[30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
[30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Tous se tournait cet après-midi vers la Grand-Place où on allumerait bientôt le bûcher. Irène en frissonnait rien que d’y penser. Voilà pourquoi elle avait décidé de fermer la boutique. Personne ne viendrait de toute façon. Tous allaient se précipiter vers le macabre spectacle. Irène ne comprendrait jamais cette envie morbide qui prenait les honnêtes gens, paisibles, qui se laissaient happer par la foule pour ensemble aller huer un malheureux.
Même les volets, elle avait préféré les fermer. Pour tâcher d’apaiser les filles et les enfants, elle leur avait fait un bon gâteau en dessert. Grâce s’était régalé et Ludovic avait eu droit d’en goûter un peu à la cuillère. Finalement, c’était un jour plutôt gai, surtout que les jumeaux, après un bon repas, s’étaient endormis pour une fois sans trop s’agiter, même Trestinian. Quand elle eut passé un coup de chiffon, elle s’assit sur une chaise en souriant puis invita les filles à approcha. Elle installa Grâce sur ses genoux et entoura Cassandre avec son bras.
- Bien… J’ai une grande nouvelle à vous annoncer. Vous savez qui est monsieur Lebrun ?
Grâce s’illumina aussitôt.
- Oh oui ! C’est le gentil monsieur qui vend des bonbons dans la grande rue !
Irène hocha la tête en souriant.
- Eh bien… Je ne vous en ai pas parlé pour vous faire une surprise mais nous avons beaucoup discuté, lui et moi. Vous savez toutes les deux qu’il n’a eut que des filles. Toutes se sont mariées et elles sont partis assez loin. Il se retrouve tout seul dans sa maison alors qu’il commence à se faire vieux. Alors je lui ai proposé quelque chose.
Elle laissa ménager un peu le suspens alors que Grâce trépignait sur ses genoux, les yeux grands ouverts. Irène lui sourit en lui caressant le dos.
- Nous allons déménager !
Grâce s’illumina aussitôt.
- C’est vrai ?
- Oui et nous allons maintenant avoir une grande maison et une vraie boutique, avec un atelier ! Cela vous fait plaisir ?
Grâce lui sauta aussitôt au cou, ce qui suffit bien comme réponse.
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Lors de son retour à la maison, Cassandre arriva à l'heure du repas et s'empressa de ranger les provisions pour passer à table. Elle avait essayé de faire au plus vite au marché et pas prêter attention aux discussions stupides sur le bûcher que l'on annonçait pour ct après-midi. C'en était ridicule cette mascarade mais c'était ansi. Au moins, l'important, c'était que grâce à elle et ses amis Hyriel avait été sauvé.
Après le repas, Cassandre termina son assiette en léchant les dernières miettes du gâteau au chocolat. C'était pas poli mais tant pis ! C'était trop bon pour s'en priver ! Pendant qu'Irène nourrissait les bébés, qui étaient encore si petits, si fragiles, Cassandre se leva et hésita entre ses exercices de lecture et son ouvrage de coutume. Finalement la fillette se décida à revenir avec le second. Elle avait l'intention de de réaliser une superbe tunique pour Ludovic pour lui offrir le jour de son anniversaire. Et ça commençait à approcher. Pour le moment, elle allait s'entrainer à confectionner une tenue brouillon et elle ferait la bonne après, après avoir repéré les difficultés et les manques.
Alors qu'elle s'installait, Irène les appelait Grace à elle. qu'est-ce qu'elle voulait ? C'était pour parler de Hyriel peut-être ? Ou des choses vécues pendant l'accouchement ? Elle semblait heureuse. Non ça devait pas être quelque chose de triste ou d'embêtant. Elle leur posa une question sur le vendeur de sucreries de la grande rue mais plutôt que bien répondre, comme sa mignonne petite sœur, Cassandre préféra plaisanter.
"Ben, c'est un monsieur qui n'est ni roux ni blond !"
Puis, elle ajouta, espiègle à Grâce.
"C'est aussi chez lui que j'achète des bonbons tous les deux jours ! Ils sont trop bons !"
Irène développa ensuite que monsieur Lebrun avait marié toutes ses filles et que celles-ci vivaient loin maintenant. Cassandre le savait, ça, déjà, mais quel rapport ça avait avec Irène ? Elle tenta une réponse moqueuse :
"Huuuuuum... Vous avez décidé de vous remarier avec lui ?"
Elle pouffa, fière de sa plaisanterie.
Finalement, Irène leur apporta la réponse en évoqua un déménagement. Cassandre écarquilla les yeux en se rappelant la grande maison de monsieur Lebrun. C'était vraiment plus grand qu'ici. Une idée surtout lui vint à l'esprit.
"Dis, on va avoir alors des chambres alors ?"
la fillette avait bien envie de demander si elle aurait une chambre à elle mais elle hésitait. C'était pas courant une chambre pour un seul enfant. Au mieux, c'était une pour les parents, une pour les enfants. Pourtant, elle aurait bien voulu une pour al séparer des bébés et sa petite sœur. Elle aimait beaucoup passer du temps avec Grâce mais elle restait quand même beaucoup plus petite qu'elle. Elle avait envie à peu d'intimité, surtout quand elle se déshabillait. Elle se entait toujours mal à l'aise de montrer son corps et toutes ses imperfections et s'empressait de vite se vêtir. mais c'était pas poli du tout à dire. Et elle voulait pas vexer Grâce.
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Une fois les filles bien installées, Irène leur sourit. Après tout, elles allaient certainement être très heureuse de la nouvelle ! Cassandre plaisantait comme à son habitude. Irène leva les yeux au ciel en souriant.
- Et le pauvre est châtain en plus…
Grâce saliva à la mention de sa grande sœur.
- Il m’en donnait parfois aussi quand je venais chez lui ! Il est trop gentil !
Irène soupira en haussant un sourcil vers Cassandre.
- Tu peux jouer la marieuse avec tout le monde, jeune fille, mais pas avec moi.
Elle lui tapota le nez avec un sourire malicieux. Quand elle l’annonça enfin, les filles semblaient toutes les deux ravies. Elle aussi se sentait heureuse. Ils allaient tous retrouver un peu du confort qu’ils avaient eu avant, dans leur chère ville d’origine. Il n’y aurait toujours pas la mer, mais ils se marcheraient certainement moins dessus. Cassandre lui posa d’ailleurs la question qu’elle devinait. Évidemment, elle n’ignorait pas qu’elle commençait à devenir une femme. La proximité avec une petite fille devait donc devenir un peu pesante. Après tout, elle avait besoin d’intimité même si elle n’avait pas dû beaucoup en connaitre. Cependant, maintenant qu’elle pouvait le lui offrir, elle comptait bien employer ses efforts à lui en procurer au moins un peu.
- Oui, vous vais vous laisser la plus grande et nous pourrons installer deux lits pour vous, les filles. Nous pourrons mettre un paravent pour que vous soyez tranquille. Moi, je resterai avec Ludovic et les jumeaux. Et vous aurez même un petit salon pour jouer.
Grâce battit des mains.
- Oh oui ! Comme à la maison ! Et tu feras encore des salons, maman ? On pourra venir pour faire comme les grandes dames ?
Irène lui caressa les cheveux.
- Pas encore, ma chérie, il faudra bien s’occuper de la boutique. Mais peut-être un jour ! La boutique sera dans un espace bien séparé cette fois et j’aurais mon atelier en haut. On sera très bien, vous verrez !
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
"Ben, châtain, c'est presque brun ! Donc ça va !"
Grâce et Cassandre discutèrent ensuite des bonbons et Cassandre reprit :
"Moi, je préfère manger les bonbons que j'achète avec l'argent que j'ai pu économiser des courses. Ils sont meilleurs à manger que quand on te les a juste donné"
Lors qu'Irène essaya de les faire deviner au sujet de son annonce, Cassandre, espiègle, ne put résister à la perche. C'était beaucoup trop tentant. Elle répondait calmement, mais sans perdre sa bonne humeur.
"'Bah.. on sait jamais."
Finalement, Irène évoqua enfin le déménagement et cette grande maison. Elle aurait une vraie chambre, partagée avec Grâce, mais avec une séparation. Elle fronça les sourcils devant le salon pour jouer.
"Un salon pour jouer ? Mais.. on peut jouer dans la chambre ! La maison est si grande que ça "
Elle tourna la tête vers Grâce qui parlait d'organiser des salons. Irène repoussa l'idée et Cassandre se décida d'intervenir.
"Si vous avez besoin, moi, je peux tenir la boutique !"
Elle n'était pas certaine, en plus, d'avoir très envie d'être au milieu de gens qui faisaient que parler. c'était bien plus drôle de recevoir de clientes et de trouver le moyen de leur faire acheter le plus d'articles. Son record, c'était quinze. Grâce à un jeune homme un peu trop crédule et surtout amoureux qui aspirait à rendre heureuse sa prétendante. Elle se demandait si elle pourrait un jour dépasser un tel score. C'était déjà un miracle d'y être arrivée une fois...
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Irène secoua la tête en souriant malgré tout. Grâce, quant à elle, pencha la tête à sa remarque avec une petite moue.
- Mais je gagne pas d’argent moi, je suis trop petite… Puis c’est aussi bien de recevoir de quelqu’un, ça veut dire qu’il nous aime bien et on peut lui dire merci !
Irène approuva Grâce avec fierté.
- Et tu pourras bientôt te servir d’un peu d’argent mais quand tu auras grandi, d’accord ?
- Oui, maman.
Irène haussa à son tour les épaules à la réponse de Cassandre pour enchaîner avec la description de la maison. Grâce se fit aussitôt un devoir d’expliquer à sa grande sœur pourquoi un salon était merveilleux.
- Mais ça n’a rien à voir ! Dans un salon, y a de beaux tapis, de grands divans, on peut prendre un livre et regarder les images ou faire rouler mon carrosse en bois ! Et puis les adultes peuvent venir ! Les jumeaux ils pourront jouer dans leur berceau pendant que maman lira et que nous on jouera aux poupées et puis parfois, papa racontera ses…
Elle s’interrompit et baissa la tête, soudain triste. Emportée par ses souvenirs, elle avait oublié que non, papa ne pouvait pas rentrer et l’inviter à venir sur ses genoux pour lui raconter ses beaux voyages en mer. Irène comprit la tristesse de sa fille et lui embrassa le front. Elle aussi, cela allait lui manquer beaucoup. Cependant, ils allaient aussi retrouver une nouvelle vie, tous ensemble, et peut-être enfin être heureux.
Elle secoua la tête à la proposition de Cassandre.
- J’ai déjà beaucoup trop exigé de vous ces derniers mois. Maintenant que ça va mieux, je peux m’en occuper et ne pas tenir de salons ne me manque pas tant que cela.
C’était en partie faux mais elle se gardait de le dire. De toute façon, même si Ludovic commençait à grandir, il fallait encore qu’elle veille sur lui et les jumeaux, elle n’en parlait même pas, c’était deux fois plus de travail. Alors même si on l’aidait à la boutique, elle n’aurait malgré tout pas le temps. Autant laisser la possibilité aux filles de s’amuser pendant ce temps. Elle leur sourit.
- D’ailleurs, tu n’auras même pas à le faire de toute façon ! J’ai prévu de prendre une employée ! J’ai énormément de commandes et je vais commencer à prendre du retard, surtout avec le déménagement. Or, ce n’est pas sérieux du tout. Alors je vais me faire un peu aider. Puis peut-être qu’elle pourra s’occuper un peu de vous aussi quand j’en aurais besoin, je verrai, d’accord.
- Mais elle sera gentille ?
- Ah, mais j’y compte bien !
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
La fillette se décida à se montrer plutôt facétieuse et tira la langue à sa petite sœur.
"Quand tu auras l'âge de raison, quoi ! Donc dans très longtemps !"
Irène leur détailla peu après le projet de déménagement et après leurs questions développa sur leur nouvelle maison. Cassandre écouta ensuite les explications de Grâce sur le fameux et écarquilla les yeux. Une pièce avec des tapis et des divans ? Vraiment ? Comme au lupanar ? Mais tout ça coûtait si cher. Irène, elle était si riche ? Ca lui faisait toujours une impression bizarre. Au marché, en faisant les courses, elle faisait bien attention à acheter le moins cher pour possible pour réduire les coûts que sa propre bouche coûtait. Cassandre sortit de ses réflexions en remarquant Grâce s'interrompre quand elle se perdit dans son souvenirs et évoqua son père. la fillette baissa la tête. Son père... Le père de Grâce.. ils étaient partis tous deux. Disparus à quelques mois d'intervalle. Elle gonfla la poitrine et s'obligea à jouer la dure. Elle était la grande sœur. Et les grandes sœurs ne flanchaient pas.
"Ton papa, comme le mien, est parti, c'est tout. IL faut l'accepter."
Même si en disant ces mots la poitrine lui brûlait. Mais elle devait tenir. Elle ne devait pas s'écrouler. elle devait être un exemple pour sa petite sœur.
Le moment passa et Irène aborda la question de la boutique et déclara qu'elle avait trop demandé des deux filles. Cassandre secoua la tête.
"Moi, j'aime ça tenir la boutique. C'est pas du tout une corvée. Et je m'amuse bien à accueillir les clientes. c'est même drôle de trouver comment leur vendre le plus possible !"
Cassandre fronça les sourcils à l'idée d'une nouvelle tête et posa la main sur celle de Grâce.
"T'inquiete, moi aussi je veillerai ! Et si elle est pas gentille, je m'en occupe !"
Elle se tourna vers Irène et esquissa un sourire malicieux
"Ben quoi ? faut bien je protège ma petite sœur !"
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Grâce soupira, visiblement un peu déçue. Irène lui frotta un peu le dos.
-Ça arrivera bien assez vite, crois-moi.
Alors qu’elle tentait de la rassurer également pour son père, la déclaration de Cassandre ne l’aida pas vraiment. Elle préféra se tourner vers sa mère qui soupçonnait quelque chose. Elle n’avait pas encore réellement parlé de cela avec sa pupille. Il faudrait sans doute qu’elle se pose à un moment pour en discuter car cela semblait sonner très faux. Elle sourit à Grâce.
- Mais il veille encore sur toi, de là-haut. Et il sera très heureux de te voir contente dans notre nouveau beau salon.
Grâce retrouva sa bonne humeur et battit des mains. Oh oui, elle allait le faire, pour son papa ! Irène regarda Cassandre pour lui signifier qu’il en était de même pour elle. Même si elle n’avait pas connu son père, elle devinait qu’elle y tenait beaucoup.
Elle pencha la tête à son affirmation et secoua la tête.
- Eh bien tu pourras le refaire si tu le souhaites mais uniquement quand tu en auras envie.
Grâce se tourna vers Cassandre et lui sourit alors qu’Irène levait les yeux au ciel, malgré tout en souriant.
- Ne me fais pas fuir toutes les candidates, c’est tout ce que je te demande.
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
La conversation se poursuivit et aborda la nouvelle jusqu'au moment où Grâce s'attrista en pensant à son père. Cassandre dut prendre sur elle pour refouler les émotions que la question refaisaient déferler. Elle ne devait pas se laisser entrainer à nouveau. C'était passé. Etre triste ne changerait rien. La fillette fit ainsi la dure et laissa Irène gérer la situation avec Grâce. La discussion redevint ensuite plus normal et Cassandre rappela à Irène qu'elle aimait beaucoup tenir la boutique. C'était loin d'être une corvée ! Oh que non !
Lorsqu'Irène évoqua soudain la présence d'une inconnue dans leur maison, Cassandre se tendit et se tourna aussitôt vers sa petite sœur pour la rassurer. Sa marraine lui rappela de ne pas faire fuir ses candidates. Elle répondit d'un ton faussement tranquille..
"Mais oui ! Tant qu'elles sont correctes, ça ira. Mais si elles sont méchantes, si elles embêtent Grâce...Ou les bébés....
Un sourire malicieux passa alors sur son visage.
"Là, par contre, je pourrais rien contre elle."
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Irène voyait bien du coin de l’œil le cerveau de sa filleule fumer, comme d’habitude, sans qu’elle ne dise rien. Peut-être que la présence de Grâce l’empêchait aussi de s’exprimer, elle qui souhaitait toujours être forte et ne rien lasser paraitre.
Elle comprenait également que l’arrivée d’une nouvelle l’inquiète mais elle n’aurait pas beaucoup le choix. Séparer l’espace maison et boutique serait très fonctionnel mais malheureusement aussi plus contraignant, surtout s’agissant des bébés. Ludovic avait lui aussi encore besoin d’être proche de sa maman et les jumeaux, elle n’en parlait pas… S’ils voulaient profiter de leur chambre, il allait falloir quelqu’un pour les surveiller, peut-être aussi pour faire les courses et quelques tâches ménagères. Si elle parvenait à trouver également quelqu’un pour l’aider dans les travaux de couture, ce serait parfait. Elle soupira mais acquiesça.
- Très bien, j’espère seulement qu’on ne fera pas fuir la perle rare. En tous cas, nous partons dans deux jours !
Grâce bondit alors sur ses pieds en souriant.
- C’est super ! Alors il faut commencer à faire les bagages !
Avant qu’Irène ait pu dire quoi que soit, elle fila en haut. Irène se dit que ce n’était peut-être pas plus mal. Elle regarda Cassandre.
- Est-ce qu’il y a quelque chose dont tu voudrais me parler ?
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
"C'est... sur mon papa ?"
Elle se mordit les lèvres, de plus en plus hésitante.
"Je ne savais pas comment lui parler à Grâce tout à l'heure. sur son papa. Je ne veux pas lui des choses qui la rendront tristes. mais je ne veux pas non plus lui mentir. Ce serait hypocrite, ça, si je lui disait que son papa est avec le mien au Ciel."
La fillette baissa le regard, nerveuse. Irène était si croyante. Elle allit certainement la blesser à devoir expliquer tout ça. Mais elle devait bien le faire. Sinon elles ne pouvaient se comprendre.
"Je... je ne crois plus. Plus du toit. Je n'ai déjà jamais cru au Paradis et à l'enfer. je pensais que les âmes mortes partaient juste au voyage et revenaient parfois visiter leurs proches. Je croyais au Christ, à la Vierge, aux Saints... Mais maintenant... Non, maintenant tout ce que je crois que c'est que la religion ne sert qu'à la manipulation des esprits. Comme elle a fait avec on... le cardinal Cassain. Comme elle le fait un tas de monde. Elle empêche les gens de bien réfléchir aux problèmes et les forcent à accepter les situations injustes. C'est acceptable de souffrir car on pourra aller au Paradis. C'est un message profondément horrible et je ne peux plus. Je ne peux plus y croire."
Cassandre s'arrêta là, craintive. Et si elle avait déjà blessé Irène ? Elle murmura, penaude.
"Pardon. Je.. Je ne veux pas vous blesser. Mais je ne veux pas vous mentir non plus."
Elle se mordit encore les lèvres, affreusement nerveuse.
"Je sais que vous croyez, vous. Que vous pensez Antoine, vos parents.. tous là-haut, à attendre, à regarder. Mais je ne peux plus penser moi. Je.. je croyais que maman pouvait venir autrefois. Qu'elle me voyait. C'était rassurant. Mais depuis que papa est mort... Non, je ne trouve pas ça rassurant du tout. Papa... Il a souffert toute sa vie. Surtout les dernières années. et il est mort en prison come un chien. Et il a sûrement fini jeté comme une fosse comme une bête. Alors si son âme devait continuer et venir me voir, il serait triste. Et il aurait peur. Ou inquiet. Je ne veux pas le savoir souffrir. je préfère qu'il parte. Pour toujours. C'est triste de penser ne plus le revoir jamais mais je préfère ça que l'imaginer continuer à souffrir."
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Quand grâce fut partie, Irène laissa le temps à Cassandre. Elle haussa les épaules à sa réponse.
- Pas seulement, je veux savoir si tu as quoi que ce soit à dire.
Ses sorties improvisées, la façon qu’elle avait de se mettre en colère ou de devenir triste alors qu’elle n’en comprenait pas la raison. Elle avait toujours l’impression de se trouver face à une énigme quand elle était face à elle ça. Ça et tous les mensonges, les histoires, au point qu’elle ne savait plus quoi croire dans ce qu’elle lui disait. Alors elle la laissa parler, autant qu’elle le voulait.
Irène ne dit rien, soupira plusieurs fois mais la laissa continuer. Elle nota l’hésitation sur Matthieu et se dit qu’il avait peut-être tort d’être aussi défaitiste en parlant d’elle. Peut-être qu’ils ne devraient pas en parler tout de suite mais viendrait peut-être un temps pour le pardon. À la fin, elle poussa un soupir plus long que les autres.
- Tu n’as pas à être désolée. Tu fais ce que tu veux, ce n’est pas à moi de te dire comment diriger ta vie. Je ne vais pas non plus te dire que ne pas croire est très grave, il y en a certains qui sont bien pires que toi. Moi je crois mais je ne veux pas l’imposer aux autres. La seule chose qui compte c’est que tu évites de trop en parler.
Elle réfléchit un moment avant de se décider à se confier aussi.
- Tu n’es pas la seule à douter. Seulement, moi je ne doute pas de Dieu, de Marie et de ses Saints. Je doute des hommes qui nous en parlent ici-bas. Je pense que ce n’est pas nécessaire de te dire de ne pas répéter ce que je te dis là mais j’en ai assez de ces institutions qui nous disent comment croire. Des hommes qui prétendent avoir lu le même livre que moi sans en comprendre un traitre mot, des prêtres qui montent leurs paroissiens les uns contre les autres alors que le Seigneur nous a dit de nous aimer.
Elle secoua la tête.
- Eux là-haut ne sont pas responsables. Je suis prête à parier qu’ils sont même très attristés de ce qu’il se passe. Il ne faut pas s’étonner de ne voir que des hypocrites et des bourgeois à l’Église. Tout fonctionne de travers. Une Église qui autorise qu’on arrache un enfant à sa famille pour le former de force ne devrait pas exister. Pas plus qu’une Église qui brûle des innocents ou qui forcent les gens à payer pour s’acheter une autre vie.
Irène leva les yeux au ciel en soufflant avec amusement.
- Saint Pierre doit certainement s’amuser là-haut à refuser tous ces idiots. Et j’espère qu’ils se retrouvent bien punis d’avoir cru jouer au plus fin. On ne trompe pas si facilement Notre Créateur.
Elle secoua la tête.
- Je ne te forcerai pas à croire de nouveau parce que tu n’as pas connu les mêmes miracles que moi, mais je pense que Ceux qui veillent sur nous ne mérite pas qu’on les oublie sous prétexte que nous avons très mal propagé la Parole Divine. Tu as raison, c’est très mal ce qu’il se passe en ce moment mais c’est à nous de changer et de faire bouger les choses. Regarde, je ne devrais pas être ici, ayant lu la Bible et tenant un commerce selon les grands penseurs qui sont dehors. Pourtant je suis là. Et si tu veux tout savoir, je pense que les choses vont comment à changer. Tu n’es pas la seule à en avoir assez. Combien sont outrés du comportement de luxure des prêtres ou de l’opulence dans laquelle vivent les moines ou les cardinaux ? Ça ne durera sûrement pas.
Elle baissa les yeux, pensive.
- C’est peut-être un vain espoir, mais j’espère sincèrement que le livre qu’étudie Jeanne busculera un peu les esprits. Cela nous ferait du bien, un renouveau.
Elle observa ensuite Cassandre et hésita avant de poser une main sur son épaule.
- Justement, je trouve cela rassurant, moi. Savoir qu’ils nous regardent, qu’ils nous guident peut-être parfois. Si ton père est devenu un esprit comme tu le crois, il ne souffre plus, il a trouvé la paix et il veut certainement te voir heureuse.
Irène se permit de lui tapoter le nez.
- Et si tu veux qu’il ne s’inquiète plus, je pense que tu dois savoir comment t’y prendre. S’il n’a plus de raison de s’inquiéter avec toi, alors tout ira bien pour lui.
Quelque part, elle espérait que ça l’inciterait également à être plus prudente. Elle n’était pas une idiote. Elle savait bien qu’il se tramait des choses dans son dos et elle n’osait en imaginer la gravité, surtout si elle ne pouvait endosser aucune responsabilité.
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
"Je neveux pas l'imposer aux autres non plus. C'est pour ça aussi que je ne veux pas en discuter devant Grâce. Je ne veux pas lui mentir. Mais je ne veux pas prétendre non plus à des choses auxquelles je ne crois pas. De toute manière, je n'en discuterai pas avec grand monde. Eldred ou Sylvère ,bien sûr. ou grande sœur, peut-être. Alduis aussi. Mais les autres... Non, j'ai aucune envie d'éclairer Braktenn comme le gars qu'ils sont train de rôtir en ce moment."
Leur conversation se poursuivit à évoquer la religion et leurs doutes mutuels. Irène en avait aussi mais uniquement tourné vers les hommes qui manipulaient les écrits que l'on disait divins. Si le message était seulement brouillé par les hommes, ça serait si simple. Mais elle voyait autre chose, elle.
"Mais il n'existe pas que le Dieu des chrétiens. A Djerhan, il existe d'autres divinités. Ou à Zarkos aussi. Et avant le Dieu des chrétiens,, il y avait les deux grecs. Pour moi, c'est bien la preuve que toute chose n'est qu'une manipulation des puissants pour nous diriger. Ils nous créent les cultes et inventent au travers les règles pour diriger la société telles qu'ils le voudraient. Et ça fonctionne. ca fonctionne du feu de Dieu."
Même sa phrase ironique était dite de manière triste. Tout dans ce monde était régi par ceux qui dominaient. par ceux qui faisaient la loi. Et elle n'arrivait pas à voir que ça puisse changer un jour. Elle écouta Irène lui parler de sa foi en ces personnages mythiques et la fillette l'invitait pour être capable de continuer à y croire en dépit de tout ce qu'elle comprenait des écarts de la religion. Elle n'y pouvait plus. Elle voyait trop de failles et de contradictions. Cassandre entendit avec tristesse ces bourgeois qui faisaient les faux-culs à l'église, des prêtres qui arrachaient des enfants à la famille en devinant bien qu'elle pensait à son frère ou du principe de racheter son âme contre de l'argent.
"Ah oui... Les indulgences, c'est ça, non ? Il... Le... Il est au courant de cette pratique ?"
Encore une fois, sa langue s'embrouillait, n'arrivant pas à se décider entre oncle Matthieu et le cardinal Cassain.
"Moi, je dis que s'ils existent vraiment, ils sont tous dégoûtés là-haut et ont décidé d'abandonner. Et faut le comprendre. Si Jésus est vraiment venu nous voir et est mort crucifié pour nous apprendre ses leçons, il doit l'avoir mauvaise après plus de mille ans de voir que les gens sont toujours aussi stupides. Depuis son nuage, il penche la tête et voit qu'on allume des bûchers en nom et se dit : "Formidable ! On ne tue les gens par la croix, on se contente de les brûler ! Quelle fierté d'avoir participé à ça ! Moi, à sa place, j'aurais les nerfs. Ou je bouderais."
Cassandre laissa Irène poursuivre et sourit tristement en l'entendant expliquer que les gens en avaient assez et que les choses ne dureraient pas. Elle eut un rictus sceptique.
"mais qu'est-ce que les gens simples peuvent faire ? On n'a aucun pouvoir sur les cardinaux, les prêtres et plus encore sur les nobles et les membres du gouvernement. C'est eux seuls qui décident. et si on ne suit pas leurs règles..."
La fillette fit un geste éloquent à sa gorge.
"Et pour Jeanne... Elle peut avoir des découvertes stupéfiantes, elle aura malgré tout une grosse difficulté à surmonter : c'est une femme. Ils inventeront une histoire qu'elle est folle et la feront enfermer dans u n couvent. Ou brûler comme Jeanne d'Arc. Ils nous détestent. Apparemment, naître sans couilles signifie pour eux être sans cervelle."
Elle baissa la tête, peinée de blesser peut-être encore avec son pessimisme naturel. Dans son esprit, elle percevait nettement la voix d'Alduis qui approuvait chacune de ses paroles et qui développait plus loin encore que ce qu'elle pouvait dire. Sylvère tentait de contrer mais beaucoup plus faiblement et Eldred restait silencieux. Elle se décida à orienter la conversation vers les âmes des défunts. Dans sa réponse, la fillette sentit qu'Irène s'inquiétait elle surtout de ce qu'elle pouvait faire.
"Je ne fais plus de bêtises. Enfin, j'essaie. Je ne veux plus blesser les gens. Je ne veux pas devenir comme on... le cardinal Cassain. et je neveux plus blesser des gens comme avec Alduis. Ou avec vous. La seule chose dangereuse que j'ai faite, c'est d'organiser l'évasion d'Hyriel quand il st reparti de la maison. mais ça je pouvais pas faire autrement. Hyriel m'a sauvé la vie. Je serais morte sans lui. Je devais le faire, vous comprenez ? Et depuis... depuis, je me suis excusée à Alexandre pour les mauvaises farces que j'ai pu lui faire. Il est peut-être pénible mais il est pas méchant. Il a juste pas les mêmes visions que moi. Mais il est gentil. Il m'a même invité à voir un spectacle et à monter sur sa mule ! Puis, au matin... Je suis allée voir Alduis. Pour m'excuser encore une fois et parler. On a parlé de beaucoup de choses. Et il m'a même expliqué des choses sur la sexualité ! Et même comment ça se passait quand un homme baisait une femme !"
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Hochant les épaules, Irène secoua la tête.
- Grâce est encore petite, c’est certain. Mais un jour, plus tard, sans doute.
Elle grinça un peu des dents à la mention de ce pauvre bougre. Pas si pauvre que ça à ce qu’elle avait compris mais peu importe… Ce n’était pas quelque chose qu’elle apprécierait voir…
Irène haussa les épaules à son objection.
- Dieu chrétien, dieux grecs, hindous, djerdans, quelle importance ? Tout le monde a visiblement l’intuition qu’il y a quelqu’un qui se trouve au-dessus du nous. Il a sans doute différentes incarnations, c’est tout, qui qu’il soit. Ce ne serait pas étonnant, surtout nous connaissant nous les humains… Les Grecs pensaient d’ailleurs qu’on nous pouvaient pas connaitre tout ce qui régissait la nature. Quant à la manipulation, c’est venu ensuite mais comme pour tout. Même les meilleurs sentiments du monde, à force d’être transmis finissent par être oublié ou corrompus. C’est à ça que servent les écrits et la mémoire mais tout le monde n’y a pas accès. Le jour où ça changera, ce sera peut-être différent.
Ce sera sans aucun doute merveilleux… Cependant, elle n’imaginait pas tous les changements qui seraient à faire, tout ce qui serait bouleversé. Ce serait sans aucun doute comme une déferlante qui s’abattrait sur eux. Quelque part, cela lui faisait peur mais sans doute était-ce nécessaire. Ils arriveraient sans doute à un point de rupture qui ne pourrait plus être tenu.
Elle hocha ensuite la tête et soupira. C’était toujours compliqué on dirait…
- Je ne pense pas qu’il sache tout… Clarence lui a toujours cachés les aspects les plus répugnants… Et puis après tout, ce n’est pas lui qui confesse les autres, alors…
Combien de choses lui étaient passées sous le nez tout en étant de notoriété publique ? Elle comprenait qu’il se soit senti tant en décalage par rapport aux autres… Elle tourna son regard dans le vague pour le reste.
- J’ai parfois entendu dire que le Bon Dieu nous a abandonné. Au final, il aurait peut-être bien raison. J’imagine qu’il en a assez de toutes nos sottises.
Elle haussa les épaules en souriant.
- Nous sommes seuls face à nos erreurs. Ce n’est pas parce qu’on se confesse qu’on peut tout rattraper.
Irène vit bien le scepticisme de Cassandre mais avait elle aussi ses idées.
- Mais nous sommes les plus nombreux. Tu imagines ce qui se passerait si tous les gens de cette ville décidaient ensemble de monter au palais pour demander des comptes à toutes ces nobles personnes qui ont tous les pouvoirs ? Si tous les paysans arrêtaient soudain le travail dans les champs jusqu’à ce qu’on les écoute ? Divisé, nous sommes faibles. Mais réunis et libérés de la peur, nous aurions tous les avantages. Mais ceux qui sont là-haut ne sont pas des idiots, ils savent que les gens n’ont pas le temps de penser et qu’il suffit de montrer les crocs pour leur faire peur et les empêcher de lever la tête. Seulement, ce n’est pas dit que ce sera toujours comme ça.
Irène secoua de nouveau la tête à son objection.
- Tu vois, tu penses comme eux. Tu ne vois que les obstacles, tu penses que rien ne peut bouger. Si tout le monde pense ainsi, c’est facile de tenir le peuple en laisse. On se dit que ça ne vaut pas le coup, alors on ne fait rien. Je pense que c’est faux. Et il ne faut jamais sous-estimer même le plus petit événement. Ce sont eux qui font aussi l’histoire. Une seule découverte peut changer le monde. Et tu sais, c’est parfois un avantage d’être sous-estimer. On ne fait attention à nous, alors on peut parfois faire bien des choses puis feindre l’innocence. C’est facile puis tout le monde nous pense simplette et on s’en tire. Puis ainsi, petit à petit, on finit par grignoter du terrain. Mais tu demanderas à ta tante Madeleine quand tu la verras, elle t’expliquera.
Qu’aurait dit sa mère, si elle avait su qu’elle partait seule pour tenir un commerce et élever une famille seule. Elle l’aurait certainement traité de folle. Hier, c’était impossible. Demain restait à découvrir. Irène avait toujours préféré regarder dans cette direction, tournée vers la nouveauté, la découverte et l’avenir. Et on ne leur disait rien, on les laissait faire, pensant que c’était un passe-temps inutile de bavarder autour d’une tasse de thé. Même Antoine ne pensait pas que cela puisse ouvrir des portes ou créer de véritables relations. Comme il aurait été surpris…
Quand elles abordèrent le sujet qui fâchait un peu plus, elle soupira.
- Je sais mais tu sais Cassandre, à force, je ne sais parfois plus si tu me dis tout, si tu me dis la vérité ou si tu vas encore te mettre en danger. Ce n’est pas que je veuille simplement t’en empêcher, je suis inquiète, tu comprends ? Je comprends que tu ne te sentes pas forcément à ton aise ici mais je…
Elle prit une bonne inspiration, espérant trouver les bons mots.
- Je me moque des liens du sang, tu es de ma famille, quoiqu’en dise les gens et nous n’avons pas pour habitude dans cette famille de rester seul avec ses problèmes sans rien dire ou de partir à l’aventure sans donner des nouvelles. Alors je suis un peu déstabilisée, surtout que j’ai la sensation que tu me fuis et que je suis toujours la dernière au courant de ce qui se passe te concernant alors que tu vis ici, avec nous.
Elle se mordit la langue pour l’évasion.
- Je comprends l’intention mais c’était tout de même très dangereux. Et regarde ce qu’il s’est passé au final. Peut-être que si tu avais un peu attendu, tes oncles auraient pu se débrouiller pour le faire sortir sans tout ce tintamarre. Tu avais déjà fait beaucoup en l’amenant ici.
Concernant Alexandre, elle approuva. Elle ne lui avait pas reparlé mais espérait que lui aussi avait trouvé son équilibre, en cessant de rabaisser les autres pour tenter de se donner une légitimité qu’il cherchait désespérément. Irène espérait seulement qu’il se trouve un peu mieux là où il était. Concernant la dernière chose, elle faillit avaler de travers et se massa les paupières.
- Quand je dis que je suis la dernière au courant… J’aurais espéré t’en parler moi-même au moment de tes lunes… Madeleine va encore me rouspéter surtout si c’est un homme qui t’a introduit à ça. Ils ont une conception parfois… très relative de la sexualité.
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
"Mais même les écrits, au fond, on peut leur faire dire ce qu'on veut. Il suffit devoir comment la Bible est interprété. On peut tout autant avec défendre l'esclavage ou que les informes sont mauvais, comme argumenter du contraire."
Naturellement, sur ce sujet, elles en arrivèrent à aborder le point de vue d'un certain cardinal et Irène déclara qu'il ne devait pas tout savoir. Que ce Clarence lui cachait des choses. Elle roula des yeux. Comment pouvait-on rester aveugle au monde ? Ce n'était pas si dur que ça de chercher et trouver des informations. Surtout qu'il était instruit, il avait toujours eu des livres, des moyens... Au fond il lui rappelait...
"Il est comme Nehalan. On lui a bandé les yeux lui aussi et il ne fait que se cogner sur les murs."
Elle réalisa qu'Irène ne savait de qui il parlait.
"C'est un gamin de nobles que j'ai rencontré y a pas si longtemps. J'avais envie d'être tranquille, je m'étais installée dans une ruelle et lui il est venu m'ennuyer. Et il croyait que j'étais une mendiante. Il a même voulu me donner une pèlerine. Comme si y avait pas assez de mendiants en ville pour pas voir la différence entre une gamine bien vêtue et une pauvrette. Puis, il m'a fait un long discours sur la différence sur nos conditions, j'ai jamais entendu rien de si ennuyeux. J'ai failli m'endormir. Et par prudence, j'ai donné un faux nom en indiquant un faux lieu de travail. Et y a pas longtemps un de mes copains m'a dit qu'il s'y était présenté et me cherchait. Vraiment.. On fait étudier un tas de choses compliquées à ceux qui ont de l'instruction mais on leur oublie d'apprendre la logique.
Elle eut soudain un léger rire en se rappelant d'oncle Joseph et son fameux Hyriel, qui ?
"Quoique.. Il y avait aussi oncle Joseph qui ne comprenait qui c'était Hyriel quand j'ai commencé à lui en parler."
La fillette poussa un long soupir en se laissant tomber sur le dossier de sa chaise.
"Non c'est moi qui suis beaucoup trop intelligente pour ce monde."
Comme quand elle était petite et qu'elle comprenait les rumeurs que racontait les adultes.
"Quand j'étais petite, dans mon village, je comprenais les contradictions que disaient les adultes et j'allais vérifier les histoires. Mais les enfants ne font pas ça, non ? Les enfants, ils croient les adultes. Moi non. Moi, je vois les idées fausses quand on les formule. même quand il n'y a personne pour les comprendre."
Cassandre préféra se taire, persuadée à présent que tout venait d'elle. Elle voyait plus clair que les autres. Jérémie le lui avait expliqué et elle avait cru que c'était un don. Mais ça n'était pas un. C'était une malédiction.
Leur conversation reprit sur la religion et le changement que la société pourrait prendre. Irène semblait tant y croire mais Cassandre n'y parvenait plus. Il n'y a pas si longtemps elle parlait dans la forêt de cette révolte d'esclaves. Elle n'y croyait plus. Elle ne voulait plus y croire. C'était trop dangereux. Tout ce qu'il y aurait c'était des morts. Même du côté des soldats qui refoulerait l'exaction. Puis, toute la population serait lourdement opprimée.
"Les paysans n'ont pas attendu vos idées pour tenter de se révolter. Parfois, quand la récolte est mauvaise, ils le font. On appelle ça une jacquerie. Il y en aune dans le village voisin du mien quelques années avant ma naissance. Agathe était encore petite alors. Les paysans réclamaient de meilleures conditions de vie et du pain. Ce sont les soldats du comte qui ont répondu. La foule a été dispersée et les meneurs ont été cherchés. Deux ont été attrapé, let troisième a été dénoncé. Et ils ont été pendus. C'est ça aussi leur pouvoir."
Elle releva la tête et croisa le regard d'Irène.
"Je ne veux plus blesser de gens. Ni me savoir responsable d'avoir pu causer que des gens ont été blessés."
La discussion passa finalement à un dernier point, cette fois beaucoup plus personnel, et Cassandre baissa la tête entendant Irène qui s'inquiétait pour elle.
"C'est pas que j'ai jamais voulu parler. C'st juste.. J'ai perdu l 'habitude de le faire. Puis, je pensais qu'en faisant ça, je pouvais vous protéger, vous et Grâce. Puis, j'ai passé trois ans à tout refouler, à tout contrôler. alors... Alors..."
Cassandre eut une surprise de la suite et baissa la tête. Pendant un moment, elle avait commencé à y croire qu'elle appartenait à cette fille. Il y avait eu...
La fillette trembla en baissant la tête.
"Mais il l'a dit..."
"Il ne le pensait. Il était agacé."
"C'était pas une colère pour blesser, ça."
"C'était quoi alors ?"
"Il a montré ses vrais sentiments."
"Ma princesse..."
"Et il a dit ce que tout le monde pensera toujours."
Elle n'était qu'une esclave.
C'était tout ce qu'elle était.
C'était tout ce dont on se rappelait.
Des larmes perlaient à ses yeux. Cassandre éclata en sanglots
"Il a dit... Il a dit que j'étais qu'une esclave. Je pensais... Je commençais à penser appartenir à votre famille mais c'est juste de la gentillesse tout ça. Oncle Joseph, vous Béryl, vous ^tes gentils.. Mais je ne suis qu'une esclave. et je ne resterai qu'une esclave."
C'était tout ce qu'elle était.
Cassandre se décida à conter ces derniers agissements et secoua la tête quand Irène lui dit qu'elle aurait mieux fait d'attendre.
"Il n'y avait aucune certitude qu'ils puissent faire quelque chose. Alors, quand on a une opportunité, on agit. Sinon on a que des regrets."
Elle aborda ensuite sa rencontre avec Alexandre, puis sa visite à Alduis. La fillette eut un sourire à sa réaction sur leur conversation puis Haussa les épaules. Elle répondit ensuite calmement
"Je ne veux pas être méchante mais j'ai mieux compris avec Alduis que quad on avait parlé l'autrefois. J'ai trouvé ça... moins angoissant. Je crois justement que les hommes et les femmes devraient plus parler de sexualité. Ils pourraient justement mieux se comprendre."
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Irène haussa de nouveau les épaules.
- C’est la tragédie de l’écrit. Tous les hommes, de tout temps, on fait parler les hommes par-delà les siècles avec leur texte en leur faisant dire ce qu’ils voulaient. Il faut bien quelque chose de gravé dans la pierre pour se donner une légitimité, quitte à en dire n’importe quoi. C’est ainsi… Il faut lire pour se donner un avis.
Il faudra tout donner à lire, à tous. Que chacun soigne son opinion. Cependant, elle comprenait que cela puisse faire peur. Elle pencha la tête à son évocation d’un garçon qu’elle ne connaissait pas. Elle haussa un sourcil sceptique face à ce qui ressemblait à une point de mépris.
- Lire et être instruit ne veut pas dire être intelligent. Certains réfléchissent aussi autrement, n’ont pas les mêmes points de repère ou croient ceux qui leur parlent. Ils ne sont pas forcément des idiots, ils sont simplement différents.
Elle leva les yeux au ciel à la mention de Joseph.
- Il n’a pas la mémoire des noms le pauvre mais ses soldats ne lui en veulent plus depuis le temps.
Irène secoua la tête à son affirmation.
- Peut-être, mais les chevilles, jeune fille. Tout le monde ne nait pas avec des capacités comme les tiennes, peut-être mais ça ne sert à rien de se montrer désagréable envers eux. Ils ne t’ont rien fait et ils sont peut-être très heureux comme ils sont. Grâce croit peut-être les adultes mais ce n’est pas forcément pour ça qu’elle sera une adulte docile et idiote. Tout le monde est différent, c’est tout.
Irène craignait qu’elle ne devienne vaniteuse, que des idéaux démesurés la prennent, surtout si elle fréquentait des nobles. Elle savait bien où cela menait et refusait qu’elle s’échoue aussi sur ce récif. Mieux valait toujours se sous-estimer plutôt que de s’avancer dans la lumière. Elle en tous cas, le préférait largement et espérait que ses enfants le comprendraient également.
Irène la fixa à sa nouvelle objection.
- Je ne te parle pas d’une révolte. Je te parle d’un jour où tous les paysans de ce continent s’arrêteraient. Tu crois que le gouvernement s’amuserait à tous les tuer alors que c’est grâce à eux qu’ils mangent ? Ça n’arrivera peut-être pas aujourd’hui parce qu’ils font tout pour les isoler mais ce serait se voiler la face que de penser que ça n’arrivera jamais.
Elle croisa ensuite les bras, légèrement triste à ce qu’elle lui affirmait.
- Je suis contente de te l’entendre dire. Je m’inquiète surtout pour toi quand je dis cela.
Elle se passa une main sur le visage et tenta de rassembler ses idées. Comment lui expliquer cela ?
- Mais tu parles à Sylvère, à Eldred, à tout le monde, j’en ai l’impression. Sauf à moi. C’est très gentil à toi de vouloir me protéger mais que crois-tu qu’il puisse encore m’arriver ? J’ai perdu mes parents, mon mari, mes amis, ma maison, le tout presque dans la foulée. Qu’est-ce qu’il me reste maintenant, à part vous, qui aurez une maison quoiqu’il arrive ? Et puis ce n’est pas à toi d’assumer cette responsabilité. Tu n’as pas à te soucier de moi, ce devrait être l’inverse. J’ai promis de prendre soin de toi mais je… j’ai l’impression que cela n’a pas beaucoup de sens si je ne sais rien et ne fais rien en conséquence…
Elle soupira. Elle se rappelait ses nuits à pleurer, à se demander ce qu’elle pouvait si mal faire pour qu’elle se retrouve avec si peu d’informations de la part de celle qui était censée être sa pupille. Que faisait-elle si mal pour qu’elle la fuit et la pense si fragile au point de ne rien lui dire ? Elle aurait aimé savoir…
La suite la fit baisser la tête. Elle soupira. Joseph lui avait raconté ce qu’il s’était passé. Et naturellement, l’incompréhension allait des deux côtés et ne saurait s’effacer sans une bonne discussion qui risquait d’être houleuse. Elle la resserra un peu près d’elle.
- Cassandre… Je sais que tu as encore du mal mais ce n’est pas vrai. Ton jugement n’était pas juste, tu n’avais aucune raison d’être réduite à cette condition et ce n’est pas ce que tu es. Tu es d’abord une jeune fille, intelligente et pleine de personnalité. Et tu es chez toi ici. Ce n’est pas de la gentillesse, c’est la vérité. Tu es tout ce que tu as été avant ta marque et ce sera toujours ça qui passera d’abord, d’accord ?
Le regard d’Irène se fit plus dur. Pas contre Cassandre mais pour cet homme qui avait arraché son petit frère à ses bras sans un remord.
- Ce n’est pas mon frère qui t’a parlé comme ça, c’était une marionnette qui ne savait pas comment couper ses fils. C’est tout.
Elle n’en voulait pas souvent autant à une personne mais elle ne parvenait pas à nourrir autre chose que du ressentiment pour Clarence. Pour son père sans doute un peu aussi qui avait laissé partir Matthieu sans rien dire, pensant construire un peu plus la notoriété de la famille. Pendant toutes ces années, Matthieu n’avait été qu’un pion. Il avait maintenant retrouvé ses esprits et elle ne le laisserait plus repartir. Pas pour un mot de trop qu’il n’avait jamais pensé.
Elle ne trouva rien à ajouter pour la question d’Hyriel. Sa pupille était têtue mais quelque part, c’était bien ce qui la rattachait à eux. Pas un Cassin n’avait jamais été docile et résiliant, pas même les pièces rapportées. La caractère était ce qui les forgeait, chacun à sa manière.
Elle soupira de nouveau ensuite en se massant la tempe.
- Très bien, je te laisserai aller davantage avec Alduis puisqu’il parle tellement mieux…
Elle serait curieuse de la laisser une fois avec Madeleine et que le sujet vienne sur le tapis. Elle qui avait sa vision si… particulière et atypique du plaisir féminin…
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
"Il est venu à la boutique y a pas longtemps. mais vous devez pas vous en souvenir. C'est quand.. vous avez eu un malaise. C'est Grâce qui me l'a raconté. Et elle a mieux agi pour s'occuper de vous que lui."
Irène la corrigea sur les capacités de l'oncle Joseph et Cassandre pouffa gentiment.
"C'est parce que c'est Alduis qui retient les noms pour lui ! Et lui il a que ses ordres à donner!"
Cassandre évoqua ensuite ses propres capacités et cette intelligence trop peu commune qui la rendait différente des autres gens. Irène semblait la trouver prétentieuse. C'était faux. Non, elle ne se croyait pas supérieure aux autres. Elle l'avait pensé peut-être un temps. Plus maintenant. Plus depuis que Jérémie lui avait expliqué les raisons de sa singularité.
"Je ne me vante pas, Irène. Je ne fais que constater. Je n'ai pas demandé à naître avec cette intelligence et quand je vois les autres gens, je me dis qu'ils sont plus heureux sans. Ils n'ont pas toutes ces questions et ces idées dans la tête. Moi, je suis comme Cassandre qui voit sa ville en flammes et observe en attendant la fin ses concitoyens heureux."
La conversation se poursuivit sur ces histoires de révoltes mais Cassandre n'arrivait pas à accepter une chose comme ça. C'était dangereux. Très dangereux. Puis, à l'échelle d'u pays entier, ça ne lui paraissait pas réalisable. Comment envoyer des messages à tous les paysans dans chaque village ? Les distances étaient si longues et les routes peu sûres. Il faudrait une centaine de personne, au bas mot, pour coordonner une telle action. Et même si ça réussissait, ce qui serait un rude miracle, elle ne parierait pas sur le fait que le gouvernement n'enverrait pas l'armée. Ils n'y auraient plus de paysans pour cultiver les terres ? Ils ne s'inquièteraient pas longtemps de ça. il suffirait d'encourager l'immigration et de nouveaux arrivants remplaceraient les monbriniens rebelles ayant été abattu. Non, si les choses devaient changer, ça ne devait pas être par le conflit direct. Cassandre préféra ne pas exposer ces positions. Elle voyait sûrement encore trop clair. La fillette répondit alors d'une petite voix :
"Je ne sais pas au fond."
La discussion se centra sur elle et Cassandre se mordit les lèvres e entendant Irène qui souffrait de la voir parler à d'autres. Elle baissa la tête que celle-ci avoue se sentir exclue. Mais ça venait pas de sa personne, mais d'elle.
"Mes relations avec eux sont pas si parfaites que vous croyez. J'ai mis de semaines à accepter Sylvère. Les premières fois, c'était pour moi qu'un brigand stupide, égoïste, qui ne pensait qu'à dérober les gens, sans se soucier des conséquences pour eux. Hyriel... Lui aussi j'ai mis du temps avant de lui faire totalement confiance. Eldred..."
La fillette sentit son coeur se serrer dans sa poitrine à l'évocation de ce nom. Elle songea à leur dernière rencontre et à sa colère qu'elle avait eu.
"Eldred, il m'aime plus. J'ai été méchante l'autre jour. Il m'a dit que j'étais qu'une menteuse et une hypocrite. Il doit même me détester."
C'était normal. Elle s'était mal comportée. Et elle lui avait dit des choses affreuses. Et Alduis avait dû lui raconter la scène. Il devait la détester encore plus.
"Puis, il y a eu Alduis... Je l'ai détesté si fort, lui, tout ça pour ne pas voir qu'on se ressemblait."
Cassandre releva la tête timidement.
"Vous voyez C'est pas contre vous que je ne parlais, que j'étais distante. Je suis comme ça avec tout le monde. J'ai besoin de temps pour faire confiance. C'est comme si vous deviez approcher un chat sauvage. Vous irez mettre la main tout de suite pour le caresser ? Eh ben, c'est pareil pour moi."
L'ombre du cardinal Cassin passa finalement et ramena Cassandre à cette douleur ressentie lors de cette fameuse phrase prononcée et qui avait réveillé ses maux. La fillette se mettait à trembler et pleurait. Son esprit revivait en même temps ce moment d'humiliation quand le fer chaud brûlait son épaule alors que des commis la maintenaient au sol et ceux où la brimait au lupanar. Irène tentait de la réconforter mais les souvenirs l'emportaient et tentaient de noyer le flot de paroles. La marque... Sa marque... La poitrine la brûlait. La mer montait et voulait une fois la recouvrir. Soudain, la voix d'Alduis résonna dans son esprit et la figea.
" Ben quoi ?"
"C'est la même chose."
"Tu te l'as fait, toi."
"Parce que la société me l'a laissé croire."
"Et alors ?"
"Ta marque, la société veut te laisser croire qu'elle te possède."
"Elle... me possède."
"Mais tu es capable, malgré cette marque, de faire plus qu'ils ne le pensent, non ?
"Ben..."
"Cassandre !"
La voix sèche d'Eldred la renvoya à la réalité. Sa marque... Son statut... Elle valait vraiment mieux ? Elle pouvait vraiment espérer être appréciée pour autre chose que ça ? Elle baissa la tête.
"Ils m'ont répété pendant trois ans que j'étais que ça. Que je ne servais qu'à leur servir. et qu'u jour, quand j'aurais grandi, ils me demanderaient... Ils me demanderaient de me tenir dans la salle, avec les clients, mais pas pour servir des verres."
Son corps tremblait au rappel de ces avertissements. De ce qu'on lui avait dit ce que serait son avenir. Elle se rappelait avoir si souvent pensé qu'elle s'y refuserait. Elle tuerait le client à qui on la vendrait la première fois. Plutôt la corde que ça !
Elle resta quelques instants encore plongée dans ces souvenirs douloureux, puis la conversation évoqua l'évasion. Irène n'insista pas trop là-dessus. De toute manière, ça elle l'aurait défendu des heures et aurait recommencé si c'était nécessaire Cassandre baissa la tête quand le sujet vint à la sexualité et sentit avoir encore blessé Irène. la fillette murmura d'une petite voix :
"Ce n'est pas contre vous. C'est pas votre faute. C'est juste... Alduis et moi on se ressemble. On partage les mêmes... failles. Alors on arrive forcément à trouver les mots qui vont aller pour aider l'autre."
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Alors que Cassandre lui rappelait la venue de Nehalan, Irène fronça les sourcils.
- Ah, attends voir… Si, oui, vaguement… Grâce m’a dit qu’effectivement il ne savait pas quoi faire mais parce qu’il semblait surtout perdu.
Elle haussa les épaules. C’est c’était aussi les hommes parfois… Tellement à l’ouest pour certaines des choses les plus simples. Quand Cassandre railla de nouveau son oncle, elle souffla avec amusement.
- Tss, mauvaise langue. Il faut bien qu’il aille les chercher ses hommes pour donner les ordres. Et puis pour aller boire avec eux, aussi…
Elle croisa ensuite les bras en penchant la tête.
- Personne n’est jamais content de ce qu’il a. Ceux qui sont comme toi voudraient s’en débarrasser et ceux qui ne l’ont pas se plaignent de ne pas l’avoir. Apprécier ce qu’on a est aussi une grand qualité même si ce n’est pas simple. Tu peux réfléchir à plus de choses mais il ne tiens qu’à toi de t’entraîner à éteindre ton cerveau de temps en temps. Si tu n’es pas heureuse comme ça, voit ce qui pourrait t’aider à l’être.
Elle vit bien que le reste ne l’enchantait pas. Au fond, peu importe. Elles ne le verraient sans doute pas. Il faudrait des années pour que les esprits et les conditions s’accordent pour renverser enfin la vapeur. En attendant, autant faire au mieux.
Quand elle aborda ses relations, Irène plissa les yeux en découvrant peu à peu que tout n’allait pas si bien, elle la resserra un peu contre elle.
- Je sais bien que c’est encore compliqué mais je ne crois pas tout à fait ce que tu me dis. Tu sais que tu penses parfois à la place des autres et ce n’est pas toujours une bonne idée. Si ma mère était là, elle te dirait d’aller lui parler pour éclaircir les choses. Si tu t’en veux vraiment et que tu t’excuses sincèrement, il n’y a pas de raison qu’il continue à t’en vouloir. De plus, Eldred t’a peut-être aussi dit cela pour te faire réagir, comme moi l’autre fois.
Elle haussa les sourcils à la comparaison en pinçant les lèvres. Ça pour un chat… Mais ce n’était pas les chatons de Grâce…
Alors qu’elle pleurait, elle hésitait toujours à la prendre dans ses bras. Elle craignait toujours qu’elle la repousse, un peu comme un chat justement. Elle préféra essuyer doucement ses larmes et lui caresser de façon infime les cheveux. Elle n’osa pas vraiment lui dire que ce qu’elle décrivait était exactement ce qu’avait vécu Matthieu. À force d’entendre même les choses les plus odieuses à propos de soi ou du monde, elle finissait par rentrer dans la tête et il devenait très difficile de les en sortir. Un jour peut-être, ils pourraient en discuter tous les deux.
- Les mots ont dû pouvoir mais ils ne devraient plus en avoir sur toi maintenant. Il me semble que tu as suffisamment de caractère pour les envoyer promener, d’autant que ce n’était rien d’autre qu’une stupide décision injuste. Regarde ce qu’ils t’ont dit ne se réalisera finalement jamais. Ce sont eux qui avaient tort et si c’était déjà sur ton avenir, alors c’est sur toute la ligne qu’ils ont faux. Cesse d’écouter cette voix dans ta tête qui te dit que tu n’es toujours que ça. Ce n’est pas vrai et au fond de toi, tu le sais déjà, j’en suis sûre. Il faut simplement que tu t’en persuades un peu. Répète-le toi tous les jours, jusqu’à ce que ça rentre.
Quand le reste vint sur la fin, elle l’observa avec une pointe de tristesse.
- Sans doute…
Elle hésita un moment mais le visage doux-sévère de sa mère lui revint en mémoire. Il fallait elle aussi qu'elle se décide à parler. Elle regarda Cassandre, espérant une réponse sincère.
- Mais où est ma place dans toute ça dans ce cas ? Si je ne peux ni te comprendre totalement, ni t’aider à devenir une femme, ni te parler de ce que je sais, à quoi est-ce que je sers ? Où est ma place pour toi ?
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
"N'empêche... S'il n'apprend pas vite à faire attention à ce que les gens lui disent, il va avoir un jour des ennuis. C'est le pigeon parfait pour un escroc. Ou des joueurs de cartes"
La fillette s'amusa ensuite à se moquer gentiment de son oncle et rit de la réponse.
"Elle vous amuse bien, cette plaisanterie, non ? Puis, c'est pas si faux que ça !"
La conversation porta ensuite sur ses capacités à elle si spécifiques. Irène rappelait justement que personne ne se satisfaisait de ses capacités. Cassandre soupira. Elle avait raison. Elle devait accepter. Elle était née avec cette intelligence peu commune, comme elle était née avec ses cheveux châtains foncées et un visage moche.
"Je ne sais pas sur quoi me concentrer. Autrefois, tout ce que je voulais, c'était reprendre la ferme après mon papa. Puis, après, c'était d'attendre que mon papa sorte de prison, quand il aurait remboursé toutes ses dettes. Et maintenant... Maintenant je ne sais plus. Je n'ai plus de but."
Peu après, elles abordèrent la question des relations avec les autres et Irène lui dit qu'elle pensait un peu trop à la place des autres. Peut-être... Probablement l'habitude de devoir tout analyser. C'était de cette seule manière dont elle avait pu survivre. Son regard resta triste en pensant à Eldred
"Peut-être. Mais j'ai l'habitude de tout analyser, de tout vouloir comprendre... si je n'avais pas appris ça, je serais morte. Et pour Eldred... Je ne sais pas. Il était vraiment très fâchée. Et j'ai menti ouvertement devant lui. Et il déteste ça le mensonge. Mas je suis déjà décidée à aller le voir. Mais pas tout de suite. Je vois d'abord aller voir Louise, Phaïde et Kalisha et leur dire la vérité pour Hyriel. Ils doivent savoir qu'il n'est pas mort. Je ne sais même pas où Louise a disparu en plus. Mais je ne peux pas la laisser. Elle m'a sauvé la vie elle aussi. Plus que Hyriel même. Si elle ne m'avait pas emmené à Hyriel... Et ensuite, j'irai voir Sylvère et Eldred. Je ne sais pas lequel des deux premiers. Eldred, j'aimerais lui en parler mais il n'est pas aussi concerné de cette affaire. Pas comme Sylvère. Mais Sylvère avec un peu de chance il ne sait pas tout des nouvelles."
Cassandre hésitait sur la décision à prendre entre ses deux amis. Surtout il lui faudrait peut-être du temps pour retrouver Louise. Mais elle finirait bien par y arriver. C'était pas Nico. Elle ne connaissait rien à la vie des unes et laisserait des indices.
Lors de la suite, à revivre les paroles douloureuse de l'oncle Matthieu, Cassandre revécut l'agression et son corps entier. Elle pleura, la poitrine brûlante. Irène tentait de l'apaiser, autant par les gestes que par les mots, lorsque a fillette se raidit au sujet de ne pas écouter la voix dans sa tête. Ne pas écouter la voix... Mais écouter ses voix.... elle entendit Eldred et Sylvère rirent à l'unisson.
"Je suis d'accord."
"Surtout, Cassandre, que tes voix ne ressemblent pas aux miennes."
"Mes voix... Oui, mes voix me conseillent."[
Elle redressa la tête, toujours tremblante. Se défaire de ces idées. Elle n'était plus au lupanar. Ils ne pouvaient plus la soumettre. Elle faisait ses choix. Pourtant, la terreur continuait de l'envelopper. Elle n'arrivait pas à l'extraire.
"J'ai peur. J'ai si peur de retourner un jour sur cette estrade. J'ai peur. Je meurs de peur."
Elle se souvenait des œillades des curieux qui épiaient les hommes et les femmes alignées à côté d'elle. Elle ne sentait plus rien. Tout au plus un objet. Un objet de curiosité. Les acheteurs détaillaient les adultes mais l'ignoraient ou lui adressaient des regards de dégoutés. Puis, il y avait eu une offre. Puis, une négociation en rappelant qu'une servante aussi jeune ne valait pas moins de cinq mille rilchs car elle ne saurait sûrement rien et il faudrait tout lui apprendre. Elle avait suivi le débat, inerte, sans pouvoir intervenir, puis elle était partie avec cet homme en échange de sept mille cinq cent rilchs.
"Je veux pas y retourner ! Je veux pas !"
Ses larmes se remettaient à couler alors que ses poings frappaient la table. Le sang battait à ses temps. Elle avait peur. Elle était terrorisée. Sa respiration sifflait.
Lorsque la crise fut passée, la conversation reprit plus normalement. Ils abordèrent même un sujet plus intime, celui de la sexualité, et Cassandre sentit avoir blessé Irène en parlant d'Alduis. Ce n'était pourtant pas ce qu'elle voulait. La fillette se leva spontanément et l'enlaça.
"Mais.. mais c'est pas ce que vous êtes là que je peux me détendre justement ! Vous m'offrez une maison, des repas, un lieu sûr.. Est-ce que vous réalisez que c'est énorme ? Depuis un moment, j'ai même arrêté de dormir avec ma dague. J'arrive à la laisser dans mon tiroir de la commode. Et depuis plusieurs mois, je n'ai pas à réfléchir comment je vais manger au soir ou si demain je trouverai à manger. Et c'est parce que j'ai ça que je peux avoir du temps pour voir mes amis."
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Cassandre n’avait pas tort mais Irène secoua la tête.
- C’est en faisant des erreurs qu’on apprend. On l’a peut-être aussi un peu surprotégé, surtout qu’ils ne savent déjà presque rien faire de leurs mains…
Certains savaient s’en servir, Dieu merci mais les autres… Elle se demandait parfois à quoi il pouvait bien occuper leur journée et se demandait bien ce que son frère irait faire là-dedans, lui qui avait comme chacun d’eux la valeur du travail bien fait transmise par leur père.
Elle haussa les épaules pour Joseph. Le pauvre, s’il savait… Elle sourit ensuite à sa pupille.
- Mais ça veut dire que tu es libre. Que tu as plein de possibilités devant toi. Le but viendra sans doute bien assez tôt, tu verras. Pour le moment, essaie de vivre au présent et de réfléchir à ce qui te fait envie. Si tu aimes prendre soin de la boutique par exemple, pourquoi tu ne réfléchirais pas à en avoir une à toi un jour ?
Elle hocha ensuite la tête.
- Oui mais cela te joue peut-être des tours. Nous sommes des êtres imparfaits, même si nous perfectionnons une capacité, il restera toujours quelque chose pour nous échapper.
Irène approuva son projet.
- Bien, c’est déjà ça. Si tu t’excuses, ça ira peut-être mieux. Et si non, eh bien tant pis. Pour les autres, tu sais que tu es libre d’aller où tu veux, dès le moment où tu es dans un endroit qui ne m’inquiète pas.
Elle se trouvait malheureusement toujours inquiète en la voyant pleurer et trembler. Elle aurait voulu pouvoir lui ouvrir le crâne et lui sortir tout ce qu’on lui avait mis comme méchancetés dans l’esprit et qui lui rongeait l’âme. Pour l’instant, elle ne pouvait que tenter de la consoler. Incapable de rester davantage tranquille quand elle commença à crier sa détresse, elle la prit sur ses genoux et la serra dans ses bras en lui frottant le dos.
- Chut… C’est fini, tu n’y retourneras pas. Jamais. Même s’il m’arrive quelque chose, Madeleine sera là et si ce n’est pas elle, ce sera Pauline puis Bélyl quand elle sera mariée ou n’importe lequel de tes cousins. Il ne t’arrivera rien, personne ne te laissera retourner là-bas, il faudra tous nous enterrer jusqu’au dernier avant que ça arrive.
Et ça, bien mal à pris qui s’y essayerait. Et même si ce n’était pas eux, elle écrirait à marie pour s’assurer qu’elle lui ménage une place si vraiment la situation devenait grave. Elle ne serait pas seule.
- Tu es une Cassin par adoption maintenant et personne ne se laisse jamais tomber dans cette famille. Tu n’as rien à craindre, je te le promets.
Alors qu’elle aussi commençait cependant à douter, Cassandre la rassura quelque peu.
- Bon, je suppose que c’est déjà bien. Si tu te sens bien ici, c’est le principal. Enfin, ici… bientôt dans une nouvelle maison !
Elle lui sourit, espérant que la nouvelle la réjouissait autant qu’elle.
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
La conversation passa ensuite à la manière dont elle pourrait vivre à présent et Irène l'invita à vivre au présent. Elle hocha de la tête. C'était tout ce qui lui restait de faire. Puis, ça ne changeait pas de ce qu'elle avait si souvent connu. Quant à tenir un jour sa propre boutique, la fillette avait du mal à se représenter cette idée. C'était de toute manière si lointain tout ça.
Leur discussion rebondit sur son caractère et ses facultés avant de passer à ses relations. Irène approuvait son idée de prévenir tout le monde. tant mieux. De toute manière, elle l'aurait fait quand même. Pas question de les laisser s'inquiéter et pleurer alors qu'Hyriel allait bien.
Pis, la fillette se perdit dans ses souvenirs à se rappeler du lupanar et toutes ces horreurs dites là-bas. Elle écouta, la mine basse, Irène la consoler en luttant contre ses propres pensées. Sa main passa sous sa robe pour toucher le médaillon offert pour son anniversaire. Elle était de la famille. Elle n'y retournerait pas. Elle ne retournerait pas sur l'estrade. Les paroles montaient lentement vers son esprit et son corps continua de trembler un peu pendant un moment. La fillette finit par lever la tête et adressa un sourire à Irène.
"Me.. merci"
Puis, ce fut le tour d'Irène de douter. Cassandre se leva aussitôt, spontanément pour l'enlacer.
"Oui.. Puis, c'est vous qui avez dit qu'on devait vivre au présent. Alors, vous devriez arrêter vous aussi de trop réfléchir de vous poser trop de questions !"
Re: [30 décembre 1597] Un nouveau départ [Terminé]
Alors qu’elles continuaient, Irène sentait que, pour une fois, elle se laissait un peu aller et commençait à la croire. Elle souffla doucement, plus apaisé elle aussi. Elle lui sourit quand elle releva la tête.
- C’est normal.
Elle fut plus surprise par son mouvement mais agréablement et lui rendit son étreinte. Elle la serra doucement avant de rire avec elle.
- Très bien alors allons donc faire les paquets, nous n’allons pas laisser Grâce tout faire toute seule !
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