[Flashback Solo - Mai - juillet 1575] - Aux origines d'une petite luciole
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[Flashback Solo - Mai - juillet 1575] - Aux origines d'une petite luciole
Eineld de Tianidre, 26 ans
Gilbert Sargnan, 34 ans
Eugénie de Tianidre, 46 ans
Charles de Tianidre, 24 ans
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Gilbert Sargnan, 34 ans
Eugénie de Tianidre, 46 ans
Charles de Tianidre, 24 ans
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14 mai 1575
Hôtel Tidrien, Braktenn
Hôtel Tidrien, Braktenn
— Monsieur le comte ?
Eineld leva les yeux. Le ton emprunté de son bâtard de demi-frère crispa ses mâchoires. Comte. Cela sonnait faux. Quelques semaines plus tôt, le grand Constantin de Tianidre clamait encore qu’il ne serait jamais prêt à lui succéder… Eh bien il n’avait pas tort. Ce n’était pas lui qui courrait après son ministère. Tout ce dont il rêvait, c’était de retourner dans leur fief une fois toutes ses affaires réglées à la capitale…
— Elle refuse toujours de s’alimenter.
— Cela vous arrange bien, n’est-ce pas ?
Gilbert réprima un roulement d’yeux, ainsi que la réplique sèche qui lui restait en travers de la gorge. Ce n’était pas parce que cette vipère de Dame Eugénie n’avait été que mépris à son égard depuis qu’elle était arrivée dans la vie de son père qu’il s’abaissait à souhaiter sa mort. A vrai dire, non, son état ne l’arrangeait pas du tout. Tant qu’elle serait souffrante, elle ne pourrait pas voyager, or, tout ce qu’il désirait était qu’elle quitte cet hôtel avant d’inventer une excuse pour le chasser.
— Je ne prétends pas que vos préoccupations ne soient pas urgentes, mais vous pourriez peut-être aller lui parler avant qu’elle ne congédie tout mon personnel ou qu’elle n’y succombe.
Eineld prit sur lui. Diable, mais pourquoi avait-il promis de ne pas le renvoyer, déjà ? Certainement pas pour le laisser remettre son attitude en cause. Depuis quand, d’abord, l’intendant se souciait-il de la femme qui l’avait toujours méprisé ?
Il quitta le bureau - le, pas le sien, ce ne serait jamais le sien - et traversa la gallerie de laquelle sa mère avait exigé qu’on retire la moitié des portraits. Gilbert toisait d’un mauvais oeil ces murs vides, qui ne servaient, au fond, qu’à montrer aux premières nées de feu le ministre qu’elle n’avaient plus leur place en cette demeure. Les tableaux, décrochés à regrets, retrouveraient leur emplacement d’origine dès cette garce partie. Qu’il soit rejeté, lui, il pouvait le comprendre, mais ses grandes soeurs endeuillées n’avaient rien demandé. Madame Eugénie avait beau bien montrer tous les désespoir que son veuvage lui inspirait, elle ne faisait que braver la mémoire de son époux en agissant ainsi.
Il aperçut du coin de l’oeil une porte qui s’ouvrait, et une magnifique femme brune qui passait sa tête dans l’entrebaîllement en minaudant innocemment comme si elle n’essayait pas de lui donner rendez-vous. Madame Léontine… Encore une fameuse garce. A croire que les hommes de cette famille ne savaient aimer que cela... Enfin, il avait beau ne pas être dupe du tout de leur petit manège, ce n’était certainement pas à lui de le dévoiler au grand jour… D’ailleurs, malgré le peu de sympathie que ces amants lui inspiraient, Gilbert ne pouvait que prier pour qu’une telle histoire n’aille jamais ternir cette famille. Ce serait tuer son père une seconde fois, et cela, il ne pouvait l’accepter.
De son côté, le comte demanda à sa belle-soeur de faire attention. Ce n’était pas parce que son père n’était plus là pour les étriper tous les deux s’il apprenait la nouvelle qu’il ne fallait plus se montrer discrets… Enfin, soit : non, ils ne se verraient pas ce soir. Il avait beau l’adorer, sa Léo, il avait pour l’heure bien d’autres choses à penser.
Eineld frappa deux coup avant d’entrer dans la chambre de sa mère.
— Maman ? hésita-t-il.
— Va-t-en, mon poussin.
Voilà qui rendait le nouveau comte de Tianidre plus crédible que jamais… Mais depuis le temps, il avait renoncé à la reprendre. Il referma la porte derrière lui et fit presque timidement quelques pas dans la chambre, avisant l’assiette pleine sur la table de chevet.
— Vous devez manger.
— Je n’ai pas faim.
— Je n’ai pas grand appétit non plus, mais vous n’avez rien avalé depuis des jours...
Tout le monde avait eu beau se relayer à son chevet - même lui, Gilbert pouvait donc se mettre ses insinuations là où il pensait - il n’y avait rien à faire. Ils avaient d’abord cru que le choc l’avait tuée. Enfin, choc… Il avait beau souffrir de la perte de son père, on ne pouvait pas nier que ce dernier avait eu son temps… Il aurait eu septante-quatre ans en juillet, il en faisait toujours trente de moins...
Eineld s’assit sur le bord du lit pour contempler les traits de sa mère. Bien plus jeunes, et pourtant tellement plus fatigués… vingt-sept ans de moins de naissance, vingt-sept de plus - si la chose était concevable - par la profonde lassitude de ses traits. Etait-elle dont vraiment déterminée à se laisser mourir ? Il ne pouvait pas y croire, pas elle.
— Vous ne pouvez pas faire cela.
— Laisse-moi, Einy chéri. Je suis fatiguée.
— Parce que vous ne mangez rien...
Elle n’avait même pas eu la force d’assister au funérailles de son époux, la semaine précédente, et son attitude devenait de plus en plus inquiétante. Elle piquait des colères sur tous ceux qui avaient le malheur de l’approcher, c’était à peine si Charles et lui étaient épargnés. Allons, elle ne pouvait tout de même pas attendre la que la fin vienne depuis ce lit. Pas pour un vieil idiot qui ne se souciait plus d’elle que lorsqu’il fallait apparaître en public depuis presque quinze ans…
— Maman...
Eineld avait du mal à croire ses demi-soeurs lorsqu’elles juraient que dans les premières années de leur mariage, la situation était inversée. Qu’il avait été fou d’elle, que pour elle, ce n’avait été qu’un mariage de devoir… Il respectait son père, mais il n’avait vu sa mère que désespérée d’un amour sans retour depuis son enfance. Si un jour il avait une fille… Il ne savait pas comment, mais il se moquait bien des jeux politiques tant qu’il pouvait lui épargner cela. Et son petit garçon, il s’en assurerait, ne serait pas ainsi. L’ennui était bien que ces dangers-là n’étaient écartés ni par un mariage d’amour, ni par un mariage de raison… Car c’était bien les coeurs les plus fous qui finissaient par faillir…
Léontine s’invita dans ses pensées. Elle était juste là, séparée de lui par quelques portes qu’il suffirait de pousser. Il savait qu'ils n'auraient jamais dû… Si son frère l’apprenait… Mais cette passion-là, rien ne pourrait l’éteindre, ce n’était pas faute d’avoir essayé…
Sans qu’il ne s’en rende compte, son regard s’était perdu dans le vague et un curieux sourire s’était invité sur ses lèvres… ce que sa mère n’était pas encore assez apathique pour ignorer.
— Cesse d’y penser.
— A quoi donc ?
— A qui. Et tu le sais.
Eineld déglutit. Non, elle ne parlait pas de cela… Si elle l’avait su, le ministre l’aurait su aussi, et il en aurait encore mal au oreilles.
— Cela ne peut pas continuer.
— Vous devriez manger
— Ne change pas de sujet.
— Comment...
— Je le sais, c’est tout. Et je n’aurai pas la conscience tranquille tant que tu ne m’auras pas promis d’y mettre fin.
— Eh bien je ne mettrai fin à rien tant que vous n’aurez pas mangé.
D’ailleurs, il ne mettrait fin à rien quoi qu’il arrive. Pendant des mois, il se l’était promis à chaque fois qu’il croisait le regard de son frère, et y avait renoncé à chaque fois qu’il surprenait celui de Léontine. Alors continuer, c’était un moindre mal. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était s’assurer que cela ne s’ébruite jamais… Mais que n’aurait-il pas dit pour que sa mère cesse ?
La porte s’ouvrit, et compte tenu de l’identité du visiteur, je débat fut ajourné. Charles de Tianidre consulta son aîné du regard, inquiet. Ce dernier répondit par une grimace.
— Alors, le manoir ? s’enquit Eineld pour tenter d’amener un peu de légerté.
— Ton fils s’est mis en tête de monter dans le vieux hêtre - il ne s’est pas blessé - et le parc est beaucoup moins effrayant que quand on était enfants.
— Tu l’as laissé grimper ? Combien de fois t’ai-je de...
— On y est monté des centaines de fois et on ne s’en porte pas plus mal. Maman, vous ne voudriez pas venir voir Ariste jouer dans le parc demain ? Il a décidé que Tianidre et l’hôtel Tidrien, c’était ennuyeux et qu’il emménageait là-bas.
Eugénie secoua lassement la tête, puis, d’un vague signe de la main, demanda à ses fils de partir.
— Maman...
— Il suffit ! Dehors !
Les mâchoires d’Eineld se crispèrent, Charles serra les poings.
— Dehors, ai-je dit.
Les deux frères se consultèrent du regard et se résolurent à sortir.
— On revient vite, promit le cadet en passant la porte.
— Aie mangé, ajouta l’aîné en lui emboitant le pas.
Ils refermèrent la porte derrière eux. Il renonçaient comme des enfants.
— Si cela continue ainsi on va la perdre.
— On ne va pas la perdre… Elle a… Besoin de temps, c’est tout. On a tous besoin de temps. Et de pouvoir compter les uns sur les autres… Et… Eineld… Je sais que j’ai le manoir, mais Léontine et moi, on préfèrerait pouvoir rester ici, si tu le permets. Ne fut-ce que le temps que Maman se rétablisse...
— Tu es chez toi, confirma Eineld en lui tapant fraternellement sur l’épaule.
Bien plus que lui, qui se sentait mille fois plus à sa place au château de Tianidre. Il retourna s’enfermer dans le bureau. Cette situation le rendait fou.
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