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[30 Décembre 1597] Pour une caresse sauvage [Terminé]

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Message par Lavinia de Kergemont Sam 26 Déc - 21:45

Elle était déjà arrivée à Frenn depuis un moment. Après avoir salué son père, elle s'était mise en tête de rejoindre les écuries. Mais voilà, elle faisait les cents pas dans l'allée fleurie à quelques mètres des lieux. Elle ne savait pas ce qui était le pire, son anxiété à s’approcher d’un équidé ou bien revoir le jeune zakrotien.


Pour le premier, le problème existait depuis des années et n’allait pas en s'arrangeant. Son père, tout comme ses frères, a toujours été adepte de l’équitation. Passion qu’il s'évertuaient à vouloir lui partager. Elle avait toujours était nerveuse aux côtés d’un cheval, l’animal haut au garrot impressionnant l’était d’autant plus qu’elle n’était pas bien grande. Lorsqu’il s’agissait de simple balade, tout aller pour le mieux, c’est lorsque les entraînements débutaient que cela se compliquait.


Un cours de saut d’obstacle, un enseignement qui l'effrayait On a avait positionné des rondins au sol et sa monture devait passer au dessus en effectuant plusieurs tours de carrière. Lorsque le sabot de son cheval frôla l’un des obstacles, la jeune Lavinia resserra son emprise sur les rennes. L’erreur qui lui valut la frayeur qui s’en suivit. Sa monture enchaîna un double saut et la mauvaise posture de la fillette la fit déchausser . Elle bascula sur le côté, tenta quelques instants de résister à la force d’attraction et chuta.


Elle roula au sol sur quelques mètres avant de s’arrêter, immobile. Elle entendit autour d’elle les cris affolés des domestiques et de ses frères qui avaient cessé de se moquer d’elle. Le choc lui avait coupé le souffle, si bien qu’il lui fallut plus d’une dizaine de minutes avant de le récupérer; Par la suite, elle dégageait tellement de peur à l’approche d’un cheval, qu’elle les affolait rien qu’à les approcher. Sa dernière tentative se solda en un cabrage de la bête en bonne et due forme.
Depuis ce jour, elle évitait d’avoir des contacts avec ces animaux, mais pour pouvoir gagner de l’autonomie, pouvoir s’en aller seule en balade, elle devait passer outre. 


À force de faire des aller-retours, Lavinia s’était approchée de l’entrée des écuries. Elle passa une tête discrète pour observer les lieux et constata qu’il était vide, mise à part une rangée de boxes habités par sa plus grande peur. Elle déglutit et se faufila à l’intérieur. 
Elle rechercha la présence d’Eldred, mais ne le trouva pas. Soulagée, elle tenta de s'approcher d’une jument qui la fixait calmement tête sortie par-dessus la porte de son box. Le jeune zakrotien ne semblait pas être dans les parages ce qui éviterait de la mettre plus mal à l’aise en vue de la scène qui s’était jouée dans le salon de lecture.

Lavina tendit la main vers le naseau de l’animal en fermant à demi les yeux. La jument s'ébroua à quelques centimètre de la main de la jeune femme. Lavinia prit peur, recula en poussant un cri. Elle trébucha et heurta quelqu’un qui se trouvait dans son dos.
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Message par Eldred Kjaersen Dim 3 Jan - 22:45

Aujourd’hui était le jour de sa première leçon avec Lavinia. Il avait hâte de la revoir et en même temps, il nourrissait une certaine appréhension. Il savait que le baron comptait sur lui pour cette tâche et Firmin l’avait regardé d’un drôle d’œil quand il avait su qu’il allait s’occuper des cours d’équitation. Après tout, il n’était qu’un esclave qui s’occupait du bois et des chevaux…

D’ailleurs, c’était très précisément ce qu’il faisait : panser cet étalon noir qu’il aimait tant. Il avait un poil de charbon, luisant et brillant. Il était haut sur pattes, puissant, mais d’un étrange calme qui ne l’empêchait pas de se montrer des plus vifs lorsque la situation l’exigeait.

Il entendit les petits pas répétés et hésitants de la jeune femme dans l’écurie. Il resta silencieux, lui laissant le temps d’arriver et d’appréhender les lieux qu’elle n’avait pas dus revoir depuis longtemps. Il entendit la jument s’ébrouer et Lavinia poussa un petit cri. Elle en avait donc à ce point peur. Voilà qui allait lui permettre de mieux jauger ce qu’il allait lui demander. Cela prendrait du temps, mais elle finirait par apprivoiser ces grands herbivores. Il flatta l’encolure chaude du palefroi et sortit de la stalle.

- Bonjour, Madame. s’annonça-t-il en s’inclinant.

Comment était-il censé l’appeler ? Madame ? Madame de Kergemont ? C’était sans doute ce qu’il aurait dû dire, mais il n’arrivait pas à se résigner à ce titre… Et dire qu’il l’avait appelé Princesse ! Il en mourait encore de honte… Il croisa son regard brun et… Que devait-il faire déjà ? Il y eut comme un instant de flottement avant qu’il ne reprenne ses esprits. Elle attendait. Elle attendait quelque chose.

- Ne vous en faites pas, nous allons faire cela progressivement. Vous ne monterez pas aujourd’hui. Vous devez d’abord apprendre à vous sentir à l’aise à terre et en leur compagnie.

Il caressa le chanfrein de la jument alezane avec une belle liste blanche toute fine. Il n’osait plus croiser son regard qui lui faisait perdre tout bon sens. C’était déroutant. Et ça l’était encore plus maintenant qu’il connaissait son identité. Alduis avait beau dire que ça n’avait pas d’importance. Ça en avait. Et en même temps, chaque fois qu’il la voyait, il avait ce petit fourmillement qui ne trompait pas.

- Elle s’appelle Aurore… Elle est curieuse… mais très sociable et gourmande. poursuivit-il tant bien que mal.

Sans doute aurait-il mieux valu que Firmin s’en charge. Il secoua la tête en même temps que l’étalon noir. Tout était si confus… Il aurait dû être heureux de pouvoir passer du temps avec elle ! Pourquoi n’arrivait-il pas à s’enlever cette appréhension de la tête ? À cause de sa réaction dans le salon de lecture ? Qu’avait-elle pensé ? Il ne savait plus. Tous les signaux avaient été contradictoires. Elle devait surement lui en vouloir de sa distance…

- Je… Je suis désolé pour l’autre jour.
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Message par Lavinia de Kergemont Lun 4 Jan - 8:54

Son cœur venait à peine de faire un bond de frayeur au sursaut de la jument qu'il loupa un battement.

Bonjour Madame

Madame… Son présentiment dans la salle de lecture était donc vérifié. Pourtant, avant que son père ne fasse son entrée, ils étaient si...proche.

Bonjour..Eld.. Monsieur.

Où était passé le guerrier espiègle qui la surnommait à tout bout de champ "petite brindille" ? Quelle gourde elle faisait à le regarder ainsi sans pouvoir dire un mot. Mais elle n'avait pas rêvé, Alduis lui avait avoué, et si Eldred avait simplement peur. C'était à elle d'envoyer des messages. Mais comment ? Que devait-elle faire ? Mais à quoi elle jouait à la fin ?

Eldred lui expliqua ses attentions, avec les chevaux bien sûr. Elle aquiessa timidement et ne pu s'empêcher de déglutir lorsque le jeune homme caressa la jument. Serait-elle capable un jour de réaliser cet exploit ?

Elle sentait qu'un malaise s'était installé. Eldred ne la regardait même pas, à peine un regard en lui adressant la parole.

Elle s’appelle Aurore… Elle est curieuse… mais très sociable et gourmande.

Oh ! Aurais-je trouver mon âme sœur ?Je...veux dire. Nous sommes pareils toute les deux. Enfin… ne m'écoutez pas, l'angoisse me fait dire n'importe quoi…

Lavinia tenta une nouvelle approche, un pas, puis un deuxième le bras tendu. Mais ce n'était pas la jument qu'elle fixait. Son regard ne pouvait pas se détacher de celui du zakrotien. Elle vit ses lèvres bougeaient et se figea à ses excuses.

Non..Je..sais moi qui m'excuse... j'aurais dû vous donner mon nom et mon père…

Lavinia se mordit la lèvre, mais qu'est-ce qu'elle racontait ? Sa phrase ne voulait absolument rien dire et n'était pas le reflet de ce qu'elle ressentait.
Soudain un des équidés trépigna dans son box. Un léger raclement de sabot, un hennissement, il n'en fallut pas plus pour effrayer Lavinia.

Elle recula précipitamment jusqu'à se cognait jusqu'au box opposé. Là, la jument qui y était logé se mit à renifler les cheveux de la jeune femme. Le naseau de l'animal dans la chevelure de Lavinia la tétanisa. L'angoisse monta à son apogée et comme lorsqu'elle était petite, elle ferma les yeux, se crispa et récita à voix haute la comptine que sa mère lui chuchotait pour l'apaiser.

Au pré de la rose
Un ruisseau d'argent, dériette
Un ruisseau d'argent
Il y a neuf palombes…


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Message par Eldred Kjaersen Lun 4 Jan - 10:27

Monsieur ? Encore Monsieur ? Mais… Elle le savait désormais qu’il n’avait rien d’un Monsieur. Il eut un mouvement de recul mi-étonné, mi-gêné.

- Appelez-moi Eldred. Il n’y a que William pour m’appeler ainsi et c’est terriblement déroutant.

Il aurait bien ajouté « Je ne suis qu’un esclave », mais… Etait-ce vraiment nécessaire de rappeler le ravin social monumental qui les séparait ? Elle vivait dans un monde, lui dans l’autre. Lorsqu’il la regardait, là, si proche de lui et pourtant si inaccessible, il ne pouvait s’empêcher de se dire que les neuf mondes reposant sur Yggdrasil étaient bien plus proches que les leurs ne l’étaient en ce moment. Pourrait-il construire un pont comme le Bifröst pour relier leurs deux royaumes ?

Pour garder contenance - et éviter de s’égarer-  il caressa le museau de l’animal tout en expliquant le programme. Il percevait bien sa nervosité parfaitement palpable à ce simple contact par procuration. Il allait devoir y aller progressivement. Par petit pas, pour ne pas la brusquer. Peut-être devrait-il commencer tout simplement par la mettre en confiance en lui faisant la conversation ? Qu’elle oublie la simple présence des équidés…

Enfin… ne m'écoutez pas, l'angoisse me fait dire n'importe quoi…

Il eut un sourire bienveillant et ne releva pas. Entre les chevaux et le simple fait de se retrouver, lui-même n’était pas vraiment au paroxysme de son calme ou de son assurance. Malgré tout, elle tenta une première approche. Il l'observa faire sans quitter son regard des yeux et ses excuses sortirent toutes seules:

j'aurais dû vous donner mon nom et mon père…
- Vous n’avez rien à… commença-t-il avant que le sabot d’un cheval ne heurte la porte en bois.

Prise de panique, elle recula, se cogna contre l’autre box et la malicieuse jument baie lui renifla bruyamment les cheveux, curieuse de découvrir la nouvelle venue qui sentait si bon. Elle se crispa et commença à chanter. C’était comme Alduis lorsqu’il commençait à partir bien trop loin pour pouvoir revenir seul. Lavinia, elle, venait volontairement de se couper du monde en chantant d’une voix qu’il aurait aimé écouter un peu plus. Il s’approcha doucement et prit ses poignets entre ses larges mains.

- Venez, ne restez pas là.

Et il l’entraina vers la sellerie où se trouvaient les harnachements de chaque cheval. D’ici, on ne les voyait plus, mais on pouvait toujours entre leur présence, manifestée par un bruit de sabot, un hennissement ou un petit coup contre la barrière qui les retenait. Il était face à elle, les mains quasiment dans les siennes à la fixer, comme dans le bureau de lecture, sans parvenir à quitter ses grands yeux bruns. La nervosité le gagnait et vraiment, ce n’était pas ainsi qu’il l’aiderait. La seule solution était de se débarrasser de l’un des deux problèmes. Celui qui ne dépendait que de lui et qui était atrocement gênant et oppressant. Ici, personne ne viendrait les déranger. Firmin était dans la carrière pour une bonne heure… Sans parler du fait qu’ils entendraient les pas sur les dalles. Il devait trouver le courage de lui dire. Ce n’était tout de même pas pire que de se jeter sur un champ de bataille. Et il l’avait déjà fait plusieurs fois. Mais celle-ci était clairement la plus difficile de toutes.

- Lavinia, vous me plaisez beaucoup, mais… C’est simplement que… regardez… Je suis esclave et vous, vous êtes noble et mariée. Et en plus vous êtes la fille de mon Maitre. Je… S’il apprend ce qu’il se passe, il me tuera. Littéralement. Peu importe le respect qu’il peut avoir pour moi ou la liberté dont je peux jouir. Vous comprenez ?

Il avait dit tout cela sans respirer et à sa dernière question, il expira longuement pour reprendre une nouvelle inspiration plus calmement. Les choses avaient désormais le mérite d’être claires.
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Message par Lavinia de Kergemont Lun 4 Jan - 13:00

Lavinia remarqua la gêne d’Eldred lorsqu’elle l’avait salué. Un demi-sourire se peignit sur son visage au souvenir du jeune homm réfutant dans la ruelle être un Monsieur.

Appellez-moi Eldred. Il n’y a que William pour m’appeler ainsi et c’est terriblement déroutant.

La jeune femme se fit d’humeur taquine et malgré l’ambiance tendue ne put s’empêcher de répondre au zakrotien en appuyant bien ses derniers mots .

Uniquement si vous m’appelez Lavinia à défaut de petite brindille, Monsieur.

Elle le vit caresser avec délicatesse le museau de la jument, d’une manière si douce… Des images peu convenables lui vinrent en tête. On ne s’était jamais montré aussi affectueux avec elle, elle ne connaissait que la brutalité. Puis, après quelques cafouillages incompréhensibles, elle s’était retrouvée à chantonner une comptine pour oublier les naseaux qui la reniflaient.  

Un contact lui fit reprendre pied. L’espace d’un instant, lorsque les doigts avaient entouré ses poignets, elle avait frémi. Des souvenirs. Antoine. Elle avait rouvert  les yeux pour se noyer dans le regard ténébreux d’Eldred. La chaleur qui se dégageait de sa peau l’apaisa. C’était tellement...différent de ce dont elle avait l’habitude. Elle savait pertinemment qu’Eldred avait ressenti cette seconde de frayeur. Elle s’en maudit car cette réaction ne pouvait être mise sur le compte de la jument à ses côtés.

Venez, ne restez pas là.

Lavinia se laissa guider, sans l’once d’une crainte. Il l’entraîna à l’écart des équidés, à un endroit dissimulé, ou personne ne les verrait. Son cœur s’emballa, ils étaient beaucoup trop proches. Ses mains la brûlaient de l’intérieur et la sensation se propageait dans tout son corps.

Lavinia, vous me plaisez beaucoup, mais…

Elle lui plaisez… C’était la première fois qu’un homme lui adressait ces mots. Son corps combla la distance qui les séparait. Ses mains glissèrent le long des bras d’Eldred sans rencontrer le moindre obstacle. Elles s'agrippèrent sur sa tunique, mais.. Mais…

Je suis esclave et vous, vous êtes noble et mariée.

Mariée. Elle était mariée à Antoine. Antoine qui n'effleurait pas sa peau à la recherche de caresses. Antoine qui ragera de ne plus pouvoir partir en campagne. Il sera à longueur de journée avec elle à partager ses humeurs.. Son être tout entier se glaça à cette pensée.

Il me tuera. Littéralement.

Elle savait que la prochaine fois elle ne s’en sortirait pas. Elle savait que ces jours à Braktenn n’étaient qu’une parenthèse avant que son histoire ne se finisse. Littéralement. Définitivement. Elle voulait profiter de la vie, tout ce qu’elle n’avait pas eu le courage de faire , ou ce qu’on lui avait interdit. Mais…Elle ne pouvait pas mettre la vie d’autrui ainsi en danger pour ne serait-ce qu’un infime moment de bonheur.

Je… je comprends. Les chevaux, c’était une mauvaise idée.

Mais elle voulait ressentir cette sensation au moins une seule fois. Un geste qui ne lui porterait pas préjudice. Un geste qui apporterait un peu de matière à son cœur désespérément vide. Alors tandis que ses doigts se crispèrent, dans un souffle, elle se hissa sur la pointe de ses pieds.

Veuillez me pardonner.

Ses lèvres frôlèrent celles du jeune homme pour se poser délicatement à leur commissure. Un contact éphémère. Une sensation qui l'enflamma. Elle profita de la surprise d’Eldred pour se dégager et tenter de quitter les écuries au plus vite.
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Message par Eldred Kjaersen Lun 4 Jan - 16:00

Ce fut un ton taquin qui accueillit la remarque sur sa dénomination et instinctivement il esquissa un sourire face à la pression qui retomba un court instant de ses épaules.

- Vos désirs sont des ordres Princesse osa-t-il répondre sur le même ton en s’inclinant profondément comme il l’aurait fait devant son père.

Durant ce court instant où sa main était posée sur le chanfrein de l’animal, il crut lire quelque chose dans son regard, sans bien parvenir à comprendre de quoi il s’agissait. De l’envie ? Elle l’enviait de pouvoir caresser un cheval sans tressaillir ? Il n’eut pas le temps d’approfondir que paniquée elle se mit à chanter comme Alduis qui devait réciter l’alphabet à l’envers. Il la prit par les poignets et la sentit frémir subitement. Peut-être qu’il n’aurait pas dû la toucher. Après tout, elle restait la fille de son maitre et… Il n’avait pas vraiment le temps d’y songer. Il l’emmena à l’écart afin qu’elle puisse retrouver ses esprits. Là, la relative intimité que conférait la pièce lui permit de lui parler enfin franchement et sans détour.
Tandis que les mots affluaient au bord de ses lèvres, elle combla le faible espace entre eux. Ses paroles ne s’arrêtèrent pas pour autant, mais son regard se posa sur ses mains qui glissaient le long de ses bras faisant s’emballer son cœur. Pour un peu, il en aurait presque bafouillé comme un jeune premier à ce chemin embrasé qu’elle venait de laisser le long de sa tunique. Il ne savait pas quoi faire. Non. Plus exactement, il ne savait pas ce qu’il pouvait faire et la nuance avait son importance, car avec n’importe quelle autre femme, il aurait posé ses mains sur ses hanches et l’aurait embrassé sans même se poser la question. A l’évocation de son mariage, elle la sentit se raidir, s’absenter même. Il comprit aussitôt qu’elle craignait de retourner auprès de son mari.

— Je… je comprends. Les chevaux, c’était une mauvaise idée.

Les chevaux ? Mauvaise idée ? Qu’est-ce que cela voulait dire ? Il ne comprenait pas. Et tout à coup, ses phalanges se refermèrent autour de la laine rêche et ses lèvres se posèrent si près des siennes qu’il en sentit son souffle chaud durant un courant instant. Il en resta pantois. Hagard. Sidéré. Abasourdi. Stupéfait. Ébahi. Ahuri. Médusé. Interdit.

Interdit comme cette relation qui se nouait. Interdit comme ce contact qui s’imposait. Interdit comme…
Il secoua brièvement la tête. Elle venait vraiment de demander pardon ? Il tourna la tête et constata avec effroi qu’elle partait.

- Lavinia attends ! il pesta en zakrotien et se reprit attendez ! sa main se referma autour de son bras pourquoi partez-vous ?

Il avait envie de l’attirer contre lui, mais ce n’était pas correct. Trop dangereux ici. Même s’il devait retenir son bras de se plier.

Je vais vous aider… Avec les chevaux je veux dire. Enfin. Vous avez compris… il secoua la tête et soupira Je voulais juste vous dire que je ne peux pas faire ce que je veux là où il y a des yeux et des oreilles… Et…

Pourquoi avait-il l’impression de s’enfoncer atrocement ?

-Vous n’avez pas le choix de toute façon ! Vous devez rester avec moi et dompter votre peur des chevaux ajouta-t-il malicieusement en retrouvant un peu de contenance que pensera votre père si vous partez maintenant ? Ce sera encore pire, alors vous voyez… Vous allez devoir supporter ma présence maintenant.

Il réussit à esquisser un sourire encourageant afin de l’inviter à revenir avec lui.
Eldred Kjaersen
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Message par Lavinia de Kergemont Lun 4 Jan - 21:36

Elle avait honte de ce qu’elle venait de faire. N’était-ce pas ce qu’Antoine lui faisait subir ? Imposer ses envies à quelqu’un d’autre ? Elle était aussi monstrueuse que son époux.


Lavinia attends ! Attendez ! Pourquoi partez-vous ?


Pourquoi partait-elle ? N’était-ce pas évident ? Eldred l’avait stoppée dans sa fuite. Retenue par le bras. La scène s’était figée. Le sang tambourinait à ses tempes. Sa main libre se crispa sur son ventre. Elle n'arrivait plus à respirer. Que devait-elle faire ? S’incliner pour implorer son pardon… Son corps se détendit, vaincu. Lentement, Lavinia se tourna vers Eldred, tête baissée comme on lui avait enseigné au couvent. 


Veuillez accepter mes excuses. Je...je sais ce que c’est de ne pas vou..


Lavinia ne finit pas sa phrase. Elle avait abaissé sa barrière à peine quelques secondes et les répercussions auraient pu être catastrophiques. Elle ravala sa salive. Les mots se bloquèrent dans sa gorge. 


Je vais vous aider… Avec les chevaux je veux dire. Enfin. Vous avez compris…


Elle avait compris, oui. Ce qui lui importait était de répondre à l’attente de son père, il n’avait pas d’autres idées en tête.


Les chevaux...souffla-t-elle.


Lavinia entendit le jeune homme qui soupirait. Elle savait être une femme désespérante. Inintéressante. Un objet utile que pour le nom qu’elle portait. Eldred lui avoua ne pouvoir faire ce qu’il voulait. Était-ce là la différence entre l’Eldred des rues et celui de Frenn ? 


Elle hésitait à lui parler, à se ridiculiser encore plus. Il  comprendrait qu’elle n’était qu’une gourde soumise qui peinait à maintenir son masque de noblesse devant la terre entière. Que le soir venu ses nuits n’étaient que souvenirs cauchemardesques. Son corps se déséchait de jour en jour, ses larmes n'arrivaient même plus à couler.


Vous n’avez pas le choix de toute façon ! Vous devez rester avec moi et dompter votre peur des chevaux.


Vous voulez encore de moi...vous n’allez pas me laisser à Firmin ?


Pourquoi voudrait-il porter le fardeau qu’elle était ? Elle connaissait son père, il ne lui en aurait pas voulu de céder sa place. Après tout, elle était un cas désespéré. Qu’en penserait son père ? Il serait encore plus déçu qu’il ne l’était actuellement. Une fille incapable de fonder une famille. D’honorer son statut d’épouse. De lui donner des petits-enfants. 


Sa déception sera encore plus grande qu’elle ne l’est déjà.


Alors si elle croyait vraiment en ses paroles pourquoi devait-elle se soucier de ce que les autres penseraient de son comportement, de ses choix ? Inspire. Expire. Inspire. Expire. Le masque fissuré consolidé se remit en place.  


Vous allez devoir supporter ma présence maintenant.


Lavinia releva la tête en prenant garde de ne pas capter le regard du zakrotien. C’était trop dangereux. Lorsqu’elle se perdait dans sa contemplation, son masque s’effaçait. 


C’est plutôt vous qui avez malheureusement la charge de me côtoyer. Je ne suis pas de bonne compagnie de part mon expérience.


 Un sourire mi-figue mi-raisin para son visage. Elle fit un pas, puis deux vers Eldred. Puis, à quelques centimètres du jeune homme, elle releva le regard.

Je suis tout à vous. Montrez-moi comment apprivoiser cette jument sans trembler.
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Message par Eldred Kjaersen Mar 5 Jan - 15:58

Il l’avait spontanément rattrapée -se maudissant au passage de ce tutoiement échappé-.  À nouveau elle s’excusa en baissant la tête. Mais pourquoi ? Il essaya de la rassurer, mais maladroitement. Les chevaux… C’était juste un prétexte pour lui dire qu’il voulait continuer de passer du temps avec elle et qu’il appréciait sa compagnie.  Pourquoi regardait-elle ainsi le sol  comme une enfant qui aurait fait une bêtise ?

- Evidemment que je vous veux toujours ! s’apercevant des paroles trop spontanément échappées et de leur sens pour le moins équivoque il s’empressa d’ajouter Je ne vais tout de même pas laisser ma petite brindille entre les grosses pattes de Firmin…

Mais à vrai dire ce n’était guère mieux. En fait c’était même pire. Qu’est-ce qui lui prenait ? Pourquoi perdait-il tous ses moyens dès qu’il se retrouvait face à elle ? Elle releva enfin la tête, mais préféra contempler la sortie, comme si son désir de fuir était toujours solidement ancré en elle. Quelques pas de côté l’amenèrent à se placer face à elle. Il lui saisit les épaules  avant de déclarer en penchant la tête pour essayer désespérément d’attraper ses yeux bruns :

- Ne dites pas de choses pareilles. Je suis très heureux de vous côtoyer et je vous trouve de très bonnes compagnies. Je ne voulais pas vous blesser. Je voulais simplement vous expliquer que je ne peux pas vous prendre dans mes bras quand j’en ai envie…

Parce qu’il en avait envie, là tout de suite.

… Ou vous embrasser réellement quand vous osez venir déposer vos lèvres aussi proches…

Parce qu’il l’aurait fait là tout de suite, et qu’il n’aurait pas eu besoin de s’empêtrer dans des discours qu’il ne maitrisait pas et qui n’avait rien de clairs. Parce que ses lèvres fourmillaient à cette simple idée et qu'il lui fallait toute la volonté du monde pour y résister.

… Mais que ça ne veut pas dire que je ne veux pas prendre tous ces risques. J’ai passé ma vie à côtoyer la mort, ce n’est pas ce qui me fait peur. Mais je ne suis pas suicidaire non plus. Alors il faut être discret et prudent. Sinon tout s’achèvera avant d’avoir pu commencer et je n’ai pas envie de vous faire souffrir ou culpabiliser si nous sommes surpris par des yeux indiscrets. Vous comprenez ?

Comme il n’y avait personne, il glissa sa large main dans la sienne, si menue, et l’entraina de nouveau vers la jument.

- Il faut d’abord que vous soyez détendu à leur proximité et que vous cessiez de les voir comme vos ennemies. Alors. Pour l’heure, vous n’allez rien faire d’autre que de discuter avec moi au milieu de leur compagnie. Lorsque vous serez habituée aux bruits et aux mouvements, nous pourrons envisager de nous approcher. D’accord ?

Il s’appuya contre l’établi où quelques outils de ferronnerie trônaient. Il ne pourrait sans doute plus jamais forger d’armes, mais peut-être pourrait-il devenir le maréchal-ferrant de Frenn et réparer les pièces métalliques usagées des harnachements ?

- Vous voulez me raconter quelque chose ? Une anecdote? Une passion ? De toute évidence, les chevaux n’en font pas partie, mais je suis sûr qu’un jour je pourrais vous emmener en forêt. Peut-être pour le printemps, qui sait ?

Il croisa ses bras et lui sourit en attendant d’écouter ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire.
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Message par Lavinia de Kergemont Mar 5 Jan - 21:50

Elle n’avait pas rêvé, il venait d'admettre vouloir toujours d’elle ? Sa petite brindille ? Lavinia tenta d’étouffer la petite étincelle qui commençait à naître dans le tas de cendres qu’était devenu son cœur. Se faisait-elle encore des idées ? Non, elle ne devait pas retomber dans le piège que le malin s’évertuait à lui tendre.


Pourtant, il ne cessait de la tenter, de jouer avec ses sentiments car le jeune homme venait de poser ses mains sur ses épaules. Ses mains si chaudes, si rassurantes. Du coin de l'œil, elle avait remarqué le jeu du jeune homme qui essayait de capter son regard. Et si elle se laissait tenter ? Serait-ce un crime ? Si elle devait se languir de cet homme, de cet interdit, elle devait le faire tout en sachant contenir ses envies. Elle laissa leurs regards se rencontrer. 


Ce qui ne devait être qu’un simple cours d’équitation s’était transformé en une avalanche de sensation qu’elle n’arrivait toujours pas à déterminer. C’était un mensonge éhonté, ce sentiment, elle se doutait bien de sa nature, mais sa conscience se refusait à l’admettre. À l’envisager. Ce n’était pas pour elle ou plutôt , elle n’en avait pas le droit.


Il ne pouvait pas la prendre dans ses bras quand il en avait envie...
L’embrasser quand elle osait déposer ses lèvres aussi proches...
Ses oreilles lui jouaient-elles des tours ? Elle était pourtant pendue à ses lèvres et chaque mot prononcé résonnait dans tout son être. Ils s'insinuaient dans sa peau, dans ses os et réanimaient ce feu à l’article de la mort. Il était prêt à risquer sa vie pour passer des moments avec elle ? Elle ne trouvait pas de mot pour lui répondre, ses lèvres s’ouvraient et de fermaient sans qu’aucun son n’en sorte.   


La main d’Eldred s’approcha de la sienne. Elles se frôlèrent, se cherchèrent, une danse qui ne dura que quelques secondes mais qui suffit à lui en donner des frissons. Elle se laissait faire, elle n’avait pas le choix, son corps lui réclamait ce contact. Leurs doigts s’entrelacèrent. Ce geste était peut être digne de mettre en émoi une adolescente, mais en quelque sorte c’est bien ce qu’elle était au fond d’elle. 


Cette fois-ci, Lavinia sourit franchement sans s'apercevoir que le jeune homme avait surpris son geste. Elle rougit, telle une jouvencelle, et détourna quelques secondes son regard. 
Guidée par le zakrotien, elle écouta attentivement les instructions de son précepteur si désirable.


Je ne peux pas être plus d’étendue, se surprit-elle à lui répondre.


Un léger ricanement lui répondit. Eldred s’appuya contre un établi. Ainsi les bras croisés, sourire aux lèvres, comment voulait-il qu’elle réfléchisse correctement ? 
Lavinia se mordilla la lèvre et se détourna pour ne pas se ridiculiser de nouveau à rester bouche bée devant ce beau guerrier. Elle parcourut l’établi du regard afin de trouver quelque chose sur lequel reporter son attention tandis qu’elle répondait aux questions d’Eldred.


Elle lâcha son dévolu sur un fer à cheval qui trainait là. Ses doigts effleurèrent l’objet, le caressèrent même . Comme un balancier, le mouvement de ses mains lui permettait de se poser, de s’ancrer.


J’aime beaucoup me promener dans les bois. La nature en générale, la sauvage, celle qui n’a pas été domptée par l’homme. Je m’y sens bien. J’ai l’impression de n’être rien et de faire partie d’un tout. C’est un peu ridicule…


Il lui avait demandé une anecdote, quelque chose à raconter. Elle cherchait. Son front se plissa sous l’exercice. Elle surprit alors un haussement de sourcil de la part d’Eldred. Il s’impatientait taquin.


Ne me regardez pas ainsi ! J'essaie de trouver un moment he...


Heureux. Venait-elle de lui avouer qu’elle avait du mal à trouver un moment agréable à lui raconter. D’avouer que depuis le couvent, son mariage, il n’y avait jamais eu d’évènement heureux...


Et vous ? Que pouvez-vous me raconter sur votre pays ? Faites-moi rêver, je n’ai malheureusement pas connu de paysage très varié.


Elle s’en était bien sorti. Ainsi, tout en conversant avec Eldred, elle pouvait chercher quelque chose à dire. Et ce quelque chose, elle le trouva, un souvenir qui l’a fit rigoler malgré elle. 


J’ai trouvé ! s’exclama-t-elle comme une gamine heureuse. C’était avec ma mère. On avait fait une mauvaise blague à Firmin.


Son récit était haché, parsemé de rires incontrôlés.

Nous avions attrapé une grenouille et l’avions caché dans la poche de son veston. On s’était caché dans un box et … si vous auriez vu sa tête ! C’est à la mare que nous avions attrapé la malheureuse complice de notre méfait. Oui… je me souviens. Nous allions promener sa jument au fond du domaine. Elle s’abreuvait là-bas. Un jour, j’ai même réussi à tomber dedans et pour ne pas que je me mette à pleurer, ma mère m’y avait rejointe. Elle était si… Enfin, père nous avait houspillé pour notre toilette lamentable. Je me demande s' il reste encore quelques grenouilles là-bas. Je n’y suis jamais retournée.
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Message par Eldred Kjaersen Mer 6 Jan - 12:19

Il ne s’était pas vraiment attendu à ce qu’elle entrelace ses doigts entre les siens. Et encore moins à ce qu’elle en rougisse lorsqu’il lui fit remarquer malicieusement du regard. Il l’entraina pourtant sans émettre le moindre commentaire vers le fond de l’écurie où se trouvait un établi.

— Je ne peux pas être plus détendue, se surprit-elle à lui répondre.

Il étouffa un petit rire. Alors c’était parfait, car c’était le but recherché. Elle ramassa un fer à cheval qu’elle faisait tourner entre ses doigts, caressant l’acier martelé au passage.

- Ce n’est pas ridicule du tout ! J’aime beaucoup me promener dans la nature aussi quand j’en ai l’occasion. C’est bien pour ça que je suis content de pouvoir m’occuper des chevaux de votre père.

Même s’il n’en fit pas la remarque, il n’aurait jamais pensé qu’elle apprécierait ce genre d’endroit. Elle avait plus l’air d’être une femme de la ville qu’une femme de la forêt. Toujours parfaitement apprêtée et délicatement parfumée. Il lui proposa de lui raconter une anecdote qui lui faisait plaisir. Au bout de l’écurie, un long hennissement se fit entendre. Elle cherchait, cherchait, mais rien ne semblait lui venir. Il ne pouvait pas s’empêcher d’afficher cette mine taquine alors même que le palefroi grattait le sol de son sabot dans un raclement sonore. Un moment heureux ? C’était si dur à trouver que cela ? Ses sourcils s’inclinèrent, compatissant. Etait-ce si compliqué d’être noble à Monbrina pour n’avoir pas le moindre souvenir heureux ? La question n’eut pas le temps de trouver de réponse qu’on l’invitait à parler de Zakros et ça c’était toujours avec une joie non dissimulée qu’il aimait en parler.

- Et bien que dire... commença-t-il mystérieusement pour la faire languir Vous préférez la version monbrinienne ou la zakrotienne ?, mais comme il connaissait déjà la réponse il reprit aussitôt Si vous aimez la nature sauvage et les grandes forêts vous allez adorer Zakros. On y compte les plus belles et les plus grandes forêts du continent. Elles s’y étendent à perte de vue, simplement déchirées par les multiples étangs et rivières qui les parcourent. Au sud du pays, elles ressemblent à celles que vous connaissez ici. Mais plus vous montez vers le nord, moins les espèces sont variées. Arrivé à un point, il n’y a guère plus que des bouleaux et des sapins puis uniquement de hauts sapins, tous parfaitement identiques. A leur pied, lorsqu’il n’y a pas de marécage dû à l’humidité, vous marchez souvent sur un petit tapis buissonneux d’airelles et de myrtilles. On y sent la résine et un peu l’eau croupie des flaques persistantes. On y entend le bourdonnement incessant des moustiques et des insectes qui n’ont que quelques mois pour vivre. Puis l’hiver revient. Froid, glacial, mortel. Le paysage se pare de blanc et la nature s’endort. Il n’y a plus aucun son si ce n’est le crissement de la neige et les grincements de la glace. Hors des sentiers, il y a tant de neige que l’on s’y enfonce parfois jusqu’à la taille sans chaussures adaptées. il marqua une courte pause pour observer sa réaction avant de conclure Je vivais au pied des montagnes, mais le pays est également bordé de hautes falaises se jetant dans la mer. Par endroit, l’océan entre profondément dans la terre, comme une faille entre les falaises. C’est dans un endroit comme celui-ci que vit mon frère. Mais cela fait des années que je ne l’ai pas revu. Je préfère mes forêts à son océan.

Il parlait rarement aussi longtemps et réalisa qu’il valait sans doute mieux s’arrêter là, même s’il aurait pu évoquer des heures durant sa terre natale. Finalement, elle trouva une anecdote qui devait de toute évidence être très amusante à la vue du petit rire qu’elle parvenait difficilement à contenir. Il regardait surtout ses petits yeux pétillants de joie, bien loin de ceux qu’il avait croisés quelques minutes plus tôt. Comment pouvait-il ne pas sourire en la voyant subitement si heureuse ?
Il avait d’ailleurs lui-même du mal à se contrôler en imaginant Firmin se tortiller avec un batracien dans son veston. Mais le pompon fut l’image de Lavinia et sa mère dans une mare avec un Dyonis furieux derrière. Celle-ci acheva de le faire rire aux larmes. Il déclara finalement:

- Il reste des grenouilles, je les ai entendues cet été, mais elles doivent dormir à présent. Si vous voulez, nous pourrons emmener en longe la jument jusqu’à la mare ? Mais ne vous avisez pas de vouloir prendre un bain, elle est bien trop fraiche et vous risqueriez d’attraper la mort.


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Message par Lavinia de Kergemont Mer 6 Jan - 17:25

Lavinia était pendue aux lèvres du jeune homme, on aurait dit une gamine dans l’attente d’une quelconque récompense ou friandise. De grandes forêts, des étangs et des rivières, elle aurait rêvé voir ces paysages grandioses. À la description de la neige hivernale, elle en eut un frisson. Elle se rapprocha du jeune homme, le frôla presque cette fois-ci sans vraiment le vouloir. Sa tête arrivait tout juste au niveau du torse d’Eldred. Déçu elle fit la moue, elle ne pourrait jamais aller à Zakros

Si la neige arrive à votre taille, ma tête en dépasserait à peine…

Elle comprenait la préférence du jeune homme quant aux montagnes. La mer était tellement imprévisible, dangereuse, insondable.

Je ne suis pas à l’aise dans l’eau, avoua-t-elle. J’ai l’impression de ne pas être libre de mes mouvements. Je me débrouille bien mieux les pieds sur notre bonne terre.

À la mention de son frère, Lavinia fut peiné. Eldred avait été arraché à sa patrie et on lui imposait de vivre dans un pays étranger, avec des moeurs différents et surtout privé de sa liberté.

Je suis désolée, souffla-t-elle.

Elle aurait voulu s’excuser pour les méfaits des siens. Pour toutes ces guerres engendrées. Toutes ces vies détruites la touchait, pourquoi la noblesse ne pouvait-elle pas encourager la paix et la diversité au lieu d’imposer ses idéaux. La nature des hommes...

Il reste des grenouilles, je les ai entendues cet été, mais elles doivent dormir à présent.

Tout excitée, Lavinia ne put s’empêcher de se pendre à son bras.

C’est vrai ? Vous ne me dites pas cela uniquement pour me faire plaisir ?  

Lavinia avait totalement oublié où elle se trouvait. Elle était perdue dans ses souvenirs d’enfance. Il était bien dommage que les batraciens soient en hibernation, elle aurait bien rejoué le tour de son enfance. La proposition d’Eldred enjoua encore plus la jeune femme.

Emmenez-moi là-bas, supplia-t-elle. Même si je ne pourrai pas attraper de grenouille. Je pourrai éventuellement en trouver une endormie. S’il vous plaît ! Je ferais ce que vous voudrez en échange !

Elle était décidément d’humeur joueuse et le jeune homme semblait lui tendre des perches. Ou peut-être pas… C’était peut être son esprit dérangé qui interprétait les choses d’une manière qu’il ne faudrait pas.

Qui vous dit que ma passion nocturne n’est pas de me baigner dans une eau fraîche au clair de lune ?  Ma peau est peut-être moins délicate que vous ne le pensiez. Je suis déçue… Moi qui pensais qu’en faisant tomber mes habits au bord de l’eau vous me rejoindriez sans rechigner…Je devrais peut être aller soumettre l’idée à Firmin.
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Message par Eldred Kjaersen Mer 6 Jan - 22:26

Eldred parlait avec passion de son pays et Lavinia était littéralement suspendue à ses lèvres. Comme elle semblait y prendre plaisir, il poursuivit la description jusqu’à ce qu’elle se rapproche de lui pour… Se mesurer ? Sa remarque la fit doucement rire.

- N’ayez crainte. Petite brindille comme vous êtes vous ne vous enfoncerez pas plus que moi qui suis plus grand et plus lourd. Mais si vous y tenez tant je vous équiperai de charmantes chaussures à neige

Il quitta les plaines et montagnes pour la côte déchiquetée du nord de Zakros et hocha la tête à sa remarque. Lui non plus n’aimait pas vraiment la mer et il se demandait bien ce que son frère y trouvait, lui à construire des bateaux et naviguer dès qu’il le pouvait.

- Ne soyez pas désolée, vous n’y êtes pour rien. Un jour j’irai le revoir. Peut-être. Qui sait.

Il aurait pu ou dû sans doute prendre un peu plus de ses nouvelles, mais depuis la mort de Byrnja, leurs chemins s’étaient séparés. Lui avait pris celui des révoltés quand son frère préférait servir l’empire. Il n’avait pas voulu l’impliquer d’une quelconque façon, alors il avait simplement coupé les ponts pour ne pas le mettre en danger inutilement. C’était désormais de l’histoire ancienne. Presque aussi ancienne que celle qu’elle évoquait en riant. Elle se jeta à son bras lui demandant de confirmer ses dires. Eldred secoua la tête, un sourire aux lèvres, jusqu’à ce qu’elle le supplie de l’emmener.

- Tout ce que je voudrais ? N’est-ce pas plutôt l’inverse normalement ? Vous devriez faire attention à ce que vous proposez. la taquina-t-il en disparaissant dans la sellerie.

Plutôt qu’une simple longe, il décida finalement de harnacher complètement la jument. Ne savait-on jamais, peut-être se sentirait-elle l’envie d’y monter sur le retour ? Il entra dans la stalle. Il l’avait déjà pansé un peu plus tôt, il n’y avait donc plus qu’à l’équiper pour partir, ravie, elle s’ébroua à l’idée de se dégourdir les pattes tandis que Lavinia se prenait à le provoquer. Il s’appuya sur le rebord de la porte un petit sourire malicieux en coin.

- Je vous remercie, grâce à vous je sais à quoi occuper mes prochaines insomnies dues à la pleine lune. J’aurais peut-être le loisir de vous surprendre en plein bain ?

Son regard brun étincelait tandis qu’elle renchérissait de plus belle
Je suis déçue… Moi qui pensais qu’en faisant tomber mes habits au bord de l’eau vous me rejoindriez sans rechigner…Je devrais peut être aller soumettre l’idée à Firmin.
- J’avais pour habitude de me baigner dans l’eau gelée vous savez alors ce n’est pas ça qui va m’arrêter. Vous n’avez qu’à demander.

Ce qui n’était somme toute pas faux puisqu’il était l’esclave de son père… Il se retourna afin de mettre le mors en place tout en parlant:

- Quant à Firmin, vous pouvez toujours essayer, mais excepté un haussement de sourcil je crains que le pauvre homme ne vous suive pas.

Il prit les rênes dans une main et lui demanda avant de sortir :

- Vous êtes prête?

Lorsqu’il eut sa validation, il releva le loquet de la porte et sortit avec la jument alezane qu’il garda sur sa droite et plaça la jeune femme à ses côtés. Ils n’eurent pas fait quelques pas qu’il se pencha à son oreille pour murmurer:

- Si vous êtes sage j’essayerai de vous trouver une grenouille endormie

Il fallait plonger les bras et plus dans l’eau glaciale, près de la berge pour essayer de le dénicher, mais Eldred l’avait déjà fait à Zakros. Quand il n’y avait plus rien d’autre à manger que des grenouilles…
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Message par Lavinia de Kergemont Jeu 7 Jan - 8:35

Eldred semblait vouloir la faire languir et, au lieu de lui donner une réponse, souriait comme un éhonté. À force de supplication, surtout de regard équivoque, Lavinia obtint un retour. Pas forcément celui qu’elle attendait, mais si il fallait négocier elle était prête à faire des concessions.

Tout ce que je voudrais ?

Oui, confirma-t-elle. Tout ce que vous voulez. Je suis certaine que vous avez l’imagination très fertile !  

N’est-ce pas plutôt l’inverse normalement ? Vous devriez faire attention à ce que vous proposez.la taquina-t-il en disparaissant dans la sellerie.

Lavinia ne se défila pas, au contraire, elle remonta à la charge. Elle pouvait être têtue quand elle s’y mettait.

L’inverse ? Vous voulez dire que vous vous plierez à toutes mes exigences ? Vous savez je suis prête à aller très loin pour avoir ce que je souhaite. Ce n’est pas une très bonne nouvelle pour vous...

La jeune femme ne faisait pas réelement attention à ce que faisait Eldred. Elle jouait avec lui, s’amusait, cherchait son regard, son sourire, mais elle ne prêtait pas attention à la préparation de la jument. Lorsque le zakrotien s’appuya sur le rebord de la porte avec ce petit sourire en coin, une sensation étrange la saisit, comme des fourmillements. Savait-il ce qu’il dégageait à cet instant précis ? Elle, le papillon de nuit attirée par cette lumière, elle serait prête à s’y brûler.

Je vous remercie, grâce à vous je sais à quoi occuper mes prochaines insomnies dues à la pleine lune. J’aurais peut-être le loisir de vous surprendre en plein bain ?

Elle aurait dû en rougir et même s’en offenser. Mais… l’idée ne lui déplaisait pas du tout, au contraire. Elle vint s’adosser à la porte, à quelques centimètres d’Eldred. Dans cette position, elle pouvait presque sentir son souffle dans sa nuque. elle en était certaine, un sourire franc barrait habillait son visage.

Nous sommes soir de pleine lune aujourd’hui... souffla-t-elle à demi-mot. Il n’est pas impossible que mes pas m'emmènent à un endroit si reculé. Isolé. À l’abri des regards indiscrets...

—-  J’avais pour habitude de me baigner dans l’eau gelée vous savez alors ce n’est pas ça qui va m’arrêter. Vous n’avez qu’à demander.

Alors c’est un rendez-vous entendu...conclut-elle le regard équivoque.

L’atmosphère redevint plus candide à la déclaration d’Eldred concernant Frimin. Il ne lui offrirait qu’un haussement de sourcil ? Elle s’en trouva faussement blessée.

Je ne pensais pas que sans vêtements j’étais aussi peu désirable...

Eldred la fixa du regard un instant sans mot dire. À quoi pensait-il ? Puis, sans transition changea de sujet de conversation. L’avait-elle choquée ? Était-il déçu de son comportement ? Il lui demanda si elle était prête à laisser la jument sortir pour se joindre à leur promenade. Elle accepta quelque peu boudeuse.
L’animal semblait impatient de partir en vadrouille. Elle devait faire un effort, ne serait-ce que pour montrer sa bonne volonté. D’un pas hésitant, elle se plaça aux côtés de la jument. Elle frôla au passage le jeune homme. Elle avait besoin de le sentir près de lui pour faire ce qu’elle s’apprêtait à faire. Sa main s’approcha de la croupe de la jument et elle réussit à y poser sa paume. Un contact fugace de quelques secondes et elle se recula.
[30 Décembre 1597] Pour une caresse sauvage [Terminé] Sans-t10
C’est à ce moment qu’Eldred se pencha à son oreille pour lui murmurer quelques mots.

—  Si vous êtes sage j’essayerai de vous trouver une grenouille endormie

Cela dépend de ce que vous entendez par être sage...

Ils étaient si proche, elle en était sûre, si elle se penchait légèrement leurs lèvres se toucheraient pour de vrai cette fois.
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Message par Eldred Kjaersen Jeu 7 Jan - 17:03

Pour avoir l’imagination fertile, il l’avait. Mais à la question « tout ce que vous voulez », sa réponse était pour le moins pragmatique. « Ma liberté » aurait-il répondu. Car libre, il aurait aisément pu avoir tout le reste. Il lui retourna donc la question.

- Je ne suis que l’humble esclave de votre père, Madame. répondit-il d’une ironique révérence.

Au moins la discussion avait le don de lui faire penser à autre chose que la présence de ces chevaux qui l’effrayait tant. Elle venait donc de l’inviter à un bain de minuit hivernal. Il arqua légèrement un sourcil l’air de dire « Vous avez conscience de ce que vous venez de proposer, petite brindille ? ». Puis il inclina la tête dans un sourire non dissimulé, signe qu’il acceptait le rendez-vous nocturne.


— Je ne pensais pas que sans vêtements j’étais aussi peu désirable...
- Ou bien vous l’êtes trop et c’est pour cela qu’il garde ses distances. rétorqua-t-il aussitôt.

Parlait-il de Firmin ou de lui-même ? Le doute était permis. Il préféra changer de sujet tant qu’il avait la tête encore un tant soit peu froide et lui demanda si elle était prête à sortir. Il la laissa prendre place à ses côtés et se perdit dans son regard lorsqu’elle lui demande ce qu’il entendait par sage. Il était si proche d’elle que… Son cœur s’accéléra et lui embrassa la commissure des lèvres.

- Ca ce n’est pas sage par exemple.

ᛯ ᛯ ᛯ

Après cette petite promenade vivifiante, ils arrivèrent enfin à la fameuse mare située bien loin des jardins ordonnés de Frenn. Quelques roseaux tout autour et une eau gelée d’une fine pellicule de glace. Eldred caressa le museau de la jument qui se mit aussitôt à chercher de quoi brouter, sous la neige.

- Est-ce que cela ressemble à vos souvenirs ? Cela fait combien de temps que vous n’êtes pas venu ici ? demanda-t-il

Il profita un court instant du calme et devant son regard insistant ou suppliant, il déclara, faussement râleur :
- Oui ça va, vous avez été sage j’ai compris.

Il ramassa une longue auprès d’un arbre squelettique et brisa la glace pour sonder sa profondeur : au niveau des berges, il y avait environ un mètre. Les grenouilles ne s’enfouissaient pas dans la vase, mais suffisamment profondément tout de même pour ne pas finir prise dans la glace non plus. Il frappa la surface de l’eau de plusieurs coups de bâton pour agrandir le trou. Heureusement, elle était encore relativement fine, puis il retira cape et tunique. La dernière chose qu’il aurait voulue c’était bien de finir avec des vêtements froids et mouillés. Il s’allongea sur la rive enneigée sans trop prêté gare au froid qui lui saisissait la peau. Sans perdre de temps, il enfonça son bras dans l’eau glaciale. Une vive sensation de brulure s’empara de lui, mais il n’y accorda aucune importance, il se focalisait sur sa recherche. Ses doigts farfouillaient la berge au milieu des racines, cailloux et autres branchages, lorsqu’enfin il sentit une petite forme gluante. Son visage jusque là concentré s’illumina et il en ressortit victorieux une petite grenouille en hibernation qu’il tendit à Lavinia.

- Et voilà la princesse est servie !

Il frotta sans attendre son bras avec de la neige et enfila tunique et cape. Tandis qu’elle observait le batracien, Eldred s’activait à réchauffer sa main engourdie et rougie par le froid, en l’ouvrant puis en la fermant fortement jusqu’à ce que le sang afflux subitement et qu’une douce chaleur coule dans ses veines.
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Message par Lavinia de Kergemont Jeu 7 Jan - 20:35

La mare de son enfance se tenait sous ses yeux ébahis. Certes la saison n'était pas la même que dans son souvenir, mais rien n'avait changé. L'étendue d'eau était restée aussi sauvage qu'à l'époque. Non, ce qui avait changé était le regard qui se posait sur le paysage.


Mise à part que la mare semble beaucoup plus petite… C'est plutôt fidèle à mon souvenir.


Cela fait combien de temps que vous n'êtes pas venu ici ?


Depuis ce souvenir. Depuis que sa mère l'avait quitté. À bien y penser, c'était la dernière fois qu'elle avait été véritablement heureuse.


Cela fait bien ...plus d'une quinzaine d'années..


Lavinia secoua la tête. Il n'était pas temps de replonger dans ces souvenirs là. Pour le moment, elle vivait un moment plutôt agréable, il ne fallait pas le gâcher. 


Elle fit rapidement le tour de mare pour constater qu'aucun signe de vie n'était visible de la surface. Revenue auprès d'Eldred, elle s'agenouilla pour effleurer la surface gêlée et ne put retenir une moue boudeuse. Eldred qui la surpomblait de toute sa hauteur semblait l'observer. Elle cayota son regard bien qu'elle fut en contrebas ne le lâcha pas. Enfin jusqu'à ce que le jeune homme cède à son caprice.


Oui ça va, vous avez été sage j’ai compris.


Lavinia se releva et en sautilla presque de bonheur. Elle se pendit au bras du jeune homme pour lui confesser à l’oreille.


Vous ne savez pas à quel point cela a été un supplice de rester sage…


Et sans lui laisser le temps de réagir elle s’éloigna en gloussant tel une adolescente en émoi. Elle observa Eldred ouvrir une brèche dans cette prison de glace. Sans prévenir, il retira sa cape et sa tunique.


Seigneur Dieu, lâcha-t-elle dans un souffle.


Elle se reprit bien vite. Il y avait de grande chance pour qu’il n'ait pas entendu ses dernières paroles. Lavinia n’osa pas directement poser les yeux sur le corps dénudé du jeune homme. Du moins...au début. Elle scrutait la musculature d’Eldred qui se tendait sous l’effort et la température glaciale. Ce n’est quand apercevant les multiples cicatrices qu’elle étudia franchement le jeune homme. Bien sûr, elle avait remarqué depuis longtemps la marque présente sur sa joue gauche. Cette ligne qu’elle se retenait de caresser avec ses doigts. Pourquoi les cicatrices qu’il portait lui apporter ce charme sauvage alors que les siennes n’étaient qu’une horreur sur son corps ? Elle en avait relevé pas moins de huit sur ses bras et trois sur son large dos. La dernière, lui valu une coloration non équivoque du visage. Elle n’avait remarqué que celle située sur l’aine gauche d’Eldred au moment où il lui présenta le fruit de sa pêche.


Et voilà la princesse est servie !


Lavinia tendit ses mains en coupe et Eldred y déposa une petite chose toute visqueuse. Elle s’assit à même le sol pour prendre le temps d’observer l’animal endormi. Elle était tellement petite. Les yeux de Lavinia pétillaient à la simple vue de cette grenouille. Tout naturellement,  elle se mit à lui parler comme-ci le batracien pouvait la comprendre.


Tu es si petite...nous avons cela en commun.


Elle se mit à caresser doucement la peau lisse de l’animal. Elle sentit une gêne dans ses yeux, mais n’en tint pas compte. Ses yeux pleuraient sans même qu’elle ne le sente.


Je t’envie… J’aimerais pouvoir me cacher ainsi aux yeux des autres. M’endormir sans inquiétude.


Soudain un pincement au cœur la destabilisa. Elle se montait encore égoïste. Comme...elle était vraiment irrécupérable. Est-ce que sortir ainsi l’animal de son habitat allait la blesser ? Voir pire, la tuer ?


Ne t’inquiètes pas, tu ne risques rien avec moi. Je ne te ferai pas de mal...je ne laisserai personne te faire du mal.

Comme elle avait vu faire Edred, elle s’approcha du trous dans la glace. Lavinia tendit le bras dans le but de remettre la grenouille à la place qui était la sienne. À l’abri des hommes.
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Message par Eldred Kjaersen Ven 8 Jan - 10:12

Il sentait la nostalgie la gagner. Il n’avait envisagé que sa question soulève autant de sourire. Quinze ans, cela faisait littéralement une éternité. Il y avait presque une pointe de regret dans sa voix. Il la laissa reprendre ses esprits et lui proposa de partir à la chasse aux grenouilles. Il s’amusa de la voir se réjouir ainsi laissant le voile de tristesse se dissiper.
Eldred n’avait pas d’autres choix que de se dévêtir pour pouvoir plonger le bras dans l’eau gelée, quasiment jusqu’à l’épaule, le temps de dénicher la fameuse grenouille qu’il lui avait promise. Finalement après une quelques petites minutes, il déposa fièrement le petit batracien endormi entre ses mains. Son visage était entièrement rouge. Parce qu’il avait retiré sa tunique ? Il étouffa un petit rire qui se transforma en large sourire tandis qu’il se rhabillait prestement, tout en commentant taquin :

– Je ne pensais pas vous faire cet effet en allant pêcher une grenouille.

Une fois réchauffé, il s’assit à son tour à ses côtés et l’observa, un brin amusé, entretenir une discussion à sens unique avec la visqueuse petite bête.

— Tu es si petite...nous avons cela en commun.
– Mais vous êtes bien plus belle qu’elle. compléta-t-il en penchant la tête de ses petits yeux rieurs.

Elle caressait lentement la peau de l’animal en hibernation et une larme roula soudainement le long de sa joue. Il pouvait sentir toute sa tristesse et même plus encore sa détresse. Elle ne parlait plus vraiment à la grenouille. C’était un écho de sa propre vie et cela lui serra le cœur de la savoir si mal quand lui-même bien qu’il soit privé de sa liberté ne se sentait pas aussi mal. Qui pouvait bien la menacer et l’effrayer à ce point ? Ce n’était pas son père et il exclut d’office une femme. Cela ne pouvait être qu’un homme, et un homme proche d’elle. Il pensa immédiatement à son mari, se souvenant de son malaise face à son père lorsque le sujet avait été abordé. Mais en cherchant bien il y avait également Thierry… Peut-être faisait-elle des cauchemars ? En tout cas, elle n’avait rien à craindre de lui ici, elle était en sécurité alors pourquoi ? Il passa un bras autour de ses épaules.

– Moi non plus je ne laisserai personne vous faire du mal. Vous pouvez compter sur moi.

Bien rapidement néanmoins, elle se leva pour remettre la grenouille à sa place, dans l’eau.

– Vous pouvez la lâcher, n’allez pas vous geler les mains inutilement, elle va se déposer sur le sol et poursuivre sa sieste en toute quiétude.
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Message par Lavinia de Kergemont Ven 8 Jan - 12:18


C’est d’un ton taquin que le jeune homme se moqua de ses rougeurs. Elle ne pouvait décemment pas le laisser avoir raison sur ce point.

Je ne pensais pas vous faire cet effet en allant pêcher une grenouille.

Je… mais non vous vous trompez ! s’indigna-t-elle faussement. Vous m’avez juste surprise voilà tout.

Eldred l’avait rejointe dans la poudreuse. Absorbée par sa contemplation, elle en loupa presque le compliment, si cela en était un, du jeune homme. Elle décida tout de même de lui accorder un petit sourire à sa remarque.
L’espace d’un instant, en délivrant ses caresses à ce petit être si fragile, la carapace qui retenait ses idées noires se fissura. Elle ne retenait plus rien, sa détresse d’ordinaire camouflée transpirait désormais par tous ses pores.

Moi non plus je ne laisserai personne vous faire du mal. Vous pouvez compter sur moi.

À ces mots réconfortants, Lavinia ne savait pas quoi répondre. Eldred dirait-il la même chose s' il connaissait les tenants et aboutissants ? Elle s’empressa de se lever pour libérer le pauvre batracien, mais pas que. Elle devait remettre ses protections à défaut de s’effondrer dans les bras du zakrotien. Sous les conseils du jeune homme, elle laissa la petite créature s’enfoncer d’elle-même dans l’eau.

Lavinia essuya les perles humides de ses joues et revient aux côtés d’Eldred.

Veuillez me pardonner… Je.. Vous savez lors des remontrances de père pour notre baignade dans la mare… J’avais fanfaronné comme quoi le seigneur ne nous punirait pas pour une simple blague…

Elle était si naïve à l’époque, quoi que encore maintenant d’une certaine manière.

Je m’attendai certainement pas qu’à partir de ce jour mère tombe malade. Elle était si fragile... la grossesse s'est mal passée et… elle est partie.

La culpabilité, c’est ce sentiment qui l’habitait à chaque fois qu’elle repensait aux derniers jours de sa mère. Mais pas que… Tout ce qui en avait découlé par la suite, le couvent, le mariage…

Ce jour-là, à Saint-Eustache… je me suis dis que le seigneur avait réclamé son dû pour la mauvaise blague commise par l’enfant que j’étais.

Parlait-elle du décès de sa mort ou bien de l’épisode avec le Père Thierry ? Elle ne savait plus trop car ses mots étaient véridiques pour les deux évènements.
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Message par Eldred Kjaersen Sam 16 Jan - 14:23

Lavinia relâcha le petit batracien dans sa mare en essuyant les quelques larmes qui s’échappèrent de ses paupières. Il ne fit aucune remarque et attendit qu’elle revienne à ses côtés. Lui-même s’était relevé pour ne pas mouiller un peu plus inutilement ses vêtements déjà humides. Elle lui raconta alors la fin de l’anecdote concernant la grenouille et le bain.

- Oh je n’en aurais pas moins attendu de votre sévère père. Je ne crois pas l’avoir entendu déjà rire depuis mon arrivée au château

Il la laissa reprendre et acquiesça avec compassion. Il comprenait sa culpabilité, pourtant ce n’était sans doute qu’un malheureux concours de circonstances, si les choses s’étaient si mal passées. On ne pouvait jamais savoir avec certitude et il en savait quelque chose lui qui partageait cette même culpabilité avec elle. Il ne répondit rien jusqu’au point final de sa déclaration.

- Vous n’y êtes pour rien. Et Dieu non plus. Ce qui s’est passé à Saint Eustache n’est que le fruit d’un curé dépravé. Si ce n’était pas vous, c’en aurait été une autre. Son fils me l’a dit le jour où il m’a menacé du bûcher parce que je l’avais surpris à soudoyer un paroissien. Ce n’est pas la première fois vous savez, alors non vous n’avez pas en vouloir. Que ce soit pour ça ou pour votre mère.

Il espérait que ses paroles sincères pourraient la rassurer et lui faire oublier les sombres pensées qui l’agitaient.
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Message par Lavinia de Kergemont Sam 16 Jan - 23:46

Le fruit d’un curé dépravé… Lavinia pensait avoir enfoui les évènements récents au plus profond de son être, mais comme des flashs aveuglants les images lui revinrent en tête. Ce que le père Thierry avait entrepris était-il une dépravation ? Devait-elle considérer que sa personne avait été entachée ? La scène se rejouait dans son esprit et sa peau la brûlait, la démangeait sur chaque centimètre carré où ses doigts l'avaient frôlé, caressé.


Vous avez besoin de vous asseoir et d’un remontant. Dieu saura vous donner satisfaction, chuchota-t-elle pour elle-même. 


 Elle peinait à contenir son envie de retirer sa toilette pour s'arracher cette peau salie. Elle n’était plus à quelques cicatrices près. Comment avait-elle pu ? Déconnectée, elle ne put s’empêcher de répéter à voix haute les paroles déversées par le curé. Une manière comme une autre de rendre tangible ce qu’elle tentait vainement de refouler. 


Rien ne saurait vous arriver de désagréable et tout est voulu par notre Seigneur


Les paroles d’Eldred étaient vouées à la rassurer, la déculpabiliser, mais le malaise qui lui enserrait à présent les entrailles  ne pouvait pu être refoulé. Lavinia s’éloigna du jeune homme pour tenter de dissimuler sa détresse. Son imagination s’emballa et combla de lui-même la fin des événements si personne n’avait arrêté le religieux. Son souffle, ses mains, le bureau… 


L’esprit imagine bien plus qu’il ne le faudrait. Le Christ affirme que nous devons tous nous aimer…


Elle se sentit défaillir, la nausée la prenait, il fallait qu’elle respire. Comment pouvait-elle être aussi naïve et soumise ? Ce qu’elle avait ressenti en frôlant Eldred, en sentant ses lèvres sur sa peau, ce n’était pas du tout ce à quoi elle avait dû faire face à Saint Eustache. Elle avait laissé le père Thierry faire à sa guise. Ses mains remontaient ses jupons, quelques minutes de plus et…


Tout va bien se passer, Lavinia. Faites-moi confiance.


Elle fut prise de vertiges, la tête lui tournait et ses jambes flageolaient. Elle tenta de s'approcher d’un tronc d’arbre pour s’en servir de soutien, mais elle n’en eût pas eu le temps.  Elle eut quelques secondes d’absence durant lesquelles, elle put admirer le seul enneigé se rapprochait dangereusement.
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Message par Eldred Kjaersen Ven 22 Jan - 9:28

D’un remontant ? De s’asseoir ? Mais de quoi parlait-elle ? Il réalisa à son regard dans le vide qu’elle ne s’adressait pas à lui. Une réminiscence ?  De son agression par Thierry. Eldred n’osa pas intervenir et la laissa dérouler le fil de ses pensées. Il déglutit péniblement en entendant cet écho du passé. Comment avait-il pu dire de pareilles choses ? Jusqu’où était-il allé ? Il avait une furieuse envie de lui fracasser le crâne sur son autel jusqu’à réduire en bouillie sa cervelle de troll vérolé. Il serra son poing et se força à inspirer profondément pour se calmer. Il tendit la main pour la rassurer, mais elle s’échappa, reculant de plusieurs pas en arrière. Ses yeux bruns étaient perdus dans un autre monde peuplé de spectres. Il sentait à sa respiration saccadée s’emballer.  L’esprit imaginait trop. Beaucoup trop. C’était bien le problème. Elle commençait à perdre pied avec la réalité. Ce n’était pas bon du tout.
Il suivit du regard sa main relever ses jupons. Et ses paroles… Non, non, non… Il frissonna à l’image de Thierry attouchant sa petite brindille. Il avait abusé de sa confiance, profité de son instant de faiblesse, usé de son pouvoir. Elle recula encore et encore jusqu’à heurter un tronc. Il la sentit vaciller, tâter l’écorce. Eldred bondit en avant pour lui porter secours alors que ses jambes se dérobaient sous elle.

- Tout va bien, Lavinia… Tout va bien. C’est fini, tout est terminé d’accord ? Tu es à Frenn en sécurité. Il ne t’approchera plus, je te le promets.

Et il pouvait faire cette promesse, car il en avait reçu la consigne même de son père. Il savait donc parfaitement ce qu’il disait : ce maudit curé ne lui ferait plus jamais de mal. Il y veillerait personnellement.
Ce n’est que quelques secondes plus tard qu’il remarqua que sa langue avait encore fourché sur ce vouvoiement qui lui échappait décidément bien trop souvent en sa compagnie. Il n’aurait pas dû faire cela, mais au point où il en était… Il l’attira contre lui et la serra dans ses bras pour l’apaiser en caressant ses longs cheveux bruns.

- Ca va aller, ça va aller. répéta-t-il

Il embrassa le sommet de son crâne et inspira profondément sa douce odeur de forêt printanière.
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Message par Lavinia de Kergemont Ven 22 Jan - 13:12

Elle se perdait dans ses souvenirs, ne faisait plus la différence entre le passé et le présent. Elle luttait avec ses démons qui lui imposait la vision du père Thierry. Finalement, elle n’avait pas réussi à les faire disparaître, qu’elle était bien faible… Tandis qu’elle se débattait avec les fantômes du passé, une voix l'extirpa de ce cauchemar éveillé. Une promesse de sécurité vers laquelle elle se laissa guider.
Eldred la serra contre lui, ses bras protecteurs autour d’elle. Cette tendresse dans ses gestes, elle ne l’avait pas ressenti depuis son enfance, avec sa mère.

Ça va aller, ça va aller. répéta-t-il.

Sous les caresses rassurantes du jeune homme, elle se détendit. Son corps réclamait cette étreinte qui lui permettait de chasser les souvenirs qui l'assaillaient. Elle posa ses mains sur le torse d’Eldred et ses doigts se crispèrent sur sa tunique. Au fond d’elle, elle en avait la certitude, si le jeune homme s’écartait elle s’effondrerait. Elle était vraiment pitoyable à voir… Le pauvre Eldred devait se rire des pitreries d’une noble aussi émotive.

Je… je suis vraiment désolée que vous soyez témoin d’une telle..affliction. Vous permettez que nous restions ainsi quelques instants ?

Quitte à passer pour une pauvre chose sans défense autant en profiter. Au vue de son comportement depuis le début de cette rencontre équestre , ses changements d’humeurs, il ne pouvait que penser avoir à faire à une folle. Qu’elle pitié… C’était de sa faute, même là elle se comportait de façon égoïste et complètement dépravée. Le père Thierry avait sûrement eu raison de se comporter de la sorte avec elle.

J’ai dû lui envoyer des signes positifs pour l’encourager ainsi dans son entreprise, conclut-elle. Je n’ai cru qu’à des frôlements accidentels, anodins ! J’aurais dû réagir plus tôt quand sa main s’est pressée dans mon dos...et il a remonté sa main dans mes cheveux sur ma joue…

Elle se crispa à cette image. Non, il était certain, ce n’était pas ce qu’elle ressentait actuellement pour les caresses d’Eldred qui l’avait habité à l’église.

Je lui ai pourtant dit qu’il était trop proche, mais j’ai paniqué quand il a posé ses doigts sur mes lèvres… J’ai reculé contre le bureau, je pensais avoir le temps de glisser par-dessus mais…

Mais pourquoi lui raconter tout cela ? Il devait en avoir cure ! Ecoutez les déboires d’une femme, et ces frasques bien méritaient avec un autre homme. Elle aurait voulu se dégageait et s’enfuir, ce dont elle avait l’habitude de faire, mais les bras d’Eldred ne semblait pas vouloir la lâcher pour le moment.

Il m’a bloqué sur le bureau et s’est collé… il s’apprêtait à relever mes.. Mon Dieu ! Heureusement qu’elle est entrée pour me sortir de cette situation… Je ne suis qu’une gourde finie. Je mérite ce qu’il m’arrive !

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Message par Eldred Kjaersen Ven 22 Jan - 23:33

Lavinia était lovée dans ses bras. Il tentait de lui faire quitter cet état de détresse comme il le pouvait, en la berçant et en lui parlant. Il essayait tant bien que mal de prendre son esprit par la main pour la ramener à eux, près de cette mare. Cela sembla fonctionner, puisqu’elle semblait s’apaiser.

- Allons c’est parfaitement normal. Vous n’avez rien à vous reprocher. Vous pouvez rester aussi longtemps que vous le souhaitez.

Non seulement ça ne le gênait pas, mais c’était même délicieusement plaisant que de sentir son frêle petit corps contre le sien. Et puis… Il se sentait utile ainsi. La jeune femme lui expliqua de manière plus détaillée de qu’il s’était passé.

- Vous ne pouviez pas savoir. Ce n’est pas le comportement d’un prêtre ordinaire. Du moins, je crois. Et de ce que je sais, malheureusement, vous n’êtes pas la seule de ses victimes.

Lavinia reprit son récit qu’Eldred écoutait avec attention tout en passant une main dans ses cheveux bruns.

- Ne culpabilisez pas. C’est une réaction parfaitement normale que vous avez eue. Encore une fois, vous ne pouviez pas imaginer ce qui allait se passer.

Il frotta tendrement son dos alors qu’elle reprenait de plus belle jusqu’aux jupons… il n’avait pas eu l’intention de ne faire que la caresser. Non. Il avait tenté de la violer et quelque part il était responsable de cette situation. Elle avait beau dire que c’était pour sa mère, elle était sans doute aussi venue un peu pour lui.  Il secoua lentement la tête, navré.

- Je suis vraiment désolé. Si je ne vous avais pas donné rendez-vous là-bas rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne pensais pas… Je m’en veux terriblement… il marqua une courte pause et ajouta vous devriez en parler à votre père, même si c’est délicat. Il saura vous aider j’en suis sûr.

Il en était sûr, pour avoir évoqué le sujet avec lui, que le baron accueillerait avec bienveillance ses confessions -bien que sans doute une forme de colère à l’égard du curé-.

- Vous pouvez lui faire confiance. En tout cas, il a toute la mienne.
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Message par Lavinia de Kergemont Sam 23 Jan - 17:47

Les mains du jeune homme parcouraient son dos en des mouvements rassurants. Lorsqu’elle termina son récit, elle ne s'attendait pas à ce qu’il se sente responsable de sa mésaventure. Elle s’écarta de son torse pour poser un de ses doigts sur ses lèvres.


Ne dites pas des choses comme cela… Vous n’êtes responsable de rien.


Lavinia se détacha à contre coeur d’Eldred et fit quelques pas près de la mare. Elle repensait à leur fameuse rencontre dans les rues. Le hasard qui l’avait conduite à se cogner à lui dans les ruelles et leur trajet vers la boutique d’Irène. Elle s’était tellement sentie libre à ce moment. Libre de dire et faire ce qu’elle voulait sans être jugée. Puis l’invitation du jeune homme lui revint en mémoire.


Et puis, je ne peux prendre qu’à moi. Après tout, vous ne comptiez pas retrouver une inconnue à l’église, n’est-ce pas ?


Il était évident à présent que la proposition avait été faite sur un moment qui s’y prêtait, car elle le provoquait. Mais pourquoi serait-il allé l’attendre là-bas, elle, une noble perdue qui n’avait même pas osé lui donner son identité ? Se confier à son père ? Elle ne pensait pas pouvoir en être capable, pas pour le moment, car si elle devait se confier à ce sujet elle se sentirait obligé de parler d’Antoine...


Si je n’étais pas la fille de votre maître, on ne se serait jamais revu… Vous vous sentez obligé de m’être agréable car il est mon père c’est ça ?


La question lui avait échappé des lèvres. Elle ne comprenait toujours pas comment un homme comme lui avec ce statut d’esclave qui lui collait à la peau s’intéressait à une femme comme elle. En dépit de tout bon sens et du danger encouru.


Vous savez, hésita-t-elle. Ma proposition pour cette nuit… Ce n'était pas un ordre ou quoi que ce soit du genre. Vous n’êtes pas obligé de venir si le cœur ne vous en dit pas…


Elle en frissonna d’avance, elle craignait la réponse qu’Eldred lui servirait. En attendant, elle s’approcha de l’équidé qui était toujours aussi calme depuis leur arrivée. Elle souhaitait tellement caresser sa robe soyeuse, mais sa main restée là figeait à quelques centimètres de ses flancs. Une barrière invisible qu’elle n’arrivait pas à passer seule.
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Message par Eldred Kjaersen Sam 23 Jan - 21:22

Elle avait beau dire… Il était tout de même en partie responsable. Il ne répondit rien pourtant, car il savait que c’était peine perdue. Quand elle fit mine de se reculer, Eldred desserra son étreinte pour lui laisser le champ libre. Sa remarque suivante confirma qu’il avait bien fait de ne pas renchérir.

- Je ne dis jamais des choses que je ne pense pas. se contenta-t-il de répondre.

Et c’était la plus pure vérité. D’ailleurs, il ne mentait pour ainsi dire jamais. Omettre oui, dissimuler oui. Mentir, non. Il lui avait proposé l’église, car il savait que c’était un endroit où il pouvait aller facilement et régulièrement. Et puis ce n’était pas aussi grand, ni aussi ouvert que le marché. Bref, sur l’instant cela lui avait paru être une bonne idée. Et puis le prêtre n’était de retour que depuis le début du mois alors il n’avait pas vraiment pris la mesure des choses encore… La question suivante le laissa encore plus pantois. Être obligé ? Non. Enfin, il y avait des limites à sa dévotion. Et prendre dans ses bras la fille de son maitre n’en faisait clairement pas partie. Il secoua la tête lentement.

- Vous n’y êtes pas du tout. À choisir, j’aurais préféré que vous soyez la fille de n’importe qui d’autre. Vraiment, croyez-moi. J’ai juré de le servir et en tant qu’homme pas en tant qu’esclave, mais cela ne vous concerne en rien.

Enfin sauf si on exceptait les demandes de son père à ce sujet. Comme celle de l’empêcher d’approcher Thierry par exemple. Il doutait fortement néanmoins que la consoler ne fasse partie de ses prérogatives. D’ailleurs ça n’avait pas de sens de s’embourber dans cette relation qui n’avait aucun avenir si ce n’était une funeste fin ou une fin tout court.

- Vous venez de le dire vous-même: c’est une proposition. Et c’est pour ça que je viendrais. Vous savez, être esclave ne m’enlève pas mon libre arbitre quoiqu’en pensent certains. J’ai de la chance d’être ici à Frenn. Votre père n’a jamais abusé de ma condition, bien au contraire. Mais si un jour j’estime que ses ordres sont contraires à ma morale ou à ma vision, je désobéirai sans états d’âme quoi que cela en coûte.

Et c’était pour cela qu’il désobéissait et qu’il y serait. Il braverait un interdit pour venir la retrouver, parce qu’il en avait envie, qu’importe les sanctions encourues, il ne comptait pas se priver de passer un moment en sa compagnie. Le choix avait été vite fait. En fait, il n’avait même pas hésité.

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Message par Lavinia de Kergemont Dim 24 Jan - 10:30

Lavinia n’avait jamais été aussi enjouée de la sorte. Un homme s’intéressait vraiment à elle pour qui elle était et non son titre ou bien ce qu’elle pouvait lui offrir en termes de relations. Il venait de lui avouer qu’il aurait préféré qu’elle soit la fille de quelqu’un d’autre et qu’il était prêt à prendre tous les risques pour partager des moments avec elle. Ces déclarations lui réchauffaient le cœur. Pourquoi ce jeune homme ne s’était pas présenté libre des années auparavant, avant qu’elle ne soit promise ? Pour sûre elle n’aurait pas hésiter à s’enfuir…


La jeune femme secoua la tête pour se sortir ses dévagations de son esprit. On ne pouvait pas refaire le passé, mais il y avait peut-être un espoir pour le futur. Si elle avait proposé une sortie nocturne à Eldred, c’était que toutes les conditions étaient réunies pour le faire sans être en grand danger. Son père était de sortie ce soir et il lui avait permis de rester dormir sur place. Etrangement, son père la pensait plus en sécurité entre les murs de Frenn que dans sa propre résidence. 


Elle repassa en revue les toilettes qu’elle avait laissées ici, au cas où, pour savoir laquelle elle porterait ce soir. Son cœur s’emballa, on aurait dit une jeune fille se préparant à rencontrer son premier amour… Ridicule. Elle était tout bonnement ridicule. Son cœur battait pour un homme pour la première fois… à son âge, c’était tellement triste et pitoyable à la fois.


  Je n’ai que trop abusé de votre temps… Vous avez sûrement plein d’autres choses à faire d’intéressant ?   


Lavinia invita Eldred à retourner à l’écurie. Cela la peinait, mais elle ne devait pas abuser du jeune homme de peur de lui apporter des problèmes. Ils s’étaient déjà absentés depuis un moment, et elle était sûre que Firmin, lui, était déjà de retour. Sur le chemin du retour, elle s'était mise aux côtés du jeune homme, de sorte de poser ses mains près des siennes sur les rênes. Elle n’était pas vraiment à son aise si proche de l’animal, mais les frôlements de son corps avec celui d’Eldred compensait largement cela.


Ils s’approchaient dangereusement de la bâtisse, Lavinia en profita pour échanger avec le jeune homme une dernière fois avant qu’elle ne doive surveiller ses mots.

  Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais… Mon père est de sortie ce soir et à ses dires, il ne sera pas de retour avant un bon moment…Et je suis d’humeur joueuse en ce moment ! 
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