[RP alternatif] Institut Saint-Martin

Satisfait d'entendre cette promesse, l'esprit d'Alexandre cessa finalement de lutter. Sa main se desserra de celle de Tristan avant que celui-ci n'eut de la lâcher et le garçon s'écroula de fatigue.

Alexandre fut laissé en paix durant le reste de la journée et encore toute celle du lendemain. Il paraissait si épuisé que même le réveil brutal des internés n'eut aucun effet sur lui le premier matin. Tristan, harassé par sa journée de labeur, s'était pourtant arrangé pour se réserver la couchette juste à côté de celle de son ami : aller plus vite, doubler un peu des patients ici et là, rentrer dans les premiers au sein du dortoir au prix de manœuvres et de vitesse poussée imprimées à sa chariote. Il avait pu veiller sur son sommeil, puis se rassurer lorsque les surveillants lui accordèrent une journée de répit supplémentaires. Heureusement que le garçon bénéficiait de ce repos : il découvrirait bien assez tôt les journées types et les routines de l'institution. Pour tenir leur parole, les deux petits invalides allaient devoir faire profil bas et tout observer durant quelques temps. Avant - espérait Tristan - de découvrir une piste, une faille, n'importe quoi propice à une fuite.

Ce fut donc au bout de presque deux jours de repos pour Alexandre qu'une nouvelle aube se dessina à travers les étroites fenêtres du dortoir. Le clé grinça dans la serrure de la porte - toujours verrouillée pour la nuit - et le battant s'ouvrit en fracas. Le groupe des commis pénétra au sein du dortoir, se répandit entre les différentes rangées de couchettes au bruit sonore de leurs bottes. On frappait des mains. On hélait sans ménagement :

-- Debout ! Tout le monde ! Levez-vous ! Vite !

Quelques cannes claquaient ici et là. Les formes assoupies commencèrent à remuer, à grogner, puis à sortir les pieds de dessous les couvertures. Tristan, en boule sur son matelas, se recroquevilla d'abord plus encore sous l'effet d'une habitude prise avec la peur. Il cilla, battit des paupières, grommela quelques petits sons incompréhensibles. Puis dans le mouvement général, il s'étira autant que faire se pouvait, avant d'entreprendre de se transférer sur son fauteuil roulant resté à côté de la couchette. Le lit grinça sinistrement. Tristan devait faire vite s'il ne voulait pas recevoir un coup. Des gardiens continuaient à beugler autour et remuaient les plus récalcitrants à se lever.

-- Toi ! A la corvée d'eau !

L'un des commis venait de s'adresser à un enfermé enfin droit sur ses pattes. A tour de rôle, les pensionnaires devaient aller remplir un seau d'eau à ramener à toute vitesse à leurs camarades pour qu'ils effectuent la toilette sommaire. Le désigné du jour se frotta une dernière fois les yeux et sortit sans traîner. Tristan le suivit du regard, avant d'observer Alexandre.

Alexandre dormit profondément tout le reste de la journée et ne se réveilla même pas au cours de al nuit qui suivit. Son corps était épuisé que celui-ci avait besoin d'un repos total et son esprit malmené en avait tout autant besoin. Lors du matin où les surveillants vinrent tirer les pensionnaires du sommeil, le garçon se redressa lentement mais se sentait à nouveau frais, prêt à reprendre une activité. Il s'apprêta à sauter du lit pour montrer as bonne volonté mais un des hommes lui ordonna de rester au repos. Il préféra cette fois ne pas protester. Ce n'était pas cette fois un ordre idiot.

Néanmoins, une fois seul dans le dortoir, Alexandre s'allongea dans le lit et s'ennuya toute la journée sans activité. Il n'avait jamais eu pour habitude de paresser. Que ce soit papa ou maman, on l'occupait toujours à la maison ou dans la librairie ! Il consacra alors sa journée à réciter intérieurement ses déclinations latines puis à composer quelques poèmes en grec. Cela demandait une certaine maitrise et de temps.

Au matin de la nouvelle journée, Alexandre descendit dans les premiers du lit, pressé de reprendre une place utile. Il ne supporterait une autre journée d'oisiveté. Un surveillant lui donna un ordre mais qui gêna un temps le garçon. Le visage embarrassé, tout timide, il murmura :

"Pardon.. Mais je peux dire ma prière avant ? On m'a appris qu'il ne fallait rien commencer dans une journée sans dire une prière."

Ses yeux étaient presque larmoyant. Ne pas pratiquer ce rituel serait si difficile. Il reprit, piteux :

"S'il vous plait..."

Tristan fut soulagé de voir son ami remuer rapidement de son lit et prendre le pli. C'était l'attitude la plus prudente, en attendant de trouver mieux. Il fallait filer droit, c'était triste mais c'était ainsi... Il adressa à Alexandre un tendre sourire d'encouragement.
Le surveillant grogna en s'entendant interpellé par le béquilleux. Au moins, ce gamin était très pieux, il n'avait pas à le gronder pour le désir de dire une prière.

-- Eh bien vas-y, prie. Après, dépêche-toi.

Les retardataires se levaient péniblement. Les uns arrangeaient plus ou moins leurs habits, leurs cheveux, d'autres attendaient l'arrivée de l'eau et du savon sans rien faire. Quelques infirmes se penchaient, se tordaient, s'arrangeaient pour quitter le lit sans trop de difficultés et attraper leurs cannes ou leurs attelles.

L'immense dévotion de ce jeune garçon étonna presque le surveillant et draina sur lui plusieurs regards pendant qu'il disait sa prière. Tout ému, Tristan joignit aussi les mains et murmura quelques mots en faveur de son nouvel ami. Ils devaient tenir le coup.
Là-dessus, Alexandre partit, clopinant sur ses cannes, mais tarda à revenir. Tristan le premier comprit ce qui arrivait : dans la précipitation du réveil et au milieu des remuements de tous les malades, le garde qui avait donné cet ordre à son comparse n'avait pas remarqué son besoin de béquilles. Il n'allait certainement pas pouvoir revenir avec le cuveau rempli d'eau ! Le petit infirme prit son courage à deux mains et murmura :

-- Euh... Messire... Pardon, Messire, mais... Alexandre, il arrivera pas tout seul... Vous m'autoriseriez à aller le retrouver ? J'prendrai la cuvette sur mes jambes ?

A ce moment seulement, le commis comprit son erreur. Il ne pouvait pour le coup pas en vouloir au béquilleux. Il ronchonna une autorisation rapide à l'attention de Tristan, qui aussitôt le remercia et partit aussi vite que possible sur sa petite chariote.
Quand il eut rejoint le point d'eau, il trouva Alexandre effondré, au sol, la tête contre un muret. Sans hésiter, l'invalide l'enlaça tendrement. Le garçon pourra sentir la douce chaleur tout contre lui et apprécier le câlin. Tristan murmura :

-- Ça va aller. Il a pas pensé, mais j'vais t'aider.

Le câlin surprit Alexandre qui se retourna et dévisagea Tristan avec surprise, le visage ruisselant de larmes

"Il.. il a pas pensé... Mais..."

Il baissa la tête et contempla son corps si maigre, si faible.

"Je suis tellement inutile. je ne sais rien faire. Sauf lire et écrire. Mais à part dans une librairie, c'est utile nulle part. je ne sers... Je ne sers à rien."

Sur ces quelques mots, l'enfant s'effondra au sol, se noyant dans ses sanglots.

Tristan se sentait le cœur brisé aux paroles, et surtout aux larmes d'Alexandre. Paniqué, il tenta de son mieux d'arrêter ce flot de sanglots - lui-même se sentait les larmes au bord des yeux et il n'en faudrait encore que très peu pour que lui aussi fonde en pleurs. Le petit infirme resserra son étreinte autour de son ami et se mit à le bercer doucement. De nouveau, il lui donna un bisou sur la joue.

-- S'te plaît... Dis pas ça... Ici c'est sûr, ça t'sers pas de savoir lire et écrire... Mais dehors... Dehors... Tu te souviens ? On va partir d'ici. On y arrivera. Dehors... Un garçon comme toi, avec l'instruction, avec des savoirs si précieux... Tu t'en sortiras, j'en suis sûr et certain. (Un temps) Allez, s'y te plaît... r'prends-toi. Faut qu'on y retourne ou ça va gueuler.

Il attendit que son camarade retrouve ses esprits et que son chagrin se tarisse un peu. Puis Tristan s'empressa de rejoindre le puits. De toutes ses forces, tirant de ses petites mains sur la corde, il parvint à sortir le seau rempli. Il en versera le contenu dans une bassine à ses pieds. Quand Alexandre sera prêt à repartir et se redressera sur ses béquilles, Tristan prendra la lourde vasque sur ses jambes et le suivra. En attendant, Tristan s'appuyait sur ses mains serrées à ses genoux. Essoufflé, il récupéré sa respiration après l'effort que lui avait demandé de tirer le seau.

Alexandre sanglota un petit moment en dépit des caresses et du bisou que lui donnaient Tristan. Jusqu'à aujourd'hui, il n'avait jamais eu conscience des limitations que posaient son infirmité, grandissant dans le petit monde protégé de al librairie paternelle. Mais ce n'était pas la réalité du monde. En prendre conscience était douloureux. Vraiment douloureux. Peu à peu, ses larmes se tarirent même si on cœur restait embrumé.

Tristan s'éloignait pour tirer l'eau que le surveillant avait demandé. Les paroles de son camarade lui revinrent et lui rappelèrent son désir d'évasion. Sortir, oui. Revoir maman, la rassurer, demander de l'aide au père Thierry.... Ce n'était pas terminé. Reprenant courage, il se redressa, appuyé sur ses béquilles.

"Ouais, on va bien observer les lieux et trouver une idée pour s'évader. Et si... Mais oui ! Je me rappelle dans plusieurs romans et pièces de théâtre, des personnages sortent de prison en se faisant passer pour mort ! Et si on faisait pareil ? Comme ça, on emporterait nos corps puis quand on serait laissé seuls, on se barrerait ! Ni vu ni connu !"

Alexandre rit en même temps, tout excité :

"Ca va être facile ! Un vrai jeu d'enfant !"

L'accalmie des larmes d'Alexandre soulagea le cœur de Tristan. Il l'encouragea, d'un sourire, à continuer de rester fort, même si le petit invalide sentait bien que son ami demeurait en peine.
Tandis qu'il ajustait la lourde bassine sur ses genoux, jouant des jambes et du bassin pour trouver la meilleure position afin de ne rien renverser, Tristan écouta les idées d'Alexandre. Comme il était surprenant de voir son enthousiasme revenir d'un coup, à la seule idée d'une évasion ! Il écarquilla les yeux, partagé entre l'excitation générée par un tel projet et les risques incommensurables que cela générerait. Le plan d'Alexandre était loin d'être bête. Mais il appellerait tellement de données dangereuses.

-- Faire croire qu'on est morts ? Mais... Faut qu'ce soit crédible, qu'on ait des bonnes raisons d'êt' morts... On est pas des vieux qui peuvent mourir d'un jour à l'autre. Genre, ce s'rait si on a pas mangé pendant longtemps, ou si on s'rait malades, que ce s'ra crédible. Et puis après... après... (il pâlit) si on nous enterre vivants ! Si on surveille sans arrêt nos corps et qu'on a pas une seconde à nous pour déguerpir avant d'êt' mi à la fosse ?!

Tout en parlant, Tristan initia le mouvement du retour. Il faisait péniblement avancer sa chariote, sur une route bossue et encombré qu'il était par la pénible bassine d'eau. Le petit infirme glissa un regard vers Alexandre pour s'assurer qu'il le suivait bien.

Tristan ne semblait pas partager son enthousiasme sur ses idées d'évasion. Alexandre baissa la tête déçu. Il pensait tenir une bonne idée. Pourtant, dans les romans, ce stratagème fonctionnait. Pourquoi cela n'irait pas dans la réalité ? Ce n'était pas logique. Les auteurs s'inspiraient de ce qui existaient pour créer des récits crédibles. Son camarade était sans doute trop craintif, du fait d'un manque d'instruction. Cela l’obligeait à croire sur parole les adultes, sans pouvoir les remettre en question.

"Tu sais, Tristan, faut pas croire tout ce que ça dit un adulte. dès fois, ça dit des conneries."

Le petit garçon marchait d'un rythme tranquille derrière l'infirme en fauteuil. il n'était pas encore fatigué et pouvait marcher presque normalement.

"Sinon... Sinon on peut jouer à être malade puis mourant ? Et en dernière volonté, je demanderai qu'on fasse venir le père Thierry ! Et le père Thierry, il me sauvera, j'en suis sûr ! Il m'a dit une fois que j'étais le meilleur de ses enfants de chœur ! Il est un peu étrange, le père Thierry mais il est aussi gentil. Mais pas avec tout le monde. Et surtout pas les adultes."

L'idée soudain émise par Alexandre fit freiner Tristan. Il se retourna vers son ami, l'air inspiré et abandonné à ses réflexions. Il commentait à voix haute, presque davantage pour lui que pour son camarade :

-- Faire semblant d'mourir... Ouais... C'pas faux, on nous f'rait venir un prêtre. Mais qui dit qu'le directeur, y nous enverra l'père Thierry ? Il a dû sentir que tu avais un truc particulier avec lui, et même si t'es son enfant de chœur, y trouvera ça suspect peut-être. Mais ce s'rait à tenter. Enfin... Après faut être crédible sur pourquoi qu'on mourrait d'un coup, tous les deux. J'pense qu'on devrait préparer, laisser croire petit à petit à une maladie non ?

Entre temps, il se remit à rouler. Il finirent bientôt par rejoindre les bâtiments, puis l'immense dortoir où se trouvaient encore les internés et leurs gardiens. Tristan pencha la tête et remit le baquet d'eau à l'un des commis. Puis, après avoir repris son souffle et s'être passé quelques secondes ses bras douloureux, il fila rejoindre sa place en espérant qu'on laisserait Alexandre le suivre sans histoire. Heureusement, le surveillant ne fit cette fois-ci rien de désagréable et n'adressa qu'un regard sévère au petit béquilleux, lui indiquant de rejoindre le rang sans traîner.
Alors que les enfermés commençaient à remuer, certains à chuchoter, le supérieur frappa brusquement dans ses mains et ordonna :

-- Silence ! (Avant que ne commence la toilette, il se traça cérémonieusement le signe de croix, suivi par les patients, pour entamer le rituel de la première prière de la journée) Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, Amen !

Tristan sembla étudier son projet. Alexandre voulut croire que cela était réalisable, que cela ne pouvait réussir. Il déchanta en entendant son camarade émettre des doutes.

"Quoi ? ils appelleraient pas le père Thierry ? mais... mais les dernières volontés d'un mourant, c'est sacré ! Ils n'ont pas lev droit ! "

Alexandre perdit son espoir à l'idée de feindre une maladie. Il ne jouerait pas assez bien la comédie. Il ne savait pas mentir.

"Alors, on av attendre et observer. Mais on trouvera ! Je te jure qu'on trouvera comment sortir !"

Le jeune garçon se perdit dans un pensif, troublé par un système aussi injuste, et ne dit rien jusqu'au retour au dortoir. Il observa avec attention le moindre geste des surveillants, cherchant une faille quelque part. Il devait bien en exister une ! Il entendit soudain l'un d'eux annoncer l'heure de la prière. L'enfant se mit aussitôt à genoux et débuta une prière, sans être gêné d'en avoir dit une précédemment, avant même que l'homme ne récita le credo. Les mains jointes, les yeux clos, Alexandre recueillit avec humilité et éprouvait la sensation dans ces instants d'appartenir à tout. Le Christ, il le sentait, approchait et lui donner force et courage.

Tristan ravala un soupir et garda le silence, après avoir vu Alexandre déchanter quant à la simulation d'une maladie mortelle. C'était trop dangereux... Chercher à fuir autrement serait plus long, mais sans aucun doute plus prudent. Résolu à ce nouveau projet, il rentra dans la vaste salle et pencha la tête en même temps que les autres internés pour la prière.

L'administrateur poursuivait :

-- Ô Ange de Dieu, veille sur nous pour cette nouvelle journée et permets-nous de ne jamais céder au mal, pour te servir avec humilité. Nous implorons ton pardon pour nos fautes. Nous te recommandons notre bien aimé Souverain, ainsi que les bienfaiteurs de ce Royaume qui dans leur générosité prennent soin de leurs sujets les plus dépendants. Amen.

Un vague "Amen" collectif fut répété, avant que chacun ne se signe. Nouveau son de cloche. Austère. Le sinistre fracas des corps et cannes en mouvements rejaillit, tandis que les internés disposaient maintenant de quelques minutes pour une toilette sommaire. Déjà, on se pressait autour de l'eau ramenée par les garçons, on se la partageait en petits bols. Un maigre savon circulait. Tristan se dépêcha d'en profiter - si tant est que l'on puisse dire cela, tant il fallait se presser à se frotter... car à peine fallait-il, aussitôt le savon reçu, le passer à son voisin. L'eau était si froide aussi... Le petit infirme serra les dents. Tout ployé, en boule, il frottait péniblement ses jambes, puis remonta vers son torse, ses aisselles. Le tout devait se faire dos tourné et en gardant les habits - pruderie oblige. Les mains avaient à se faufiler sous le tissu pour frotter les endroits les plus odorants.
Très vite, trop vite, la cloche retentit une fois encore et il fallut se diriger vers la salle longue comme un boyau qui servait de réfectoire. Suivant une morne habitude, Tristan se glissa dans la queue et cueillit le regard d'Alexandre, afin de lui indiquer le chemin, où se placer, quoi prendre. A la chaîne, on récupérait une écuelle de brouet, une cuillère, un verre d'eau. Beaucoup d'internés dépensaient ici le seul rilch quotidien qu'on leur donnait pour leur travail, afin de bénéficier d'un peu de sel dans la bouillie. De toute façon, ils n'avaient pas le droit de sortir, alors à quoi d'autre aurait servi cette misérable pièce quotidienne ? A part à se la faire voler par un autre enfermé si on essayait de les accumuler sous le matelas.

Morose, Tristan repensait aux mots de la prière. Il était bien dur, bien effrayant, ce Dieu à qui il fallait sans cesse demander pardon d'exister, d'être dépendants, d'être pêcheurs... Le petit infirme en avait peur, et cependant il le priait docilement plutôt que de subir cette colère céleste qu'on leur promettait dans le cas contraire.

Tout le long de la prière collective, Alexandre se recueillit avec solennité dans une piété digne et humble. Les paroles résonnaient à peine en lui. Il s'adressait à Dieu et au Christ pour guider ses pas et l'aider à sortir de cette épreuve. Il demandait du courage puis la protection pour sa mère seule aux prises de son père.

Lorsque la prière s'acheva, l'enfant ne l'entendit pas tout de suite, concentré sur son recueillement intérieur. L'agitation des garçons autour du baquet d'eau le sortit de sa douce transe. Il se signa puis reprit avec lenteur ses béquilles pour se redresser et s'avancer à son tour pour faire ses ablutions. Craintif des réactions des autres, Alexandre attendit le bon moment pour ne gêner personne. Il se nettoya rapidement le visage. Maman n'était pas là pour vérifier, après tout ! Il rejoignit ensuite Tristan qui le guida dans la foule.

Dans le réfectoire, tout le monde s'installait un à un devant un brouet. Alexandre suivit avec une grimace Tristan en s'asseyant à une table. Ce repas ne lui plaisait pas. Ceux de maman sentaient bien meilleurs ! Il trempa un doigt dedans eut eut une mine de dégout.

"Pfff... maman, elle cuisine vraiment mieux !"

Son regard croisa celui de Tristan qui semblait avoir peur.

"Ca va pas ? Les surveillants vont encore gronder ? Pourquoi ?"