bon. En haut, il entendait une fluette voix, assez vaguement, qui se racontait les histoires de grands navigateurs. Ce qu’il entendit beaucoup plus clairement, néanmoins, ce fut le magistral BOUH de Cassandre. Pour changer.

De là, il percevait vaguement le contenu de leur discussion. La prudence, toujours la prudence. Ah, Cassandre ! Mais la vie n’était pas belle, s’il fallait sans cesse être prudent. Néanmoins, il devait reconnaître qu’il n’avait jamais connu la vie dans la rue et que si cela avait été le cas, il ne verrait sûrement pas les choses de la même manière. Néanmoins, les menaces de mort pesaient sur sa tête avec les affiches qui traînaient dans les rues, ce n’était pas pour autant qu’il comptait se limiter.

— Sylvère ! appela-t-elle depuis le haut. Je l’ai trouvé ! Tu viens ?

Il leva les yeux au ciel. Et après, elle clamait à tue-tête qu’il fallait être prudent. N’avait-elle pas réfléchi elle-même que l’appeler Sylvère au milieu de la rue n'était pas l’idée du siècle ? Heureusement, personne ne pouvait les entendre dans les alentours.

Les jambes de Cassandre se balançaient dans le vide et l’invitait à monter… à sa manière habituelle. À comprendre ici : en se moquant. Il n’était plus à cela prêt. En s’engageant à son tour dans l’escalade de l’entrepôt, il répondit :

— J’escaladais déjà les arbres que tu n’étais même pas née !

Quelques secondes plus tard, il débarqua à son tour. Il enfonça sa main sur le visage de Cassandre pour l’empêcher de répliquer, et se tourna vers Nicolas, pour le saluer :

— Sylvère d’Aiguemorte, enchanté.

Il ajouta aussitôt, en dévoilant son visage :

— Et avant que tu paniques, laisse-moi te dire une chose : je n’ai jamais tué ni violé personne.

Sylvère leva les yeux au ciel sans répondre. Il commençait à connaître Cassandre, il savait bien qu'elle ne lâchait rien avant qu'on lui donne raison. Pourtant, s'il avait été du même avis qu'elle plus jeune, il se rendait désormais compte, avec le recul, qu'avoir toujours raison était parfois ennuyant. Un jour, elle s'en apercevrait à son tour.

Sylvère préféra donc se présenter au jeune Nicolas. Et démentir les rumeurs avant tout commentaire ou panique. L'épisode des retrouvailles avec Alexandre et la peur des gens qui le rencontraient la première fois lui suffisait. Mieux valait prévenir que guérir, disait-on.

La réaction du petit, néanmoins, fut à la fois très drôle et très inattendue. Sylvère n'existait pas. Cela le fit rire et il eut un immense sourire en répondant :

— Tu as raison, Sylvère d'Aiguemorte n'existe pas ! Tu veux savoir comment je l'ai inventé ? Je suis passé devant une fenêtre, j'ai entendu ce prénom, et voilà ! Les rumeurs et les portraits de moi ont fait le reste.

Alors oui, Sylvère d'Aiguemorte, au même titre que Prudence Dussart ou Sylvia Galthym, n'était qu'un nom. Un déguisement. Mais qu'importe un nom ! Ce n'était pas ce qui le définissait. Il pouvait bien donc en changer autant de fois qu'il le voulait !

Il répondit cela dit sérieusement.

— Je m'appelle Ysengrin, mais tu peux m'appeler Ys. Et toi, c'est Nicolas, c'est ça ?

Il ajouta aussitôt en jetant un oeil à la cachette du petit :

— J'avais une proposition pour toi. Ça te dirait de venir dans la forêt avec moi ? En cette période, il y fait un peu froid, mais tu aurais un lit, des vêtements et à manger.

C'était parce qu'il était petit qu'il fallait le prendre pour un idiot non mais ! Cassandre avait encore raconter dû raconter de ces bêtises et cru pouvoir lui faire peur. Quelle gamine celle-là quand même ! Elle avait quel âge ? Lui, il n'aurait jamais fait de farces comme ça, à personne. C'était pas gentil.

L'homme devant lui souriait et confirmait ses paroles : Sylvère n'existait. Ben oui ! C 'étaient juste des histoires tout ça, comme le croquemitaine. Et il avait passé l'âge de croire aux monstres imaginaires. Nicolas fronça les sourcils quand il lui raconta avoir entendu ce prénom de Sylvère en passant devant une fenêtre puis les portraits. Il y avait ça, oui. C'était vrai que la personne face à lui ressemblait beaucoup aux dessins placardés en ville. Mais ça devait être une erreur. Il ne pouvait pas être un criminel. Car Cassandre ne serait jamais amis avec des méchants. C'était une peste. Mais elle ne faisait pas mal aux gens. Enfin, un peu verbalement, quand elle était en colère, mais elle finissait par s'excuser. Elle était gentille Cassandre.

"Et pourquoi on vous recherche alors ?"

"Parce qu'il a assassiné des tas de nobles !"

Nicolas jeta un regard de travers à la fillette qui pouffait, fière de sa bêtise.

"'Tu peux être sérieuse un peu, toi ?"

Cassandre prit une mine faussement sérieuse.

[color=#e61010]"Euh... Non. Grand frère, il dit que la vie est trop courte pour être sérieux. Hein, Sylvère ?"[/color]

Le garçon préféra ne pas insister. De toute façon, elle avait toujours raisons. Même quand elle avait tort. Il tourna la tête vers Sylvère et grimaça du prénom donné. Ysengrin, c'était quand même compliqué. D'où ça sortait ? En tous cas, c'était pas un nom de Saint. Au moins Ys, ça serait plus simple.

"Moi, c'est Nicolas, oui. Il parait que mon saint patron, il protège les enfants. Mais je le trouve pas très efficace. Enfin.. Moi, il me protège, si. alors peut-être si i, finalement il est efficace."

Ys eut alors cette proposition qui sortait de nulle part. L'inviter à vivre avec lui, dans la forêt? Pourquoi ? Il l'obsera, perplexe.

"Mais pourquoi moi ? il y a de nombreux enfants qui en auraient besoin aussi. Et puis, j'ai une maison. Il est pas beau mon abri ?"

Si on exceptait le vent qui passait à certains endroits et la pluie qui parfois gouttait du temps.


"Puis, j'ai un lit là-bas. regardez !"

Il montra le tas d'étoffes disparates qui lui servaient de couvertures quand le garçon se couchait sur le plancher.

"Et j'ai pas souvent faim ! Je sais chasser ! Tout à l'heure, recomptais aller sur le port et attraper des rats ! Comme ça, n plus, ça débarrasse la ville des rongeurs ! Je suis utile ! Et puis, c'est nourrissant ! Si, si, je vous jure !"

Nicolas baissa la tête, honteux de ces conditions de vie. Mais au fond, tout ça, ça lui allait. Le sentiment le plus, ça restait d'être toujours seul, sans avoir quelqu'un à parler, sans savoir si l'inconnu à qui il allait s'adresser était digne ou pas de confiance. Mais il n'avait pas envie de le dire. Surtout devant Cassandre. Elle allait se moquer de lui et affirmer qu'il se plaignait inutilement. Alors, l'enfant se força à se sourire.

"Je vais très bien !"

Son regard se posa sur les coquilles de noix avec lesquelles il jouait plus tôt. Il avait marre d'elles. Il aurait voulu jouer avec autre chose. Ou avec des gens. Mais c'était pas possible. Il devait être courageux.

Ah ! Les enfants des rues. Toute une histoire ! Ils voyaient la vie de manière si… pragmatique. Peut-être parce que les rêveurs ne faisaient pas long feu là-bas. Au moins, ils ne croyaient pas à n’importe quelles rumeurs et cherchaient des réponses par eux-mêmes, sans se préoccuper de ce que les gens disaient. Ils avaient, à contrario, un esprit bien plus critique que ceux qui recevaient une éducation.

Il leva les yeux au ciel quand Cassandre déclara fièrement qu’il avait tué plein de nobles tout en pouffant. Il répondit plus sérieusement, néanmoins, pour apporter une vraie réponse au petit Nicolas :

— Parce que les gens n’aiment pas vraiment que l’on ne vive pas comme eux. Et qu’ils ne comprennent pas le système d’impôts.

La vie était trop courte pour être sérieuse, oui. Il hocha la tête. Mais il y avait néanmoins des moments où il fallait savoir l’être. Un savant mélange à doser selon les situations. Et puis, être sérieux ne voulait pas dire qu’on ne s’amusait pas ! Il se présenta donc, l’invitant à l’appeler Ys. Autant faire les présentations correctement quitte à l’accueillir dans la forêt.

— Parce que Cassandre m’a parlé de toi, répondit-il spontanément. Les autres enfants, je ne les connais pas et je crois qu’ils ne se laisseraient pas approcher. C’est une bonne raison, non ?

Il supposait que cet abri était toujours mieux que de dormir dehors, effectivement, mais on était néanmoins loin du grand luxe. Et en le voyant, Sylvère était d’autant plus déterminé à emmener Nicolas dans la forêt avec lui. Il était absolument hors de question qu’il le laisse ici tout seul. Même si pour le convaincre, il devait déployer des trésors de répartie, il y arriverait.

Tout en lui présentant ses conditions de vie, manger du rat et dormir par terre, Nicolas baissa la tête, visiblement un peu honteux. Sylvère s’accroupit devant lui et remarqua alors, d’une voix très calme :

— Tu vas très bien, oui… mais tu pourrais aller mieux, tu ne crois pas ?

Pendant que Cassandre s'était agenouillée pour jouer avec les coquilles de noix, Nicolas écoutait les réponses de Sylvère, un pu perplexe. Les gens n'aimaient pas qu'on ne vive pas comme eux. C'était plutôt vrai. Il y en avait toujours pour faire la morale sur comment il devait vivre et que vivre de la charité ça faisait de lui qu'un parasite. Ils n'étaient pas gentils ces gens-là. Ils donnaient des conseils mais sas rien faire de concret.

"Des impôts ? les impôts, c'est ce que les adultes dans les maisons paient, non ? Ou quand on arrive en ville ou sur un pont, y a les octrois à payer pour continuer. C'est quoi le rapport avec toi ? Tu es un collecteur d'impôts ? Oh ! Tu étais un collecteur d'impôts et tu t'es enfui avec la caisse !"

Ce n'était pas bien de voler. Mais voler des impôts, ça allait. L'argent des impôts, ça allait dans les caisses des nobles et du roi. Et ils n'e faisaient rien pour le peuple avec. Ou alors ils faisaient cet hôpital mendiant, là où disparaissaient les mendiants qu'on y enfermait et après on entendait plus reparler d'eux. Nicolas ne savait pas ce qui se cachait derrière ces murs mas ça devait pas être joyeux.

"Alors, du coup, si t'as volé les impôts, t'es comme Robin des bois, c'est ça ? T'as un arc et des flèches toi aussi ?"

Cassandre partit dans un fou rire à la suggestion de son ami et s'écroula en arrière sur le plancher. Sylvère, avec une arme ? meilleure plaisanterie de l'année ! C'était comme dire que le comte de Monthoux était intelligent ! Nicolas la regarda avec surprise.

"Ben quoi ? J'ai dit une bêtise ?"

Pendant que Cassandre riait toujours, comme elle pouvait être énervante parfois, Nicolas écouta Sylvère qui lui proposait de venir habiter en forêt avec lui. C'était trop beau pour que ce soit rai. Il avait du mal à y croire. Mais l'explication le convainquit : ilé tait ami avec Cassandre, lui faisait confiance et aucun autre enfant des rues ne l'approcherait autrement.

"Oui. C'est une bonne raison."

Le jeune garçon se sentait misérable de dévoiler la tristesse de son abri. Il avait de petites choses mais pas énormément. et ça restait inconfortable. Il avait souvent froid et faim. Et surtout il se sentait seul. Très seul. Sylvère s'accroupit à sa hauteur. Il était gentil. Vraiment gentil. Nicolas sourit timidement.

"Ca va bien. c'es juste... Juste j'aimerais surtout ne plus être seul. C'est triste de toujours être seul. De manger seul. Et de jouer seul surtout. On refait toujours les mêmes jeux, les mêmes histoires... C'est plus drôle.

Des larmes mouillaient les iris de l'enfant. Il se redressa et vint se blottir contre Sylvère.

"Tu.. Tu vas vraiment t'occuper de moi ?"

Sylvère hocha la tête. Voilà, des impôts, c'était tout à fait ça. Nicolas comprenait vite et avait déjà saisi l'idée. Il dut cependant nuancer la suite des propos du petit garçon, surtout ceux de la fin.

— Hum, pas tout à fait. Mais comme je suis le roi de la forêt, il faut que les voyageurs payent le passage, tu comprends ? Comme sur les ponts, tu as raison. Mais je n’ai pas volé la caisse, puisqu’elle a été constitué exclusivement pour la forêt.

Être comme Robin des Bois ? Hum… Pas tout à fait, là non plus. Mais de toute manière, il n’eut pas le temps de répondre, Cassandre explosait de rire. La voilà qui se roulait même par terre tant elle riait. Bon. Il devait admettre que c’était pour le moins comique. Qu’aurait-il fait d’un arc et de flèches ? Il ne savait pas tirer. Nicolas s’inquiéta d’avoir dit une bêtise, alors Sylvère secoua la tête et ébouriffa ses cheveux joyeusement.

— Ne fais pas attention. Elle se moque juste parce que je ne serais pas très crédible avec un arc entre les mains.

Il fut ravi de constater que la raison qu’il offrait pour justifier qu’il lui proposait son aide à lui et pas à un autre fonctionnait. Lui qui s’attendait à devoir argumenter… Il pouvait remballer ses idées pour défendre sa position, Nicolas semblait nettement moins têtu que Cassandre et beaucoup plus raisonnable. Il hocha la tête comme le garçonnet avouait que c’était, parmi toutes ces choses, la solitude qui lui pesait le plus.

— Oui, je comprends. Mais justement. Si tu acceptes de venir dans la forêt, tu ne seras plus tout seul. Et puis, je connais un tas d’histoires. Je pourrais t’en raconter, si tu veux.

Les soirs, par exemple. Il ne savait pas trop pourquoi, mais il avait toujours eu envie de raconter des histoires le soir. Il distinguait les larmes aux coins des yeux de l’enfant. Ce dernier vint se blottir dans ses bras. La surprise de Sylvère ne dura qu’une demi-seconde avant qu’il ne le serre contre lui.

— C’est promis.

Il attendit quelques secondes puis recula légèrement avec un sourire :

— Alors ? Tu acceptes de venir avec moi ?

Ce petit Nicolas était touchant. Pour le rassurer, Sylvère secoua la tête. Non, il n’attaquait pas les gens et il ne leur faisait pas de mal non plus. Il n’était pas ce genre d’homme. Il préférait utiliser sa langue plutôt que ses poings. Cassandre, fidèle à elle-même, riait à gorge déployée. Si Sylvère avait dû se vexer de ses moqueries, il l’aurait été depuis bien longtemps. Cette fois-ci, il ne releva même pas. Il sourit à Nicolas.

— Je leur parle.

Soudain, Cassandre sembla se rappeler de l’heure. Elle se redressa d’un coup, en clamant qu’elle devait rentrer de toute urgence pour qu’Irène ne s’inquiète pas. Après les dernières recommandations, elle disparut, sans même de véritable au revoir. Sylvère leva les yeux au ciel.

— Bon ! Maintenant qu’elle est partie, parlons sérieusement.

Nicolas vint se blottir dans ses bras. Sylvère sourit. Il avait décidément besoin d’affection. Et il voulait bien lui donner toute celle dont il avait besoin. Il lui désigna le trou dans le plancher, avec un nouveau sourire, et proposa :

— Eh bien, dans ce cas, tu es le bienvenu dans mon humble palais. Il y a des choses que tu veux emmener ?