[12 Décembre 1597] Comme un vent de trahison (solo)

La silhouette encapuchonnée se plaqua contre une bâtisse. Le cœur battant, elle regarda l’objet de sa filature hausser les épaules puis continuer sa route. Dans la ruelle plongée dans les ténèbres de la nuit, le jeune espion continua de suivre à bonne distance cette ombre familière. Tout en marchant, il songeait à la raison de son départ.

Le jeune homme descendait demander un verre de lait aux cuisines quand il avait aperçu au détour d’un couloir, son père se diriger vers la sortie, chaussé et emmitouflé dans sa cape.

"- Où allez-vous, Père, avait-il demandé, interloqué.

- Je…sors prendre un peu l’air.

- Puis-je vous accompagner en ce cas ? Je ne parviens pas à trouver le sommeil…

- Par ce froid ? C’est hors de question. Dois-je vous rappeler ce qu’il s’est passé la dernière fois que vous êtes allé batifoler dans la neige ? Je pensais que votre instructeur vous avait appris à ne pas vous mêler des affaires qui ne vous concernent pas."

Sur ces paroles sévères, il lui avait tourné le dos, non sans lui ordonner d’aller se coucher. Le jeune homme était resté quelques instants planté au milieu du corridor, avant de décider de prendre son père en filature, mû par il ne savait quel instinct et peu convaincu par cet alibi. Où se rendait-il donc si tard dans la nuit ?

Nehalan poussa un soupir, qui se matérialisa par un nuage de buée qu’il distinguait à peine à la lueur de la lune. Il allait bientôt le savoir. Son père s’était arrêté devant une imposante bâtisse, d’où s’échappaient de nombreux rires gras. Caché non loin de là, le jeune homme regarda son paternel frapper quelques coups discrets à la porte qui s’ouvrit sur une jeune femme étrangement apprêtée, qui le fit entrer.

Qui Monsieur votre Père allait-il retrouver dans cette étrange auberge qui avait pour seule enseigne, une lanterne rougeoyante accrochée au-dessus de la porte ? Il n’y avait aucun volet sur les fenêtres. Sans avoir à entrer, il pourrait jeter un coup d’œil et ainsi avoir le cœur net sur les activités louches de son père. Il patienta encore quelques instants, puis s’approcha à pas de loups de la fenêtre la plus proche.

Ce qu’il vit au tr avers des carreaux le sidéra. Des femmes, dont la tenue fit rivaliser son visage avec la plus pourpre des roses, et des hommes qui s’approchaient d’elles pour les… palper ? avec un sourire qu’il ne parvenait pas à identifier, avant d’en désigner une du doigt. Les couples ainsi formés disparaissaient ensuite derrière des portes menant il ne savait où.

Nehalan se laissa choir contre le mur. Ces hommes et ces femmes qui s’éclipsaient derrière des portes, étaient-ils en train de faire… la chose ? Cette activité à laquelle s’adonnaient les jeunes mariés ? Mais, ces gens ne se mariaient pas entre eux, il en était certain. Et son père alors ? S’il venait ici, cela signifiait-il qu’il allait faire…la chose, le jeune homme dégluti, avec une autre femme que sa mère ? Pourtant ils étaient unis par les liens sacrés du mariage. Lui et ses frères étaient le fruit même de cette union. Il était persuadé que la présence de son père dans cet établissement était un délit, un manque d’honneur envers sa mère. Il eu un second haut le cœur. Monsieur votre Père ne représentait pas une figure aussi parfaite qu’il avait bien pu le penser.

Son estomac se tordit. Des nuages noirs de cendres s’entassaient derrière son front, jusqu’à emplir tout l’espace disponible. Une force extérieure aspirait ses entrailles, frappait contre ses tempes, Son estomac se tordit. Des nuages noirs de cendres s’entassaient derrière son front, jusqu’à emplir tout l’espace disponible. Une force extérieure aspirait ses entrailles, frappait contre ses tempes, enserrait son cœur dans un étau de métal froid. Il mourrait d’envie de se rouler en boule, là dans la fange ou… non, d’attendre son traître de père de pied ferme, de le confronter à ses actes. Nehalan renversa sa tête en arrière, les yeux exorbités, pris d’un rire cynique qu’il ne se connaissait pas, mêlé de longs sanglots hachés. Lui ? Tenir tête à son père ? Comme s’il en était capable ? Il n’était qu’un stupide gamin asthmatique plus fragile qu’un vieillard, que l’on devait enfermer, de peur qu’il ne lui arrive quelque chose. In capable de se défendre. Il n’était bon qu’à jouer du clavecin et sourire gentiment quand on le lui ordonnait. Les bêtes de chasse de son…chien – cracha-t-il presque – de père, avaient plus d’utilité et de liberté que lui. Alors confronter ce Monsieur votre Père qu’il avait tant admiré ? Jamais. Jamais il ne pourrait faire une chose pareille.

Un gémissement au-dessus de lui le ramena à la réalité. Puisqu’il était incapable de lui faire face, il ne fallait pas que le Traître le trouve ici. Il se leva brusquement, chancela, puis se laissa guider au hasard des ruelles sombres, pourvu qu’il s’éloignât de cet endroit maudit, la destination lui importait peu.