[RP solo] 27 Décembre 1597 - Les flammes de la jeunesse montent et descendent

Après tous ces derniers événements, la vie pouvait reprendre un cours normal. Sans frayeur. Cassandre n'avait plus à redouter à chaque minute qui s'écoulait que son ami Hyriel ne soit condamné à une mort effroyable. Il ne restait plus à présent qu'à panser les plaies. Elle retournerait tout à l'heure, une fois les courses faites, au château de la Vega et se pencherait sur les plaies du malheureux guérisseur. pour une fois, ce serait à elle d'utiliser des baumes sur lui. Comme elle le faisait depuis plusieurs jours avec Louise dont les blessures vives du fouet avaient creusé d'horribles sillons dans son dos. Quel royaume affreux ! Elle pouvait comprendre le besoin judicaire de punir les coupables d'un crime. Les meurtres, les vols, les arnaques, les viols... Les abominations dont certains humains se rendaient capables n'étaient pas pardonnables devaient être châtiés. Mais pourquoi imaginer des châtiments qui faisaient à ce point souffrir les personnes ? Et pourquoi la justice ne se montrait-elle pas un peu plus humaine sur les causes qui avaient contraint les individus à enfreindre la loi ? La faim, par exemple, ou voir ses enfants avoir faim, devrait plaider ans la défense de l'accusé.

Mais tous ces gens qui décidaient les lois, ils n'avaient jamais eu faim. Ils ne pouvaient pas comprendre.

Cassandre s'immobilisa, le panier sous les bras, et observa le ciel grisâtre.

Que pouvait-elle faire au juste ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus.
Elle se sentait seule.
Perdue.

Alors qu'elle se remettait à avancer, son regard surprit une silhouette connue qui achetait des sucreries. Cassandre se figea et recula. Elle ne voulait pas le voir. Et surtout qu'il la voit. La fillette se rappelait de ses déductions faires lorsqu'elle parlait au cardinal Cassain en évoquant le pardon et les actes mauvais que l'on avait pu commettre. De ses mauvaises farces juste parce qu'elle ne l'aimait pas. Parce qu'au préalable, dès le premier jour, il lui avait témoigné de la gentillesse. Elle avait honte. Cassandre secoua la tête. Elle savait bien ce qui devait être. Elle ne se refusait à se conduire comme l'imbécile qui attendait une invitation de son frère pour présenter des excuses.

Rassemblant son courage, Cassandre s'avança, lentement, et tira la manche de la veste de l'infirme.

"Euh... Alexandre ?"

Elle baissa les yeux, honteuse, et murmura sus son regard incrédule :

"Je suis désolée. Sincèrement désolée. Pour toutes ces farces que j'ai faite. Pour t'avoir envoyé inutilement faire des courses inutiles à l'autre bout de la ville.  Pour avoir pris plaisir à... à dire que j'étais la fille de la maison et toi juste l'esclave. Je... Je me suis comportée comme une très méchante petite fille."

Alduis l'avait excusé à la caserne pour ses paroles affreuses. Mais Alexandre le ferait sûrement. Elle n'avait eu de cesse de l'humilier pendant plusieurs jours, depuis le moment il était revenu des colonies. C'était bien trop douloureux pour ne pas lui en garde rancune.

"je.. Je vais te laisser. Pardon... de t'avoir dérangé".

Elle se recula de quelques pas, ne s'attendant pas à être retenue.

Alexandre la pardonnait ?
Cassandre l'observait confuse, et ne comprenait pas.

"Pourquoi... ?"

Alduis aussi lui avait pardonné.
Mais elle n'avait pas compris pourquoi non plus.
Normalement, les gens ne pardonnaient pas. sauf Sylvère.
Un certain cardinal, lui, refusait de pardonner. Peu importaient les arguments données et la manière utilisée.
Alors, pourquoi Alexandre et Alduis le faisaient ? parce qu'ils étaient des sodomites ? peut-être. Risquer sa vie sur le bûcher, ça rendait sûrement plus tolérant. Ou alors les sodomites, contrairement à tut ce qu'on disait, c'étaient des personnes gentilles ? Trop gentilles même. C'était pas juste alors de les condamner. Elles agissaient bien au contraire. Mais dans ce monde, être gentil, c'était un crime. Les gens gentils se faisaient écraser. Comme sa grande sœur, soumise par le cochon qui lui servait de mari.

Alexandre reprit la parole pour lui demander comment lui était venue sa repentance. Elle baissa la tête.

"C'est.. compliqué. Quand Irène accouchait, ça allait pas bien. Je voulais que le cardinal Cassain se décide à appeler le guérisseur, soutenue par oncle Joseph. Mais il refusait d'entendre. Il était buté et en colère. Comme... comme moi. J'ai voulu me débarrasser de ma colère. De lui montrer comment pardonner à ceux que je pensais m'avoir fait du mal. Mais toi.. Toi, je me trompais. J'ai mal agi depuis le début. Quand tu m'as témoigné de la gentillesse en m'écartant du lupanar, j'ai pris ça pour de la faiblesse. Et je t'ai détesté. Et quand tu venais pour m'aider, je me sentais... Je ne voulais pas d'aide. J'ai fui. J'ai fui comme je fuis encore Tristan. J'ai peur de l'affronter. Car je me sens coupable pour son enlèvement. Une partie de moi au t'associer à ça aussi. Alors que c'était pas ta faute. Ni la mienne. Et quand j'ai commencé mes farces, j'aimais te dominer. je trouvais ça drôle. Sans me rappeler que je trouvais ça détestable quand on me faisait pareil au lupanar."

Sa voix vibrait, tintée par la culpabilité.

"Pourtant, je le savais. Je le savais que je me comportais mal. Mais c'était... rôle. Et j'ai aimé ça de te dominer. Quand j'y pense, c'est vraiment effrayant de voir à quel point c'est facile d'apprécier de dominer les gens."

Cassandre ne sut pas quoi dire de plus. Elle garda la tête baissée, les bas ballants le long du corps.

Normalement, un tapotement de al tête, Cassandre aurait grogné. Mais ce n'était pas un geste belliqueux. Elle devait se contrôler. Même si c'était difficile. Sylvère lui avait dit que mordre le premier, comme les chiens, ne permettaient de construire des relations saines. Qu'elle ne pourrait qu'être agressive. Alors la fillette prit sur elle pour ne pas repousser la main d'Alexandre.

Elle l'entendit par contre, surprise, évoquer Ysengrin puisse rappeler des paroles de son grand frère. C'était son ami. Il avait même été inquiet quand elle lui avait rapporté l'arrestation. Alexandre s'excusait à son tour pour les dénonciations faites au château de Frenn. Elles lui restaient au travers de la gorge. Un esclave dénonçant des gens... Pour elle, ça restait un crime. Elle brûlait de répliquer qu'elle lui en voulait toujours pour ça. Mais c'était mal, ça. C'était se comporter comme le cardinal Cassain. Et puis, c'était aussi sa faute. Alexandre était allé là-bas en premier lieu pour parler de ses bêtises. Si elle avait été sage, il n'aurait peut-être pas eu à dessiner les nouveaux portraits de Sylvère et Hyriel.

Cassandre se mordit les lèvres.
C'était aussi sa faute.
Quand on voulait défendre la justice, on devait aussi reconnaître ses propres erreurs.

Elle se mordit à nouveau les lèvres.
Les mots allaient être difficiles à dire.

"Je..."

Cassandre déglutit.
Elle revoyait ces portraits affreux punaisés au mur, puis Hyriel dans sa cellule affreuse, Louise flagellé...  Tout revenait à son esprit. C'était si douloureux.
Mais elle avait qu'elle voulait bien agir. Et bien agir, ça voulait aussi dire faire des choses qu'on ne voulait pas faire. Elle ne voulait pas pardonner à Alexandre. Mais il lui avait pardonné, lui. Comme Alduis lui avait aussi pardonné. alors...
Alors...

Cassandre prit une inspiration et réussit enfin à libérer ces trois mots qui voulaient rester en elle.

"Je te pardonne."

C'était la bonne à faire.
La chose juste.
Alors, elle ne devait pas avoir de regrets.

Alexandre changea presque aussitôt de sujet et évoqua Ysengrin. Son grand frère à elle. Alors, ils se  connaissaient depuis si longtemps ? C'était curieux d'avoir été séparé comme ça et de se revoir Comme par hasard. Ou par une volonté divine ? Elle balaya aussitôt cette hypothèse. Non, Toutes ces fables n'existaient pas. C'étaient les faibles, comme le cardinal Cassain, qui se raccrochaient à ces histoires et qui refusaient d'écouter une autre vérité que celle qu'elles prenaient pour acquises. Sylvère, Hyriel et les trois amis de la forêt ne croyaient pas eux non plus. Ils ne savaient même le bénédicité. C'était bien la preuve que les gens intelligents n'avaient pas besoin de Dieu. Ils croyaient en eux et leurs capacités. C'était tout ce qui comptait.

Finalement, Alexandre orienta la discussion vers Irène et demanda de ses nouvelles. Le visage de Cassandre s'illumina.

Oh oui ! Elle a pas donné naissance à un enfant, mais à deux ! On appelle ça des jumeaux ! Tu savais que ça existait, toi ? Mais ils sont tous petits ! C'est embêtant ! J'ai peur de les prendre ou de les faire tomber, moi. Je préfère jouer avec Ludovic. et puis, il faut continuer à s'occuper de lui. Sinon il va se sentir seul et c'est pas bien, ça !"