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[le 30 novembre 1597] ~ Surprise pour le génie des bois [Terminé]

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Message par Sylvère d'Aiguemorte Lun 3 Aoû - 20:36

Aujourd'hui était officiellement la sixième journée qu'il passait à Monthoux en tant que Prudence Dussart, la nouvelle dame de compagnie de Kalisha. Mais ce ne serait pas la dernière.

Il n'y avait toujours aucun moyen de connaître exactement la longueur de ces vacances forcées. Vacances parce que voir Kalisha était le plus merveilleux des cadeaux. Forcées parce que la forêt lui manquait tout de même et qu'il n'était pas libre de ses mouvements, emprisonné dans les robes ou dans les conventions qui régissaient cette société de malheur.

Pour le moment, pourtant, les choses ne se passaient pas si mal que cela. En fait, elles se passaient même plutôt bien. Le déguisement tenait le choc, tout comme le voeu de silence. Le deuxième parfois plus difficilement que le premier, il fallait le reconnaître, mais en se mordant les joues pour éviter d'échapper quelques remarques, les choses tenaient. Et elles tiendraient encore le temps qu'il faudrait. Chaque jour, il s'habituait un peu mieux aux lourds tissus encombrants que Prudence devait porter constamment. Son vieux manteau lui manquait tout de même.

Mais quand le danger de croiser un intrus s'estompait, il abandonnait le rôle et le voeu de silence qui lui était imposé par la même occasion. Il redevenait Ysengrin, le Roi de la forêt. Et la plupart du temps, il échappait alors tout ce qu'il avait retenu durant les dernières heures de silence, amusant beaucoup Kalisha au passage.

Certes, on disait que les murs avaient des oreilles. La prudence, même dans la chambre de Kalisha, restait de mise. Son nom emprunté le lui rappelait. Prudence Dussart devait être prudente, oui,... mais qui avait dit qu'Ysengrin devait l'être, lui ?

Il ne s'agissait pas de courir au suicide, bien entendu. Lors de ces moments de détente, ils prenaient des risques. Pour être imprenable, il n'aurait jamais dû ouvrir la bouche, jamais dû embrasser Kalisha et jamais dû retirer les robes. Alors, certes, c'étaient des risques que de parler, mais des risques mesurés et pris avec toutes les précautions nécessaires.

Il ne voulait pas avoir de projets, pour rester libre. Mais il avait des objectifs, qui tenaient en quelques mots.

Retrouver sa forêt et ses cloportes.
Profiter chaque seconde, chaque minute, de sa belle reine.


Il l'aimait.

A tel point.
A la folie.
A la vie et à la mort.

A l'heure actuelle, il s'était laissé tomber en arrière sur le lit, en écoutant Kalisha lui lire son poème préféré et en se perdant dans la vision des rideaux de velours rouges qui entouraient le baldaquin. Il se laissait porter par sa voix et les mots.

Les vers et les pieds.

Cela faisait des années qu'il n'avait pas été allongé dans un lit aussi confortable que cela. Il fallait dire que sa couche de fortune dans ses bois n'était pas si moelleuse et il n'avait jamais eu de lit à baldaquin. Quand sa voix se tut alors, il ne put s'empêcher de faire remarquer :

- Ça fait une éternité que je n'ai pas été sur un lit aussi confortable.

Il s'était déjà fait la remarque plusieurs fois, sans jamais avoir pensé à le dire à voix haute. Après avoir imaginé des jours entiers dans quel milieu vivait sa belle reine, voilà qu'il s'y trouvait lui-même. En le lui décrivant quelques jours plus tôt, Cassandre lui avait dit que tout était magnifique.

Magnifique, c'était bien en dessous de la vérité. Mais il préférait sa forêt et sa grotte, même si c'était peut-être moins brillant. Rien ne saurait jamais être aussi beau qu'une forêt au printemps, ni plus merveilleux.

Il fallait vraiment qu'il survive jusque là, pour le montrer à Kalisha et Cassandre.

Penser à Cassandre le ramena à la dernière leçon de lecture, aux jours et mois qu'il lui avait appris et... le 13 décembre ! Il se redressa alors sur ses coudes sans prévenir avec un immense sourire.

- Vous savez que je connais un petit génie qui aura un an de plus le 13 décembre ?

Un petit génie qu'il aimait particulièrement.
Et à qui il avait bien l'intention d'offrir un cadeau.

Le plus joli des cadeaux à la plus jolie des princesses.

- Vous voudriez bien m'aider, ma belle reine ?
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Lun 3 Aoû - 23:36

Cela faisait presque une semaine qu'ils étaient à Monthoux. Une semaine d'un bonheur qu'elle n'avait jamais ressenti entre ces tristes murs. Une semaine qu'Ysengrin vivait ses journées oisives de Comtesse. Une semaine enfermée au domaine car Kalisha n’avait pas osé sortir alors que les recherches battaient leur plein pour mettre la main sur Sylvère d'Aiguemorte.

Ils avaient fait le tour du domaine, de ses parcs, ils avaient lu, écrit, et surtout parler dans ses appartements. C'était bien le point le plus embêtant de ce vœu de silence: Prudence ne pouvait pas lui faire la conversation. Alors elle se retrouvait souvent à faire la conversation pour deux. Ou à rester aussi silencieuse que lui selon les moments. Ils n'avaient de tout façon pas besoin de se parler pour se comprendre quand un geste ou un regard pouvait en dire tant.

Son beau roi avait adopté son rôle à la perfection comme elle s'y était attendue, même face à son mari il était restait muet comme une carpe ce qui était en soi, un réel exploit tant il pouvait se montrer terriblement horripilant. Tout se déroulait donc pour le mieux (ou presque), en tout cas sa couverture tenait bon, et c'était là l'essentiel.

Lorsqu'ils avaient enfin la possibilité de retourner dans ses appartements, elle s'empressait de mettre dehors domestiques et esclaves afin de pouvoir enfin parler librement avec lui et surtout : l’écouter. Entendre cette voix qui faisait vibrer son être entier…

Il ne suffisait que de quelques mots pour qu’il redevienne Ysengrin, son Ysengrin, qui la faisait tant rire de ses mots toujours si bien choisis. Elle savait qu'ils devaient néanmoins rester discret alors le plus souvent ils chuchotaient pour éviter les oreilles indiscrètes. Ce n’était pas le tout de prendre toutes ses précautions et de supporter ce déguisement si était pour ruiner leur stratagème aussitôt.

A l'abri dans ses appartements, on ne pouvait certes plus les apercevoir mais il était toujours possible d'entendre les mots qui s’y échangeait. Il n'y avait pourtant rien de plus réjouissant que de tromper les interdits en se jouant de l'environnement grâce à quelques murmures aux creux de l'oreille.

Il avait néanmoins eu raison sur un point: elle ne pouvait plus se passer de lui, de sa présence, de son amour. Comment allait-elle revenir à sa vie d'avant lorsqu'il pourrait enfin retourner dans sa forêt? Cela lui paraissait inconcevable.

Il était étendu, bras en croix sur le lit, un air de béatitude gravé sur son visage tandis que Kalisha lui lisait son poème favori, assise sur le bord de lit:

Si c’est aimer, Madame, et de jour et de nuit
   Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
   Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
   Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :

   Si c’est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
   De me perdre moi-même, et d’être solitaire,
   Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre, et me taire
   Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit :

   Si c’est aimer de vivre en vous plus qu’en moi-même,
   Cacher d’un front joyeux une langueur extrême,
   Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
   Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :

   Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal !
   Si cela c’est aimer, furieux, je vous aime :
   Je vous aime, et sais bien que mon mal est fatal :
   Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.




Sylvère ne bougeait pas. Elle l'observa un court instant avant d'ajouter:

- Vous m'écoutez mon Roi?
- Ça fait une éternité que je n'ai pas été sur un lit aussi confortable.

Non, il ne l'écoutait pas. Elle sourit et referma lentement le recueil. Comment pouvait-elle lui en vouloir? Il pouvait y trouver tous les inconvénients qu'il voulait à ce château, il n'en demeurait pas moins qu'il devait apprécier dormir dans un lit si moelleux et si chaud. On était bien loin de son rustique petit lit de bois au matelas tout aussi forestier. Certes ils y avaient coulés des jours heureux mais retrouver un vrai lit était tout de même fort agréable!
Elle se leva, déposa le livre sur un petit guéridon avant de revenir s'allonger à ses côtés.

- Vous savez que je connais un petit génie qui aura un an de plus le 13 décembre ?

Elle sursauta presque lorsqu'il se releva d'un coup. Passée la stupeur, elle réussit à rassembler les différents éléments: l'anniversaire de Cassandre.

- Bien sûr que je vous y aiderai, mon charmant roi. Savez-vous ce que vous voulez lui offrir pour ce jour si spécial?

De son côté Kalisha réfléchissez à ce qui pourrait lui faire plaisir. Elle ne la connaissait finalement pas tant que cela. A sa venue, elle avait beaucoup apprécié les livres et le maquillage et semblait beaucoup apprécier les travaux d'aiguilles.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mar 4 Aoû - 20:35

Qu'aurait-il pu demander de plus pour être heureux ? Le lit était moelleux. Kalisha lui lisait un poème. La seule chose qui manquait réellement, à vrai dire, était la présence apaisante des arbres, au lieu de ces quatre murs. Parce que des murs, tout dorés qu'ils soient, restaient des murs. Il n'y avait, en fin de compte, pas grande différence entre les murs d'une prison et ceux d'un château.

Il eut un sourire. Dès qu'ils pourraient retourner dans leur Royaume sans risque, il lui ferait la lecture en haut du chêne aux cloportes, c'était décidé ! Et là, tout serait vraiment parfait. Ils pourraient admirer la vue et oublier les barrières qui leur empêchaient tant de choses. Des barrières qui restaient beaucoup trop présentes ici, malgré tous leurs efforts pour les déguiser.

Pourtant, en attendant de pouvoir effectivement lire entre les branches, la perfection se rapprochait tout de même de très près. Il se sentait bien. Heureux. Il n'écoutait pas vraiment le poème qu'elle lui lisait, pourtant. Il entendait quelques mots par-ci, par-là. Quelques mots qui attiraient inexorablement son oreille.


Aimer.
Adorer.
Beauté.
Bonheur.
Vivre.
Fièvre amoreuse.
Coeur.

Là était, exclusivement, ce qu'il avait retenu du poème. Son attention avait dérivé vers d'autres sujets, comme l'anniversaire prochain de sa petite Cassandre quand Kalisha se tut. Avant de refermer le recueil et de reprendre d'une voix amusée :

- Vous m'écoutez, mon Roi ?

Sylvère eut un sourire taquin et répondit alors, sans se démonter le moins du monde, combien même il aurait été incapable de dire de quoi parlait le poème – sinon d'amour :

- Mais bien sûr que je vous écoute, ma Reine ! Moi aussi, je vous aime !

Mais ils savaient tous les deux qu'il n'avait pas fait attention à sa lecture, alors Kalisha se leva pour aller reposer le livre, pour finalement revenir s'allonger à ses côtés. Eh bien ! Il avait bien fait de ne pas écouter ! Il eut un sourire amusé et passa un bras dans son dos pour la serrer contre lui.

Ce qui la fit d'autant plus sursauter quand il se redressa soudainement. Après tout, le 13 décembre approchait à grands pas. Bientôt, Cassandre aurait un an de plus, et il avait envie qu'elle se souvienne de cet anniversaire-là tout particulièrement. Comme le premier qu'ils avaient fêté ensemble. Il ne voulait pas penser que ce serait aussi, peut-être, le dernier. Mais il voulait avoir le plaisir de pouvoir voir ses yeux pétiller.

Quant à savoir ce qui lui ferait plaisir. Il avait plusieurs idées pour cela. Et pourquoi choisir ?

- Début novembre, j'ai pris les impôts à une noble : elle avait alors demandé une broche en forme d'animal... Vous n'auriez pas cela par hasard, parmi tous vos bijoux ? Ensuite...

Il fit une pause. Là tenez la véritable demande, la plus délicate, celle qui était la plus folle mais qu'il espérait réellement réussir à réaliser.

- Ensuite, est-ce que vous pensez que vous seriez capable de retrouver son père en prison ?

Une idée folle. Comme beaucoup d'autres. Mais qui lui trottait dans la tête depuis un bout de temps déjà.
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Mar 4 Aoû - 23:43

Est-ce que Sylvère l'écoutait? Absolument pas! Il tenta bien de se rattraper et Kalisha haussa les sourcils d'un air dépité tandis qu'elle arborait un petit sourire en coin qui ne trompait personne. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Et encore moins de profiter de cet instant si précieux. Pour être tout à fait honnête, elle n'aurait sans doute pas pu lui en vouloir de grand chose si ce n'était de se mettre en danger. Il n'y avait pas un jour, où malgré l'insouciance des journées qui s'écoulaient, elle n'entendait pas l'écho de sa voix.


Promettez-moi que je reviendrai.

Elle avait promis. Elle le ferait. Ils retourneraient ensemble dans leur forêt.

Libres.

Une fois le livre déposé, elle s'allongea à ses côtés et se retrouva bientôt prisonnière. A croire qu'il avait tout manigancé ce brigand! Elle souriait toujours, tout en caressant ses mains.

A quelques exceptions près, elle n'aura pas pu être plus heureuse. Peut-être que si... Mais Sylvère se redressa d'un coup, et elle sursauta avant de scruter chaque entrer à la recherche d'un danger. Son coeur s'était emaballé d'un coup après avoir envisagé qu'on aurait pu les surprendre ainsi. Mais non, il voulait simplement lui parler de l'anniversaire de Cassandre.

- Vous allez finir par me tuer à bondir ainsi. dit-elle reprenant son souffle.

Elle le questionna sur son cadeau et écouta attentivement sa réponse en tachant de se concentrer. Mais après une frayeur pareil, il lui fallut un petit temps pour analyser ce qui lui était demandé.

- Une broche en forme d'animal? N'importe quel animal? Oui... Je dois avoir cela. J'ai des papillons, des oiseaux et une panthère. Mais... Pourquoi? Je ne comprends pas...

Quel était le rapport avec ses impôts? Même si cette broche lui avait plu, elle ne serait jamais identique à la sienne...

- Quant à votre demande, je peux me rendre à la Prévoté pour me renseigner. Mais je ne peux rien vous promettre. Je n'ai pas particulièrement de contact et ces hommes ne se laissent pas facilement attendrir. Donnez-moi son nom et je verrais si je parviens à le localiser. Mais... Comment allons-nous entrer dans la prison?

Elle ne savait pas pourquoi mais cela avait tout l'air d'une idée encore bancale et franchement folle. Il était hors de question qu'elle emmène Ysengrin au milieu d'une prison! C'était tenter le diable et ils n'avaient pas fait tous ces efforts pour les ruiner ainsi, quand bien même il s'agissait de l'anniversaire de Cassandre. De quoi aurait donc l'air cet anniversaire s'il se faisait emprisonner?! Elle fronça les sourcils et pencha la tête avant de toucher le bout de son nez de son index.

- N'y pensez même pas... Vous n'irez pas là-bas. Il en est hors de question. sa douce voix avait pris un ton bien plus ferme que d'ordinaire.

Jamais elle ne le laisserait prendre de risques insensés. Certainement pas maintenant alors que la maréchaussée retournait tout Braktenn et ses environs pour leur mettre le grappin dessus. Les rumeurs de la mort de Sylvère commençait déjà à circuler sur les étales de marché mais elle savait que ce n'était pas cela qui arrêterait les forces de l'ordre.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mer 5 Aoû - 20:10

Désormais qu'elle était contre lui, prisonnière entre ses bras, à caresser ses mains, il se trouvait encore plus proche de la perfection. Il ne restait vraiment pas grand chose pour que son bonheur soit parfait. Il parvenait presque à oublier les épais murs autour d'eux.

Quand il se redressa, alors qu'il se rappelait soudainement cette date clef, le 13 décembre, Kalisha fit un bond. A la manière dont elle se tourna vers toutes les entrées d'un air inquiet, il se sentit bête pendant quelques secondes. Surtout quand elle exprima sa peur, en reprenant son souffle. Il esquissa un sourire contrit, lèvres un peu pincées.

- Désolé. C'est plus fort que moi. Je suis comme ça quand je suis heureux ! Ça va mieux, ma reine ?

Et il se recoucha sans attendre pour la reprendre contre lui. Ils pouvaient bien continuer de discuter l'un contre l'autre et il n'aurait voulu le contraire pour rien au monde. Elle semblait néanmoins surprise par cette histoire de broche en forme d'animal. Enfin, plus précisément, elle ne voyait guère le rapport avec les impôts, ce qu'il comprenait bien. Sorti du contexte. Alors il précisa, en posant son front contre le sien, pour rajouter encore un peu de contact entre eux :

- A vrai dire, j'étais en train de prendre les impôts d'une noble, quand Cassandre est arrivée. Elle a demandé si elle pourrait avoir une broche en forme d'animal à ce moment-là, mais la noble n'en avait pas.

Une explication quelque peu simpliste mais c'était, de manière résumée, ce qui avait eu lieu là-bas. Juste quelques jours avant qu'il ne fasse la connaissance de la plus belle reine du monde, qu'il chérirait toute sa vie, quelle qu'en soit le temps qui restait devant lui.

Quant à la seconde demande, la plus importante, Kalisha semblait avoir quelques moyens de pallier au problème épineux de la récolte d'informations. Elle ne pouvait rien promettre, bien sûr, mais le principal était d'essayer. Peut-être auraient-ils de la chance, et pourraient-ils donner cette chance à Cassandre de revoir ce père qu'elle semblait tant apprécier ? Et qui lui manquait à tel point...

- Je ne sais pas exactement, elle ne m'a pas dit son nom mais... Velasquez, pour son nom de famille. Je sais qu'il travaillait dans une vigne, et que sa ferme a été saisie pour dettes, et lui-même enfermé. Je ne suis pas sûr de savoir depuis quand, au moins plusieurs années. Vous pensez que ce sera suffisant pour essayer de le retrouver ?

Ce n'était vraiment pas beaucoup. Il regretta de ne pas avoir posé davantage de questions à Cassandre. Revenir sur le sujet maintenant serait cependant suspect et pourrait lui mettre la puce à l'oreille, ce qu'il ne fallait pas. Pas du tout.

Kalisha montrait néanmoins quelques doutes. Notamment sur la question pas moins épineuse que de rentrer dans la prison. Il n'en savait rien, il n'y avait pas encore réfléchit. Il allait parler, mais elle tapota son nez de son index, le coupant dans son élan. Il referma la bouche et poussa un discret soupir. Oui, bien sûr, ce serait trop dangereux pour lui d'y aller. Il en était conscient et il ne prendrait pas ces risques-là. Même les déguisements pourraient s'avérer compliqué, surtout dans une prison. Il n'était pas suicidaire. Alors il prendrait son mal en patience pour cette fois, même s'il aurait aimé être là. Malgré tout... Oh, il doutait qu'elle le laisse faire aussi, mais... autant tenter.

- Qui a dit que ce serait à nous de nous déplacer ? répondit-il enfin avec un air malicieux. Je ne connais pas grand chose en matière de sanction pénale et de loi, mais avec tout l'argent de la récompense pour le poulet ou même... celui de votre mari... nous ne pourrions pas épancher ses dettes ?

Était-ce seulement possible ? Il n'en savait trop rien, pour ainsi dire.
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Mer 5 Aoû - 23:32

Elle était si bien contre lui jusqu’à ce qu’il bondisse d’un coup lui faisant la frayeur de sa vie au passage. Elle avait réellement cru que quelqu’un s’était introduit dans ses appartements et les avaient surpris aussi proche. Mais heureusement ce n’était que la joie débordante de Sylvère, rien de bien menaçant somme toute. Elle reprit son souffle et opina de la tête. Elle ne lui en voulait pas le moins du monde et même mieux : elle comprenait parfaitement. Seulement la situation faisait que son instinct de survie ne semblait jamais s’endormir complètement depuis qu’ils étaient arrivés à Monthoux.

Il se recoucha sans plus attendre et la serra de nouveau dans ses bras. Le restant d’effroi s’envola aussitôt, la libérant d’un poids. Elle alla se blottir encore plus près de lui. Chaque fois qu’il la prenait ainsi, un doux sentiment de sécurité absolu s’emparait d’elle. Elle aurait pu rester des heures, emprisonnée entre ses bras. Son oreille posait contre lui, elle entendait sa voix résonner dans sa cage thoracique en même temps qu’il lui parlait. Elle avait, quant à elle reprit là où elle s’était arrêtée : à caresser ses doigts.

Elle comprenait désormais un peu mieux sa question sur la broche.

- Je vous apporterai ma boite à bijoux tout à l’heure, vous n’aurez qu’à me dire si vous trouvez quelque chose qui vous conviendrez. Le cas échéant, nous n’aurons qu’à aller en chercher une parfaitement adaptée.

Il fallait bien admettre qu’être mariée au Comte de Monthoux n’était pas sans certains avantages… Elle jouissait en effet une fortune confortable qui lui permettait de dépenser sans vraiment compter pour tromper l’ennuie de sa vie monotone au château. L’autre privilège était en fait celui de son statut qui pouvait lui ouvrir certaines portes quand celles-ci seraient restaient closes pour d’autres. Après tout, ils n’étaient pas si nombreux à pouvoir prendre le thé avec le Premier Conseiller en toute intimité. Mais là n’était pas la question, Sylvère désirait qu’elle se renseigne sur le père de Cassandre. Elle nota les informations dont elle disposait.

Mais soudainement l’idée même qu’il puisse envisager d’y aller la terrifia et elle s’empressa de lui préciser qu’elle ne le laisserait pas faire. Son cœur avait de nouveau failli s’arrêter. Depuis qu’elle avait fait cette promesse, elle ne cessait d’y repenser. Pour certains ce n’était que des mots mais elle, prenait très cœur ce qu’elle considérait comme sa mission. Elle lui avait promis de le protéger et de le libérer. Ce n’était pas rien. C’était même terriblement important.

Comment aurait-elle pu faire comme si de rien n’était ? Malgré les jours paisibles, la joie infinie qu’elle avait de se trouver auprès de lui, elle ne pouvait s’empêcher de tressaillir par moment en songeant au pire. En songeant à cette promesse implicite qu’était la sienne.

Elle devrait le ramener : vivant ou mort. En entier ou en morceaux.

Il n’y avait pas une fois, où ses entrailles ne s’étaient pas tordues à cette simple idée. Comme un refrain, le problème s’invitait inlassablement dans son esprit. Comment pouvait-elle faire pour le protéger ? Comment ? Elle avait déjà réglé une partie du problème en demandant à Hyriel un poison expéditif et indolore, juste au cas où.

Juste au cas où, elle échouerait.

Ils n’auraient pas le plaisir de le violenter. S’il devait mourir, se serait en paix. Pas de roue ou d’autres supplices. Il n’y aurait rien de tel. Elle s’arrangerait pour le tuer avant. Et dès qu’elle aurait tenue sa promesse, elle le rejoindrait. Il n’y avait pas d’autres issues dans le pire des cas possibles.

Mais ce n’était pas suffisant. Elle devait trouver comment le sauver. Vraiment le sauver. Bien sûr elle comptait plaider son cas auprès des Grands mais si cela échouait, il lui fallait un autre plan.
Il n’y avait pas de place au hasard ou si peu.

Tant qu’il ne serait pas mort, on ne le laisserait pas en paix

Tant qu’il ne serait pas mort.
Tant qu’il ne serait pas…
Mort.
Mort !

D’un bond elle se redressa sur le lit, sans même prendre garde aux remarques qu’elle lui avait adresser lorsqu’il avait fait de même. Elle garda quelques secondes les yeux dans le vague avant de se tourner vers lui :

- Je crois que j’ai trouvé. Je crois que j’ai trouvé comment vous sauver ! Pour être libre… Vous allez devoir mourir. Je sais… C’est un peu fou mais… Vous pensez que Hyriel serait capable de vous faire paraitre… Mort ?

Pour que Ysengrin puisse vivre, Sylvère devrait mourir.

Elle exultait, elle retenait même un rire qui menaçait de l’emporter, un rire qui voulait enrayer toutes ses angoisses. C’est vrai, c’était une idée folle, mais il s’agissait de son Roi après tout ! Elle l’aimait aussi pour cela : parce qu’il était unique et qu’elle embrassait sa douce folie en même temps que le reste.

Entre temps, elle se souvint de sa question concernant les dettes.
Question qui était passé en filigrane de ses pensées alors que l’idée germait dans son esprit. Elle aurait aimé lui donner une autre réponse mais…

- Concernant votre demande au sujet des dettes… Je n’en ai pas la moindre idée mais si cela est possible, je paiera sa dette

Elle ne devait pas être si élevée que cela après tout non ? Peut-être qu’en vendant quelques un de ses bijoux les plus travaillées, elle aurait de quoi faire libérer son père. Si Cassandre pouvait le retrouver alors cela valait bien le sacrifice de ses babioles que le Comte lui avait offert pour la décorer… Comme ses lévriers.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Jeu 6 Aoû - 16:28

Il l'avait surpris et il en était désolé. Il savait qu'elle ne lui en voudrait pas pour si peu, et lui-même comprenait sa réaction effrayée. Au bout du compte, elle avait eu raison d'avoir peur. Ils n'étaient pas en territoire conquis, mais en perpétuel danger. Il ne fallait pas oublier. Malgré la légèreté des heures passées en sa compagnie, à lire des poèmes ou à escalader des arbres, il ne fallait pas s'y tromper : la méfiance restait de mise. Quelqu'un pouvait entrer, quelqu'un pouvait les surprendre.

Mais comme il ne s'agissait pas non plus de se morfondre, ils en étaient revenus à leur petite étreinte sans plus s'attarder sur le petit accident. Lui à la serrer dans ses bras, elle à caresser ses doigts.

Sylvère ne doutait pas un instant de pouvoir trouver un quelconque bijou dans ceux de Kalisha qui ferait l'affaire pour Cassandre. Et puis, il n'aurait jamais pu refuser de contempler ces perles, d'autant en sachant que sa belle reine les avaient portées. Il avait bien compris, en entroyant une partie de cette fameuse boîte, que ce n'étaient pas ceux qu'elle lui avaient laissés en impots qui avaient désempli le petit coffret. Ce n'était certainement que des bijoux comme tant d'autres, mais pas pour lui. Ce serait un éternel souvenir de leur rencontre. Il se retourna sur le lit et une pensée lui vint soudainement. Il demande alors, avec un petit sourire :

- Dites. La première fois que nous nous sommes vus, quand j'ai pris les impôts et que vous êtes tombée de cheval... Je vous aies vraiment fait peur ?

Il ne savait pas trop pourquoi il repensait à cela. Il y avait quelque chose d'étrange et de décalé, à s'en souvenir maintenant, d'autant qu'elle était à l'heure actuelle blottie entre ses bras. Il lui semblait que cela remontait à des siècles. Qu'il s'agissait même d'une autre vie. Mais ce n'était peut-être pas qu'une impression.

- Vous savez, Kalisha. Je suis né trois fois. Vous voulez savoir quand ? Une fois quand ma mère m'a mis au monde. Une autre fois quand je suis arrivé dans la forêt il y a cinq ans. Et la dernière fois, c'était il y a quelques semaines... quand vous m'avez fait une couronne et que je vous aies rencontrée.

Et elle, combien de fois était-elle née depuis qu'elle avait ouvert les yeux sur le monde ? C'était ce qu'il se demandait en la regardant. Elle semblait si pensive, tout à coup. A quoi pensait-elle ? Les sujets étaient nombreux, et certainement pas tous réjouissants. Même s'il ne savait pas lire dans ses pensées, il avait néanmoins sa petite idée sur ce qu'il pouvait bien se passer dans sa tête.

Promettez-moi que je reviendrai.

Elle avait promis. Et depuis, elle y réfléchissait souvent, il l'avait remarqué. Parce que la promesse flottait encore entre eux. Et puis, d'un coup, Kalisha se redressa. Aussi brusquement qu'il ne l'avait fait quelques secondes plus tôt, le surprenant – bien que moins qu'elle. Elle croyait avoir trouvé ? Avoir trouvé... quoi ? Il lui jeta un regard interloqué, mais la réponse ne fut pas longue à suivre.

- Je crois que j'ai trouvé comment vous sauver ! Pour être libre... vous allez devoir mourir.

Sylvère n'avait pas bougé d'un pouce. Mourir pour être libre. Voilà une idée saugrenue, aussi folle que toutes celles qu'ils avaient déjà eues, mais qui lui plaisait néanmoins. Il n'y avait que quatres choses que Sylvère chérissait plus que tout autre : la forêt, sa Reine et sa Princesse, la vie … et sa liberté. Qu'importe le reste, tant que ces conditions étaient réunies, il ne voyait pas d'intérêt à être malheureux.

En tout cas, l'idée semblait beaucoup la réjouir. Et il devait avouer qu'il souriait aussi. C'était une idée totalement folle. Ils étaient fous – tous les deux. Mais il lui faisait aveuglément confiance, cela ne faisait que se renforcer quand les idées étaient aussi imparables que celle-ci. Mourir pour vivre. Ou, tout du moins, avoir l'air de mourir.

- Eh bien... si on en croit Cassandre, il n'y a pas meilleur guérisseur qu'Hyriel. Pour ma part, je ne me suis pas encore décidé sur ce sujet, alors je suppose qu'il faudrait lui demander directement.

Pour ce qui était des dettes impayées du père de famille Velasquez, cependant, Kalisha n'en savait pas plus que lui. Cela ne les avançait pas à grand chose, mais il suffirait de se renseigner discrètement. L'un des bijoux de Kalisha suffirait certainement à lui seul à épancher les dettes du fermier.

Mais il avait une question à lui poser, désormais. L'anniversaire de Cassandre attendrait quelques minutes de plus.

- Et vous alors ? Combien de fois êtes-vous née, ma Reine ?
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Jeu 6 Aoû - 22:36

Que pouvait-on rêver de mieux que d’être dans les bras de son aimé ? Rien excepté la sécurité de pouvoir y rester. Et c’était un peu la seule chose qui venait de troubler momentanément leur paisible étreinte : la peur du danger. Elle avait bondi sans s'en rendre compte, quasi paniquée avant de réaliser que ce n’était rien de tout cela et de retourner sans se faire prier dans le creux de ses bras.
Les bijoux ce n'étaient pas ce qu’il manquait, elle en avait tellement qu’elle n’était même pas sûr de pouvoir en faire l'inventaire de mémoire : collier de perles, parures précieuses, bracelets, bagues… Avec des diamants, des émeraudes, des saphirs, des rubis… Elle n'eut pas le temps de poursuivre sa tentative d’état des lieux que Sylvère lui posait une curieuse question. Elle tourna sa tête vers lui pour le regarder d'un air étonné. Elle se jeta dans l’océan de ses yeux et s’y noya jusqu’à revivre leur toute première rencontre. En y repensant, là dans ses bras , chez elle, cela paraissait complètement fou! C’était comme… Dans une autre vie. Elle s'en souvenait pourtant encore parfaitement : la branche qui avait craqué sous les sabots de sa jument, son apparition, sa chute et…

- J’étais réellement terrifiée. J'ai vraiment cru que vous alliez m’attaquer ou me violer, vous n’imaginez pas ce que l’on raconte sur vous ! répondit-elle avec amusement Mais j'aimais déjà votre beau sourire…

Et le pire c'est que c’était vrai… Elle était effrayée mais malgré tout elle n'avait pu s'empêcher de remarquer ce sourire un brin charmeur. Quand elle y repensait se faire violer c’était vraiment… Improbable. Surtout lorsque l'on constatait à quel point il pouvait être pudique en sa compagnie. Certes elle ne valait guère mieux,  mais c’était bien de lui que l’on parlait en cet instant non ? Elle ne put s'empêcher de se demander si…

- Vous… Vous avez déjà… Était amoureux ?

Elle n’était pas particulièrement gênée mais elle n'arrivait pas à formuler cette question comme elle le voulait vraiment… Elle n'essaya même pas de faire mieux car elle savait déjà -comme toujours- qu’il comprendrait ce qu'elle voulait dire. En même temps, elle avait déjà une vague idée de la réponse cependant la curiosité la poussait à vouloir l’entendre de ses propres oreilles.

Confortablement installée contre lui, elle buvait, comme à chaque fois chacune de ses paroles. Entendre le son de sa voix suffisait déjà à la plonger dans un état de délicieuse torpeur.

Je suis né trois fois. Vous voulez savoir quand ? Une fois quand ma mère m'a mis au monde. Une autre fois quand je suis arrivé dans la forêt il y a cinq ans. Et la dernière fois, c'était il y a quelques semaines... quand vous m'avez fait une couronne et que je vous aies rencontrée.

Elle serra sa main dans la sienne… Son beau roi, son si doux roi… Il était vraiment né quand il l’avait rencontré ? Elle leva ses yeux amoureux vers lui, un petit sourire au coin des lèvres. Un autre moment dont elle se souviendrait toute sa vie : ce jour de novembre où elle l’avait lui a tressé une couronne de bruyères, de fougères et de chênes. Il s’était agenouillé et elle l’avait couronné. Un moment insolite, ampli d’une douce folie alors même qu’elle venait de lui avouer qu’elle ne voulait plus repartir. Etait-ce là, le tout début de leur amour ? Elle se remémorait, comment il s’était ensuite agenouillé pour lui demander d’être sa Reine, à elle qu’il ne connaissait que d’une toute petite journée.

- Il n’y a pas de plus beau roi que vous, surtout quand vous portez ma jolie couronne ! Et dire qu'Hyriel a osé se moquer!

Une question la taraudait cependant. S’il était né trois fois, combien de fois était-il mort ? Question qui la ramena inlassablement à sa promesse. Une promesse si lourde de sens. Lorsqu’elle avait été mariée, elle avait du porter le fardeau de l’alliance sur ses épaules, elle avait tout fait pour le contenter, elle en avait fini broyé. Aujourd’hui tout était différent, le poids n’en était pas moins lourd sur ses frêles épaules, mais elle aurait pu gravir la plus haute des montagnes avec sans pour autant se fatiguer. C’était lourd certes, mais c’était tout son amour et sa dévotion qui le portait pour elle.

C’était pour lui.
Et pour lui, elle traverserait les mondes.

Comme dans la ballade qu’elle chantait le jour de leur rencontre. Et soudainement, une idée, une idée absolument folle lui traversa l’esprit comme un éclair. Pour le libérer, il fallait le tuer. Enfin, faire croire à sa mort. Car un condamné mort ne pouvait pas être exécuté n’est-ce pas ? Clairement, c’était l’idée la plus insensée qu’elle ait eu jusqu’à présent mais en même temps, elle la trouvait terriblement génial. A en voir son sourire sur son visage, toujours allongé sur le lit, il n’était pas contre… Evidemment qu’il n’était pas contre ! C’était son roi après tout ! Et si quelqu’un avait bien le don de se lancer dans des projets fous c’était bien lui !

Elle acquiesça donc, à sa remarque. Elle avait terriblement envie de courir chercher Hyriel, pour savoir… Est-ce qu’il pouvait faire ça ? Est-ce qu’il pouvait feindre la mort comme ces animaux qui se raidissaient à l’approche d’un prédateur ? Son regard brillait d’excitation et elle se laissa tomber en arrière, un large sourire sur le visage.

- Et vous alors ? Combien de fois êtes-vous née, ma Reine ?

Elle songea un instant à sa question avant de lui répondre :
- Je suis née une première fois  quand ma mère m’a mise au monde. Puis je suis morte lorsque l’on m’a déracinée pour me marier. Mais vous m’avez ressuscitée, lorsque vous m’avez fait montée à la cime de l’arbre aux cloportes. Alors… On peut dire que je suis née deux fois non ?

Elle était morte lors de son arrivée Monbrina. Elle avait vécu des mois entiers dans une sorte de léthargie sans vraiment avoir conscience de ce qui l’entourait. D’ailleurs elle n’en gardait que peu de souvenir de cette période. C’était juste… Vide. Mais sa rencontre avec Sylvère avait tout chamboulé. Il lui avait permis d’être enfin elle, il avait donné un sens à sa vie, il avait rallumé la flamme de sa joie, alors des morts comme ça, elle en vivrait des milliers sans hésiter si elle avait la certitude l’avoir à ses côtés.

-Vous savez quoi? Si vous n'êtes plus recherché, vous pourriez faire ce qu'il vous plairait. Poète ou artiste par exemple! Parce que entre nous... un sourire mutin se dessina sur ses lèvres la carrière de brigand, ne vous réussit pas, vous êtes bien trop gentil!

Et elle l'embrassa aussitôt. Comme ça. Sans autre avertissement.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Ven 7 Aoû - 13:32

Sa question eut l'air de la surprendre. Il fallait dire qu'elle tombait un peu comme un cheveu sur la soupe – et qu'il n'y avait plus aucun rapport avec l'anniversaire de Cassandre. Mais enfin... tout de même. La violer. Il lui jeta un regard sceptique où se mêlait une pointe d'étonnement. Elle était sérieuse ?

- Mais vous m'aviez bien regardé ? Vous pensiez sérieusement que … moi ? … je pourrais violer quelqu'un ?

Non, cela paraissait loufoque. Il n'avait pas la carrure – au propre comme au figuré – pour être capable de faire une telle chose. Il ne savait pas ce que l'on racontait sur lui, en effet... ou plutôt, non : il le découvrait. Une chose était sûre, on ne savait plus quoi inventer si on en arrivait à l'assimiler à un violeur.

La suite de sa remarque, celle qui concernait son sourire, lui rendit un air plus naturel. Il se perdit à nouveau dans la contemplation des drapés carmins qui entouraient le lit à baldaquin.

- Vous... Vous avez déjà... été amoureux ?

Elle n'avait pas besoin d'en dire plus pour qu'il comprenne la question sous-jacente. Et elle le savait, puisqu'elle n'essaya pas de rendre sa pensée plus claire. Ils se comprenaient sans avoir besoin de parler et c'était là le plus merveilleux à ses yeux. Il se recala contre elle pour mieux s'installer, le temps de réfléchir quelques temps, avant de répondre finalement :

- Je suis tombé amoureux, oui, plein de fois. Mais pas comme on l'entend par ici...

Oui, il était tombé amoureux des milliers de fois. L'expression portait bien son nom, d'ailleurs. On pouvait tomber amoureux d'un sourire, d'un reflet dans les cheveux, d'un regard ou d'une parole. D'une démarche chaloupée ou d'une peau de nacre. Fugaces éclairs de bonheur qui ne duraient jamais plus d'une seconde et qui, la seconde suivante, avait disparu au coin d'une rue.

Mais il y avait une différence notable entre tomber amoureux et être amoureux.

On tombait amoureux de n'importe qui, n'importe quand, n'importe où, dans le secret d'un instant qui disparaissait la seconde suivante.

Être amoureux, au contraire, c'était une fois, une personne. Et cela prenait une vie entière pour prendre conscience des pleines mesures des sentiments.

- Mais je n'ai jamais été vraiment amoureux, ma dame. Je n'ai jamais aimé personne comme je vous aime.

Il fit une pause. C'était elle, cette personne, cette unique personne. Quant à la question sous-jacente dans sa question...

- Vous vous souvenez de ce que je vous aies répondu … ? quand vous m'avez dit que je devais déjà avoir vu beaucoup de choses dans mon royaume ?

Il était inutile de préciser à quel moment cela avait eu lieu. Il était certain que ce souvenir était aussi clair dans l'esprit de Kalisha que dans le sien. Quand elle avait relevé ses jupons pour mieux monter dans l'arbre, et qu'il n'avait pu cacher le rouge qui lui était monté aux joues malgré lui... Il fit une petite pause pour reprendre ensuite :

- Pas tant que cela. C'est ce que j'ai dit, n'est-ce pas ? Eh bien... c'est vrai. Juste une ou deux fois. C'est tout. Et jamais depuis que j'habite dans cette forêt.

Ou comment lui avouer qu'elle était la première personne qu'il embrassait depuis des années. Et qu'il n'était certainement pas le plus dégourdi dans le domaine. Alors il lui sourit. Elle l'avait fait naître une troisième fois, et il chérissait chaque souvenir de ses naissances. Il se souviendrait toujours de son petit cri de souris quand il était descendu de l'arbre derrière elle, alors qu'elle chantait. Comme il se souvenait de la première fois où il s'était retrouvé entre les hauts arbres, persuadé qu'il avait enfin trouvé sa véritable maison.

Et dire qu'Hyriel avait osé se moquer de sa couronne, oui... Sylvère s'en souvenait très bien. C'était une chose qu'une personne censée n'aurait jamais fait. Désormais, il avait bien l'intention de lui rendre la pareille. Mais les choses viendraient en temps et en heure. La vengeance était un plat qui se mangeait froid, comme disait le proverbe. Dans ce cas, il attendrait le bon moment. Et il pourrait se montrer très patient.

A l'instant, le sujet était plutôt porté sur cette idée folle dont elle venait de lui faire part. Le tuer aux yeux de tous. Si on le pensait mort, on le laisserait en paix, elle avait raison.

Il était déjà libre comme l'air.
Mort, il serait alors plus libre que l'air.

Comment aurait-il pu ne pas être séduit par cette idée ? Les plans les plus fous étaient toujours les meilleurs. Et celui-ci ne se contentait pas d'être fou : il était dément. Il n'y avait pas de doute. Il était désespérement amoureux d'elle, un peu plus à chaque fois qu'elle partageait avec lui ses idées. Le déguiser en dame de compagnie, le faire passer pour mort... qui aurait pu deviner de telles choses, tant elles étaient improbables ?

Il ne pouvait plus s'empêcher de sourire, alors qu'il lui demandait combien de fois elle avait vu le jour. On l'avait déracinée pour la marier, et cela l'avait tuée. Cela sonnait terriblement réaliste. Mais désormais, alors qu'elle était là entre ses bras, il pouvait témoigner d'une chose : elle était bel et bien revenue parmi les vivants. Il sentait son coeur battre, et là en était le signe incontestable. C'était la plus merveilleuse des chansons à son oreille, le rythme constant de son coeur...

Kalisha souleva alors un nouvel avantage à cette hypothétique mort : le pouvoir de devenir ce qu'il voulait. Poète, ou artiste, ou n'importe quoi d'autre. Personne ne serait là pour se mettre en travers de son chemin. Et même s'il fit mine d'être offusqué quand elle critiqua ses capacités à faire un bon brigand, il n'en était rien. Au contraire, il ne pouvait dissimuler son sourire.

- Vous savez ce que je voudrais, pour ma prochaine vie ? demanda-t-il alors.

Mais il n'eut pas le temps d'en dire plus : il fut coupé par les lèvres de Kalisha qui se posèrent soudainement sur les siennes. Sans préambule, spontanément. Sa surprise dura un dixième de seconde, avant qu'il ne resserre ses bras autour d'elle pour lui rendre son baiser. Avec tout son amour.

Quand il fallut reculer, au bout de quelques instants de bonheur infini, il eut un sourire et remarqua en glissant ses doigts entre les siens et en passant distraitement son pouce sur son poignet, appuyant sa tête sur son bras pour la regarder plus facilement :

- Je dois admettre que c'était un bon résumé de ce que j'allais dire, ma reine.
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Ven 7 Aoû - 20:42

Il paraissait étonné de sa réponse. Plus que cela, il paraissait réellement sceptique. Pourtant ce n’était que la vérité. Elle avait d’abord eu peur de se faire agresser et ensuite de se faire violer. Elle haussa aussi bien les épaules (autant qu’elle le pouvait du moins) que les sourcils. Oui, elle y avait vraiment cru. On voyait bien qu’il était un homme et qu’il n’avait jamais été inquiété de ce genre de choses. Pourtant, c’est pour ainsi dire monnaie courante que de risquer de se faire abuser lorsque l’on se promenait seule loin de la civilisation. Elle le fixa intensément :

- Cela semble ridicule maintenant mais c’est bien la vérité. Vous ignorez ce qu’est être une femme. Je devrais vous laisser aller vous promener dans certaines ruelles de la ville, vous comprendriez.

Mais il en était évidemment hors de question. C’était bien trop dangereux et il ne manquerait plus que sa couverture vole en éclats des suites d’une expérience urbaine.

- Vous ne savez vraiment pas ce que l’on dit sur vous ? demanda-t-elle un brin déconcertée, tout en serrant sa main Un jour au marché j’ai entendu une mère menacer son fils de le laisser en pâture au roi de la forêt s’il n’était pas sage. Et une autre… Elle releva vers lui ses yeux, voilés d’une certaine tristesse J’ai entendu cette comptine sur vous :
Promenons-nous dans les bois
Pendant que le roi y’est pas.
Si le Roi y était
Il nous…

Elle marqua qu’une courte pause, ravalant ses mots avant de les laisser sortir d’une voix éteinte.

Déroberait.
Violerait.
Mangerait.


Elle poussa un profond soupir. C’était si loin de la réalité et c’était pourtant ce que tout le monde croyait. Evidemment quand on le connaissait, cela paraissait improbable mais les gens avaient cette capacité inouïe à déformer et exagérer la réalité d’une déconcertante facilité. Et qui croirait-on ? Ces innocentes victimes délirantes ou le brigand qui se prenait pour un Roi ? Cela lui rappela à quel point, il serait difficile de convaincre les bonnes personnes de le laisser en paix.

Pourtant, de leur rencontre, ce n’était pas ce souvenir qu’elle gardait de lui, mais son si charmant sourire… Elle ne put s’empêcher de se demander s’il avait déjà été amoureux. Avait-il emmené quelqu’un d’autre au sommet de cet arbre ? Malgré sa question peu explicite, elle n’eut pas à préciser. Elle le laissa se blottir contre elle et posa sa tête contre lui.

Qu’est-ce qu’il entendait par tomber amoureux, elle ne saisissait pas complètement le sens de sa phrase. Il lui fallut attendre la suite et plusieurs longues secondes de silence tandis qu’elle l’étreignait un peu plus fort pour en saisir la signification réelle. C’était tellement lui, à peser à chaque mot. Elle souriait sans oser l’interrompre. Si elle s’en souvenait ? Oui parfaitement, ce jour où il était devenu rouge comme une pivoine parce qu’elle avait osé relever ses jupons pour grimper aux arbres. Elle réprima un petit rire face aux images qui s’invitaient.

- Pas tant que cela. C'est ce que j'ai dit, n'est-ce pas ?

Elle acquiesça sans un bruit. Ce jour là, elle s’était demandée si sa réponse concernait les femmes en général ou si c’était elle qui ne l’intéressait pas tant que cela. Une drole de pensée en y songeant avec le recul… Elle ne put s’empêcher de le taquiner sur sa réponse pour le moins vague.

- Vous allez devoir m'expliquer ce une ou deux. Comment pouvez-vous hésiter entre ces deux chiffres ? Vous aviez trop bu ?

Elle lova son petit nez dans son cou, étouffant un petit rire.
L’odeur de fougère et d’humus lui manquait.
Son écharpe en laine rêche aussi.
Elle regrettait même la froide humidité ambiante et ce lit inconfortable.
Mais elle se garda bien de lui dire. Ses pensées se mirent à vagabonder furieusement, les idées se connectaient les unes aux autres en formant des ponts tandis que d'autres sautaient plus loin tels de sauvages petits cabris, et tout cela à une vitesse fulgurante. Si bien qu’une idée saugrenue germa dans son esprit et qu'elle ne put s'empêcher de la partager aussitôt avec son Roi tendrement fou qu'elle aimait… Follement. Il n'y avait que lui pour sourire à cette idée et la trouver aussi formidable qu'elle. N'importe qui d'autre aurait trouvé cela parfaitement dément. Et si dans leurs bouches respectives cela sonnait comme un compliment, dans n’importe quel autre il y avait une pointe de jugement qui n'avait rien de positif. Mais cela n’avait pas d’importance, la seule chose qui comptait était que lui la trouve formidable !

Et puis cette mort pourrait en réalité être l'opportunité rêvée pour tourner la page, pour être ce qu’il avait toujours voulu être. Il n’aurait plus à jouer un rôle. Il pourrait être Lui. A quoi rêvait-il quand il était enfant ? Si on l’avait laissé libre d’être qui il souhaitait qu'aurait-il voulu faire ? Sans doute pas brigand, il n’était ni violent, ni méchant. C’était même l'exacte contraire. Elle ne put s’empêcher de lui faire remarquer et bien évidemment il s'en offusqua. En apparence seulement. Ce qu’il voulait pour sa prochaine vie ? Elle avait sa petite idée. Elle l'embrassa sans lui laisser le temps de répondre. Était-ce vraiment utile ?

Elle adorait le surprendre ainsi pour avoir le plaisir de sentir ses bras se refermer lentement.
Elle adorait ces instants volés où il n'y avait plus qu'eux, où tout s’effaçait. Instantanément.
Elle adorait plus que tout s'oublier dans cette étreinte pleine d'amour.

Ils avaient beau s’être détachés, leurs rebelles mains refusaient de s'avouer vaincues et de se séparer, comme s'il devenait soudainement impensable de ne plus se toucher.

Encore plus.

C’était ce qu'elles réclamaient tandis qu'Ysengrin trouvait cela fort bien résumé.

- Je vous construirai un Palais, vous vous souvenez ?

Elle ne le quittait pas des yeux, navigant dans les nuances océan qui les constituaient.

… Et bien je me suis trompée…
Elle ménageait un suspens qui n’avait pas lieu d’être. Elle était persuadée qu’il avait déjà tout compris et elle en souriait d'avance.

…Parce que… Je nous construirai un palais, dans notre belle forêt.

Loin des problèmes, loin de son mari… Ils y couleraient des jours paisibles à observer les saisons se succéder….
Certes rien ne pouvait sembler plus utopiste en ces temps incertains, mais qui pouvait leur interdire de rêver ? Personne.

Elle caressa lentement sa joue sans un son avant de déclarer :

- Il me semble que nous avons un anniversaire à préparer, n'est-ce pas ?

A regret, elle le lâcha et se dirigea vers sa coiffeuse, où se trouvait son coffret à bijoux en bois sombre. Il débordait tant et si bien de parures en tout genre qu’il n’était plus possible de le fermer depuis bien longtemps.

- Je suis certaine que vous n'avez pas collecté autant d’impôts en cinq ans

Comment résister à le taquiner, son si gentil roi des brigands ?

Elle ne pouvait cependant nier
Que la chose la plus chère qu’il lui avait volé
Etait son cœur, là bas, dans cette forêt.
Depuis, elle lui en avait fait don bien volontiers.
Il l'avait ressuscitée,
Il lui appartenait.

Elle déversa le contenu sur le lit et commença à trier les bijoux afin d'en ressortir les broches.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Sam 8 Aoû - 14:22

Certes, il ne savait pas ce que c'était d'être une femme et de craindre pour son intimité. Il ne pouvait opposer aucun argument à cela et par ailleurs, il ne le fit pas. Il n'en aurait pas eu la prétention. Il n'en demeurait pas moins que l'idée qu'elle ait pu imaginer qu'il puisse la violer, lui, restait en arrière plan de son esprit. Parce qu'il n'aurait jamais, ô jamais, touché à l'intégrité d'une femme, que ce soit celle de Kalisha ou d'une autre.

Mais il se serait promené dans les ruelles, et cela dans cette tenue, sans faire de difficulté. Pour la simple et bonne raison qu'il aurait beaucoup ri en constatant la tête que ferait le badaud en découvrant qu'il n'y avait pas plus de femme sous cette robe que dans son propre pantalon.

Méfiez-vous des apparences.
Vos yeux peuvent vous tromper.

Il savait ce qu'il disait, lui qui avait usé de déguisements plus loufoques les uns que les autres. Il avait même discuté avec quelques passants, grimé en vieillard, en malade, en femme, en curé. Il avait, pour ainsi dire, tout osé. Personne ne s'en était jamais aperçu. Pourtant, en des temps normaux, c'était déjà prendre des risques, alors par les jours actuels... Il n'en était pas question.

Quant à ce que l'on disait sur lui en ville... Il haussa des épaules. Les abres restaient relativement épargné des racontars des villes et c'était aussi pour cela qu'il aimait la forêt et sa tranquilité. Depuis cinq ans qu'il vivait ainsi, il avait fini par se détacher des derniers évènements urbains.

- Vous savez, les rumeurs n'arrivent pas vraiment jusque dans la forêt. A vrai dire, ma reine, je n'avais même pas entendu parler de votre mariage.

Pourtant, le mariage d'une princesse étrangère avec un noble monbrinien, voilà quelque chose qui avait dû faire du bruit...

- J'ai une vague idée de ce que l'on dit sur moi, oui, j'ai entendu quelques bricoles, mais guère plus... ajouta-t-il ensuite, en toute honnêteté. ... mais encore jamais que j'étais un violeur.

Non, cela, jamais. On disait que les rumeurs avaient toujours un fond de vérité, pourtant. Alors quel fond de vérité y avait-il dans celle-ci ? Il avait beau cherché, quelque chose qu'il aurait pu faire, ou dire, rien ne lui venait à l'esprit. Mais comme les feux de forêt, il ne fallait pas grand chose pour faire partir un potin. Alors ainsi il se disait même des comptines sur lui, dans la ville ?

Promenons-nous dans les bois,
Pendant que le roi y'est pas ;
Si le roi y'était,
Il nous … déroberait. Violerait. Mangerait.

Elle lui adressa un coup d'oeil presque désolé, avant de pousser un profond soupir.

- Je n'avais jamais entendu cela non plus, mais je crois que je préfère l'original tout de même, déclara-t-il d'un ton badin, comme si de rien et qu'il s'agissait là juste d'une comptine sur le temps qu'il faisait.

Il fut tout de même heureux de changer de sujet. Même si parler de ses amourettes précédentes n'était pas le plus facile à aborder. Non pas qu'il craignait la moindre gêne en parlant avec Kalisha, simplement... Simplement, c'était un sujet qui pouvait vite devenir délicat.

Il savait bien que la nuance qu'il faisait entre tomber amoureux et être amoureux était ténue. Sûrement pas évidente à comprendre non plus. Pourtant, Kalisha ne le coupa pas pour lui demander des précisions. Elle se contenta d'attendre la suite, la tête appuyée contre lui, et cela le fit sourire. Quand il eut fini son explication, même si courte, il était sûre qu'elle avait alors compris. Comment aurait-il pu ne pas l'aimer, alors qu'elle le comprenait mieux que personne ? C'était impossible, voilà tout.

Elle ne laissa pas passer l'occasion de le taquiner, cependant. Et il n'y avait pas de mystère à se dire qu'il en aurait fait de même et que par ailleurs, il le ferait dès que possible. Bien entendu, il ne se laissa pas démonter :

- Une ou deux, ma dame, ce n'est que pour ne pas être forcé de dire zéro.

Un petit sourire amusé, avant de reprendre plus sérieusement :

- C'était une.

Juste une.
Et il fallait dire les choses, il n'y avait rien eu de réellement extraordinaire. En tout cas, c'était incomparable avec ce qu'il vivait en cet instant-même. Cette joie débordante qui pétillait en lui à chaque fois que Kalisha se tenait près de lui... ce n'était pas seulement merveilleux. C'était magique.

Il ferma les yeux en sentant la jeune femme enfouir sa tête dans son cou. Il se serait presque endormi, quand elle se redressa soudainement, pour lui faire part de l'idée qui venait de lui effleurer l'esprit. Il aurait donné beaucoup de choses pour savoir quel chemin de pensées avait su l'amener à cette splendide – bien que tordue - conclusion.

Mourir pour revivre.
Ce serait sa quatrième naissance.


Et ce serait la meilleure de tout. Parce que désormais, il y aurait Kalisha qui la partagerait. Et que rien n'aurait su – n'aurait pu – égaler cela. Pour ainsi dire, aucun mot n'aurait pu traduire aussi justement ce dont il avait envie que le baiser qu'elle lui donna alors par surprise.

Même quand il fallut reculer, leurs mains restèrent accrochées, comme s'il leur était impossible de se séparer. Elle lui construirait un palais. Il allait la reprendre, mais elle le fit toute seule.

Elle leur construirait un palais.
Un palais – sans murs, et sans toit. Pour pouvoir voir les arbres, et les étoiles.
Un palais – sans conventions. Pour pouvoir s'aimer librement.

Et ils n'auraient besoin de rien d'autre pour être heureux.

Il sourit, alors qu'elle caressait sa joue avec douceur.

- Il me semble que nous avons un anniversaire à préparer, n'est-ce pas ?

L'anniversaire du petit génie des bois.
Qui, avec toutes ces histoires, était quelque peu passé à la trappe. Momentanément simplement, le temps qu'ils y reviennent.

Et c'était temps justement : Kalisha quitta le lit pour se diriger vers la coiffeuse. Elle revint ensuite reprendre place sur le lit. Lui-même s'était redressé, en se débattant pendant deux secondes avec les jupons – il y avait encore de rares moments de flottement.

Le coffret de bijoux débordait de joyaux de toutes sortes. Avait-il réussi à récupérer une telle somme en cinq ans ? Non, certainement pas. Ce n'était pas à coup de pot de confiture que cela ferait la différence par ailleurs.

- Détrompez-vous ma reine. Il faudra que je vous montre un de ces jours tout ce que j'ai récupéré, fit-il tout de même. Je ne suis pas si mauvais que cela, vous savez, quand on ne me force pas à rendre les impôts.

Et il ne citerait personne. Même s'ils pensaient tous les deux à la même jeune fille, bien sûr. Il sourit alors et observa Kalisha sortir les broches. Elles étaient toutes magnifiques. Il en prit une entre ses doigts pour la faire tourner et la contempler. Avant de la reposer, à côté des autres.

Tandis que Kalisha continuait de trier, et qu'il la laissait faire, il ne put s'empêcher de regarder de plus près quelques unes des parures. Certaines étaient plus chargées que d'autres, et ce n'était incontestablement pas celles-ci qu'il préférait lui-même.

Ses yeux furent soudainement attirés par une broche particulière, qui détourna son attention des autres. Un arbre. Ce fut presque respectueusement qu'il prit le bijou argenté, parsemé de quelques pierres vertes ci et là, et qu'il passa les doigts sur les branches qui dessinaient la ramure. Sans pouvoir s'empêcher de sourire distraitement. Il n'avait pas besoin de poursuivre pour savoir qu'il avait trouvé là le plus beau joyau du petit coffret.

Oh si seulement.

Les arbres lui manquaient. D'ici, il voyait à peine les cimes les plus hautes de la forêt... Il soupira sans s'en rendre compte et le reposa parmi les autres, toujours aussi doucement. Avant de relever les yeux vers Kalisha, pour croiser son regard et s'apercevoir qu'elle avait terminé de trier.

- Pardon, remarqua-t-il alors, pour s'excuser de ce petit moment d'absence, qui n'avait pourtant duré que quelques secondes. Ces broches sont toutes très belles, poursuivit-il aussitôt. Comment serais-je censé choisir ?
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Sam 8 Aoû - 23:38

Elle s’en voulait d’avoir eu peur qu’il n’abuse d’elle dans la forêt. Surtout maintenant qu’elle le connaissait si bien. C’était si… Absurde. Elle en avait presque honte désormais d’autant plus qu’il semblait quelque peu désemparé. Mais elle n’y pouvait rien, les femmes vivaient avec cette crainte permanente, c’était ainsi. Elle était étonnée qu’il n’ait même pas entendu parler de son mariage.

- J’aurais aimé ne moi-même pas en avoir entendu.

Ne pas être concernée.


… Ou alors vous rencontrer avant.
Et j’aurais pu fuir avec vous en étant libre.

Mais les regrets ne réécrivaient pas le passé. Il ne faisait que le rendre plus lourd encore. Il fallait faire avec. En priant pour qu’un os de caille lui reste en travers de la gorge ou qu’un sanglier le charge durant une partie de chasse.

Les rumeurs étaient ce qu’elles étaient. Les histoires à sensations plaisaient tant, que bien souvent on agglomérait différents personnages pour n’en faire qu’un sans se soucier de nuire à un quelconque brigand. C’était bien connu, ils étaient tous les mêmes non ?

- Vous avez peut-être un usurpateur dans votre forêt tenta-t-elle de répliquer d’un air amusé. Ou bien – et c’est plus probable – quelqu’un vous aura affecté les actes d’un autre.

C’était tellement plus vendeur un Roi de la forêt qui violait les demoiselles de passages… Elle ravala sa salive et se décida de lui parler également de la comptine qui circulait. Pour toute réponse, elle lui adressa un sourire triste.

Le sujet suivant fut nettement plus réjouissant, puisqu’il s’agissait du passé amoureux d’Ysengrin. Non pas qu’elle n’éprouvait une quelconque jalousie, à l’égard de ses une ou deux conquêtes, simplement, elle était curieuse d’en apprendre plus sur lui. Et puis une ou deux ce n’était quand même pas tout à fait pareil, non ? Il fallait être précis lorsque l’on était Maitre des mots, non ?
Une c’était donc une. Qui était-elle ? Quand ? Comment ? Elle avait des tas de questions qu’elle garda pour plus tard. Pour l’heure enfouir son nez dans son cou, lui semblait nettement plus intéressant et important. Tout comme se laissait porter par la nostalgie, puis par ses pensées qui se muèrent en une idée indécemment folle mais terriblement séduisante.

Mourir pour vivre.
Une opportunité rêvée, une page de tournée, un nouveau chapitre à écrire.

Elle aussi aurait voulu mourir pour vivre plus libre encore avec lui. Ensemble, dans leur forêt, avec leurs cloportes. Les arbres seraient leur palais et la voute céleste, la nef de leur cathédrale. Loin des rumeurs, loin des conventions. Ils vivraient sans rien. Mais ils n’avaient besoin de rien d’autre que de l’autre. Et elle n’avait qu’à voir son sourire pour s’en convaincre alors que sa main caressait sa joue.

Il était temps de revenir au sujet principal de leur discussion, l’anniversaire de leur espiègle petit cupidon des bois. Elle se leva donc pour aller chercher son coffret à bijoux qu’elle rapporta sur le lit tandis que Sylvère se dépêtrait quelques secondes durant avec ses jupons. Elle esquissa un sourire amusé au tableau mais ne fit aucun commentaire.
Elle déversa le contenu sur le lit, non sans une petite taquinerie à son égard.

- Je suis curieuse de voir cela mon doux Roi ! Qui sait j'y trouverai peut-être un joli collier?

La suite la fit rire. Oh oui, leur petite sœur n’était pas spécialement une aide en toute circonstance pour ce qui était des impôts ! Loin s’en faut !
Elle entreprit de trier ses parures afin de mettre de côté les broches qu’elle avait à disposition sous le regard attentif de Sylvère qui prenait de temps à autres l’un ou l’autre des bijoux afin de le contempler de plus près. Il y avait vraiment de tout dans le lot : certains étaient forts simples et d’autres beaucoup plus chargés. Typiquement ce qu’elle pouvait porter lors de bals à la Cour où il fallait être vue et admirer. Des colliers offerts par son mari pour être l’ornement parfait à exhiber à son bras lors de soirée mondaine.

Il y en avait une telle quantité ! Certains n’avaient été porté qu’une fois tout au plus quand elle en redécouvrait d’autres perdus au fond de son coffret. Elle avait presque fini lorsqu’elle aperçut Ysengrin en train de faire tourner l’une des broches, un arbre en argent serti de quelques émeraudes en guise de feuille. Elle le laissa toute à sa contemplation. Elle ne voulait pas interrompre ce moment de nostalgie qu’elle pouvait voir dans son regard.
Elle mit de côté la dernière paire de boucle d’oreilles et posa une main sur son genou.

Je vous emmènerai revoir notre forêt, faites-moi confiance.

Son regard croisa le sien et il s’excusa aussitôt. Mais il n’y avait rien à pardonner. Elle récupéra délicatement l’ornement qu’il venait de reposer.


- C’est un arbre de vie, un symbole qui représente l’immortalité.


Elle se leva et traversa la pièce jusqu’au fauteuil où était posé leurs deux épaisses capes doublées de fourrure, elle prit celle de Prudence et remplaça la broche actuelle par celle qu’elle avait entre les mains.


- Que diriez-vous de la porter sur vous puisqu’elle vous plait tant ?


Et puis l’immortalité… Ils allaient en avoir besoin s’ils voulaient tous deux tromper la mort. Et au moins, il aurait un maigre rappel de leur forêt lorsqu’il porterait son manteau. Ce n’était pas grand-chose mais c’était le mieux qu’elle pouvait faire en l’état. Elle caressa la laine du manteau avant de le reposer à son emplacement. Il faisait si froid désormais… Mais pas encore assez pour que la neige arrive. C’était quasiment un mythe pour elle qui ne l’avait jamais vu tomber. La première fois qu’elle l’avait vu c’était lors de son mariage et puis tout avait fondu rapidement à son grand désespoir.

- Vous pensez qu’il va neiger bientôt ? J’ai tellement envie de voir la neige… Racontez-moi… C’est comment la neige ?

C’était une chose banale ici à Monbrina, mais à Djerdan la neige n’existait que sur les hauts plateaux, un endroit où elle n’était bien évidemment jamais allée. Elle avait ce regard curieux, quasi suppliant et flamboyant d'excitation tandis qu’elle revenait s’asseoir à ses côtés.

Une fois encore, ils avaient réussi à s’éloigner du sujet principal. La question de Sylvère lui revenait seulement maintenant en tête.

Comment serais-je censé choisir ?

Elle prit une broche entre ses doigts, la fit tourner et reprit.
- Pour votre broche, écoutez votre cœur, vous saurez trouver celle qui lui plaira j’en suis certaine. Elle releva les yeux vers lui, des yeux plein de malice, comme sa voix d’où le sérieux avait complètement disparu. Sinon… Vous pouvez toujours laisser le hasard décidé ! Vous voulez des dés ? Elle ne put retenir un petit rire avant de reprendre son sérieux, Mais pour un cadeau ce n’est surement pas la meilleure façon de procéder.

Ses pommettes toujours remontées sous l’effet de son sourire, elle lui étala bien distinctement la quinzaine de broches qu’elle possédait. Enfin quatorze désormais puisque l’arbre trônait désormais sur la cape de son beau Roi.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Dim 9 Aoû - 17:44

Sylvère lui adressa un sourire triste quand ils évoquèrent à demi-mots son mariage. Kalisha ne méritait pas cela. Définitivement pas. Elle n'avait pas mérité d'être arrachée à sa patrie de manière aussi violente, déracinée sans pitié, pour être mariée à un gros porc qui s'occupait davantage de ses lévriers que d'elle-même. Comment aurait-elle pu se réjouir de cette situation ? Elle ne le pouvait pas, bien sûr, et cela lui brisait le coeur. Parce qu'il ne souhaitait rien de plus que de la voir heureuse – elle en avait le droit, comme chacun sur cette terre.

Alors il caressa ses cheveux avec tout son amour. Il l'aimait à un point qui ne se mesurait pas. Tellement qu'il n'était pas sûr, lui-même, de savoir combien exactement. Peut-être bien à l'infini. Oui, voilà. Ce devait être pour expliquer ce genre de choses que l'on avait inventé le mot infini.

Et c'était bien parce qu'il l'aimait qu'il n'aurait jamais pensé à la violer. C'était tout de même ironique... qu'on le qualifie de violeur, quand les femmes qu'il avait embrassées se comptaient en tout et pour tout sur... deux doigts de la main. C'était tellement risible, à bien y penser, que cela lui donnait presque envie de rire. Kalisha avait raison : il devait y avoir eu un amalgame quelque part. Mais les gens croyaient ce qu'ils entendaient. Sans chercher à comprendre, ils suivaient le troupeau. Et les pots cassés retombaient sur quelques autres personnes.

A présent qu'ils avaient évoqué ses conquêtes – ou plus justement, sa conquête – il lisait nombre de questions silencieuses dans les yeux de Kalisha. Des questions qu'elle ne posait pas pour le moment, mais qui viendraient en temps voulu. En attendant, cela leur laissait le temps d'évoquer d'autres sujets, pas moins importants. Qui se résumaient, en quelques mots, à une imitation de la mort. Idée farfelue, mais géniale. Tous les détails restaient encore à caler, mais maintenant que la pensée était lancée, les choses suivantes viendraient d'elles-mêmes. Et cela de manière très facile.

Ils pourraient continuer d'écrire cette histoire.
Ensemble.
Ce serait le plus merveilleux roman qu'il puisse y avoir, puisque ce serait le leur. Et qu'ils s'aimaient.

Kalisha renversa le contenu de son coffret sur le lit, sans laisser passer l'occasion de le taquiner. Gentille moquerie qu'il accueillit d'un sourire amusé, sans répondre. Mais tout de même. Elle n'allait pas lui reprendre ses impôts, elle aussi !

En observant les bijoux, il put dire qu'il y en avait pour tous les goûts. Du plus sobre au plus extravagant. Les nobles avaient décidément un besoin d'attirer l'attention. Chose qu'il avait du mal à mesurer. On était pourtant heureux en étant un anonyme. Tant que nos proches nous aimaient et se souvenaient de nous, que demander de plus ?

A coups sûrs, c'étaient des présents de son mari, ces bijoux-là. Il serra les dents. A croire que sa belle Reine n'était à ses yeux qu'une poupée que l'on pouvait décorer, rendre belle, pour parader. Et ranger aux placards quand on n'avait plus besoin d'elle pour impressionner. Sûrement pensait-elle à cela en triant les broches. Il y pensait aussi... Du moins, il y pensait oui, avant que tout s'envole lorsque ses yeux se posèrent sur la broche représentant un arbre.

Ce ne furent non plus des images répugnantes qui l'envahirent, mais des chants d'oiseaux, l'odeur si parfaite d'humidité et d'humus propre à la forêt, les feuilles d'arbres bruissant au vent. La plus douce des visions du monde. Rendue encore plus merveilleuse par le souvenir de l'ascension avec Kalisha dans l'Arbre des Cloportes.

Ce fut sa main sur son genou, tel un rappel silencieux de sa promesse, qui le ramena au présent. Il releva alors les yeux, lui sourit, et la reposa. Alors, elle la reprit aussitôt. Il ne put s'empêcher de remarquer :

- Vous savez... Je ne suis parti que depuis cinq jours mais j'ai l'impression que ça fait une éternité. Les cloportes me manquent.

Ma vie me manque.

Mais cinq jours sans être entouré de ses chers arbres, sans pouvoir contempler son domaine du haut de leurs cimes, il fallait croire que c'était déjà une éternité. Et pourtant... qu'était-ce cinq jours dans une vie ? Pas grand chose, il fallait le dire. Mais chaque heure à passer avait une valeur inestimable. Et cela lui pesait un peu plus à chaque tour de pendule. Ce n'était pourtant que le début, et il allait devoir s'y faire.

Néanmoins, il trouvait qu'un arbre, pour représenter l'immortalité, était bien choisi. Les arbres avaient un autre rythme de vie. Plus lent, plus calme. La forêt était immortelle à sa manière, et elle était si pleine de vie. Kalisha se redressa et traversa ses appartements. Sylvère la suivit des yeux, jusqu'à la voir remplacer la broche sur son manteau de dame de compagnie – bien loin de son vieux manteau habituel, qui lui manquait aussi – par celle-ci.

Et rien que pour cela, il la serra de toutes ses forces dans ses bras quand elle revint s'asseoir. Ce n'était pas grand chose, mais il n'en demeurait pas moins que c'était un geste qu'elle faisait pour lui. Et que tout était bon à prendre, tout était précieux. Ce serait comme porter la forêt et sa belle Reine en même temps. C'était beaucoup plus qu'elle ne devait l'imaginer.

- Merci, murmura-t-il enfin, parce qu'il se rendait compte qu'il ne l'avait pas encore remerciée pour tout ce qu'elle faisait. Merci pour tout.

Pour cette broche.
Pour votre promesse.
Pour me cacher à vos propres risques et périls.
Pour m'aimer.
Pour avoir accepter de devenir ma reine.
Pour m'offrir votre sourire et illuminer ma vie.

Et il savait qu'elle comprenait tout cela, qu'il n'avait pas besoin de les énumérer entièrement. Et puis soudain :

- Vous pensez qu'il va neiger bientôt ?

Surpris par la question, il recula et lui adressa un regard étonné. Avant de rire de bon coeur, bien que le plus bas possible pour ne pas être entendu de quelques passagers devant la porte, et la reprit dans ses bras sans tarder.

- Je ne maîtrise pas les caprices du ciel, ma belle reine, vous allez devoir vous montrer encore un peu patiente, expliqua-t-il, amusé.

Avant de soupirer, bien aise, et de répondre à sa seconde question :

- La neige, c'est un peu comme un grand manteau blanc qui recouvre tout. C'est froid, et quand vous la prenez dans vos mains, elle fond aussitôt et redevient de l'eau. L'hiver, c'est ma deuxième saison préférée, après le printemps.

L'hiver, c'était la mort avant la renaissance. Le cycle infini de la nature, qui rappelait que de chaque obstacle, on pouvait de relever. Il y avait des similitudes avec l'idée qu'elle avait eue, d'ailleurs...

- Vous savez, je crois que si je devais prier quelque chose, ce serait la nature. C'est merveilleux, la nature, vous ne trouvez pas ?

Il avait retrouvé son dynamisme, perdu quelques temps plus tôt. Mais après tout, ces moments d'absence n'étaient jamais longs. De courts passages, qu'il était dur d'ignorer loin des arbres.

Mais comme ils avaient encore abandonné le sujet original, il fallut – une fois de plus – y revenir. Il y avait au total quatorze broches parmi lesquels il pouvait choisir. Mais sur laquelle porter son choix ? Kalisha ne semblait pas douter qu'il saurait sélectionner celle qui serait idéale.

Il les regarda toutes une par une.
Une fois, deux fois. Trois fois. Ses yeux se posèrent enfin sur celle qui représentait un renard. Il la prit et la tendit à sa Reine.

- Celle-ci. Parce que notre petit génie des bois est rusée comme un renard. Et puis... vous lui avez offert le roman de Renart, non ?
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Dim 9 Aoû - 22:57

Ce qui était si magique entre eux c'est qu'il n'y avait pas besoin de parler. Que ce soit lorsqu'il caressait ses cheveux pour s'excuser du malheur que lui avait fait subir la société et qu'elle lui répondait d'un simple regard que tout cela n'avait pas d'importance, que c'était le passé et qu'elle était heureuse ainsi avec lui. Ou encore lorsqu'elle savait qu'il avait entre aperçu la multitude de questions qui se pressaient sur ses lèvres. Ou même encore lorsqu'il avait ce petit sourire amusé lorsqu'elle parlait de ses impôts et qu'elle se contentait de hausser les épaules avec malice.

Elle tria ses bijoux jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive que Sylvère s'était arrêtée sur la broche en forme d'arbre. Elle posa sa main sur son genou en guise de soutien. Mais ses paroles lui brisèrent le cœur. Elle n'y était pour rien mais elle s'en voulait terriblement de lui infliger ce supplice. Elle avait l'impression de l'avoir déraciné, lui aussi. Comme elle. Sauf que lui aimait bien plus sa forêt qu'elle n'avait pu aller son pays. Alors elle se contenta de le serrer dans ses bras et de le bercer doucement.

- Moi aussi, ils me manquent. Même l'humidité me manque. Mais nous y retournerons, bientôt je vous l'ai promis, vous souvenez ? Et peut-être plus tôt que vous ne le pensez.

Elle se détacha de lui et lui adressa un sourire amusé. Oui dès que les recherches se seront un peu tassé en forêt, Prudence et elle se rendrait en forêt pour faire une balade équestre. Officiellement.
Officieusement, ils iraient adresser leurs salutations à leurs amiables cloportes!
En attendant, la seule chose qu'elle pouvait faire c'était lui offrir cette broche. Ce n'était pas grand chose mais c'était symbolique. Elle ne s'était pas attendue à ce que cela provoque un tel effet sur Ysengrin qui la serra si fort qu'elle aurait presque eu du mal à respirer. Une demi-seconde plus tard, elle avait refermé ses bras autour de son dos.
Il n'avait prononcé qu'un seul mot mais il y en avait dessous, en réalité, une bonne centaine de caché. Ce n'était pas un simple merci pour la broche. C'était bien plus. C'était un merci globale pour cela et toutes les autres choses. Un simple merci d'être là.

- Vous en auriez fait autant et plus encore, je le sais.  

Parce que lui demander de ne pas la remercier aurait été inutile... Elle pourrait déplacer la forêt pour lui...

Elle le questionna ensuite sur la neige. Ce miracle météorologique, qu'elle n'avait encore jamais vu. Elle ferma les yeux pour tenter de se représenter cette description qu'il en faisait. Oh! Ce qu'elle avait hâte de la voir!  Tout recouvert d'un épais manteau blanc... Mais ce n'était visiblement pas pour tout de suite.

- La nature... Je vous comprends parfaitement.  Vous savez, cela existe... J'ai déjà entendu parler de cultes anciens qui célébraient les esprits de la nature. Comme l'eau, la forêt ou tout simplement la vie.

Elle était ravie de voir qu'il avait retrouvé son entrain habituel grâce à cette petite discussion. Heureusement   ces moments de mélancolie ne duraient jamais bien longtemps. A peine plus qu'une averse de printemps. Ils se mirent alors à chercher une broche pour Cassandre et son charmant roi suggéra de prendre celle à l'effigie de renard. Elle acquiesça

- Je n'aurais pas mieux choisi! C'est une excellente idée ! On ne peut décidément rien vous cacher! Je suis sûr qu'elle vous a également parlé du Khôl

Kalisha étouffa un petit rire en souvenant de la séance de maquillage.

- Vous savez quoi? Que serait un anniversaire sans fête ?
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Lun 10 Aoû - 19:39

Kalisha ne pouvait rien faire contre ce manque profond qui s'inscrivait davantage à chaque seconde passée loin de sa forêt. Elle n'y pouvait rien, et de surcroît, elle n'y était pour rien non plus. Alors il ne voulait pas qu'elle s'en veuille. Jamais. Son étreinte lui fit cependant du bien, et il se laissa bercer par ses bras et par ses mots.

Ils y retourneraient.
Un jour.

Mais dans combien de temps ? Cela lui semblait si loin. Et même si cela était demain, ce qui était hautement impossible, ou même dans quelques jours... il devrait patienter jusque là. Mais son retour ne viendrait jamais assez vite à ses yeux, il le savait. Pourtant, il s'était promis d'être toujours heureux : il ne pouvait pas laisser cela interférer sur les merveilleux moments qui lui étaient offerts avec Kalisha. Heureusement qu'elle était là, et qu'il pouvait la voir chaque jour. Sinon les choses auraient été encore mille fois plus compliquées.

Le présent qu'elle lui fit en lui offrant la broche fut le plus beau de tous ceux qu'elle aurait pu lui faire. Et il aurait beau la serrer le plus fort possible contre lui, cela ne saurait jamais décrire à quel point il lui était reconnaissant. Mais ses yeux parlaient pour lui. Il savait que Kalisha avait compris.

Je ferais tout pour vous, ma belle Reine.

Comme elle faisait son meilleur pour l'aider. C'était parce qu'il n'en doutait pas une seule seconde qu'il la suivait sans hésitation, déguisé en dame de compagnie ou simulant une fausse mort. Si elle pensait que cela pouvait marcher, il le pensait aussi. Et puis, c'était les meilleures idées qu'il n'avait jamais entendues.

Il lui jeta par la suite un regard surpris, quand elle évoqua la neige. C'était vrai qu'elle en avait certainement vu que rarement. Il ne devait pas y en avoir par chez elle. Mais ici, c'était si courant lors des hivers ! On finissait par s'y habituer et à trouver cela beaucoup moins exceptionnel, voire relativement agaçant.

Enfin... de manière générale, parce que lui ne pourrait jamais se lasser de quoi que ce soit qui soit création de la nature. Ni la neige, ni l'humidité, ni les tempêtes, ni rien d'autre. Tout était magnifique, comment aurait-il pu ne plus s'en émerveiller ? Alors oui, cette année encore, il s'extasierait sur la neige, comme s'il la voyait pour la première fois. La seule différence, ce serait qu'il la verrait pour la vingt-cinquième année.

Il aimait la nature. Et il était persuadé que s'il fallait remercier quelque chose, ce n'était pas Dieu, à compter du moment où on partait du principe – un peu douteux, à ses yeux – qu'il y avait bel et bien un vieux bonhomme dans le ciel. Non, c'était bel et bien elle. Alors que des peuples anciens l'ait fait... il n'en doutait pas une seconde. Parce qu'il en aurait fait de même.

Il eut un sourire ravi quand Kalisha approuva le choix de la broche, et répondit d'un air amusé :

- Cassandre m'a tout raconté en détails, vous savez.

Il fallait dire qu'il l'avait un peu assommée de questions pour qu'elle le fasse. Mais il l'aurait écouté raconter la même chose pendant des heures sans se lasser. Et bien évidemment qu'elle lui avait parlé du Khôl.

- Elle m'a même appris à l'écrire, elle en était très fière, d'ailleurs, vous vous en doutez bien.

Kalisha riait en se souvenant visiblement de la visite de leur petit génie. Avant de faire une déclaration soudaine.

- Vous voulez dire... vous voulez organiser une fête ? Mais ici ? A Monthoux ?

C'était encore une idée folle, assurément. Mais c'était là leur spécialité et puis... elle avait raison ! Un anniversaire sans fête, ce n'était pas tout à fait un anniversaire. Pourtant, avant qu'elle ne lui en explique davantage, il se redressa à nouveau enthousiaste et remarqua :

- Nous pourrions aller faire un tour dehors, pour finir d'en parler ! Qu'est-ce que vous en dites ?

A défaut de sa forêt, il y avait les jardins et parcs du château, et c'était toujours mieux que rien. Il n'aurait plus manqué qu'il soit forcé de passer toutes ses journées enfermé.

Il préférait de loin l'air vivifiant de l'extérieur que cette odeur de cire et de parfum qui flottait dans les luxueuses pièces du domaine de Monthoux. Et en attendant la réponse de sa belle reine, il posait sur elle un regard rempli d'amour et d'espoir.
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Mar 11 Aoû - 10:19

Elle avait hâte que la neige tombe. Elle avait hâte d’assister à ce spectacle encore inconnu mais ce dont elle avait le plus hâte c’était d’y assister en compagnie de son si charmant roi. Car elle savait, au fond d’elle-même qu’il s’en réjouirait au moins autant qu’elle, ce qui n’en rendrait l’expérience qu’encore plus fantastique.

Sylvère aimait la nature. Non, il la vénérait. Comme les Anciens, qui avaient, il y a bien longtemps reconnu sa majesté et sa puissance. Quoi qu’en disent les hommes, on ne contrôlait pas la nature. On pouvait bien l’amadouer, l’apprivoiser même peut-être, elle ne se laissait pas dompter. Il arrivait toujours un moment où elle finissait, de lassitude, par se rappeler au bon souvenir des hommes.

Et son doux roi était à son image : un esprit libre et sauvage que l’on ne pouvait pas contraindre à entrer dans une boite quelle qu’elle soit, sans qu’il ne cherche à en sortir. Elle avait parfaitement conscience du sacrifice qu’il réalisait pour elle.

Oui pour elle. C’était ce que disait son regard.

En aurait-il fait autant pour survivre s’ils ne s’étaient pas rencontrés ? Sans doute pas. Il aurait continué à vivre sa vie, dans sa forêt, comme il l’entendait jusqu’à ce que les autorités finissent par lui mettre la main dessus.

Au lieu de ça, il se trouvait désormais emprisonné avec elle dans une immense cage dorée et l’oiseau qu’il était n’avait de cesse de regarder entre les barreaux, le ciel qui l’appelait.  Tous les jardins et tous les parcs du monde ne suffiraient jamais à le contenter, aussi spacieux soient-ils. Tant qu’il y aurait des barrières quelque part, il ne serait jamais libre.

Après ce nouvel égarement, il fallut bien revenir au sujet initial de leur discussion, et choisir enfin ce fameux cadeau : une broche en forme de renard pour la plus rusée des petites sœurs. Elle imagina parfaitement Cassandre, debout à ses côtés, lui faisant le récit de sa visite avec un enthousiasme. Elle entendait sa petite voix dire « Du Khôl, Ys ! C’est comme la colle ou un col mais ça s’écrit pas pareil ! C’est pour se maquiller les yeux ! »  Oui leur discussion avait dû ressembler plus ou moins à cela. Un sourire s’étira sur son visage qui s’acheva en rire en imaginant la leçon d’écriture inversée. Elle ne l’avait pas revu depuis leur arrivée à Monthoux…

Cette pensée qui l’attrista, fut rapidement chassée par une autre, nettement plus joviale : il devait à tout prix lui organiser une fête d’anniversaire. Ysengrin semblait surpris. Il ne s’était sans doute pas imaginé qu’elle proposerait une telle chose au vu de la situation acutelle. Mais quel cadeau pourrait lui faire plus plaisir que de les revoir, Sylvère, Hyriel et elle-même ? Et puis surtout… Un anniversaire sans fête, ce n’était pas un anniversaire !

Elle allait ouvrir la bouche pour répliquer mais il s’était levé d’un bond prêt à sortir.

- J’en dis que c’est une excellente idée et que je pourrais réfléchir à une réponse en chemin !

Ils se drapèrent de leur manteau afin d’affronter le froid sec de cette journée ensoleillée. Sylvère attacha sa cape à l’aide de sa nouvelle broche. Il était majestueux ainsi, son roi de la forêt. Elle sourit et sortit en silence suivit de Prudence.

Kalisha l’emmena au plus profond du parc du domaine, à près d’une heure de marche du château et de ses dépendances. Ils traversèrent le jardin à la géométrie impeccable et aux buis parfaitement entretenus puis s’enfoncèrent dans une partie de plus en plus sauvage qui se transforma en bois. C’était ce qu’il y avait de plus proche de sa forêt : de hauts arbres, des feuilles mortes jonchant le sol, des fougères, des ronces et une délicieuse odeur d’humus. Mais ce n’était pas encore assez loin pour être en sécurité alors elle l’emmena encore plus loin. Sa robe fut rapide trempée par la rosée persistante du sous-bois, ainsi que ses pieds mais qu’importe. Elle voulait l’emmener au pied du vieux tilleul qui bordait une allée, bien loin de tout passage. Là-bas, ils pourraient se percher sur ses hautes branches ou s’asseoir entre ses racines, à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes.

Une fois hors de portée de tout curieux, elle reprit à nouveau la parole : ses pensées avaient eu le temps de s’organiser pour trouver une solution.

- Nous pourrions peut-être nous rendre chez Dame Irène, si celle-ci est d’accord ? Le seul problème c’est que l’homme qui vous a dénoncé se trouve là-bas alors. Il faudrait être sûr qu’il n’y soit pas…

Après un moment, elle lui demanda :

- Je ne connais même pas votre anniversaire… Comment suis-je censée avertir nos aimables cloportes de vous préparer une fête digne de ce nom ?

Peut-être même qu’elle l’avait déjà raté sans le savoir ?
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mar 11 Aoû - 23:03

Parler, même brièvement, de la forêt et de ses cloportes lui avait donné envie de sortir. Tout lit confortable perdait de sa majesté au bout d'un certain moment passé dessus et ce moment était arrivé pour ce jour. Et il fut plus qu'heureux que Kalisha accepte sa proposition – parce qu'il n'était plus vraiment sûr de pouvoir se concentrer sans bouger, de toute manière – au point qu'il la serra, une énième fois, dans ses bras, tout sourire.

Bien sûr, les balades dans les parcs ne seraient jamais comme celles qu'ils pourraient faire dans la forêt. Il avait beau ne pas voir les barrières, tant les jardins de Monthoux étaient immenses, mais il les savait là, tout autour d'eux. Et cela suffisait pour lui faire perdre ce goût magique qu'il pouvait ressentir entre les hauts chênes. Les interdictions leur étaient rappelées de bien des manières, et la plus évidente était bien évidemment la robe de Prudence.

Ils – ou plutôt, pour quelques temps, elles – enfilèrent les manteaux. Durant une seconde, il ne put s'empêcher de s'attarder sur sa nouvelle broche, si jolie, avant de lui rendre son sourire. Juste avant de sortir, comme il ne serait plus question de le faire durant quelques temps, question de sécurité, il l'embrassa rapidement, simple petit baiser pris par surprise. Puis, il la suivit sans un mot.

Ils marchèrent longtemps, presque une heure, et le château finit par disparaître. Petite, très petite, libération. Mais il devait profiter du moindre cadeau qu'on pouvait avoir. La première partie des jardins n'était décemment pas sa préférée. Quelle nature était ainsi organisée, géométriquement, sans que la moindre fleur inopinée ne puisse librement pousser ? Il passa distraitement la main dans un buis où pas la moindre feuille ne dépassait. C'était drôle, il se sentait un peu dans la même situation...

Qui se pensait autorisé à pouvoir contraindre ainsi les plantes ? C'était comme tenter de faire loger un carré dans une forme ronde. Ridicule, et terriblement puéril, en y pensant bien. La symétrie et la géométrie, c'était une création humaine que cela ! Même les visages humains n'étaient pas parfaitement symétriques, alors c'était dire...

Mais les rangées ordonnées finirent par s'espacer progressivement. Les jardiniers ne venaient pas jusque là et la nature reprenait les droits qu'on lui avait retirés sans considération. Et il n'y avait pas à dire : c'était tout de même beaucoup plus beau ! Elles laissèrent la place à quelques bois : des arbres, des feuilles qui craquaient délicieusement sous leurs semelles, des ronces qui s'accrochaient dans leurs vêtements et la plus merveilleuse de toutes les odeurs au monde... Ce n'était pas sa forêt, pas vraiment, mais il se sentit tout de même mieux.

Toujours sans échanger un mot, ils poursuivirent encore leur chemin. Pour être bien sûr d'être assez loin des oreilles indiscrètes. Mais au bout de tant de temps, ce voeu de silence commençait à devenir long. Alors il fut ravi quand Kalisha reprit enfin la parole. Elle avait effectivement réfléchi à une solution pour cette fête d'anniversaire – ce qui n'était pas son cas. Cassandre lui était sortie de l'esprit, eclipsée par l'odeur d'humus et les branches qui se tendaient vers le ciel, vers la liberté.

- C'est une merveilleuse idée, ma belle Reine !

Quant à l'homme qui l'avait dénoncé... Il secoua la tête en haussant des épaules :

- Vous savez, cet homme, il ne faut pas le blâmer. Vous disiez vous-même qu'il ne fallait pas en vouloir aux ignorants l'autre jour... et puis, au fond, il n'a fait que ce qu'il pensait être son devoir. Si je n'avais pas choisi de vivre ainsi, il n'y aurait pas eu besoin de me dénoncer, alors vous voyez !

Il eut un immense sourire et déclara, d'un air enthousiaste :

- Je ne lui en veux pas !

Vint alors le sujet de son propre anniversaire.

- C'est le 1er avril, ma dame. Et vous alors ? Quand devrais-je prévenir nos nobles cloportes ?

À vrai dire, il se rendait compte qu'il ne connaissait même pas son âge. Mais cela lui avait jusqu'à présent semblé inutile. Beaucoup moins désormais où ils apprenaient à se connaître un peu plus chaque jour. Il sourit, et leva les yeux vers les plus hautes branches du tilleul.

Il n'avait pas la tenue adéquate pour monter dans les arbres mais l'ascension l'appelait. Peut-être que de tout en haut, ils pourraient apercevoir les cimes de la forêt, au loin ? Il lança un regard équivoque à Kalisha :

- Le premier arrivé en haut ?
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Mer 12 Aoû - 13:09

La marche avait toujours eu don d'ordonner ses pensées. D'une masse informe, elle s'agglomérer pour en former d'autres, se déplacer et se ranger dans des boîtes. C'était ainsi que naissaient les idées, alimentées par une petite brise et l'odeur de la végétation. Et il lui en fallait une idée pour organiser cette fête d'anniversaire qui les réunirait alors que leur tête était plus que mise à prix.

La seule idée qu'elle retenue parmi toutes celles envisagées fut celle de faire cela chez Irène. Elle connaissait leur identité et il leur était très facile de trouver un motif pour se rendre à sa boutique.
Seulement voilà.
Il y avait Alexandre.
Alexandre qui les avaient dénoncé.
Alexandre qui avaient redessiné les portraits.

Si Ysengrin ne pouvait plus caresser la cime des arbres, c'était de sa faute et de personne d'autre.
Comment pouvait-il lui pardonner ?
Comment ?

- Et bien moi je n'ai pas envie de lui pardonner. Il avait le choix, il a fait son choix. Il a même dénoncé Cassandre, Ysengrin ! Même elle! Alors que c'est une esclave comme lui! Elle n'a rien fait d'autre que de venir se promener en forêt. Vous estimez cela justifié vous?

Kalisha se renfrogné et croise les bras tout en poursuivant sa marche.
Comment pouvait-il lui pardonner si facilement ? Elle ne pouvait pas.

-Et puis ce n'est pas tout reprit-elle s'il s'aperçoit que vous êtes là, il recommencera! S'il s'aperçoit que je suis là avec vous, il me dénoncera! Moi je ne risque rien mais la Prévôté viendra  retourner le domaine de fond en comble pour vous retrouver tous les deux. Il en est hors de question. Cela ne se fera que si j'ai l'assurance qu'il n'y sera pas.

Elle chassa l'agacement et la crainte qui venait de s'installer dans son esprit pour se rappeler qu'elle ne connaissait pas la date de son anniversaire. Elle ne savait pas comment encore, mais elle lui ferait le plus beau des anniversaires, dans sa forêt !
- Le 1er avril ? Je le note! Ce sera facile de s'en souvenir. Le mien est le jour du solstice d'été, le 21 juin

C'était ironique quand on songeait que c'était une fête dédié au soleil et à la fertilité... A Djerdan, on avait coutume de dire que les enfants nés un jour de solstice ou d'équinoxe étaient dotés d'un destin particulier. Depuis son arrivée à Monbrina cela avait toujours eu le don de la faire sourire jaune.

- J'aurais vingt ans, l'année prochaine dit-elle pensivement comme pour répondre à sa question muette. Et vous, mon beau Roi?

Ils arrivèrent devant le vieux et majestueux tilleul. L'un des plus grands arbres du parc. Sylvère la provoqua en duel d'escalade forestière. Si en temps normal elle n'aurait pas eu la moindre chance contre son petit singe, là, engoncé dans son lourd déguisement, c'était autre chose. Ils partirent ensemble, courant vers l'arbre et attrapant les premières branches. Elle était curieuse de voir s'il résisterait à la tentation de relever ses jupons, elle, n'hésita même pas! Ce n'était pas cela qui le déstabiliserait cette fois-ci mais au moins ce serait bien plus simple. Ses compétences étaient désormais bien meilleures et elle talonnait Sylvère qui devait gérer sa lourde robe.

Pourtant tout cela ne fut pas suffisant. Il fut le premier dont la tête émergea de la cime.

- Félicitations mon charmant roi. Même en robe, vos compétences de singe restent de loin meilleures que les miennes

Elle l'embrassa,
Baiser de victoire au goût de liberté,
Au milieu des branches enchevêtrées,
La brise les caressa.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mer 12 Aoû - 18:49

Sylvère n'en voulait pas à celui qui les avait dénoncé. Pourquoi aurait-il dû le faire ? Cet Alexandre n'avait fait, en fin de compte, que son devoir et on ne pouvait décidément pas en vouloir à quelqu'un qui faisait ce qu'on lui demandait. Sans compter que de toute manière, si ça n'avait pas été lui, un autre s'en serait chargé. Son existence clandestine était au fond la seule et unique responsable.

Pourtant, Kalisha ne semblait pas de cet avis. Elle continuait d'avancer, les bras croisés, presque bouseuse. Il eut un petit rire amusé, avant de remarquer en secouant la tête :

- Mais enfin, on fait tous des erreurs un jour ou l'autre, c'est dans la nature humaine ! Vous savez, moi aussi, j'ai fait des choses dont je ne suis pas fier...

Pas fier du tout, même.

- Il a peut-être fait le choix de nous dénoncer, il est vrai, quand il aurait pu ne pas prendre cette décision. Mais moi, j'ai choisi de vivre ainsi, et j'en assume les conséquences. Se faire dénoncer, ce sont les risques du métier, non ?

Comme tomber était le risque des acrobates ou bien comme mourir à la guerre était le risque des soldats. Un brigand risquait la potence, il n'y avait pas exactement de quoi en faire tout un plat...

- Et puis, ma reine, vous m'avez dit tout à l'heure ce qui se disait sur moi. Quel remord pourrait-on éprouver à livrer un violeur ? Si vous ne me connaissiez pas, ne seriez-vous pas heureuse de savoir que les recherches avancent ? Soyez honnête.

Qu'importe ce qu'en pensait Kalisha, lui refusait de le juger avant de l'avoir rencontrer. On ne pouvait pas se fier à un seul acte, même si ce dernier concernait votre mort. La société l'accusait d'être un violeur, et c'était là condamner sans preuve. Il ne ferait pas la même erreur. Puisqu'il ne considérait pas cette dénonciation comme une preuve. Et cela quand bien même sa belle reine arguait que s'il en avait l'occasion, Alexandre les dénoncerait à nouveau.

- J'attendrai de me faire ma propre opinion sur lui. Et quand je le verrais, je ne me fierais qu'à ce que je verrais. On évolue tous vous savez. C'est pour cela que le passé d'une personne ne reflète pas entièrement celui ou celle qu'elle est devenue.

Il lui sourit pour la rassurer. Il n'avait pas peur, il lui faisait entièrement confiance. Parce que tant qu'elle était là, avec lui, il savait que le sol pouvait s'écrouler sur leurs pieds sans que cela ne les fasse souffrir. L'enfer serait le plus beau des paradis.

Son sourire s'aggrandit encore quand Kalisha lui confia la date de son anniversaire. Il n'aurait pu imaginer mieux, comme date de naissance, pour sa fantastique reine.

- C'est une merveilleuse bienvenue que nous souhaite le monde, lorsqu'on naît un 21 juin... Vous vous rendez compte ? Le jour où le soleil reste le plus longtemps dans le ciel en un an, c'est pas rien !

Il fut surpris de l'entendre répondre à sa question muette. Mais pourquoi l'était-il ? Ils se comprenaient sans avoir besoin de parler. Un regard, un geste, compensait tous les mots du monde. C'était ce qui était magique, et ce dont il ne pourrait jamais se lasser. Ce pouvoir inconditionnel de pouvoir tenir une conversation en silence. Et avec ce voeu de silence, c'était là un précieux cadeau à protéger. De nouveau, il ne put réprimer son sourire, juste avant de répondre, en s'inclinant de sa manière bien à lui :

- Votre beau roi a vingt-cinq ans, douce reine.

Avant de relever les yeux vers le grand tilleul. Il était superbe. Gigantesque, ses ramures se tendaient vers le ciel dans un méandre de branches emmêlées les unes avec les autres. Il avait dû en voir des choses, cet arbre, il était si majestueux et imposant. Un véritable roi de la nature. Et aussitôt, la tentation de monter à sa cime fut trop forte. Tant pis s'il était en robe et que ce serait la première fois qu'il se prêterait à l'expérience...

Kalisha releva ses jupons sans hésitation et il lui adressa un immense sourire, parce qu'ils pensaient forcément à la même chose. Mais cela ne le gênait pas autant que la dernière fois et puis... il avait une course à gagner ! Il n'était pas temps de se laisser déconcentrer. Lui ne les releva pas.

Monter ainsi rajoutait un certain poids et une certaine rigidité à laquelle il n'était pas habitué. De quoi corser l'affaire de cette petite ascension, mais au contraire, cela lui plaisait. La facilité n'avait rien d'amusant. Il se servit incontestablement plus des bras pour se hisser. A vrai dire, ses jambes, pour une fois, ne servait que pour prendre appui sur une branche ici ou là. Il n'en était plus à sa première escalade depuis bien longtemps et pour ainsi dire, il avait tout essayé. Il savait exactement reconnaître sur quelles branches s'appuyer et lesquelles étaient plus dangereuses.

Il fut le premier à atteindre le sommet, malgré les lourds tissus encombrants et il n'en fut pas peu fier. Là-haut, la brise soufflait plus fort, et il apercevait même la forêt, au loin. Il ferma les yeux et prit une grande inspiration. C'était cela, la liberté, se situer en haut d'un grand arbre et respirer l'air frai.

Il s'installa ensuite sur la branche sur laquelle il était debout, les jambes dans le vide et tendit la main à sa jolie reine qui le félicitait pour la tirer vers lui. Quand elle arriva à son niveau, elle l'embrassa aussitôt.

Ils se trouvaient à plusieurs mètres au-dessus du sol, mais cela n'en était que plus merveilleux. C'était la première fois qu'il remontait dans un arbre depuis que Kalisha l'avait ramené. Il la serra contre lui et laissa son regard se perdre dans le ciel.

- Comment pourrait-on penser que la vie est compliquée quand on peut voir cela ?

Je vous aime.
Plus que ma forêt, plus que ma liberté.
Plus que tout.
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Jeu 13 Aoû - 18:11

Kalisha ne pouvait s’empêcher de maugréer. La dénonciation d'Alexandre lui restait en travers de la gorge. Mais le pire, c'est que celui qui aurait dû lui en vouloir le plus… Ne lui en voulait même pas. Non il trouvait cela parfaitement normal. Comment diable était-ce possible ? Même lorsqu'elle avança le fait qu’il avait dénoncé Cassandre, il persistait à parler d'une simple erreur. Une erreur qui pouvait coûter fort cher au demeurant. Mais tout ce que Sylvère trouvait à redire était que lui-même avait fait des choses dont il était peu fière. Du sol, son regard se releva pour croiser le sien, interrogateur. Qu'avaient-ils donc fait ? Elle l'aimait entièrement, totalement et infiniment. C’était un amour sans compromis et à ce titre, elle voulait aimer aussi bien les surfaces les plus étincelantes que ses recoins les plus obscures.
Et elle quelles erreurs avait-elle pu faire si ce n’était de dire « oui » à la question fatidique qui avait scellé le sort de sa vie ?

Les risques du métier. A cet instant, elle prenait conscience qu'en l'aimant, elle devrait accepter de vivre avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête. Et une fois faussement mort, pourraient-ils enfin jouir d'une sécurité ? Mais quelque chose au fond d'elle-même lui disait qu’il avait fini par apprécier cette drôle de compagnie qu’était le danger. Elle enroula son bras autour du sien, pour se rassurer.

La suite l'acheva. Elle baissa honteusement les yeux lorsqu’il évoqua les rumeurs et ce qu'elle aurait pensé. Qu’aurait-elle pu répliquer si ce n’était qu’il avait malheureusement raison ? Il avait beau dire le contraire, Ysengrin était plein d'une sagesse qu'elle ne possédait pas. Elle poussa un long soupir, le regard perdu sur les fractales que formaient les fougères : comme ces feuilles, elle n’était pas au fond  différente de ses semblables. Sa main resserra son emprise tandis qu'elle se sentait soudainement indigne de cet amour si inconditionnel qu’il lui vouait.
Elle hocha de la tete, toujours honteuse à la leçon qu’il lui offrait. Il n'y avait rien à dire. Sa foi en l'humanité dépassait celle de tous les individus qu'elle connaissait. Il lui adressa un sourire rassurant. Il n’avait pas peur. Pas peur d’être dénoncé. Pas peur de mourir. Mais elle, elle avait peur. Peur que du jour au lendemain, le rêve n’éclate et ne vire au cauchemar. Elle lui rendit son sourire autant que possible en se raccrochant au fait que la mort ne parviendrait jamais à les séparer. Elle acquiesça finalement de la tête : si c’était là ce qu'il désirait, elle s’y plierait sans discuter.

- J'ai quand même raison sur un point finit-elle par dire Vous n'avez pas seulement ses  griffes mais belle et bien la sagesse de Grimbert

Ce fut cette fois-ci un vrai sourire. Comment aurait-elle pu ne pas être folle amoureuse de lui quand il forçait autant le respect et l'humilité ? Ils échangèrent leurs  dates d'anniversaires respectives et Sylvère s’enflamma.

- Il paraît que c’est une bénédiction que de naître durant le solstice d’été. Jusqu’à présent, j'ai surtout trouvé qu’il s’agissait d’une malédiction.

Jusqu’à ce qu’elle le rencontre pour être exacte. Désormais les choses n'en étaient peut-être pas plus simples mais elles étaient terriblement plus belles ! Chaque insignifiante petite chose pouvait prendre des proportions inespérées. Comme marcher dans une allée ombragé  du parc par exemple. Ou répondre à une question qui n'avait pas été posée. Ou encore connaître l’âge exacte de Sylvère.  Vingt-cinq ans.  En soi cette information ne changeait rien mais c’était avoir le plaisir de disposer d'une nouvelle pièce de ce magnifique puzzle qu’elle prenait tant de plaisir à assembler.  

Elle le remercia d'un baiser sur la joue tandis qu’ils levèrent de concert les yeux vers la cime du grand tilleul. Il ne leur fallut guère plus de temps pour se lancer dans une course à l'ascension. Ysengrin était joueur : il ne releva pas ses jupons comme elle le faisait. Lorsqu'on savait qu’il avait parfois encore du mal à s'en dépêtrer sur le lit !
Leur regard se croisèrent et bien sûr, ils pensèrent exactement à ce même moment : celui de leur première ascension. Son petit singe était impressionnant d'agilité à se hisser avec tant d'aisance de branches en branches à la simple force de ses bras. Elle savait qu’elle ne pourrait pas le rattraper, alors elle prit un peu plus son temps sur la fin. Les bras engourdis, elle l’aperçut, debout sur le toit de leur monde, les yeux perdus dans l'horizon vert.

Il était si beau ainsi.
Si libre et si fier,

La brise s’engouffrait entre ses mèches brunes. Elle resta quelques secondes, simplement à l’admirer et à lui laisser le temps de profiter de cet instant de liberté. C’était la première fois qu'il remontait en haut d'un arbre depuis leur arrivée. Elle imaginait sans peine l’émotion qu’il pouvait ressentir. Lorsqu'il s’installa, pied dans le vide, elle arriva pour le rejoindre, le féliciter et l'embrasser, là à près de trente mètres du sol. Il n'y avait rien de plus merveilleux que cet instant unique qu’ils partageaient avec pour seuls témoins quelques oiseaux curieux de ces deux bipèdes téméraires. Qui pouvait se targuer d'avoir embrasser sa moitié perché sur la cime d'un arbre ? Ysengrin passa son bras autour de ses épaules et l'attira contre lui. La tête posé contre son épaule, rien n’aurait pu être plus beau que cet instant. Elle en oubliait même qu'elle se trouvait chez elle, à Monthoux. Son regard se perdit dans l’immensité bleue et verte.

- J'en viens à penser que c'est nous qui la rendons compliquée…

Oh oui, elle l'aimait tellement que ce simple moment avait le don tout effacer. Là contre lui, elle se sentait parfaitement apaisée, sereine et terriblement forte.

- Je n’ai plus l'impression d’être chez moi ici. Vous savez j'ignorais qu'on pouvait avoir une si belle vue d'ici…

Son regard fut soudainement attiré par quelque chose qui bougeait sur l’écorce. Un large sourire se dessina lorsqu'elle s'exclama

- Oh regardez ! Ils sont venus vous souhaiter la bienvenue mon Roi !

Une petite colonie grisonnante de cloportes s’avançait à leur rencontre. Si la première fois, elle avait failli se jeter dans ses bras de peur, aujourd’hui elle ne s'y blottissait un peu plus que par simple plaisir de partager ce moment avec lui.
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Ven 14 Aoû - 17:27

Il n'en voulait pas à Alexandre, et elle avait du mal à comprendre. Alors il lui expliqua en souriant, que chacun faisait des erreurs et que lui-même était peu fier de certaines choses. D'un certain nombre, même, pour être tout à fait honnête, et plusieurs lui venaient à l'esprit sans qu'il ait besoin de réfléchir. Au regard interrogateur qu'elle lui lança alors, il perçut sa question muette, beaucoup plus explicite que tous les mots dont elle aurait pu faire usage.

Il sut qu'il n'échapperait pas au fait de lui raconter. Non pas qu'il rechigne à le faire de toute façon, mais ce n'était définitivement pas les instants les plus reluisants, ni les plus flatteurs, de sa vie. Mais il savait que ce n'était pas cela qui changerait la vision que Kalisha avait de lui. Alors il les lui conta sans peur.

Avec honte, certes, mais sans peur.

- J'ai brûlé la queue de mon chat quand j'avais six ans.

Ce n'était franchement pas glorieux. C'était heureusement la seule fois qu'il lui était venue une telle idée... Alors qu'il allait reprendre son énumération, citant quelques autres bêtises de son enfance au passage, il sentit son bras s'enrouler autour du sien.

- Et puis... quand j'étais encore dans l'armée, j'ai fait la connaissance de Jamet. On s'entendait très bien, il faut le dire. On avait planifié notre désertion ensemble... Mais... disons que les choses ne se sont pas passées aussi bien que nous l'avions prévu. Il y a eu des complications, et j'ai dû choisir entre mon meilleur ami et ma liberté. Et... eh bien... j'ai choisi ma liberté. Mais vous rassure ! Il est toujours vivant.

C'était un choix qu'il assumait... à moitié. Mais qu'il avait fait malgré tout. Le fond du problème se trouvait ailleurs pourtant : si la situation se représentait un jour prochain, que ferait-il cette fois-ci ? Il n'était pas certain de savoir.

Sauf qu'à l'instant même où il se posait la question, il croisait le regard de Kalisha, son bras se serrait encore davantage autour du sein et il n'y eut plus de doute à avoir. Comment aurait-il pu envisager un instant dire au revoir à sa belle reine ? Non. La question ne se posait plus. Son choix était déjà fait, aujourd'hui, et c'était elle. C'était bien pour cela, d'ailleurs, qu'il l'avait suivie jusqu'ici...

… pour se faire entendre dire une nouvelle fois qu'il avait les griffes de Grimbert... ainsi que sa sagesse. Il ne dit rien pendant deux secondes, puis un immense sourire s'afficha sur ses lèvres, annonceur d'une facétie prochaine. A croire qu'il avait besoin de détromper instantanément tout ceux qui lui parlait de raison :

- Oh ! Vous savez que j'ai enfumé le curé, une fois !

Puis, il sourit, plus doucement et glissa ses doigts entre les siens pour assurer :

- Mais bien sûr, ma reine, que naître un solstice d'été est une bénédiction ! La nature a plusieurs vies, vous savez. Au printemps, c'est une enfant. Durant l'été, elle grandit et prend le feu de la vingtaine. A l'automne, elle décline doucement et ses gestes se font plus lents... Pendant l'hiver, c'est une vieillarde grincheuse. Chaque saison possède ses propres cadeau. Le solstice, c'est la transition entre l'enfant et le jeune adulte ! Vous voyez bien que c'est forcément positif !

Pour toute réponse, elle planta un baiser sur sa joue et, surpris, il fit une petite pause de tout juste une seconde. Qui ne dura guère davantage quand il leva les yeux vers l'arbre – puis quand il se retrouva à son sommet. L'air frais qui remplissait ses poumons, la brise dans ses cheveux et sur son visage, le sentiment de liberté. Il ferma les yeux quelques secondes.

Alors qu'il pouvait l'embrasser en haut d'un tilleul, la serrer contre lui, comment penser effectivement que la vie était compliquée ? Les paroles de Kalisha firent écho à ses pensées. Bien sûr que oui, la vie était simple. Et heureuse, par dessus tout. Mais les humains, avec leurs murs de pierres et leurs rues pavées, avaient un peu trop oublié la beauté de l'horizon et la couleur de l'herbe... Il soupira. Pour rien au monde il n'aurait échangé sa place.

- Nous aurions dû amener votre recueil de poèmes, ma reine ! déclara-t-il. Dommage que nous n'y ayons pas pensé.

Parce qu'alors, en haut d'un arbre, à lire des poèmes avec elle, tout aurait été parfait.

Parfaitement parfait.

Il sourit à nouveau. L'exclamation de Kalisha lui fit suivre son regard. Pour que ses yeux se posent sur quelques cloportes, qui sortaient de sous l'écorce de l'arbre.

- Ils sont venus nous souhaiter la bienvenue, ma reine ! Ce sont vos sujets à vous aussi !

Et quels sujets étaient-ce.
Il en attrapa un, qui se roula aussitôt en boule et Sylvère se tourna vers elle. Cette fois-ci, elle n'avait pas fait un bond d'effroi alors peut-être... Il tendit sa paume à plat et leur ami cloporte se déplia timidement, révélant deux petites antennes.

- Vous voulez le prendre ? demanda-t-il à Kalisha en relevant les yeux vers elle. Il faut leur dire bonjour !
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Sam 15 Aoû - 14:07

Elle n'avait pas prononcé un mot mais il répondait déjà à sa question silencieuse. On avait tous des cadavres au fond de notre placard dont on était peu fier. Certains plus que d'autres. Kalisha avait tellement vécu en vase clos qu’elle n’avait pour ainsi dire pas vraiment vécu. La seule chose honteuse qu'elle ait à confesser était d'avoir dit « oui » quand son être lui hurler « non ».

Elle parvenait difficilement à croire qu’Ysengrin ait pu brûler la queue de son chat. Quand on savait à quel point il aimait les animaux, même plus que les hommes ! Ses yeux s'étonnèrent sans doute de cette nouvelle bêtise non par jugement, car elle avait depuis longtemps accepté chaque parcelle de son âme mais bel et bien car c’était réellement… étonnant.

Elle enroula son bras autour du sien alors qu’il continuait de déballer un à un les cadavres. La suite aurait sûrement fait grincer des dents plus d’un mais pas elle. Elle le connaissait si bien sûr certains points qu'elle aurait pu en deviner l’issue avant même la conclusion.
Il aimait sa liberté plus que tout. Elle leva ses yeux vers lui. Et… En fait non, elle se trompait : la liberté avait chu de son piédestal. Elle lui adressa un sourire et répondit très sérieusement :

- Je pourrais faire exactement la même chose pour vous. Sans hésitation.

Oui, pour le sauver, il n'y a pas une chose qu'elle ne sacrifierait pas. Y compris ses amis. Rien n’avait plus de valeur que lui à ses yeux.

Il était ce soleil,
Qui éclairait son ciel.
Sans lui,
Il n'y aurait que la nuit.
Éternelle, sombre et glaciale.
Impensable.
Inimaginable.

Comme pour démonter son assertion, un sourire -ce sourire- qu'elle connaissait si bien et qui n’annonçait rien de moins que… Cela très exactement : une nouvelle facétie de jeunesse. Elle ne put retenir un rire en imaginant le curé enfumé par un épais nuage, toussant à ne plus pouvoir s’arrêter.

- Il faut absolument que vous me racontiez cela ! On ne devait pas s’ennuyer à la messe avec vous !

Ses doigts glissèrent entre les siens. Comment pouvait-il faire d'une simple date de naissance, un moment aussi beau ? Pour elle, ce n’était qu'un jour comme les autres. Pour lui c’était la succession des saisons, un enchaînement de cycle et de vie. C’était drôle tout de même comme cela ressemblait par certains égards aux croyances djerdannes.
Elle serra sa main un peu plus fort. Chaque jour passé avec lui était une nouvelle leçon de vie. Pour toute réponse, elle déposa un baiser sur sa joue. Comment pouvait-elle résister à cette expression de surprise ? Cela lui donnait juste envie de recommencer et de l'embrasser encore plus…

Un peu comme ce baiser au sommet du grand tilleul où la brise s’engouffrait dans leur cheveux. Ils étaient là, au sommet de cet arbre à se complaire en réflexions philosophiques lorsque Sylvère soupira. Elle lui adressa un sourire entendu. Plus elle passait de temps en sa compagnie, plus elle comprenait ce choix de vie. Il ne fallait finalement pas grand-chose pour être heureux : un arbre haut, l'amour de sa vie, une douce brise, le chant des oiseaux et… de la poésie.

- Je pense pouvoir remédier à ce problème mon beau Roi : j'en connais en effet quelques uns par cœur à force de les lire

Lorsque l’on avait aussi peu de choses à faire qu'elle lire de la poésie pouvait rapidement redondant alors forcément, elle avait appris ses favoris par cœur. Elle posa sa tête sur son épaule et commença sa récitation. Sauf que… Elle parvenait difficilement à réprimer ce sourire taquin et ce rire qui menaçait de tout faire rater. Car elle n'avait pas résisté à lui jouer un petit tour en prononçant celui qu’il n’avait pas écouté ! Lorsqu’il s’aperçut enfin de la supercherie, elle se mit à rires aux éclats.

- Je suis désolée Ysengrin, je n'ai pas pu résister à voir à quel point vous n'aviez pas suivi. Celui-ci sera différent et vous allez beaucoup l'aimer. Je l'ai lu et relu durant notre séparation. A tel point que je l’ai appris par cœur. J’ai toujours l'impression qu’il à été écrit pour nous… Le voici :

Ciel, air et vents, plains et monts découverts,
Tertres vineux et forêts verdoyantes,
Rivages torts et sources ondoyantes,
Taillis rasés et vous bocages verts,

Antres moussus à demi-front ouverts,
Prés, boutons, fleurs et herbes roussoyantes,
Vallons bossus et plages blondoyantes,
Et vous rochers, les hôtes de mes vers,

Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire,
A ce bel oeil Adieu je n’ai su dire,
Qui près et loin me détient en émoi,

Je vous supplie, Ciel, air, vents, monts et plaines,
Taillis, forêts, rivages et fontaines,
Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.

Elle se tourna vers lui et avant qu’il ne pu commenter quoi que ce soit ajouta

- Je vous aime, Ysengrin. Je vous aime tellement… Je ne pensais même pas que c’était possible… et la suite de ses paroles se perdit.
Elle n'arrivait plus à formuler ce qu'elle ressentait. Comment lui dire, qu'elle n’aurait jamais espéré être là à trente mètres du sol, à réciter de la poésie dans ses bras tandis que le vent frais de la fin d'automne leur fouettait doucement les pommettes rosées ?  Elle savait qu’elle n'avait pas besoin de le dire pour qu'il comprenne mais elle voulait qu’il l'entende de sa propre voix.

- Mon plus grand regret c'est d'avoir dit « oui » à mon mariage. J’aurais du fuir comme vous avez déserté l’armée.  J’aurais pu devenir votre femme et rien ne m’aurait plus comblé que de vous présenter comme mon mari, Ysengrin Zellers, Roi d’Aiguemorte.

Ce fut à ce moment précis qu'elle aperçut les cloportes qui se dirigeaient en file indienne vers eux. Sylvère la corrigea sur sa présentation.

- Je voulais dire qu’il venait vous souhaiter la bienvenue à Monthoux, mon Roi. Mais vous avez raison car après tout… Je ne suis jamais venu les saluer

Il tendit la main pour cueillir l'une de ces petites créatures qui se roula en boule avant de se déplier, se demandant sans doute où elle se trouvait désormais. Il souhaitait qu'elle le prenne à son tour dans ses mains. Elle posa ses yeux sur la petite carapace grisonnante avec appréhension puis les releva vers son charmant roi qui lui adressa un regard encourageant. Kalisha prit une profonde inspiration et ouvrit la main. C’était ses sujets après tout. Quel souverain avait peur de ses sujets ? Le cloporte se roula à nouveau en boule lorsqu’il fut déplacé. Elle observait la petite créature se déroulait lentement, tâtant le terrain de ses antennes. Elle était si légère qu'elle ne la sentait même pas lorsqu’elle se déplaçait. C’était inespéré mais elle osa lever la main pour la contempler.

- Vous voyez je n'ai plus peur de nos sujets répondit-elle avec un grand sourire puis elle redéposa  le cloporte sur l’écorce et ajouta d’un  sourire mutin

- C'est dommage tout de même. Je n’aurais plus le loisir de pouvoir me jeter dans vos bras d'effroi !
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Dim 16 Aoû - 16:42

Sa liberté et sa forêt avaient longtemps été les choses les plus importantes à ses yeux. Les choses pour lesquelles il aurait sacrifié tout, y compris son meilleur ami... mais plus aujourd'hui.

Aujourd'hui, le joyaux le plus précieux qu'il possédait, c'était la petite main qu'il tenait entre la sienne. C'était les beaux yeux qui croisaient si souvent les siens et dans lesquels il aimait quitter volontairement le sentier pour s'égarer. Et ses cheveux bruns... C'était aussi tous ces mots qui n'avaient pas besoin d'être dits, toutes ces questions muettes dont les réponses arrivaient spontanément.

Elle était là, sa belle reine djerdanne, juste à côté de lui. Et elle était devenue la chose qui valait tous les sacrifices du monde. Y compris celui de sa liberté. S'il fallait qu'il reste entre quatre murs plusieurs semaines – plusieurs mois, même ! - il le ferait.

Elle n'avait pas besoin de lui dire qu'elle ferait la même chose pour lui. Il le savait. Et quand bien même ce n'aurait pas été le cas... qu'importe. Ce n'était pas cela qu'il lui demandait. Il la voulait simplement heureuse, et savoir qu'elle souriait suffisait à illuminer sa journée. Alors se dire qu'il avait une influence directe dans ce sourire, quel beau cadeau était-ce !

Elle semblait surprise qu'il ait pu penser à brûler la queue du chat. A vrai dire, il l'était lui-même. Il esquissa une petite grimace et se justifia aussitôt, plus pour sa propre conscience que pour sa belle reine :

- J'avais six ans ! Vous n'étiez même pas encore née, alors vous voyez !

Et puis, il n'avait jamais plus recommencé ensuite. Ni sur un chat, ni sur quoi que ce soit d'autres... Cette bêtise-là n'avait pas été drôle du tout. Alors qu'enfumer le curé, là ! Bien sûr, Kalisha voulait attendre toute l'histoire, il aurait fallu s'en douter.

- Je vous raconterais cela, un de ces jours !

Mais pour le moment, il préférait se concentrer sur l'escalade de l'arbre, leur baiser et sur la proposition de Kalisha de remplacer la lecture par la récitation de poèmes. Ce dans quoi elle se lança aussitôt. Il l'écouta en silence, les yeux perdus au lointain. Les vers s'enchaînaient paisiblement, mais il ne parvenait pas totalement à se défaire de cette impression de déjà-vu. Ou, en l'occurence, déjà entendu. Sans compter que ce discret sourire sur ses lèvres, qu'elle essayait de réprimer à grande force, l'intriguait.

Qu'était-elle en train de mijoter ? La question venait juste de lui effleurer l'esprit quand il comprit la supercherie – plus proche de la fin que du début. Il s'exclama alors, en la faisant éclater de rire au passage :

- Eh ! Je l'ai déjà entendu celui-là !

Même s'il ne reconnaissait réellement que les deux derniers vers, mais pour rien au monde il ne l'aurait avoué... Elle s'excusa, mais il savait bien qu'elle ne regrettait pas de lui avoir jouer ce petit tour. Elle souriait, et lui aussi. Elle lui assura que le prochain était un nouveau et prononça les premiers mots.

Ces phrases avaient été écrites pour eux.
Elle avait raison. C'était ce qu'il ressentait aussi. Quand elle eut terminé, il garda quelques secondes le silence, pour retenir encore un peu la mélodie des rimes et l'impression de béatitude qui flottait tout autour d'eux.

D'une manière ou d'une autre, la nature avait comblé une partie des barrières entre eux. Ils voyaient le même ciel. Respiraient le même air. Foulaient le même sol. Partageaient leurs souvenirs communs.

- Je vous aime tellement, moi aussi... répondit-il quand elle dut se taire, à court de mots pour décrire ses émotions. J'ai regardé le ciel chaque soir que j'ai passé loin de vous. Sans en oublier un seul.

Après l'avoir attendue si longtemps, avoir pensé à elle chaque minute de chaque jour, la serrer dans ses bras ainsi dans les ramures d'un arbre semblait si inespéré. Mais au contraire, qu'est-ce qu'il l'avait espéré, justement ! Pour rien au monde il n'aurait pu échangé sa place. Parce qu'il se sentait exactement à l'endroit où il aurait voulu passer sa vie.

Au bout d'un moment, il lui adressa un sourire et déclara :

- Eh bien ! A mon tour, maintenant ! Nous allons bientôt être en hiver, n'est-ce pas ? Alors voilà ! …

Que doux puisse être cet hiver !
Déjà coulent les nez rougis,
Et trembles les lueurs des bougies,
Dans le secret de nos chaumières.

Blanc linceul tonbé depuis hier,
Précieux instants de nostalgie,
Que douc puisse être cet hiver !
Déjà coulent les nez rougis.

Dame hiver, tourmente fière,
Met le soleil en léthargie,
Durant quelques temps de magie,
Jusqu'au retour de la lumière.
Que doux puisse être cet hiver !


Il lui adressa un nouveau sourire pour lui signifier que c'était terminé.

- J'aurais pu devenir votre femme et rien ne m'aurait plus comblée que de vous présenter comme mon mari, Ysengrin Zellers, Roi d'Aiguemorte.

L'affirmation de Kalisha le sortit soudainement de ses pensées et il lui jeta un regard surpris. Sincèrement surpris, sans trouver que répondre. Oh, s'il avait fallu cela pour la combler, il l'aurait fait. Bien évidemment. Il se doutait bien que cela devait être quelque chose d'important – et de symbolique pour elle.

Mais au fond, le mariage, qu'est-ce que c'était ? Encore une de ces conventions ridicules, qui consistait à s'unir devant Dieu. Qu'en avait-il à faire, de s'unir devant Dieu, lui, pour le respect qu'il lui portait ? Si ce n'était que pour le signaler à la religion, il ne voyait vraiment pas ce qu'il y avait de si merveilleux à cela. C'était cela même qui forçaient des milliers de personnes chaque année à partager le même lit sans une once d'amour, sous prêtexte qu'ils avaient dit << oui >>. S'ils s'aimaient et qu'ils le savaient, avaient-ils vraiment besoin de bagues ?

Il demanda au cloporte dans sa main, avec un sourire amusé et un haussement d'épaules :

- Qu'est-ce que tu en penses, toi, cher monsieur cloporte ? Tu es marié ? – petits mouvements d'antennes, qu'il interprêta comme il voulait : ah, vous voyez, il dit que non.

Il le déposa sans la paume de Kalisha, qui ne sembla pas effrayée de le sentir dans sa paume et sourit. Avant de demander plus pensivement :

- Vous êtes mariée avec un porc, mais vous auriez quand même envie de vous marier avec moi... ? Pourquoi ?

Il ne comprenait pas. Mais s'attarder sur le sujet était bien inutile, au fond, puisque pour ainsi dire, la question ne se posait pas vraiment. Quand bien même Kalisha perdrait son mari prématurément, elle n'aurait guère le moyen de se marier avec lui... On ne mariait pas les brigands, on les envoyait à la potence. Mais il se garda bien de le rappeler. Il préféra déclarer avec un demi-sourire entendu :

- Oh, voyons, ma reine ! Il y a encore de nombreuses petites bêtes qui vous donneront l'occasion de vous jeter dans mes bras, si vous le voulez ! Les hérissons, par exemple ! Ou même les escargots !

Il se redressa sur sa branche, tandis qu'une idée germait dans son esprit. Un escargot. Voilà quelque chose qui serait facile à trouver avec l'humidité ambiante ! Il laissa Kalisha sur la branche, le temps de redescendre, de farfouiller au pied du tilleul pour, sans surprise, en trouver un de taille moyenne. Replié dans sa coquille, il le glissa dans la poche de sa cape et remonta. Le tout en à peine une minute.

Quand il fut ré-installé, il le sortit de sa poche, le posa contre l'arbre et le laissa ressortir lentement de sa coquille en déclara – d'une manière solennelle très exagérée :

- Je vous présente, ma belle reine, un autre de vos sujets ! Monsieur l'escargot, voici la reine Kalisha. Reine Kalisha, voici monsieur l'escargot.

Pendant ce temps, l'animal s'était lancé dans sa lente conquête des branches du tilleul, en laissant une petite trace de bave sur son passage.
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Message par Kalisha Howksley de Frenn Lun 17 Aoû - 22:29

Sylvère se justifia aussitôt concernant le chat. Elle voyait bien que cela le tracassait et serra un peu plus son bras.

- Vous n’avez pas à vous expliquer de quoi que ce soit. Tout le monde fait des erreurs. Surtout quand on est petit. Ceci dit c’est vraiment étrange de penser que je n’étais même pas né à ce moment là !

En cet instant, ils avaient l'impression d'avoir pour ainsi dire le même âge et pourtant il avait vécu six ans de plus qu'elle.
En fait non.  Pas exactement.
Il avait vécu vingt cinq ans de plus qu'elle. Vingt-cinq ans d'une vraie vie, pleine et entière. Avec ses hauts et ses bas. Ses réussites et ses échecs.
La sienne commençait tout juste. Par une grossière erreur. Mais elle préférait ne pas y penser et profiter de cet instant de pure félicité à réciter des poèmes en sa compagnie, le tout à la cime des arbres.
Bon il est vrai qu’elle ne résista pas à lui jouer un petit tour mais le voir comprendre au dernier moment ce qui se tramait fut on ne peut plus amusant ! Kalisha s'excusa mais elle ne regrettait rien. Encore plus lorsqu'elle croisa son sourire ! Ce qui ne l'empêcha de lui réciter un poème. Un vrai poème sérieusement et … Amoureusement. Elle laisse planer un instant de silence. Ou plus exactement, elle laissa la parole à la nature qui s'exprima.
Chant des oiseaux, bruissement du vent, craquement des branches, aboiement d'un chevreuil.
Mais elle tenait absolument à lui dire. A essayer de lui dire à quel point elle l'aimait.

A la folie. A l'infini.

Elle aussi, chaque soir, elle avait regardé le ciel qui formait comme un pont entre leurs deux âmes isolées. C’était un lien invisible qui traversait les barrières qui s’étaient dressées entre eux. De longues minutes d’observation qui lui avait permis de combler l’effroyable vide qu’elle ressentait…
Sylvère s’élança à son tour dans la récitation d’un poème qu’elle n’avait encore jamais entendu. Et pourtant… Elle en avait lu, un bon nombre pour combler ses interminables heures d’oisiveté. Il s’agissait de beaux vers sur l’hiver et elle était sûr qu’il n’avait pas choisi cela au hasard. Certainement pas après lui avoir posé un tas de question sur la neige.

- Est-ce l’un de vos poèmes, mon charmant roi des poètes C’est merveilleux… J’ai tellement hâte qu’il neige ! emballée par son enthousiasme, elle sautilla sur la branche qui se mit à osciller Pardonnez-moi… Vous accepteriez de me le réciter à nouveau lorsque tout sera blanc ? demanda-t-elle finalement les yeux pétillants.

Elle pouvait déjà s’imaginer avec Ysengrin, dans la neige – ou du moins ce qu’elle s’imaginait être la neige- les joues rosies par le froid à écouter sa douce voix faire chanter les mots. Elle regrettait tellement d’avoir dit « oui » au porc. Si seulement elle avait pu l’épouser et être sa femme à lui… Ses mots étaient sortis comme ça, naturellement. C’était son cœur qui s’était exprimé et elle ne s’était pas attendue à provoquer un tel raz-de-marée sur un sujet qui lui paraissait parfaitement banal : le mariage. Le silence qui s’en suivit la mis mal à l’aise et elle regrettait déjà son emportement. Tandis que son regard se perdit sur la magnifique écorce striée de brun de l’arbre, son Roi, lui, demandait à l’un de ses sujets ce qu’il pensait de ce sujet épineux, cherchant sans doute un quelconque appui pour sa défense.

Kalisha lui adressa un sourire triste alors qu’elle relevait la tête et avança d’une toute petite voix :
- Mais… Peut-être qu’il aimerait, se marier avec sa bien-aimé. Qu’en pensez-vous, Maitre Cloporte ? la petite créature agita à nouveau ses antennes, ce qu’elle prit pour un oui, Vous voyez, il dit qu’il aurait beaucoup aimé célébrer son amour éternel devant ses amis et sa famille mais que malheureusement, il n’a pas trouvé de jolie princesse pour l’épouser. il agita à nouveau ses antennes et la jeune femme poursuivit la traduction Hmm, oui, vous avez parfaitement raison… Il ajoute que les mariages ne devrait que célébrer l’amour. Elle leva les yeux vers Ysengrin, un timide sourire aux lèvres.

Oui, en à peine un mois elle était devenue bilingue cloporte. En même temps lorsque l’on connaissait déjà plusieurs langues, le cloporte s’avérait relativement simple à comprendre. Tout était dans l’attention portée aux antennes et… Dans la déduction du concept.

- Je suis mariée à un porc et j’aurais surtout voulu me marier avec vous. Vous êtes celui à qui j’ai donné mon cœur, celui que j’aimerai par-delà la mort. Je ne peux même pas imaginer devoir vivre sans vous. Alors oui, j’aurais voulu vous épouser peu importe que vous soyez un roturier ou même un brigand. C’est vous que j’aime, c’est votre femme que j’aurais voulu être, votre nom que j’aurais voulu porter et c’est notre famille que j’aurais voulu fonder. Mais ce n’est sûrement rien de plus qu’une stupide règle édicté par la société pour vous. Elle baissa les yeux à nouveau sur l’écorce qu’elle se mit à gratter distraitement. Ce n’est pas parce que cela vient de la société qu’il faut forcément tout rejeter. On aurait pu… On aurait pu se marier dans la forêt…

Dans la forêt, au milieu des cloportes, sous une nef de branches, devant leurs amis. Ils auraient porté de jolies couronnes de fleurs et Ysengrin l’aurait emmené au sommet de l’arbre aux cloportes. Là où tout avait commencé. Ils se seraient jurés fidélité face à leurs amis et avec la nature pour témoin. Il n’y aurait pas eu d’orchestre : simplement le chant des oiseaux. Cela aurait été simple mais cela aurait été le plus beau de tous les mariages, car celui-ci aurait été fait avec le cœur. Elle soupira doucement. De tout façon, cela ne servait désormais plus rien d’y penser, c’était impossible, elle devait désormais se coltiner son porcin de mari jusqu’à ce que la mort les sépare.

- On aurait pu… Fracasser toutes ces barrières pour les dresser autour de nous et non, entre nous.

Désormais, il ne leur restait plus qu’à subir ces barrières. Elle grattait toujours l’écorce lorsqu’ils changèrent de sujet pour évoquer ses peurs des petites bêtes inconnues. Les hérissons ? Les escargots ? Des mots qu’elle avait déjà entendu (à la différence de cloporte mais qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de voit. Sans même attendre sa remarque sur le sujet, il s’élança au pied de l’arbre pour revenir quelques minutes plus tard en compagnie d’un …

- Monsieur Escargot ? Enchanté, très cher ami. elle le déposa dans sa main, il faisait bien moins peur que les cloportes et leurs petites carapaces grises

D’abord une simple coquille, elle sentit l’animal s’étirer jusqu’à sortir ses petites antennes d’où elle pouvait apercevoir des petites. Il commença à ramper sur la paume de sa main. C’était froid et humide. C’était très étrange ! Mais elle n’en avait pas peur. Il était plutôt mignon avec sa maison sur son dos. Quelque part ce petit escargot était la liberté même…

- Vous allez de voir trouver mieux que cela si vous espérait m’effrayer suffisamment pour que je vous saute dans les bras. Il est bien trop adorable. répondit-elle d’un air malicieux en le déposant sur une feuille.

Pourtant, sans le moindre avertissement, elle lui sauta dans les bras. Si c’était dangereux ? Complètement ! Mais elle avait parfaitement confiance en les capacités de son Rois singe pour la réceptionner en haut d’un arbre. Et puis… Elle n’y était pas allée si fort que cela….
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Message par Sylvère d'Aiguemorte Mer 19 Aoû - 19:17

Il était dur de trouver les mots justes pour dire à quelqu'un qu'on l'aimait. Peut-être bien, d'ailleurs, qu'ils n'existaient pas. Comment le savoir, avant d'avoir essayé ? C'était comme monter dans un arbre : on ne pouvait pas savoir si on allait tomber avant d'avoir commencé l'escalade. On apprenait à aimer, comme on apprenait à monter aux arbres. La comparaison le fit sourire.

Il ne s'était pas attendu à ce que le poème lui plaise autant. Certes, il avait choisi de parler de l'hiver, en se souvenant de son désir de voir la neige bientôt... Il lui adressa un sourire – inutile de préciser ce qu'elle savait déjà : c'était l'un des siens - en répondant :

- Quand il neigera suffisamment, vous verrez, nous ferons un bonhomme de neige à l'entrée de la forêt !

Un bonhomme de neige pour célébrer la venue de l'hiver.
Un bonhomme de neige pour célébrer leur amour.

Et bien sûr, il lui réciterait tous les poèmes qu'elle demanderait, et cela quand elle voudrait ! Il n'y avait plus qu'à attendre les premiers flocons. Et pour tromper le temps, en attendant, ils avaient terriblement de choses à faire. Discuter était l'une d'entre elles, de leurs conversations silencieuses ou de leurs échanges spontanés. C'était peu dire, de parler de spontanéïté quand elle venait de... de le demander en mariage ?

Indirectement, certes, puisqu'elle était déjà mariée – et cela avec ce gros porc de Prosper de Monthoux. Mais elle l'avait dit tout de même. Elle aurait aimé être sa femme. Elle aurait aimé s'appeler Kalisha Zellers, ou bien Kalisha d'Aiguemorte. Il ne s'était pas attendu à une telle déclaration. Tout simplement parce que cette idée ne lui avait pas effleuré l'esprit. Pourquoi attacher tant d'importance à de petites bagues ? Les animaux ne se mariaient pas, eux. C'était bien une preuve que cela n'interférait pas réellement dans le bonheur, n'est-ce pas ?

Ce fut au tour de Kalisha de se servir des mouvements d'antennes du cloporte pour défendre sa version des faits. Pour ainsi dire, l'un comme l'autre interprêtait les choses à sa manière mais c'était là toute la magie de l'instant.

- Il y a bien d'autres manières de célébrer son amour éternel ! Un amour véritable se célèbre tous les jours, qu'en dites-vous ? Pas juste un jour dans la vie.

Elle releva les yeux vers lui, presque timidement, et il prit sa main dans la sienne. Lui non plus ne voulait plus vivre sans elle. Sa solitude commençait à un pas d'elle à peine. Lui aussi, il voulait pouvoir la voir tous les jours, pouvoir avoir des enfants et se dire qu'elle en était la mère... Rien ne le rendrait plus heureux.

- Mais justement, répondit-il alors, tandis qu'elle remarquait que pour lui, le mariage n'était rien qu'une stupide règle de plus. Pourquoi devrait-on être obligés de se marier pour avoir le droit d'avoir une famille ? Si ce n'était pas une règle édictée par la société, nous pourrions nous embrasser sans risquer d'être séparés, vous ne pensez pas ?

Il ne comprenait toujours pas.

S'ils s'étaient connus plus tôt, ils auraient pu faire beaucoup de choses. Ou beaucoup moins. Comment savoir, ce qui se serait passé, s'ils avaient pu, justement ?

- Vous savez quoi ? Quand on est gênés par des barrières, il ne faut pas chercher à les contourner... Il faut travailler autour, pour constuire des échelles qui puissent les surmonter !

Il eut un sourire, fit un geste vers la cime de l'arbre sur laquelle ils s'étaient perchés et sur la robe qu'elle lui avait fait mettre :

- Vous voyez bien qu'on y arrive, regardez ! On aurait pu faire beaucoup de choses, on pourra en faire encore beaucoup d'autres, mais pour l'instant... nous sommes aujourd'hui. Demain est demain, et hier est hier.

Il posa sa main sur la sienne, pour qu'elle cesse de gratter l'écorce de l'arbre. Et il ajouta avec un sourire mutin quand elle releva la tête vers lui :

- Vous risqueriez de finir avec des griffes de blaireau comme les miennes, ma reine.

Le blaireau, un animal de la forêt. Tout comme les cloportes ou bien les escargots. Escargot qu'il avait été chercher et que Kalisha saluait, en le déposant dans sa main. Finalement, elle déclara qu'elle n'en avait pas peur et qu'il devrait trouver mieux. Il fit mine de réfléchir, puis demanda :

- Hum, c'est un défi ? Parce qu'il y en a encore beaucoup que vous ne connaissez pas ! Les escargots et les hérissons ne sont que des exemples. Il y a aussi … les écureuils, les cerfs, les faisans, les lièvres, les petits mulots, les chauves-souris, … – un sourire équivoque : Vous avez déjà vu des chauves-souris, ma reine ?

Elle déposa l'escargot sur une feuille et sans le moindre préambule, elle se jeta dans ses bras. S'il avait eu le temps, il se serait accroché à une branche pour se tenir et la réceptionner en toute sécurité. Mais il dut faire avec les moyens du bord pour garder l'équilibre, sous le coup de la surprise. Il la serra dans ses bras une fois qu'il fut sûr d'être bien stable et rit :

- Eh bien ! Vous voyez que vous n'avez pas besoin de faire de drôles de rencontres pour vous jeter dans mes bras !

Elle était folle de se jeter ainsi dans ses bras à plusieurs mètres du sol. Aussi folle que lui.

Mais c'était exactement pour cela qu'il l'aimait autant.
Sylvère d'Aiguemorte
Sylvère d'Aiguemorte
Brigand et roi de la forêt

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