[12 Septembre 1597] Le baptême de Ludovic

Une fois qu'elle eut réussi à se faufiler sans la moindre difficulté dans l'église, Cassandre se signa instinctivement avec l'eau du bénitier puis s'avança lentement vers une des chapelles, celle dédié à Sainte-Zita. Une prostituées du Lupanar lui avait appris que celle-ci était la patronne des servantes, qu'elle avait été elle-même servante sa vie durant tout en veillant à aider autant qu'elle le pouvait les plus démunis. La fillette la priait depuis souvent car elle croyait que cette Sainte serait amène à comprendre ses doutes et ses humiliations.

Face à la petite statue dont se dégageait une totale humilité, Cassandre remonta sa belle robe et s'agenouilla. Elle joignit les mains l'une à l'autre puis prononça silencieusement sa prière :

"Ma petite mère céleste, toi qui veille sur moi, toi qui remplace ce que ma mère terrestre ne peut plus accomplir, me pardonneras-tu l'acte que je vais commettre ? Ce n'est pas bien. Je le sais. mais que puis-je faire' ? Je suis esclave et mon maître a commandé. Et puis, c'est préférable ce service à devenir... Tu sais ce que je redoute. je ne veux pas devenir une... Protège-moi, je t'en suplie, petite mère, et guide mes pas."

La fillette se signa en terminant sa première puis se releva et s'inclina respectueusement devant la statue. Elle s'éloigna ensuite et alla se mettre à nouveau dans une position de recueillement mais devant l'effigie de la Vierge. désormais débutait la mission. elle devait attendre le commencement du baptême, rejoindre le petit infirme et réussir à gagner sa confiance pour que celui-ci al suivre. Dans son esprit repassait les phrases a apprises de Bastien qui avait imaginé toutes les éventualités. son regard se durcit un pe. Elle ne devait pas le décevoir.

Après sa singulière rencontre avec Théodosie, Tristan avait demandé en toute humilité à des croyants de l'aider à porter son fauteuil à travers les marches de l'église, pour rejoindre l'intérieur de l'édifice où la cérémonie allait commencer. Il remercia les fidèles d'un tendre sourire et alla s'installer - comme le voulait le protocole - dans l'ombre de celui à qui il appartenait.
Le moment de liberté n'avait été que de courte durée. Le petit esclave revenait à son silence et à sa posture docile, mains croisées sur ses genoux, tête penchée à côté du Cardinal. Au moins, la cérémonie allait être belle, sous la baguette consciencieuse du père Thierry. Les yeux de l'invalide se rallumèrent quelque peu à la vue du prêtre si proche de ses fidèles, serrant des mains, bénissant ici et là. Oh, il y avait là une part de comédie, Tristan s'en doutait bien : il s'agissait de faire la meilleure impression possible juste avant un jugement pour mauvaises mœurs. Cependant, malgré les dérives certaines du père d'Anjou, on ne pouvait pas lui ôter une empathie véritable pour ses paroissiens - notamment les plus fragiles.
L'esclave n'eut bientôt plus qu'une hâte : voir arriver l'enfant à l'honneur en ce jour, entouré de sa sœur et de sa mère dans sa radieuse robe bleue. Pour sûr, le garçon allait fondre de tendresse.

Après cette rencontre avec la bohémienne, Alexandre rejoignit à son tour, au milieu du cortège, l'église. Son regard surprit la silhouette de son père et il s'étonna de le voir parler aux fidèles. D'ordinaire, il ne le faisait que si on l'interpelait. Changeait-il réellement ? Le garçon n'en était pas cependant totalement sûr. Son père était un homme si complexe à saisir.

Perdu dans ses réflexions, Alexandre ne remarqua pas la pierre descellée près de l'entrée, qu'il connaissait pourtant, et s'étala de son tout son long au sol. Il se redressa, piteux :

"Je vais bien."

Tout en simulant la prière, Cassandre guettait discrètement l'intérieur de l'église. Le cardinal et le prêtre l’avien répéré. Elle le sentait. Ses expériences malheureuses l'avaient formé à développer son intuition et son instinct. Ils ne pouvaient rien soupçonner. elle n'était qu'une paisible chrétienne. Qui soupçonnerait un enfant ? Elle aperçut ensuite sa cible entrer. On l'avait déposé afin de pouvoir monter les marches. Ce détail l'inquiéta. Comment sortirait-elle avec lui dans son fauteuil ? Bastien y avait-il songé ? Ou faudrait-il improviser ?

Soudain, un bruit sourd la fit se retourner. Le garçon en béquilles venait de s'écrouler sur les pavés. Un rire la saisit. Quel maladroit ! Mais cela pourrait lui servir. Pendant que les regards allaient immanquablement se tourner vers le garçon, Cassandre se leva et s'avança vers Tristan. Elle se plaça cependant derrière le fauteuil afin de se dissimuler du cardinal. Il ne devait ni la voir ni surtout la reconnaitre. Elle prit alors une petite voix désolée, déformant ses traits, s'inspirant de ses pires moments, afin de feindre la tristesse.

"Pitié. Il faut que tu m'aides. Toi.. toi qui apparais alors que je priais pour mon frère... Oui, tu es la réponse à mes prières. C'est le Ciel qui t'envoie à moi."

Alors que Thierry terminait les préparatifs de la cérémonie, un bruit sourd résonna près de l’entrée. Il s'avança et découvrit en premier les siamoises qui ramassaient la personne de glisser sur cette maudite pierre descellée. Quand les ouvriers qu'ils ne cessaient d'appeler allaient-ils daigner se déplacer ? On lui répondait toujours de belles excuses, qu'un simple pavé n'était pas si dangereux... Il se rapprocha et sourit aux jumelles tout en conservant une allure raide, ne voulant pas paraitre trop proche.

"Merci pour votre générosité, mes filles. Dieu vous en bénit."

Le prêtre remarqua alors la personne qui venait de glisser. Son fils. Son fils qui venait à l'église chaque joue depuis sa naissance. Son fils qui avait été enfant de chœur trois années durant. Son fils toujours aussi étourdi. il jeta un regard de travers à Alexandre et poussa un long soupir, ajoutant d'une pointe sarcastique :

"Mais peut-être aurait-il mieux fallu le laisser au sol... Ce garçon provoquerait moins de dégâts s'il rampait. Alex... Alex, depuis combien de temps exactement vient-ici ? Comment fais-tu pour ne pas te rappeler de l'existence de cette pierre disjointe ? Tu es capable de réciter n'importe quelle psaume de la Bible, en latin comme en vulgaire, mais non, monsieur ne prêtera jamais attention au monde extérieur. Cela est sans doute trop basique pour lui."

En son for intérieur, Thierry sentait être injuste dans ses reproches mais l'énième maladresse de son fils réveillait ses angoisses. Toutes ces bêtises, ces imprudences, ces mauvaises décisions.. Tout lui revenait à la mémoire et lui faisait redouter le pire pour son avenir. Quand cet imbécile allait-il apprendre à être attentif ?

Tout penaud, Alexandre se laissa porter par les siamoises qui l'aidèrent à se relever puis reprit ses béquilles. Il baissa la tête, nerveux, se demanda ce que le cardinal allait pouvoir lui dire. Le punirait-il ? Il murmura aux jumelles :

"Merci...."

Alors son père les rejoignit et lui adressa un sermon pénible que le fils savait destiné à toutes ses bêtises et non à cette seule étourderie. Il garda la tête baissée, soumis, n'osant croisant son regard.

"Pardon, mon père."

Matthieu entendit l'agitation à la porte de l'église. Ses deux esclaves arrivaient. Il leva les yeux au ciel. Il n'avait pas envie de les avoir sur le dos aujourd'hui. Matthieu grogna en direction de Tristan.

- Va donc plutôt sur le banc d'à côté. Je dois méditer personnellement dans la maison de Notre Seigneur.

Au moment où il tourna la tête, il vit Alexandre, mais surtout la... "chose" qui le relevait. Il se signa rapidement, entament une prière en fermant les yeux et en serrant les doigts. cette distraction l'aida à ne pas remarquer la fillette.

Don Juan de la Vega, 30 ans

Son amant entrait à son tour. Dans le giron de l'austère cardinal, Tristan se retint bien de sourire - avant qu'il n'en ait plus du tout envie en voyant Alexandre trébucher. Heureusement les jumelles intervinrent de suite. Tristan se perdit un instant à admirer une nouvelle fois ces deux femmes liées à jamais, qu'il avait déjà croisées quelques temps plus tôt sur le parvis... Le jour où le seigneur de Frenn l'avait pris à son service. Il déglutit à ce mauvais souvenir.
La frêle voix d'une jeune demoiselle le tira de ses pensées. Il la considéra : probablement la fille d'un grand bourgeois, dans cette belle robe. La pauvrette implorait son aide. Pourquoi lui ? Que pourrait-il faire ? Il rougit et baissa les yeux. L'esclave s'apprêtait à demander pardon à la petite Dame, à répondre qu'il ne pouvait rien pour elle et qu'il n'avait pas le droit de bouger sans autorisation de son maître... Néanmoins presque comme un signe du Ciel, le cardinal lui ordonna justement de s'écarter de lui afin de le laisser à des méditations que l'invalide préférait ne pas imaginer. Il dissimula son contentement et acquiesça de sa voix toute docile :

-- Bien, maître.

Il recula et se pencha aussitôt vers l'élégante enfant. Tristan esquissa un sourire et chuchota au plus près d'elle :

-- Qu'est-ce qui arrive à vot' frère, Mam'zelle ? J'peux faire quoi pour vous ? (Il tortille ses doigts dans sa vieille écharpe et reprend) Je sers Son Éminence, j'peux pas trop m'éloigner, mais j'vais essayer d'êt' au mieux.

Concentré sur la petite Dame, il n'en aperçut que vaguement l'entrée des autres paroissiens, de Claire-Marie et du reste de la famille d'Irène. Pourvu que le service qu'on demandait à l'esclave ne l'empêcherait pas d'assister au baptême qui allait bientôt s'ouvrir...

Passé le sermon adressé à son étourdi de fils, Thierry se tourna vers Irène pour répondre à sa question. Beaucoup de gens étaient entrés. Son église se remplissait. Son regard se fixa soudain sur l'arrivée de Joseph et se focalisa sur Claire. Son cœur battit fort dans sa poitrine. Sa fille était là. Elle allait bien. Il regretta de ne pouvoir l’étreindre aujourd’hui. Mais avec la présence du cardinal... dans un lieu si public.. Impossible ! Il remarqua son maître, le seigneur Emeric de Wollenbach. Lui aussi ne devait pas apprendre tout de suite l'information. Discrètement, le prêtre adressa un sourire à Joseph, ne pouvant faire plus. Il se tourna à à nouveau vers Irène.

"Nous pouvons enfin commencer la cérémonie, oui. Que le parrain et la mère amènent l'enfant !"

Sur ce, le prêtre se retourna et marcha d'un pas rapide vers l'autel puis indiqua les fonts baptismaux où attendraient Irène et Juan. Il débuta d'une voix forte son sermon dans lequel il exprima le plaisir de voir une famille réunie afin de célébrer l'entrée d'un enfant dans la communauté de Dieu. Il évoqua ensuite les devoirs qui incombaient aux parents et parrain d'élever cet être dans la rectitude et le chemin du Christ. Il continua un certain temps son sermon en s'appuyant sur quelques extraits des évangiles, lisant plusieurs extraits du baptême du Christ demandant à Jean-Baptiste de recevoir le baptême, démontrant ainsi l'humilité totale du Seigneur et affirma que c'était à cela que tout chrétien devait tendre.

Le sermon dura longtemps puis il s'avança pour rejoindre Irène et Juan qui tenait le petit Ludovic.

"Il est temps de baptiser maintenant cet enfant."

Grâce à tout ce monde qui entrait tous en même temps, Cassandre devenait invisible. Parfait ! Bastien serait content. Elle suivit sa cible vers le banc que le cardinal lui indiqua, veillant à toujours rester dissimulée par le fauteuil. il s'adressa à elle mais semblait craintif. Son maitre était cruel. Comme Blanche. Elle se rappela Bastien, si gentil. Elle devait obéir pour lui, pour lui faire plaire. En plus, elle évitera le tapin grâce à sa réussite.

Prenant une voix timide, la mine éplorée, elle murmura :

"Mon frère... Mon pauvre frère... Il a eu un terrible accident. Un pari stupide avec ses amis. Il est devenu infirme. Ses jambes... Ses jambes ne fonctionnent plus. il dit qu'il est un poids, qu'il ne servirait plus à la famille. Il parle de se tuer. Ma mère est en pleurs sans arrêt. mon père est désemparée. Mon pauvre frère... Il ne peut pas... Se tuer.. Le péché mortel. son âme.. son âme va brûler dans les limbes... J'étais venue ici dans l'espoir d'en parler au père Thierry, d'avoir de l'aide.. mais je t'ai vu... Tu es infirme toi aussi. et si.. si tu venais parler à mon frère ? Je suis sûre que tu sauras le convaincre, toi. S'il te plait ! s4il te plait ! Mon frère... mon pauvre frère..."

Elle accompagnait son discours de larmes qu'elle s'obligeait à verser en songeant à sa mère morte de la variole, un peu avant la déchéance de son père. Elle jeta alors un regard au cardinal quand l'infirme l'évoqua.

"Ah.. tu es esclave... Mince. mais mon frère.. si on se dépêche... Quand je suis partie tout à l'heure, il avait déjà un couteau. mon père est resté avec lui. Mais j'ai quand même peur. si on attend... Si on attend.. Ton maitre est religieux.. il sait combien le suicide est un grave péché.. il t'en voudrait pas de venir sauver l'âme de mon père ! Si ? ou alors... alors.. Mon père est un commerçant influent et riche. il ira parler à ton maitre. Il le persuaderait de la justesse de la cause. Si tu sauves mon frère, il fera n'importe quoi pour toi. S'il te plat. S'il te plait. S'il te plait."


Avant d'entrer dans l'église, Bastien passa par dessus ses cheveux une perruque brune afin de dissimuler ses traits de ceux qui l'auraient vu, en particulier de ce maudit cardinal. Il passa devant le bénitier et se signa pour ne pas attirer l'attention puis ala se cacher derrière une colonne. Son regard remarqua vite Cassandre. U sourire s'étira. Elle était déjà au travail. Allait-elle réussir ? Sa main plongea dans la poche de son manteau. Ses doigts effleurèrent la bouteille de la potion soporifique dont i aspergerait le petit esclave s'il refusait d'écouter son appât. pour le moment, il attendait. Cassandre était volontaire, motivée et il la savait efficace. il lui faisait confiance.

Désireux de faire oublier sa dernière stupidité, Alexandre se tassa sur lui-même et évita de croiser les regard aux alentours. Au milieu des gens qui se réunissaient pour le baptême, le garçon releva la tête en apercevant Claire débarquer à l'église. le sourire lui revint. Il attendit que tout le monde s'installe puis alla s'asseoir à son tour sur le banc où sa sœur venait de se poser.

"Claire ?"

Il prononça son nom d'une petite voix timide mais qui trahissait son profond désir de la revoir.

"Tu vas bien ? Pourquoi t'es là ? Ton maitre.. c'est un ami du mien ? Le mien, c'est le cardinal là-bas, tu vois."

Le jeune homme prit ensuite le dessin de sa tunique puis le tendit indifférent au semon le père Thierry prononçait, trop excité par ses retrouvailles avec sa sœur. Il dit timidement:

"Tiens, j'ai fait ça pour toi. j'ai voulu faire ton portrait. Tu... Tu aimes ?"

Claire restait près de Joseph. Son père ne vont pas vers elle, mais il semblait avoir du travail. Elle s'assit alors et son frère arriva près d'elle. Elle lui sourit.

- Non, c'est le sire Joseph qui est venu me chercher, il disait que le père Thierry voulait me voir au baptême, alors je suis venu.

Elle sentit la main de son frère lui indiquer un homme. Elle sentait la présence importante et imposante. En tendant l'oreille de ce côté, elle veut aussi entendre d'autres voix, qu'elle ne connaissait pas.
Alexandre lui remit alors une feuille. Claire garda ses yeux immobiles fixés vers le père Thierry mais passa un doigt, sentant le crayon. Elle eut un sourire triste.

- Je ne saurais vraiment te dire. Mais je pense qu'il est très beau, rien que par son intention.

Alexandre écouta, intrigué, les explications de sa sœur. Quand et pourquoi leur père l'aurait-il convoqué ? Depuis la prison ? Claire savait-il au fait ce détail ? Si ce n'était pas le cas, il préféra lui mentir et lui dissimuler cette information qui ne ferait que l'inquiéter.

"Papa s'en faisait pour toi depuis qu'il t'a laissé à la taverne. Mais aujourd’hui... il ne peut pas s'occuper de nous. Il est être, tu sais, et un prêtre n'est pas censé avoir d'enfants. quoique toi.. toi, tu es née avant qu'il ne prononce ses vœux, si je me souviens, alors ça pourrait encore passer peut-être. Mais mieux vaut éviter de lui causer des problèmes inutiles. De toute façon, ça c'est am spécialité."

Il s'étonna de voir la jeune femme tourner la tête mais sans véritablement fixer les personnes. elle semblait plutôt écouter. Il la vit alors toucher son dessin, être émue, mais lui répondre de manière étrange. Il croisa son regard et se sentit profondément stupide. Ses yeux si noirs... Elle était aveugle.

"Quel boulet... Je ne suis vraiment qu'un boulet..."

Prenant ensuite une voix très douce, il saisit avec délicatesse la main de sa sœur et le posa en douceur sur son visage. Sa main entre la sienne, il la guida à effleurer ses joues, son front, la forme de ses yeux.. afin de lui permettre de se faire une représentation de son image en dépit de sa cécité.

"Tu vois, j'ai un front un peu pâle, large, avec mes mèches qui tombent dessus, mes yeux, leur cavité est creuse ils sont verts, pas comme ceux de papa qui sont marrons. je les tiens, comme la couleur de mes cheveux, de ma maman."

A la suite de cette description, le frère poursuivit et conta la cérémonie et tout ce qui se déroulait au sein de l'église. sa voix était douce et mélodieuse. il parlait lentement, laissant la jeune femme s'imprégner des images que ses mots faisaient entrer dans son esprit. Le garçon souriait, heureux de lui être utile. La cécité de sa sœur n'était rien. tant qu'll serait avec elle, ses yeux seraient les siens. Tout le long, sa main restait serrée autour de celle de Claire, posées sur le banc.

Spoiler:

Alexandre écouta les réponses de sa sœur puis s'interrogea un instant sur les relations entre ce Joseph et son père. Ils étaient venus ensemble depuis la prison. Il devinait sans mal le frère d'Irène négociant auprès des soldats pour que le prêtre sorte pour le baptême. Mais pourquoi Joseph aurait accepté d'aller chercher claire ? Un élément manquait. Se connaissaient-ils d'avant ? Joseph était une relation de leur père ? Un ami ? Alexandre était sceptique : le père d'Anjou n'avait aucun ami. Il vivait seul, toujours seul, et fuyait les contacts trop intimes. Il préféra ne pas alarmer Claire de ses soupçons.

"Je vois. Joseph.. C'est le frère d'Irène qui est la sœur de mon maître. c'est une femme incroyablement gentille. Si bonne. Si généreuse. Elle m'avait recueilli peu après le châtiment du pilori, quand j'étais à la rue mort de faim. Et... Baste ! On se demande comment Irène et Joseph peuvent être de la même fratrie que mon maitre. lui.. lui c'est un homme vulgaire, certes éduqué, mais sans aucune distinction, violent et hautain. C'est le pire serviteur que Dieu pouvait trouver."

Par prudence, Alexandre baissa fort le son de sa voix et Claire serait obligée de bien tendre l'oreille pour tout saisir de ces révélations. ll n'avait pas envie que quiconque,surtout son maître entende ces reproches. Néanmoins, cela lui faisait du bien de cracher enfin ces mots.

De manière plus naturelle, il reprit :

"Je ressemble assez peu à maman, en fait. il parait que mon visage est plutôt celui de papa. toi.. Toi, tu as pris de ta maman entièrement. C'est papa qui l'a dit ! Il a dit que c'était même comme ça qu'il a pu te reconnaitre, que tu étais comme cette femme qu'il avait aimé et était mortes en couches. Tu sais que ma maman à moi a aussi manqué de mourir en me mettant au monde ? c'était très limite. Mais heureusement on connaissait une excellente accoucheuse. C'est elle qui a délivré maman et l'a sauvé. sinon.. Sinon je ne sais pas ce que je serai devenu sans elle. je ne marcherai pas. C'est maman qui a fait tant d'efforts pour m'apprendre la marche à développer mes muscles faibles. Elle est vraiment trop gentille ma maman."

Alexandre sentit son cœur se serrer à cette douce évocation maternelle, proche de verser une larme. sa mère.... Comment allait-elle ? Son époux... Que lui faisait son époux ? Sa main autour de celle de Claire trembla. il tenta de se reprendre en continuant de décrire la cérémonie mais le malaise le poursuivait. sa voix vibrante d'émotion indiquait clairement sa tristesse.

Tristan laissait Alexandre à ses douces retrouvailles avec Claire-Marie et se concentra sur la cérémonie. Des larmes d'émotion lui vinrent à l'arrivée d'Irène et Juan devant la cuve baptismale et il s'attendrit des gazouillis de l'enfant bientôt absorbé d'eau bénite.
La voix de la petite Dame le rappela soudain à de plus sombres considérations. Une profonde mélancolie tira les traits du garçon alors qu'il écoutait l'histoire de ce malheureux frère. Il crut entendre de nouveau des que lui même s'infligeait jadis : qu'il ne valait rien, que sa vie ne serait qu'alourdie des moqueries et désillusions. Il blêmit quand la demoiselle parla de suicide et hocha honteusement la tête à l'évocation de son statut servile.

-- Oui, j'suis esclave de Son Éminence. Je... j'peux pas... j'peux vraiment pas sortir de l'église sans sa permission. Même s'il est occupé, y pourrait à tout moment voir que j'suis plus là et...

Les douleurs de la cruelle flagellation se rappelèrent à lui. Presque aussitôt néanmoins, il se trouva égoïste de songer ainsi à lui alors que l'enfant réclamait de l'aide pour une situation bien plus grave. Tristan se pinça la lèvre. Comment faire ? Il pourrait demander au Cardinal d'aller sauver cet infirme en invoquant le risque de suicide - autrement dit de péché mortel. L'idée toutefois ne lui convint pas et il secoua aussitôt la tête de dégoût : Matthieu haïssait tant les infirmes qu'il ne pourrait qu’appesantir davantage le cœur de ce frère malade. Oh certes il le dissuaderait de se tuer, mais l'encouragerait au repentir et serait même capable de lui demander de considérer les péchés qui l'ont rendu invalide ! Très mauvaise solution. Une autre personne vint alors à l'esprit de l'esclave et, retrouvant son sourire, il murmura :

-- Mam'zelle, écoutez... il y a un troubadour en ville. Imposant, en fauteuil lui aussi, et avec une lyre. Il est... solaire, admirable, doué, il saura parler à vot' frère. Et lui est un homme libre. Lénius, c'est son nom. C'huis sûr que vous l'trouverez dans les parages.

N'écoutant que son cœur et au mépris de l'écart social qui les séparait, Tristan tendit les bras et donna un câlin à la petite Dame. Mais il ne la suivrait pas. Quelque ombre planait sur elle, comme un danger pressenti par Tristan. Il ne devait pas désobéir une fois de plus et s'éclipser. Quant à Lénius, il saurait très bien s'en dépatouiller s'il s'élevait un problème.

La réponse qui venait de lui être ne satisfaisait pas du tout Cassandre. Tout cela mettait à terre le plan fomenté par Bastien. Il n'existait aucun frère, aucun infirme... Tout cela n'était que prétexte pour subtilise habilement le petit infirme. Elle ne pouvait donc se retirer et aller chercher l'homme qu'on venait de lui conseiller. Comment faire ? Elle était coincée. Irrémédiablement coincée.Des larmes véritables perlaient à ses yeux Si elle échouait... Bastien.. Lui aussi allait être déçu. Tous la forceraient désormais. Elle serait obligée. Elle n'aurait plus le choix.

Brusquement, les bras de l'infirme la prirent délicatement et lui procurèrent une tendresse infinie que la fillette n'avait plus ressenti depuis longtemps. Les larmes lui coulèrent davantage. Elle se sentait si misérable de manipuler un garçon si gentil et de servir à l'appâter vers un antre de douleur et de misères. Elle s'écarta, trop honteuse pour profiter de l'étreinte si pure et désintéressée.

"Pardon..."

Elle bredouilla le mot, bafouilla, les yeux rougis.



Posté derrière la colonne, Bastien ne perdait pas une miette des manigances et observait sa protégée de toutes ses capacités. La réponse de cet insupportable infirme l'horripila. Comment osait-il lui tenir tête ? Son poing se serra. Il lui apprendrait prochainement une petite leçon pour avoir été une plaie à capturer. Il remarqua ensuite les tremblements de Cassandre puis ses larme. Son cœur s'apitoya. La pauvre petite ! Ce misérable esclave osait en plus la faire payer ! Il ne l'en détestant que plus !

Face à ces contrariétés, il lui fallait agir. Il avait promis à Blanche de le rapporter aujourd'hui. Il tiendrait parole.

En premier lieu, Bastien vérifia que sa perruque châtains dissimule bien ses véritables cheveux et soit bien accroché. Il passa ensuite la tête pour vérifier si un regard risquait de le surprendre.


[lancer de dé : Bastien peut-il sortir sans croiser un regard qui risquerait de l'apercevoir ?
réussite : oui échec : non]

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'Audace' :