[12 Février 1598] Du brouillon vers l'esquisse [Terminé]

 
Eva Legrand, 22 ans

Il voulait vraiment la peindre ? Elle ? Enfin elle n’était pas grand-chose et elle ne voyait pas bien ce qu’il lui trouvait de si intéressant. Mais en même temps c’était flatteur. Il proposa de l’accompagner chez elle pour qu’elle puisse cuisiner. L’idée la fit sourire et rougir tout à la fois. Ce n’était tout de même pas très convenable.

— C’est que… mon mari il revient qu’à None, mais enfin…

Le jeune homme se laissa à aller à imaginer la chose avec enthousiasme, même s’il ne voyait pas bien ce que cela pouvait représenter. Elle sourit timidement. Cela faisait longtemps qu’on ne lui avait pas fait de compliment.


— C’est un peu sombre chez moi, y’a qu’une fenêtre en fait, alors j’sais pas si vous aurez la lumière. Elle chercha le soleil des yeux. Enfin p’t-êt’ ben que oui… il doit pas être encore caché par les toits d’en face.

 
Eva Legrand, 22 ans

Parfait ? En fait c’était pas vraiment le mot qu’elle aurait employé. Invité un homme chez soi c’était… Mais après tout pourquoi pas ? Il semblait si enthousiaste qu’elle n’avait pas le cœur de lui refuser. Et puis c’était qu’un petit tableau rien de plus. Pas d’quoi fouetter un chat. Elle voyait pas bien comme il allait faire de la lumière avec sa peinture mais euuuuh. C’était bizarre quand même de se dire qu’elle allait se faire tirer le portrait comme un aristo.

— Bon bah c’est d’accord vous pouvez venir. Mais faut être discret parce qu’une femme seule qui invite un homme chez elle ça faut mauvais genre, vous voyez et j’ai pas envie qu’on m’accuse d’être une catin.

Elle prit son panier et entreprit de le diriger dans les ruelles de la capitale lorsqu’elle s’aperçut de cette dame qui le suivait.

— C’est qui ça ? questionna-t-elle avant de reprendre sa route.

Ils arrivèrent finalement à une petite porte en bois dont les planches étaient ajourées. Eva sortit la clé puis la fit tourner dans un cliquetis. De là, ils empruntèrent un escalier de bois vermoulu qui grinçait comme un âne enroué.

— Faut la sauter l’avant-dernière, prévint-elle.

Ils débouchèrent sur un pallier à peine plus silencieux où elle ouvrit une porte

— V'là c’est chez moi ici. C’est mon palais.

Elle gloussa en posant ses courses sur la table. Il n’y avait là qu’une pièce unique : un âtre avec une grosse marmite posée sur des braises, une table grossière avec deux bancs et pis une paillasse en guise de lit. Sur la gauche l’unique petite fenêtre donnait sur la ruelle, vue sur l’autre bâtisse à colombage tout aussi de traviole que la sienne. Mais bon tant qu’ça tenait !

 
Eva Legrand, 22 ans

Elle se demandait bien qui était cette femme qui les suivait. C’était plus de la curiosité qu’autre chose, mais à vrai dire sa réponse la rassura. Elle se sentait plus apte à accepter sa proposition désormais. Avec une chaperonne, il n’y avait aucun risque. Elle lui adressa un sourire dans un hochement de tête et salua Ursule avant de se diriger vers chez elle.

Elle avait un peu honte de l’inviter dans l’immeuble vétuste où se trouvait son appartement, mais c’est qu’il avait insisté. Il avait bien dû voir qu’elle avait pas une robe de noble. Et puis les escaliers étaient vraiment dans un état de délabrement. Bon, elle avait l’habitude, mais le jeune homme… Elle l’attendit sur le palier pour s'assurer que tout le monde suivait. Il montait péniblement les marches le pauvre. Elle était désolée de lui imposer ça juste pour pouvoir faire son ragoût… Un instant d’inattention et elle manqua de le rattraper alors qu’il ratait la dernière marche.

— Aaaaah je suis désolée, excusez-moi !

Elle s’accroupit pour l’aider à se relever dans un regard ennuyé.

— Je m’suis pas présentée, je m’appelle Eva. Venez, entrez, c’est pas bien grand ni… enfin v’là

Les courses déposées, elle lui adressa un large sourire avant de mettre une bûche dans l’âtre pour relancer le foyer.

 
Eva Legrand, 22 ans

Alors qu’Eva l’aidait à se remettre sur ses pieds, elle sentit ses doigts percer le contact sa robe de laine. Elle lança un regard à la matrone avant de se crisper. Elle n’osait pourtant pas lui échapper au risque de le faire tomber de nouveau. Et puis c’était sans doute un pur hasard n’est-ce pas ? Mais ses mains remontèrent jusqu’à ses épaules. Cette fois-ci, elle recula d’un pas, prétextant devoir ouvrir la porte située derrière tout en l’excusant de son comportement d’un sourire un brin gêné.

Elle se présenta puis s’affaira autour du feu afin d’éviter son contact et son regard. Elle haussa les épaules à sa remarque.

— J’vois pas ce qu’il y a de courageux. C’est juste normal, il faut faire avec c’est tout.

Et comme il parlait de ses obligations, elle s’installa à sa table après avoir versé un cruchon d’eau dans la marmite.

— Ben, j’ai l’ragoût à préparer, fit-elle attrapant un oignon et le couteau dans un large sourire.

Sa remarque sur le temps l’amusa parce qu’à part les nobles, elle ne voyait pas bien qui pouvait se permettre ce genre d’excentricité.

— J’ai pas ce luxe, Monsieur ! Y’a toujours quelque chose à faire pour tenir le foyer en ordre. J’aimerais bien vous y voir ! Vous devez vous mettre les pieds sous la table, vous !

 
Eva Legrand, 22 ans

Eva pelait les oignons en essayant de ne pas pleurer bêtement devant le peintre. Elle aurait l’air idiote. Et puis elle n’osait plus trop le regarder depuis qu’il l’avait touché. C’est pas qu’ça lui avait déplu ou plutôt si… Cela devait lui avoir déplu. Ce ne pouvait pas lui plaire. Seul son mari pouvait la toucher.

Elle roula des épaules de façon à repousser ses cheveux sans avoir à mettre de l’oignon dessus.

— C’est normal, vous êtes un homme. C’est pas votre rôle de tenir le foyer et c’est pas à ça qu’on vous éduque, de toute façon.

Elle l’observa du coin de l’œil sortir ses instruments et commencer à dessiner avant de prendre un autre oignon qu’elle éminça. Elle releva d’un coup la tête, clignant plusieurs fois des paupières et c’était pas que les oignons qui lui piquaient les yeux. Il racontait quoi ? Elle n’avait rien compris. Que venait faire un nombre dans la peinture ? Tout cela la dépassait grandement. Elle lui adressa un sourire.

— Tout cela à l’air très compliqué, mais si vous le dites. Ca fait longtemps que vous peignez ?

 
Eva Legrand, 22 ans

Eva ne comprenait pas ses paroles. A quoi bon se tuer à leur apprendre ce genre de choses qu’ils auront tôt fait d’oublier ? Et puis ils aidaient également aux tâches, comme rentrer le bois par exemple.

— Oh c’est pas moi qui vais r’mettre en question l’ordre établi. Moi, j’crois qu’c’est du temps perdu de leur faire rentrer ça dans le crâne. De toute façon quand ils sont grands, ils oublient tout comme mon frère Paul. C’était un gentil garçon. Il aimait bien passer le balai quand on était gamin et puis il s’est marié et s’il sort le balai c’est juste pour botter les fesses du chat quand c’est pas celles de sa drôlesse de femme. C’est comme ça qu’il est fait l’ordre : les femmes, elle s’occupe de la maison et de faire des enfants. Les hommes travaillent et rapportent de quoi manger.

Elle éminçait désormais son deuxième oignon avec ce couteau qu’il allait bientôt falloir affuter lorsqu’elle suspendit son geste à la mention des enfants.

— Ben non ! Où vous croyez que je l’aurais planqué ? Dans ma manche peut-être ? Elle éclata d’un large rire sans moquerie. Ca fait un an qu’on est marié, lui et moi, mais Notre Seigneur pense que le moment est pas encore venu pour nous faire c’cadeau. C’est comme ça. Ca va venir, pas vrai ? Quand Il l’aura décidé.

Et le voilà maintenant qui parlait de choses qu’elle ne comprenait pas vraiment. Des histoires de chiffres et de beauté. Quand c’était beau, c’était beau et puis c’était tout. Pourquoi se compliquait la vie avec ce genre de chose ?

— Je vois, c’est pas grave. Et pourquoi vous cherchez pas un maitre alors ?

Elle termina ses découpes et se leva pour les mettre dans la marmite bouillonnante.

 
Eva Legrand, 22 ans

La conversation s’éternisa sur leur place respective et Eva poussa un long soupir.

— Et si cette place me va, hein ? Les plus grands malheureux sont ceux qui veulent toujours plus. Moi j’me contente de ce que j’ai et ça me va très bien tant que j’peux manger et dormir au chaud. C’est à cause de gens comme vous qu’après les gens se révoltent et qu’on crève la dalle pa’c que les paysans i’ préfèrent pointer leur fourche sur les murs que dans la terre. La société elle marche bien quand on s’occupe de ses oignons.

Le jeune peintre la questionna ensuite sur son mariage et l’absence d’enfant qui en avait découlé. Il semblait drôlement bien au courant de ce genre d’affaires. Alors c’était un enfant  d’un adultère ? Peut-être bien que c’était son mari qui pouvait pas. Ou p’t-êt’ que c’était juste Dieu qui voulait pas.

— C’est que c’lui qui offre la vie, c’est Not’ Seigneur. Ca suffit pas le bonne semence juste. Il faut un truc. Pa’ce que sinon les femmes, elles seraient toujours en cloque comme les rats.

Il raconta alors des tas de trucs incompréhensibles sur la beauté et tout ce qu’elle en comprit c’est qu’il devait beaucoup aimer peindre pour dire ce genre de chose. Elle se retint de lui demander de quel père il parlait.

— J’comprends. Il a quand même raison. Il faut avoir reçu un don de Dieu pour ça. Et y’en a pas beaucoup qui l’ont vraiment.

Sur cela, elle se leva et vida les oignons dans la marmite puis attrapa un petit sac d’épeautre qu’elle versa à son tour.

 
Eva Legrand, 22 ans

Eva avait presque fini la préparation du ragoût lorsqu’ils abordèrent la question de l’art. Elle haussa les épaules. Bah oui un bon forgeron c’était pareil. Il avait lui aussi reçu un don. On recevait tous un don. Certains plus insignifiants que d’autres.

— On reçoit tous un don. Les forgerons comme les artistes. C’est à ça qu’on différencie un bon, d’un excellent. Si je me mettais à dessiner tous les jours, c’est pas pour ça que je deviendrais une peintre de talent. C’est comme ça. Et puis même un don, ça se cultive, sans ça, ça sert à rien. On est tous dédié quelque chose ici. Il faut juste trouver à quoi.

Eva prit place face à lui durant quelques minutes avant de se relever pour se saisir du balai et comment à dépoussiérer le sol avec énergie. Il lui était définitivement impossible de rester assise à ne rien faire. C’était du temps perdu. Elle releva ses manches puis attrapa un lien en lin vert pour nouer ses cheveux et s’activa.

 
Eva Legrand, 22 ans

Le reste du temps s’écoula sans un mot. Eva alterna entre le ménage qu’elle avait à faire et le ragoût qu’elle tournait de temps à autres avant de finalement se rassoir et saisir le petit métier à tisser des galons qui consistait en sa principale occupation lorsque toutes ses tâches étaient accomplies. Elle alternait méthodiquement les gestes, tournant les cartes en bois, écartant les fils puis passant la navettes afin de recommencer et ainsi de suite jusqu’à ce qu’Alexandre ne l’interrompt. Elle releva la tête sans immobiliser ses mains qui poursuivirent le mouvement :

— Non c’est un genre de ragoût. J’ajouterai peut-être du poisson tout à l’heure. Mon mari, il en rapporte de temps en temps du port. Alors je préfère attendre on sait jamais. La viande c’est plus pour les jours de fêtes. Vous voulez goûter ? proposa-t-elle en abaissant les yeux vers son dessin.

Elle ressemblait vraiment à ça ? En fait, ça faisait un moment qu’elle ne s’était plus vu. L’eau du fleuve, elle était trop agitée pour voir son reflet alors au mieux elle se voyait tout déformé dans les casseroles d’étain. Elle porta distraitement une main à ses cheveux. C’est vrai qu’ils étaient longs… elle n’avait jamais réalisé à quel point.

— C’est vrai que les peintres font toujours les gens plus beaux qu’en vrai.

 
Eva Legrand, 22 ans

Eva ne comprenait pas bien ce qu’elle avait pu dire qui lui fasse monter le rouge aux joues. Elle préféra ne rien dire de plus et se contenta de lui proposer une écuelle de ragoût qu’il s’empressa d’accepter avec enthousiasme. Elle eut un rire sincère :

— Oh ce n’est rien d’autre qu’un plat très banal : des oignons, des navets, du chou, du saindoux et un reste de fumée

Elle attrapa un bol en bois, et lui servit une louche de son repas encore fumant qu’elle déposa délicatement à ses côtés en prenant soin de ne pas tacher son dessin.

— C’est meilleur le soir, mais bon…

Eva en profita alors pour s’intéresser à son dessin qui semblait si loin de l’image à laquelle elle pensait ressembler. Elle se répéta plusieurs fois la phrase prononcée par l’artiste pour essayer de l’analyser. La réalité plus belle ? Bah elle était sûre que beaucoup était capable de dessiner plus beau les nobles. Enfin quoi, personne n’avait envie de se voir laid, non ? Elle entendait pas grand-chose à ces histoires, mais ça lui semblait pourtant évident. Elle ne put néanmoins s’empêcher de sourire à son compliment.

— Je crois pas qu’on me l’ait déjà dit… En fait c’est plutôt l’inverse. Quand je sors, j’garde toujours mon capuchon à cause de mes cheveux. J’en ai marre d’entendre toute sorte de bêtise. Je vais souvent à l’Eglise, parce que j’ai peur qu’on m’accuse de sorcellerie si j’venais à manquer l’office à cause de mes ch’veux de feu. Et puis j’aimerais bien m’farder aussi. Cacher toutes ces taches… On dirait qu’ma peau est toujours sale quoi que j’fasse.

 
Eva Legrand, 22 ans

Eva ravie de voir que le ragoût lui plaisait. C’était un plat somme toute très simple, mais elle ne pouvait pas vraiment se permettre mieux en l’état. Au fond ce qui comptait surtout c’était que ce soit chaud et que ça tienne au corps pour affronter l’hiver. Elle s’estimait déjà heureuse de ne jamais manquer de repas. C’était pas le cas de tout le monde dans le coin. Heureusement que le travail au port de son mari assuré un revenu régulier. C’est qu’on avait toujours besoin de bras pour décharger les navires et à moins que le fleuve y gèle c’était pas prêt de changer.

— Contente que ça vous plaise !

Elle lui parla de ses cheveux de feu et Alexandre se montra compréhensif. C’est vrai qu’avec ses béquilles ça devait pas être mieux. Les gens pouvaient parfois être vraiment bêtes lorsqu’ils s’y mettaient. Pourtant, elle n’était pas sûre de réussir à les ignorer complètement. Quelque part c’était toujours blessant et  puis elle avait peur de finir sur un bûcher comme le sorcier de décembre.

— C’est pas d’ma faute mais y’en a qui croit que c’est pa’ce que c’est une marque du Diable. Y’en a même qui dise qu’on a pas d’enfants pa’ce qu’ y’a que le Diable qui peut m’en donner. Et moi j’ai pas envie de finir sur un bûcher. Un jour quand j’étais p’tiote, y’a des gamins qui m’ont attrapé et m’ont entraîné dans la forge pour me brûler avec le tison. C’est l’forgeron qui les a arrêtés. I’ voulaient voir si je résistais au feu…

Elle détourna le regard en se pinçant les lèvres de la réminiscence de la douleur et attrapa son bras comme si les simples mots avaient pu de nouveau calciner sa chaire laiteuse.

 
Eva Legrand, 22 ans

Eva s’égara dans ses souvenirs de jeunesse peu reluisants. Il fallait toujours qu’on trouve quelque chose pour se moquer. Ses cheveux, ses béquilles à lui, un nez crochu, des oreilles de chauve-souris, des bras tordus, des petites jambes et que savait-elle encore ? Les enfants quand ils étaient ensemble, ils pouvaient devenir pire qu’une horde de rats affamés pendant un rude hiver.

Elle se signa à son récit. C’était si répugnant… Comment pouvait-on faire une telle chose ? Seigneur…

— Vous avez eu tant de chance de rencontrer ce curé ! C’est assurément Not' Seigneur qui vous l’avait envoyé pour vous aider ! Ce doit être un homme si exceptionnel.

Elle attrapa son bras, celui avec cette horrible cicatrice qui la marquait à jamais. Parfois elle avait si peur qu’elle craignait qu’un inquisiteur ne dise qu’il s’agisse là d’une marque du diable. En plus elle avait un drôle de grain de beauté sous son aisselle. Perdue dans ses pensées, elle ne réalisa pas sa main qui s’approchait et sursauta au contact sans pour autant retirer son bras cette fois-ci. Ses joues rosirent et elle détourna le regard vers l’âtre.

— Je la trouve laide. La vérité c’est que si j’avais le choix, j’éviterais même de m’approcher du feu. Mais j’peux pas vous savez. Faut l’entret’nir et faut cuisiner. C’est comme ça. J’ai toujours peur du feu maintenant.

Elle osa finalement reporter son regard et lui adressa un sourire timide.

 
Eva Legrand, 22 ans

Eva fit une petite moue lorsqu’il corrigea au sujet du curé. Même si c’était un être aussi abject qu’il le disait – mais elle avait quand même peine à la croire – ça changeait pas qu’il devrait le remercier pour l’avoir sauvé.

— Les bonnes actions n’effacent pas les mauvaises. Mais l’inverse est vrai aussi, vous savez. Tout le monde mérite d’être remercié. Je crois pas qu’il faille attendre de se présenter devant Not’ Seigneur pour bénéficier des effets de nos choix. Dans un sens ou dans l’autre. Ça serait triste

Et elle aurait bien aimé que ses vauriens soient châtiés, mais ils avaient déguerpi et le guet se fichait pas mal des petites gueuses qu’on tarabustait pour c’qu’il disait être des broutilles de gosses. Elle attrapa son bras machinalement rapidement rejoint par la main d’Alexandre. Elle préféra ne pas en tenir compte et se concentrer sur ce feu qui lui faisait désormais froid dans le dos. Elle hocha la tête d’un air absent quand un frisson la parcourut, sans savoir s’il provenait de la main sur son épaule ou de sa grande peur. En réalité, il y avait plutôt quelque chose de rassurant à cela.

— I’ faut faire avec. Y’a pas le choix. C’est pas comme ma cousine Irène… Elle, elle a peur des bateaux, bah i’ suffit de pas aller sur l’ port. Mais moi… Le feu, i’ fait tout. I’ chauffe, i’ nourrit… A chaque fois que j’ regarde les flammes, j’ai l’impression qu’elles vont s’enrouler autour de moi et m’engloutir. P’t-êt’ bien qu’ c’est comme pour me dire que j’ suis destinée à la Géhenne, qui sait…